En pénétrant sur le site du château de la Roche-Courbon, en Charente Maritime, on éprouve une sorte de stupéfaction ravie. Établi fièrement sur un solide éperon rocheux et entouré de forêts, il surplombe des jardins dignes des plus beaux palais.
Bien qu'ils ne fussent a priori pas très hospitaliers, et bien qu'ils soient restés à l'écart des métropoles et des grands circuits touristiques, ces lieux sont chargés d'histoire.
Au pied du massif pierreux se lovait depuis la nuit des temps un modeste cours d'eau, le Bruant, faisant un trait d'union entre la Charente et de vastes et pestilentiels marais environnants.
Au pied du massif pierreux se lovait depuis la nuit des temps un modeste cours d'eau, le Bruant, faisant un trait d'union entre la Charente et de vastes et pestilentiels marais environnants.
L'endroit fut habité depuis la préhistoire comme en témoignent des grottes gardant les vestiges d'aménagements mobiliers. Durant le Moyen-âge, une première place forte fut édifiée, dont il ne reste quasi rien sinon un monumental mur d'enceinte. La guerre de cent ans eut raison de l'édifice.
Il fallut attendre le début du XVIIè siècle pour que l'audacieux et inspiré marquis Jean-Louis de Courbon, se mettre en devoir de transformer ces ruines en un élégant domaine, empreint des harmonies puisées au meilleur classicisme.
En contrebas, le terrain vallonné et humide se prêtait idéalement à la création de jardins. Bien avant Versailles, un magnifique parc fut ainsi créé pour servir d'écrin à la noble et puissante demeure.
Hélas, avec la Révolution puis l'Empire, commença une nouvelle époque de déclin. Ni les bâtiments, ni les jardins ne furent entretenus et les forêts furent mises en coupe réglée au bénéfice du juteux commerce du bois.
Au début du XXè siècle, Pierre Loti, qui depuis l'enfance passait ses vacances dans le village de Saint-Porchaire tout proche, se prit de tendresse pour l'endroit qui lui évoquait le château de la Belle au Bois Dormant. Désespéré par l'inexorable déchéance des lieux, il se fendit d'un vibrant appel à la générosité de mécènes, publié en 1908 par le Figaro. Sa supplique fut entendue par un riche fabricant de conserves alimentaires du pays, Paul Chénereau.
Cet homme que le métier avait habitué à des tâches bien plus triviales et qui avait sûrement avant toute chose, le souci de rentabilité chevillé au corps, abandonna par un étrange mystère toute "raison raisonnante", et tout esprit pratique, en décidant de relever le gant de cette aventure insensée.
Il lui fallut plus de dix ans pour donner une nouvelle jeunesse à l'ensemble, en restaurant de fond en comble les bâtiments, en même temps que les jardins étaient entièrement redessinés, gagnant notamment de splendides bassins dans lesquels la demeure peut se refléter en majesté.
Nonobstant le succès de cette entreprise, beaucoup de déconvenues suivirent hélas cette remise en état, notamment le retour imprévu des marais qui submergèrent les pièces d'eaux et dévastèrent allées, terrasses, gazons et balustrades. Il fallut tout reprendre à zéro en stabilisant le terrain par l'immersion de milliers de pieux en bois enfoncés parfois jusqu'à plus de 10 mètres de profondeur dans le sol. Qui peut se douter lorsqu'il se promène dans les belles allées et qu'il laisse aller son regard vers la délicate ligne de fuite s'élevant gracieusement vers un charmant belvédère orné d'une cascade, qu'il s'agit d'un jardin de conception "suspendue" défiant l'entendement ?
Grâce à ces gigantesques travaux, le domaine est redevenu un havre délicieux, imprégné de l'atmosphère du Grand Siècle. Et grâce à un partenariat intelligent entre les actuels propriétaires et les Pouvoirs Publics, le sauvetage semble cette fois pérennisé.
Moyennant une modeste contribution, chacun peut s'y promener et songer à ce qui illustre le mieux ce qu'on appelle l'esprit français. J'aime la douceur typiquement saintongeaise qui imprègne ce site magique. J'aime cette belle pierre blanche qui fait vibrer la lumière, j'aime ces nobles perspectives où l'ordre est au service de l'harmonie, et j'aime en ce début de juin, l'odeur douce des fleurs de tilleuls tombant sur ma tête lorsque je flâne dans les contre-allées, desquelles le spectacle est une douce féerie.
Cette promenade trouve d'inattendus prolongements dans l'actualité, à propos de la fortune dont jouissent certains privilégiés et du caractère néfaste qu'elle revêtirait par nature.
Il ne s'agit pas d'évoquer ici l'affaire Bettencourt sur laquelle les médias s’appesantissent avec une morbide satisfaction. Plutôt les déclarations d'intention faites récemment par Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, suivies de celles du premier ministre François Fillon. Le premier déclare envisager "d'encadrer les rémunérations extravagantes", le second carrément de taxer les sociétés qui les versent à leurs patrons.
J'avoue ne pas comprendre le zèle décidément insatiable que met l'Etat, tous partis confondus, à s'ériger en institution moralisatrice et en régulateur tatillon de tous nos faits et gestes.
Loin de choquer, l'histoire du château de la Roche-Courbon offre une occasion de se réjouir et en ce qui me concerne, je m'émerveille de voir des fortunes aussi bien employées. Ne serait-il pas judicieux pour les gouvernants d'encourager ce genre d'action plutôt que de sanctionner par avance et sur des critères arbitraires, des individus dont le seul tort est de gagner beaucoup d'argent ?
Au nom de quoi l'Etat s'arroge le pouvoir de définir le niveau adéquat des salaires ? Le SMIC, qui fait partie du même catalogue de bonnes intentions pharisiennes est à bien des égards pervers, puisqu'il offre aux employeurs une occasion inespérée d'aligner les rémunérations sur le niveau le plus bas. Peut-on honnêtement imaginer que la limitation par le haut des revenus soit de nature à libérer les initiatives, à vaincre la cupidité ou à éteindre les jalousies ? Une chose est sûre : ce faisant, on tue le rêve...
Venant d'un gouvernement dit de droite, et parait-il ultra-libéral, cette nouvelle vexation d'inspiration typiquement socialiste est particulièrement absurde. Totalement inefficace au plan économique, elle n'est certainement pas de nature à restaurer la confiance. Elle témoigne hélas de l'aversion tenace de la France pour ses entrepreneurs, pour ses riches et pour tout ce qui est libre et indépendant de l'emprise étatique. Et elle fait craindre que même après la mort du communisme, le nivellement par le bas reste la référence incontournable de la politique en France...