14 décembre 2008

Ruineux principe de précaution


La France vient d'être condamnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes à une amende de 10 millions d'euros pour avoir tardé à transposer chez elle les consignes de la directive 2001/18/CE, relative aux OGM.
Datant de Mars 2001, avec des délais d'application fixés à 2002, elle ne le fut en France, et encore incomplètement, qu'en 2007, par décret !
Craignant les réactions violentes du lobby anti-OGM en France, et les affres d'un débat au Parlement sur le sujet, Jacques Chirac avait en effet retardé sa transposition, l'assujettissant à un ambitieux programme de lois sur les biotechnologies, qui ne vit jamais le jour...
Résultat, notre pays fit l'objet de poursuites réitérées, aboutissant à une première condamnation sans frais en 2004. Eu égard à l'absence de réaction suite à la sentence, la Commission de Bruxelles demandait en 2006 des sanctions à hauteur de 38 millions d'euros vu le caractère récidivant des manquements.
Ce ne fut qu'au printemps 2008 que le projet de loi intégrant la transposition de cette directive arriva à l'Assemblée Nationale, dans la vague du fameux « Grenelle de l'Environnement ». Il fit l'objet d'un absurde retoquage, pour un mot mal placé, et à la faveur d'une session à laquelle une bonne partie les députés de la majorité avaient cru bon de ne pas assister...
Ce splendide ratage, bien à l'image des atermoiements et complications dont la France est coutumière, est d'autant plus stupide qu'il concerne un texte censé apporter plus de sécurité à la culture et au commerce des OGM. La Cour rappelle en effet que ladite directive est destinée à "protéger la santé humaine et l'environnement ainsi qu'à faciliter la libre circulation des marchandises".
Elle introduit notamment les obligations d'étiquetage des produits, et selon le jargon technique, de « traçabilité » de toutes les étapes de mise sur le marché. Elle limite à 10 ans la période de première autorisation de dissémination des produits et comporte d'autres mesures destinées à mieux informer le public et à faciliter les inspections et les contrôles après commercialisation...
Évidemment, après tant d'inconséquences, il ne reste plus que les yeux pour pleurer. N'y aurait-il pas eu mille occasions de dépenser mieux ces 10 millions d'euros en période de crise ?

06 décembre 2008

Hymne à la nuit


Lorsqu'on pénètre dans la nuit, on éprouve un étrange sentiment, mélange d'abandon, de solitude et de sérénité. L'apaisement qui vient après les turbulences du jour se mêle à une inquiétude diffuse. La nuit c'est un peu l'inconnu, et le sommeil qui monte irrésistiblement au creux de l'être lorsque le jour s'enfuit, provoque une sorte de détachement. Une petite mort en somme...

Les artistes et les poètes ont souvent été fascinés par ce mystère. l'un de ces derniers, l'a littéralement idéalisé et transfiguré : Novalis.
Derrière ce nom superbe se cachait le baron Friedrich Von Hardenberg (1772-1801), météore romantique qui n'atteignit pas la trentaine, mais qui laissa comme une trace singulière irradiant une sombre incandescence, les Hymnes à la Nuit.
Un petit volume en vers libres de quelques pages à peine, mais dans lequel est contenue l'indicible espérance qui l'accompagna jusqu'au seuil du tombeau.
La nuit de Novalis, n'a rien d'inquiétant, ni de ténébreux. Elle est douce, limpide, émerveillée. Dans son obscurité insondable elle réunit en un panthéisme apaisé et confiant, l'idée de Dieu et celle de la béatitude infinie.
Par un paradoxe étonnant, il ouvre son chant avec une célébration de la clarté qui pourrait faire songer au rêve prométhéen de son frère en poésie que fut Shelley : « Quel être doué d'intelligence n'aime avant tout la lumière, merveille des merveilles de l'espace qui l'entoure ? Source rayonnante de joie, onde irisée, omniprésente et douce à l'éveil du jour ! »
Mais c'est pour mieux établir le contraste avec l'obscurité qui l'attire, dans laquelle il plonge avec délectation : « Je me tourne vers l'ineffable, vers la sainte et mystérieuse Nuit », et à l'emprise exquise de laquelle il associe la douce ivresse de l'hypnose opiacée : « Un baume suave s'égoutte de la gerbe de pavots que tu tiens dans la main. »
Et cette Nuit n'est en rien l'abolition de la conscience mais au contraire le moyen d'accéder à une extase extra-lucide : « Les yeux infinis que la Nuit ouvre en nous paraissent plus célestes que ces étoiles scintillantes et leur regard porte plus loin... » Elle ne connaît d'ailleurs pas de limites ni spatiales ni temporelles contrairement à la Lumière : « La durée fut impartie à la Lumière, mais le royaume de la Nuit existe hors du temps et de l'espace. »
Et la clé de ce royaume indicible c'est le sommeil qui la fournit. C'est une source de pur bonheur teinté d'une connotation érotique assez audacieuse : « C'est toi [sommeil] qui enveloppes le sein délicat de la jeune fille et fais de son flanc un paradis, c'est toi ô sommeil qui surgis du fond des légendes et détiens la clé ouvrant aux demeures des bienheureux, messager silencieux de mystères sans fin. »

