Dans
le discours des principaux candidats à la présidentielle, un mot
revient de manière obsédante : la croissance.
On
ne parle que d'elle, et les programmes chantent à l'unisson le
refrain de son retour. Un peu à la manière des Indiens qui se
livraient à des incantations mystiques pour faire venir la pluie
fécondante.
La
croissance, non seulement nos grands chefs l'espèrent, mais ils
anticipent joyeusement son embellie prochaine et misent tout ou quasi
sur cette hypothèse... qui pourtant est une des plus improbables qui
soient, à ce jour !
Par
exemple le cher François Hollande, expert en trompe-l'oeil et
artifices en tous genres, indique le bec enfariné (sans jeu de mot), qu'en se contentant de
ne pas augmenter trop les dépenses publiques, celles-ci diminueront
«en % du PIB », par la simple mécanique de la croissance,
qu'il aura tôt fait de doper avec son gouvernement « de
changement ». On se demande bien pourquoi on n'y avait pas
pensé plus tôt !
Il
n'échappe à personne que la croissance à l'instant présent est
plus raplapla que jamais, et nul besoin de sortir d'une grande école
pour supputer que ce n'est pas la substance des mesures annoncées
qui sera de nature à la revigorer.
On
a beau gratter, chercher, tenter de débusquer les mesures
libératrices, on ne trouve que l'inverse : des taxes nouvelles,
des impôts renforcés, des tombereaux de réglementations, et
toujours plus de bureaucratie, toujours plus d'étatisme. Exactement
comme si, faute d'avoir obtenu les résultats escomptés avec une
thérapeutique dont on aurait progressivement augmenté les
posologies, on en déduisait qu'il fallait doubler la dose ! Sans doute est-ce l'application de l'adage Nietzschéen qui affirme que ce qui ne tue pas rend plus fort...
D'ailleurs
on s'interroge sur les raisons qui poussent aujourd'hui les
politiciens à souhaiter que s'emballe la machine à produire des
richesses. Les Socialistes n'ont que mépris pour ces dernières
qu'ils veulent réduire et asservir par tous les moyens. Quant aux
Ecologistes, ils vantaient carrément la décroissance, et leur
programme actuel en garde encore les stigmates, puisqu'ils réclament
à grands cris la fermeture accélérée des centrales nucléaires,
source principale d'énergie dans notre pays, et la réduction du
temps de travail à 32 heures par semaine !
Même
le président de la République crut bon de s'insurger contre le
moteur du capitalisme dont il fustigea la mécanique diabolique avec
des accents empruntés à la Ligue Communiste Révolutionnaire ! Croit-il vraiment aujourd'hui
lui donner un nouveau souffle en lui infligeant sa taxe Tobin et une
nouvelle TVA ?
Bref, la
France asphyxiée depuis des lustres par les taxes, engluée dans les
régulations ubuesques, engourdie par les grèves incessantes,
plombée par un ruineux et inefficace modèle social, affiche depuis
des lustres un taux de croissance misérable. Et plus l'Etat accentue sa
pression soi-disant bienfaitrice sur les forces vives de la Nation,
plus la croissance s'anémie...
Cette
situation n'est pas sans rappeler les diagnostics*
frappés au coin du bon sens que porta jadis l'économiste
Jean-Baptiste Say (1767-1832)
A
l'aube du XIXè siècle industriel, il s'amusait des Diafoirus qui
prétendaient que les nations occidentales étaient « devenues
riches et puissantes, parce qu’on avait surchargé d’entraves
leur industrie, et parce qu’on avait grevé d’impôts les revenus
des particuliers ». En réalité, il fallait trouver selon
lui, les vraies raisons de cet essor avant tout dans le recul des
croyances, dans les formidables progrès scientifiques, et dans ceux
de la navigation. Ce qui l’amenait à conclure à l’inverse « que
la prospérité de ces mêmes états serait bien plus grande s’ils
avaient été assujettis à un régime plus éclairé... »
Illustrant
sa théorie des débouchés, il prenait l’exemple navrant de
l’accumulation dans les ports brésiliens de marchandises d’origine
anglaise invendues. Il remarquait que: « le Brésil vaste et
favorisé par la nature, pourrait absorber cent fois les marchandises
anglaises qui s’y engorgent et ne s’y vendent pas ; mais il
faudrait que le Brésil produisît tout ce qu’il peut produire ;
et comment ce pauvre Brésil y réussirait-il ? Tous les efforts
des citoyens y sont paralysés par l’administration. Une branche
d’industrie promet-elle des bénéfices, le pouvoir s’en empare
et la tue. Quelqu’un trouve-t-il une pierre précieuse, on lui la
prend. Le bel encouragement pour en chercher d’autres, et s’en
servir à acheter les marchandises d’Europe ! ».
Hélas,
aujourd'hui que le progrès technique semble marquer le pas, que les
impôts et entraves administratives ont atteint un poids vertigineux,
mais que souffle comme jamais le vent de la pensée unique, comment
faire entendre cela ?
*
Jean-Baptiste SAY : traité d'Economie Politique
Illustration : interprétation personnelle de la France, prête pour la croissance...
Illustration : interprétation personnelle de la France, prête pour la croissance...