On connaissait l'humour décapant et le talent picaresque de Samuel Langorne Clemens dit Mark Twain (1835-1910), on savait moins qu'il entretenait une liaison plutôt contrastée avec la France. Relevant de l'amour vache en quelque sorte.
Les Editions de Paris ont pris l'initiative de réunir récemment quelques textes caustiques* dans lesquels l'auteur des aventures de Huckleberry Finn, s'épanche au sujet de notre pays. Certains étaient inédits, d'autres sont extraits du récit de voyage The Innocents Abroad. D'une manière générale, ils valent leur pesant de cacahuètes.
On y trouve notamment une violente satire des Français qu'il prend la liberté de comparer aux Comanches ! C'est d'autant plus iconoclaste qu'il donne à bien des égards, l'avantage aux Indiens...
En gros, il fait le reproche aux citoyens de l'Hexagone de nourrir un penchant aussi avéré que détestable pour les luttes fratricides : "Les Comanches occupent un rang supérieur aux Français au moins sur un point : ils ne se battent pas entre eux, alors que le passe-temps favori des Français, depuis toujours, consiste à s'exterminer mutuellement par le fer et par le feu".
Sur ce plan selon lui, "la Saint-Barthélemy, fut incontestablement le modèle le plus accompli jamais réalisé dans le monde". Vient ensuite la Révolution pendant laquelle "l'ingéniosité française a atteint son point culminant, quand les Révolutionnaires attachèrent des femmes nues à des hommes nus, et les jetèrent dans le fleuve..."
Évidemment, Mark Twain cultive avec délectation la caricature. N'empêche, à bien y réfléchir, il n'a pas complètement tort. Les haines assez binaires qu'on voit encore de nos jours s'exprimer lors de maintes confrontations idéologiques ou sociales, témoignent de cet esprit de querelle et de détestation réciproque. Le renvoi permanent de tout débat, aux sombres références des années quarante, est également un stigmate de cette tendance à diaboliser l'autre, de cette vraie névrose qui consiste à s'obséder de manière manichéenne et ridicule sur la distribution des rôles de salauds et de héros. Au plan politique enfin, peu de pays cultivent encore avec autant d'obstination que nous, le fantasme rétrograde de la lutte des classes, et du Grand Soir.
L'autre sujet d'étonnement de l'écrivain américain est l'aptitude apparente du peuple français à se soumettre aux dirigeants "à poigne", et d'une manière générale aux grands principes intangibles.
Capables de se muer en tigres s'ils sont contrariés ou simplement laissés un peu trop libres, les Français sont des lapins faciles à dresser pour ceux qui savent s'y prendre. Ainsi Louis XVI, trop faible et dont ce n'était pas "le style de faire les choses au bon moment" se trouva submergé par un torrent de violence, qui lui fit perdre la tête en même temps qu'il mit à bas l'ancestrale monarchie dont il était l'héritier maudit. Napoléon en revanche, "qui porta l'esprit militaire jusqu'aux cimes de la perfection, lorsqu'il le jugea bon, fit reprendre à la nation son ancienne peau de lapin, lui mit son pied sur le cou, et les Français le glorifièrent pour cela."
Au passage, Mark Twain observe que "s'il est convenablement discipliné et entrainé" le Français peut devenir "le plus redoutable des soldats", et que si on exploite habilement sa vanité on le rend "capable de tenter des miracles dans tous les domaines, art, industrie, politique, littérature..."
Capables de se muer en tigres s'ils sont contrariés ou simplement laissés un peu trop libres, les Français sont des lapins faciles à dresser pour ceux qui savent s'y prendre. Ainsi Louis XVI, trop faible et dont ce n'était pas "le style de faire les choses au bon moment" se trouva submergé par un torrent de violence, qui lui fit perdre la tête en même temps qu'il mit à bas l'ancestrale monarchie dont il était l'héritier maudit. Napoléon en revanche, "qui porta l'esprit militaire jusqu'aux cimes de la perfection, lorsqu'il le jugea bon, fit reprendre à la nation son ancienne peau de lapin, lui mit son pied sur le cou, et les Français le glorifièrent pour cela."
Au passage, Mark Twain observe que "s'il est convenablement discipliné et entrainé" le Français peut devenir "le plus redoutable des soldats", et que si on exploite habilement sa vanité on le rend "capable de tenter des miracles dans tous les domaines, art, industrie, politique, littérature..."
Là encore Mark Twain subodorait avec justesse certaines propensions du tempérament gaulois. Enclins à rechigner, à revendiquer et à faire la révolution, les Français s'en remettent en général avec une stupéfiante docilité à l'Etat omnipotent, et aux Lois produites en quantités industrielles, qu'ils se plaisent à interpréter "à la lettre", avec un zèle quasi fanatique, faisant bien souvent fi du bon sens et du pragmatisme.
Les Français aiment manifestement être administrés et ont un besoin naturel de tutelle. En définitive, c'est sans doute pour ça qu'ils sont si opposés aux concepts du libéralisme et à l'objectif de "self-government" chers aux Anglo-Saxons.
C'est pour ces raisons en tout cas, que Mark Twain pour sa part, s'autorisait à attribuer à la France "une place éminente parmi les peuples incomplètement civilisés de notre planète."
Et qu'avec un mélange cruel de tendresse et de sarcasme il proposait de nous apporter une aide narquoise : "Essayons de venir en aide aux Français. Laissez-nous prendre en charge affective ce lien déprécié entre l'homme et le singe, et élevons-le jusqu'à nous fraternellement."
* Mark Twain. Damnés Français. Les Editions de Paris, traduction Max Chaleil 2010.