En définitive, Novalis attend la fin du jour comme une libération :
« Je vis chaque jour
De foi et de courage
Et je meurs chaque nuit
Du feu de l'extase. »
Tous les proches du poètes témoignèrent de sa tranquille assurance face à la mort. De fait, rongé par la tuberculose, il s'éteignit sans heurt, sans révolte, sans douleur, avec au coeur un sentiment confiant face à l'éternité dans laquelle basculait son être à peine sorti de l'enfance. Lui qui se lamentait : « Faut-il toujours que le matin revienne ? », trouvait enfin un sublime exutoire à sa peine...

On beaucoup glosé sur l'idéalisme de Novalis qu'on a tenté de rapprocher des théories philosophiques de Fichte ou de Hegel. En réalité, il était une sorte d'existentialiste épris d'un absolu de beauté. Au plan pictural, c'est dans les toiles de Caspar David Friedreich (1774-1840) qu'on serait tenté de voir la concrétisation de sa démarche spirituelle
Toutefois, sa pensée rapide comme l'éclair et profonde comme la nuit, s'intéressait autant aux entités mystiques qu'à la connaissance objective, notamment scientifique. Il fut dans l'esprit, assez proche de Schelling (1775-1854) dont l'objectif fut de concilier idéalisme et réalisme.
Par certains aspects, sa vision est étonnamment moderne. Il y fort à parier qu'il se passionnerait pour les interrogations fascinantes que suscite la mécanique quantique. Et sa conception de l'infini nocturne rejoint par exemple étrangement certaines hypothèses scientifiques récentes faisant de la matière noire l'essentiel de la substance de l'Univers.
En somme, il incarne bien cette citation étincelante de Schelling : « A travers l'homme la Nature ouvre les yeux et s'aperçoit qu'elle existe... »

23 novembre 2008

Les nouveaux Faustiens


« Il y a 80 chances sur 100 pour que la première personne qui vivra mille ans soit née. Et il y en à 50 sur 100 pour qu'elle soit déjà âgée à ce jour de 40 ou 50 ans. » Ainsi s'exprime l'excentrique savant anglais Aubrey de Grey dans un reportage diffusé récemment par Arte (16/11) à propos des progrès de la science dans le domaine de la biologie du vieillissement et dans celui des nanotechnologies.
Partant du principe que le corps humain n'est qu'une machine, même si elle est très complexe, il se dit convaincu qu'il sera possible sous peu d'en connaître suffisamment le fonctionnement pour pouvoir l'entretenir et le rénover quasi indéfiniment. Pour stimuler les recherches dans cette direction, et en hommage à Mathusalem, il a même créé une fondation qui récompense chaque année par le Methuselah Mouse Prize, les meilleurs travaux... sur les souris !
Ces prévisions sont sans doute un tantinet excessives ou provocatrices, mais elles sont le révélateur d'un courant de pensée résolument optimiste, qui voit l'avenir en rose.
Le Massachusets Institute of Technology (MIT) semble être un vivier de ces hommes de science bien décidés à percer le mystère de l'immortalité. Certains comme Leonard P. Guarente, fondent leur raisonnement sur l'étude du génome. Il a isolé, d'abord chez certaines levures puis chez plusieurs mammifères rongeurs, une série de gènes, dénommé sirtuins dont l'activation conduit à allonger significativement la durée de vie. Plus fort, à l'origine de l'activation de ces gènes il évoque preuves à l'appui, tout simplement des causes nutritionnelles, faisant observer que pour faire vivre plus longtemps des souris, il suffit de les soumettre à un régime alimentaire hypocalorique, pauvre notamment en graisses et en sucre.
Robert S. Langer dirige quant à lui un laboratoire qui tente de mettre au point des traitements révolutionnaires, enfermant ou véhiculant les molécules médicamenteuses par le biais de polymères biodégradables. Grâce à ce type de procédé, il espère propulser les thérapeutiques au coeur même de l'action, et au plus près des sites cibles. Cela pourrait permettre notamment de diffuser l'insuline dans la circulation avec une très grande précision et régularité. Cela offrirait également la possibilité d'emmener les chimiothérapies au sein même des tumeurs, afin de les ronger en douceur sans provoquer d'effets indésirables. Des techniques similaires promettent le piégeage et l'évacuation de substances toxiques ou de déchets endogènes.
D'un autre côté, les avancées dans la connaissance du développement cellulaire notamment des lignées souches, laisse envisager dans un futur pas trop éloigné, par des techniques de différenciation dirigée et de culture, la possibilité de régénérer en partie ou même entièrement des organes: muscles, téguments, os, coeur, vaisseaux...
Parallèlement la miniaturisation des techniques conduit à fabriquer des robots de plus en plus petits voire microscopiques, de vraies nanomachines de la taille des cellules vivantes voire inférieure. Ainsi partant des propriétés de fournisseur d'énergie de la molécule d'adénosine tri-phosphate (ATP), l'équipe du Pr Carlo Montemagno, à l'UCLA puis à l'université de Cincinnati est parvenue à mettre au point une sorte de « nanocopter », c'est à dire une hélice tournant toute seule autour d'un axe animé d'un mouvement perpétuel. Des robots conçus sur de tels principes font littéralement corps avec la matière vivante et pourraient participer activement à l'amélioration de son fonctionnement à l'échelon infinitésimal.
Enfin, le développement rapide de la micro-informatique laisse entrevoir des perspectives fascinantes. L'astrophyscien Stephen Hawking estime que dans quelques années tout au plus les ordinateurs auront dépassé les capacités de l'intelligence humaine. Il pense que bientôt des puces très performantes pourraient suppléer ou amplifier les fonctions défaillantes ou les insuffisances du cerveau. Associées à la neurochirurgie stéréotaxique, ces techniques mettant en oeuvre de véritables prothèses mémorielles, seraient en mesure d'ici une quinzaine d'années, de s'opposer aux ravages de certaines affections terribles comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson ou même la simple sénescence.
Ray Kurzweil dont le nom est associé à de nombreuses inventions, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, de la reconnaissance vocale ou dans celui des synthétiseurs utilisés par de nombreux musiciens,fréquente lui aussi le MIT. Il est ardemment convaincu que l'homme est à la veille d'un bond de géant, qui pourrait le conduire à maitriser sa vie, son environnement, voire l'univers entier.
En 1991, il avait prédit l'année exacte où un ordinateur battrait un champion d'échec à son propre jeu (l'ordinateur Deep Blue capable d'effectuer 3. 108 d'opérations à la seconde, eut raison de Gary Kasparov en 1997). Aujourd'hui, il prévoit qu'en 2040 la partie « non biologique » de l'intelligence humaine sera un milliard de fois plus puissante que celle émanant de nos cerveaux. Les ordinateurs pourront faire alors selon lui 1035 opérations par seconde, tandis qu'il évalue les capacités de l'ensemble des cerveaux humains de la planète autour de 1026 opérations par seconde.
Il imagine que doté d'aussi fantastiques performances, l'homme sera capable non seulement d'abolir le vieillissement, mais de faire communiquer directement les cerveaux entre eux. Il aura également conçu des machines douées de conscience avec lesquelles il travaillera en symbiose parfaite.
Lorsque la somme totale de l'intelligence humaine et artificielle aura atteint le chiffre vertigineux de 10100 opérations par seconde (un googol), il serait possible selon Kurzweil de maitriser la totalité de notre univers voire d'en concevoir de nouveaux ! D'ailleurs il suggère que notre monde pourrait n'être lui-même que le fruit d'une super intelligence émanant d'un autre (par exemple l'objet d'un travail expérimental fait par un super-étudiant d'un autre univers...)
A ce stade, tout peut être dit, mais on peut tout de même avoir quelques doutes. Certes les progrès sont spectaculaires depuis quelques décennies. Le volume et le coût des ordinateurs ont diminué de manière prodigieuse tandis que leurs performances croissaient dans des proportions tout aussi phénoménales. Les télécommunications ont réduit la planète à l'état de village global. Pourtant les êtres humains ne sont guère plus intelligents. Nous avons désormais dans presque chaque foyer des ordinateurs fantastiques (bien supérieurs à ceux que la NASA employait lorsqu'elle envoyait des hommes sur la Lune) mais leurs formidables capacités sont le plus souvent dédiées à des jeux vidéos vains et même parfois stupides. Nous disposons de téléphones cellulaires, de GPS, de WIFI et de Bluetooth tous azimuts mais nous n'avons quasi rien à communiquer, que des fadaises...
Fasciné par le développement de l'Intelligence Artificielle, j'ai moi-même bien modestement travaillé sur les systèmes experts en médecine et certains langages ayant pour but la modélisation de raisonnements logiques (LISP). J'ai pu constater que ces systèmes réalisaient parfois des prouesses étonnantes, supérieures à celles d'étudiants voire de praticiens chevronnés sur des problèmes très ponctuels. En aucun cas je n'ai vu toutefois qu'ils soient en mesure d'apporter autre chose qu'une aide limitée, guère supérieure à celle que fournit une calculette à un comptable. D'ailleurs l'enthousiasme des chercheurs est vite retombé et plus de vingt ans après les premières réalisations, le champ d'application de ces logiciels reste très limité en pratique.
Au plan de la santé, il est indéniable que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger dans les pays développés. La médecine dispose de moyens d'imagerie sensationnels. La miniaturisation permet désormais d'aller récurer en toute sécurité les artères coronaires. Là où il fallait souvent une intervention à thorax ouvert, l'arrêt temporaire du coeur et l'établissement d'une circulation extra-corporelle, les médecins se contentent aujourd'hui de monter une sonde dans les vaisseaux qui permet d'aplanir les sténoses artérielles et d'y laisser de petits ressorts empêchant la récidive, le tout en quelques minutes sous anesthésie locale. Les gastro-entérologues disposent de leur côté de micro-capsules dotées d'une caméra et d'un micro-émetteur, qui une fois avalées, parcourent toute la longueur du tube digestif en envoyant régulièrement des images à un récepteur externe.
En matière de prévention, on a établi sans ambiguïté le rôle de mesures hygiéno-diététiques simples, basées sur le fameux régime méditerranéen, pour empêcher la survenue les maladies vasculaires et on commence à entrevoir certains bénéfices sur les maladies tumorales.

Il y aurait mille exemples d'améliorations spectaculaires dans le domaine médical. Pour autant, même si l'espérance de vie des populations s'allonge, on n'a encore pas vu beaucoup de gens dépasser en durée de vie, le siècle. Pour l'heure, Jeanne Calment et ses 122 printemps constituent un horizon exceptionnel et indépassable. Et paradoxalement, la médecine semble actuellement plus préoccupée de savoir comment abréger la vie que de la maintenir indéfiniment. Les revendications portant sur l'euthanasie et les soins palliatifs sont omniprésentes dans les médias. Même dans les services de Réanimation on s'interroge de plus en plus souvent sur la nécessité de réanimer...
Si l'on excepte ces contradictions apparentes entre le fatalisme de la réalité quotidienne et l'enthousiasme des théories et des prédictions, le gros problème de ces dernières à mon sens, c'est leur excès de déterminisme. En dépit de leur optimisme, elles inscrivent l'avenir dans des chiffres fermés ou des prédictions formelles mais elles ne répondent pas aux questions fondamentales de l'existence humaine. L'homme est-il assimilable à une machine dont l'intelligence serait le software et le corps le hardware, et qui pourrait en quelque sorte s'upgrader elle-même ? Quel est le sens de l'immortalité dans une telle conception alors qu'on sait que les machines élaborées par l'homme tombent en obsolescence de plus en plus rapidement sans qu'on ait le moindre état d'âme à les remplacer ? Est-il sensé de prétendre qu'une machine puisse totalement comprendre le monde dont elle n'est qu'un sous produit dérisoire ? Et pour paraphraser Albert Camus à l'endroit de Sisyphe, faut-il imaginer qu'un superordinateur puisse être heureux ?
Quand bien même maitriserions nous totalement l'univers et notre destinée que nous nous retrouverions face au même dilemme, quant à la signification de notre existence.
J'aime le théorème d'incomplétude de Gödel qui tend à suggérer qu'il nous manquera toujours au moins une clé pour expliquer la totalité du Monde. C'est un peu démoralisant de prime abord mais en réalité ça ménage un espace pour l'espoir. L'être humain a besoin de mystères, et c'est une illusion de croire qu'il saura un jour par exemple ce qu'est le néant et l'infini.
A moins d'imaginer dans une vision prométhéenne, que l'Homme soit en mesure de devenir Dieu ou tout au moins de regagner par ses propres moyens le jardin d'Eden, il faut bien se résoudre à un peu de modestie.
La science a fait des progrès gigantesques et en fera sans doute encore, mais comme le rappelait Jean Rostand en 1958, l'Homme lui-même n'a pas changé depuis 100.000 ans et ne changera sans doute plus. Il lui importe d'inscrire sa science dans un minimum de sérénité. L'essentiel reste invisible pour les yeux, aussi performants et clairvoyants soient-ils...
La science doit incliner à l'humilité et non à l'arrogance. Lorsque Jean-Pierre Changeux prétend que le cerveau est « intégralement descriptible en termes moléculaires ou physico-chimiques », il dit une évidence de base mais il n'éclaire en rien sur l'essence de la conscience. Et s'il croit pouvoir l'expliquer avec l'aide de ses électrodes, il ne fait que reprendre le refrain des scientistes du XIXè siècle, qui pensaient rencontrer l'âme au bout de leur scalpel. Gardons au moins l'illusion que la conscience n'est pas une illusion. De toute manière on sait depuis Rabelais que sans elle, la science n'est que ruine de l'âme.
Elevons s'il est possible le débat. L'enjeu le mérite. Rien ne serait pire que de rester comme l'âne de Buridan, coincé entre deux conceptions exclusives, l'une réduisant l'alpha et l'omega du monde à un matérialisme hédoniste sans but, l'autre les interprétant avec des considérations immanentes souvent teintées d'archaïsmes religieux...
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Merci à Namaki de m'avoir fait l'honneur d'associer mon blog au prix Premio Dardos, attribué à son magnifique travail, consacré précisément à la compréhension du monde, par le regard et par la réflexion...

19 novembre 2008

j'aime les roses...fanées


Ce trait sarcastique chanté autrefois par Jacques Dutronc, évoque aujourd'hui irrésistiblement les mésaventures tragico-comiques du Parti Socialiste. Je sais bien que ce n'est pas très gentil de tirer sur les ambulances mais il faut reconnaître que ces gens ont bien cherché ce qui leur arrive aujourd'hui.

En premier lieu, force est de constater que les personnalités en lice ne brillent guère par leur charisme et que leur aspiration au renouveau n'est pas vraiment convaincante. Sur les 4 prétendants du 6 Novembre au poste de premier secrétaire, trois paraissaient pour le moins amortis. Comme le fait remarquer Benoît Hamon, leur cadet, ils appartiennent à la génération Mitterrand et leur discours autant que leur image sont usés. Ségolène, qui a l'âge auquel la plupart des femmes aspirent à partir en retraite, voudrait faire oublier qu'elle gravite dans les sphères ministérielles depuis plus de 25 ans. En dépit de son look pimpant, façonné par son nouveau mentor Dominique Besnehard, elle appartient à la génération de ceux qu'elle qualifie sans les nommer de « sages », et à qui elle demande de prendre du recul... Au surplus elle incarne l'archétype du politicien de carrière, moulé par l'ENA et ancré dans les sphères feutrées et peu pragmatiques de la haute fonction publique.

Le plus navrant toutefois est le caractère sclérosé de son discours. Depuis des décennies, il reste envers et contre tout inscrit dans une dialectique néo-marxiste. Ce matin encore par exemple, sur l'antenne de France Inter, elle affirmait être la mieux placée pour prendre la défense « des victimes du libéralisme féroce et du capitalisme acharné ». Ces invectives, dignes de vieux militants bornés, sont tellement caricaturales qu'elles prêtent à sourire. Comment peut-on encore avoir une vision aussi simpliste et négative du monde ? Et surtout que peut-on espérer d'un programme de gouvernement fondé sur des a priori aussi grotesques ?

Ici réside le vrai problème du PS. Il s'est enferré dans une impasse idéologique dont personne ne semble pouvoir le sortir avant un bail. On vit certes Ségolène revendiquer timidement l'héritage de Tocqueville ou même certaines actions de Tony Blair, mais ce fut de manière confuse et sans lendemain. Il y eut bien également une tentative de la part de Bertrand Delanoé de revendiquer pendant quelque temps une certaine forme de libéralisme, mais elle ne convainquit personne tellement elle était alambiquée et sujette aux oxymores. De toute manière il a fini par se rallier à Martine Aubry qui incarne une conception particulièrement radicale de la Gauche.

Globalement les Socialistes restent plus que jamais accrochés aux vieilles lunes de la bureaucratie étatique, aux mirages de la justice sociale administrée, et au leurre de la redistribution autoritaire des richesses. Les plus jeunes ne laissent hélas guère d'espoir. Tous revendiquent une politique encore plus à gauche. En définitive, le paysage politique est si morne à ce jour en France, et le débat si pauvre en idées novatrices, qu'il ne reste à ceux qui veulent échapper à cette désespérante ornière, qu'à passer en désespoir de "cause", avec armes et bagages chez Sarkozy... les plus obtus allant planter leur tente à côté de celle de Besancenot !

Si le libéralisme (dont la France n'a jamais connu l'application) est très loin d'être parfait et sujet à des crises, il reste infiniment supérieur au socialisme qui a démontré son échec quasi universel. Les seuls modèles qui n'ont pas trop mal réussi sont le fait d'hommes ayant vraiment rénové leur parti et abandonné les tabous doctrinaires. Ceux qui ont accepté en quelque sorte le jeu de la "concurrence non faussée", du "libre échange" et de "l'économie de marché". Hélas, les Socialistes français qui a un moment ou un autre ont pourtant reconnu que c'était la seule manière de produire vraiment des richesses, proposent aujourd'hui à la faveur de la Crise, le modèle le plus ringard qui soit. Celui qui assura notamment la faillite du système éducatif français.

Les personnes qui ont regardé le dernier numéro de Capital sur M6 ont été témoins d'un constat accablant, et pourtant non partisan. L'Education Nationale, fleuron du modèle social à la française, premier poste de dépenses de l'Etat, fait de notre pays l'une des nations les plus dépensières en matière d'éducation de l'OCDE. Pourtant, nous sommes placés en 17è position en terme de résultats objectifs ! Non seulement le système aujourd'hui est inefficace, mais il est scandaleusement inégalitaire. Le fameux ascenseur social n'a jamais aussi mal marché dans ce pays. Parallèlement les enseignants sont démotivés par une logique qui fait fi de leurs vraies compétences et se révèle incapable de récompenser leurs efforts de manière pragmatique. C'est ce désastre que les Socialistes toutes tendances confondues, veulent pérenniser et encore aggraver en renforçant encore le rôle de l'Etat, et en réclamant toujours plus de moyens... à fonds perdus !

18 novembre 2008

La création en pleine évolution


Vieux débat que celui qui oppose les tenants de la théorie de la création du monde dits créationnistes à ceux qui préfèrent celle de l'évolution darwinienne, dits évolutionnistes. Et plus que jamais d'actualité. Ce jour même par exemple, la controverse fait la une du site internet du journal le Monde. Avec un titre suggestif, voire inquiétant : « Le créationnisme étend son influence en Europe ».
La controverse prend en réalité un tour de plus en plus extrême et mêle désormais de plus en plus souvent des considérations religieuses ou à l'inverse antireligieuses et plus généralement subjectives.
En France notamment, si les créationnistes sont souvent du genre prosélyte, les évolutionnistes manifestent un radicalisme matérialiste croissant, qui confine à l'intolérance. Au point qu'on serait parfois tenté de réduire le débat à une querelle moyenâgeuse entre Illuminés et Hérétiques.
En définitive, telle qu'on voit la problématique ainsi exposée, elle ne peut apparaître que vaine aux gens dénués de parti pris. La plus élémentaire humilité oblige en effet à reconnaître qu'à ce jour et sans doute encore pour longtemps, l'origine du monde et sa signification resteront mystérieuses aux êtres humains.
Pourquoi donc tant d'esprit partisan ?
Aucune des deux théories n'est en mesure d'apporter la moindre explication objective à ce processus vertigineux, qui hante qu'on le veuille ou non notre conscience. Et d'ailleurs, les deux concepts ne sont pas si contradictoires qu'il n'y paraît. Sauf à considérer que s'excluant l'un l'autre ils sont tous deux ineptes, on pourrait envisager, vu leur incomplétude respective, une intéressante complémentarité.
Même si l'hypothèse du Big-Bang suggère un début à l'univers et donc une création ex nihilo, il ne s'agit que d'une hypothèse tant il est difficile d'imaginer la notion de singularité de laquelle serait issu l'ensemble du cosmos. Nulle part de toute manière on n'a jamais aperçu au bout des lorgnettes les plus performantes, la barbe de Dieu.
Parallèlement la théorie darwinienne, qui apporte indéniablement quelques explications au processus de l'évolution du vivant, reste très fragmentaire et ne peut s'exonérer du fait que pour évoluer il faut d'abord exister...
Il n'est donc pas choquant d'enseigner le processus de l'évolution, à condition de ne pas prétendre qu'il explique tout. Le hasard et la nécessité sont de piètres arguments pour rendre compte de l'infinie diversité de la vie.
Il n'est pas non plus extravagant d'évoquer à la lumière de cette évolution, l'existence d'un dessein intelligent (Intelligent Design). De la bactérie à l'être humain, qui ne serait tenté de voir un progrès, difficile à attribuer au seul hasard ? Sous réserve naturellement qu'on n'en fasse pas automatiquement une preuve de l'existence de Dieu tel qu'il est représenté dans les principales religions.
L'attitude scientifique raisonnable consiste à ne rejeter aucune hypothèse sauf à avoir un argument formel incontestable ruinant les fondements de la construction intellectuelle. Même si on trouve mille raisons de conforter une théorie, cela ne suffira pas pour autant à affirmer qu'elle soit vraie. Une seule réfutation suffit en revanche à l'invalider.
S'il sous-tend un objectif religieux, le créationnisme porte la marque indélébile de toutes les croyances non prouvées voire de tous les fanatismes, et ne peut prétendre à la moindre véracité scientifique. Et, s'il veut s'imposer comme vérité ultime, l'évolutionnisme rejoint la myriade de dérives qu'a connu la Science et ne mérite pas d'autre qualificatif que celui de scientisme arrogant.
En définitive, plus que jamais : To be or not to be, that is the question...

08 novembre 2008

Au dessous du Volcan


Il y a quelques semaines sortait enfin en DVD un titre très attendu. Rarement en effet, on ne vit oeuvre littéraire portée à l'écran avec autant de bonheur et de pertinence, que ce parcours halluciné tiré du roman de Malcolm Lowry (1909-1957).
John Huston
(1906-1987) parvint à le sublimer sans en dénaturer l'esprit, grâce à une mise en scène parfaitement maîtrisée, à la fois rigoureuse et profondément poétique.
Il faut préciser qu'il fut aidé par des acteurs littéralement habités par leurs personnages, en particulier Albert Finney et Jacqueline Bisset.
A la veille de la seconde guerre mondiale, au Mexique, à Cuernavaca, non loin du monumental Popocatepetl, on suit le combat aristocratique mais désespéré, livré par un consul britannique désabusé, à la fin d'une carrière chaotique, contre tous les démons existentiels « qui chargent de leur poids l'existence brumeuse ». Autant dire qu'incommunicabilité et impossibilité d'être constituent les ressorts principaux de ce sombre récit...
En resserrant l'intrigue sur trois personnages principaux et en lui conférant une implacable chronologie, le cinéaste magnifie tout en la disciplinant, la forêt de symboles que forme le livre de l'écrivain anglais.
Cette luxuriante descente aux enfers prend en effet une signification aigüe, tout en conservant l'exubérance et la magie originelles. Le Mexique est omniprésent dans ses excès, ses arcanes, et sa magnificence, à la fois mystique (la fête des morts), brutal (les sinarquistes), indicible (une veille femme jouant aux dominos avec un coq), et vulgaire (le nain cupide et libidineux).

Dans ce monde qui s'écroule et qui chatoie, imitant les frondaisons illuminées d'une jungle baignée de soleil, Geoffrey Firmin porte sa solitude et ses remords comme une tunique de Nessus, tissée des aléas de la vie. Le poison est dans toutes ses fibres, au sens propre comme au figuré : l'alcool ronge son corps, l'incurable spleen dévore son intellect et jusqu'à son énergie amoureuse.
Toutes les tentatives que fera Yvonne, son admirable épouse, pour le comprendre et le reconquérir, se briseront sur cet irrémédiable fatum. Yvonne est résignée. Elle se sait entrainée sans retour mais elle essaie de trouver la force de remonter le courant. Jusqu'au bout elle veut croire que quelque chose peut encore contrarier le destin et lui redonner l'espoir de jours apaisés. Quand elle comprend qu'il n'y a rien à faire c'est déjà trop tard... La vie est tragique, l'amour est désespéré, c'est bien là le fin mot de cette histoire à l'envoûtant parfum de déchéance mortifère.

Autour de ce sombre karma, Hugh le troisième larron, le frère et peut-être un peu l'amant, vibrionne comme les désirs, illusions, et petits soucis qui peuplent la vanité de l'existence. Il résonne de l'actualité du monde, il est en mouvement, passe le plus clair de son temps en voyages et croit se passionner pour les grands problèmes de son temps. Il est pétri de bonnes intentions mais son âme est pâle et inconsistante. Même s'il semble percevoir par instant le drame qui se noue, il lui reste extérieur.
Revisité par Huston, au crépuscule de sa vie, ce récit est d'une limpidité biblique et d'une force tragique digne du théâtre antique. Il illustre parfaitement l'adage qui veut que les chants les plus désespérés soient aussi les plus beaux.
A ceux qui auraient été rebutés ou désarmés par la touffeur du livre, il est recommandé d'aborder un tel chef d'oeuvre par le biais de ce film exceptionnel. Ils en sortiront profondément et durablement bouleversés.

06 novembre 2008

L'instant magique


Ainsi l'Amérique en élisant Barack Obama a choisi la solution la plus audacieuse. Elle démontre à nouveau au monde son inépuisable capacité à évoluer et à surmonter les préjugés.
Surprenant encore une fois tous ceux qui s'acharnent à prévoir son déclin et qui ne voient en elle qu'un bloc monolithique, elle prend tout à coup la figure de cet homme étonnant, au large sourire, débordant d'un charisme à facettes, nourri par des origines qui le placent au confluent des races, des religions et des continents.
Elle lui donne de surcroît les pleins pouvoirs avec un Congrès à sa couleur, bleu horizon.
Nul doute qu'elle saura aussi lui demander bien vite des comptes sur sa manière d'accomplir le job. La mission qui lui est confiée est écrasante, alourdie encore par les espoirs gigantesques d'une opinion publique internationale euphorique mais aussi exigeante que versatile.
Mais les Américains savent par nature qu'avec de la foi, du courage et du sens pratique, on peut déplacer les montagnes et donner un vrai sens à la Liberté. Il faut espérer que le nouveau président réussisse à redorer l'aura qui fait de son pays une nation à part, et que le reste du monde se refuse à voir aujourd'hui.
En attendant, savourons cet instant magique. Au moins pendant quelques semaines, la fanfare anti-américaine cessera son vacarme assourdissant. On va enfin respirer un peu...

04 novembre 2008

Il est jeune, il est beau, il est noir...


Voici en 3 petits mots la substance de ce qui cause l'engouement actuel en France pour la personne de Barack Obama (on sait qu'il serait élu chez nous avec plus de 80% des suffrages...).
Autant dire que l'esprit critique n'a plus de raison d'être dans cette logique.I l est toutefois impressionnant de constater à quel point les critères de choix restent envers et contre tout superficiels, basés sur l'apparence et la démagogie.
Obama a une silhouette super cool, c'est certain. Pour jouer les « gravures de mode », ça serait un atout indéniable, mais pour être président ? Quant au discours, qui le connaît vraiment en France ? A travers l'interprétation des médias, on n'en perçoit que les notions idylliques de « rêve », et de « changement ». Est-ce vraiment un programme ?
Evidemment tout ça rappelle furieusement le délire pro-Kerry en 2004 (quatre ans après, qui se souvient encore aujourd'hui de cet homme présenté comme providentiel à l'époque ?)
Les artistes, ce doit être dans leur nature, embouchent mécaniquement la trompette du candidat le plus séduisant, le plus « à gauche », et glorifient sans réserve les plus lénifiants programmes. Ce n'est pas très grave, on ne demande pas aux stars d'avoir du jugement, et on n'a jamais vu leur talent grandir en fonction de leurs idées politiques. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment...
Mais la Presse ? On reste songeur au sujet de son objectivité, eu égard au déferlement quasi unanime en faveur du candidat démocrate, depuis des mois. Sur France Inter ce matin on nous affirmait tranquillement que plus de 80% des journalistes qui ont couvert la campagne américaine « votent » Obama, et que d'une manière générale, 70% de la presse américaine avait clairement pris position pour ce dernier.
Le pompon c'est évidemment notre cher BHL national, qui s'émerveille depuis des lustres et inonde ceux qui le lisent, des plus beaux et clinquants clichés. C'est bien simple, pour lui « Obama c'est Kennedy »...
Certes il persiste dans ce tumulte quelques exceptions remarquables, comme Alexandre Adler, qui ne se fait guère d'illusion et fait une analyse pondérée et réaliste de la situation, mais qui l'entend ?
Un seul exemple, l'Irak. C'est curieux, plus personne n'en parle et si l'on en croit France-Inter, seuls 7% des Américains en font un enjeu essentiel au moment de la campagne électorale. Est-ce parce que le pays est en voie de pacification comme on peut le penser (en allant chercher l'information), ou bien est-ce parce qu'entre les 2 candidats, la différence est désormais plus fine que l'épaisseur d'un papier à cigarettes ?
Et qui peut penser que face à l'actuelle crise économique les stratégies des 2 candidats pourraient être radicalement différentes l'une de l'autre ?
Au point où nous sommes rendus, de toute manière, le programme d'Obama, manifestement tout le monde s'en moque. Il suffit de savoir qu'il porte un "espoir historique", qu'il sera la « solution à tout » et qu'il mettra fin à « huit ans de cauchemar » !
Le fait qu'il disposera probablement des pleins pouvoirs, avec une confortable majorité à la Chambre des représentants aussi bien qu'au Sénat, cela n'émeut personne et surtout pas ceux qui vociféraient au nom du nécessaire partage des pouvoirs, quand Bush était dans une situation analogue... A entendre les dithyrambes de certains, on peut même penser qu'ils donneraient volontiers au sénateur de l'Illinois, les clés du Monde si c'était possible...


Pour ma part, peu importe en réalité. L'essentiel sera de voir l'élu à l'oeuvre. De toute manière la suite sera sans nul doute jubilatoire. J'imagine la stupeur et le désespoir qui s'emparerait des foules si John McCain devenait malgré tout président ! Mais je me délecte à l'avance de la désillusion inévitable de ces mêmes foules lorsqu'elles s'éveilleront de leur transe imbécile, alimentée par un manichéisme désarmant.
On dit souvent que les Républicains sont bellicistes mais ce furent 2 présidents démocrates qui engagèrent les Etats-Unis dans les deux conflits mondiaux du XXè siècle, ce futTruman qui fulgura sous le feu atomique Hiroshima et Nagasaki, ce fut Kennedy qui lança son pays dans le vrai bourbier vietnamien (avec des arguments plus fallacieux encore que ceux de Bush en Irak..), ce fut Clinton qui ensevelit la Serbie sous un tapis de bombes...
Quant à être "social", paradoxalement Bush le fut infiniment plus que Clinton. Hors coûts militaires, les dépenses de l'Etat furent beaucoup moins importantes avec le second qu'avec le premier. Clinton ne fit à peu près rien de son programme annoncé, notamment en matière de "Couverture Médicale universelle", et il limita drastiquement les aides aux personnes sans emploi. Bush, de son côté, réputé "ultra-libéral", dépensa beaucoup avec ses programmes de lutte contre le SIDA, d'amélioration de l'éducation des enfants défavorisés, d'élargissement de la couverture médicale medicare...
Bref, pas mal de raisons en somme de penser comme Adler : "McCain ou Obama ? Bonnet blanc et blanc bonnet..."

24 octobre 2008

Montaigne libéral


Grâce à Pierre Assouline qui signale l'initiative, et à Guy Jacquesson qui en est l'auteur, il est facile désormais à tout un chacun d'aborder l'oeuvre dense de Michel de Montaigne (1533-1592), en lisant la belle transcription en Français moderne.
Certes l'idée n'est pas complètement nouvelle, puisque Claude Pinganaud l'avait déjà eue pour le compte des éditions Arlea, il y a quelques années. L'originalité ici est d'offrir en plus de l'édition « papier » classique, un accès libre au texte électronique.
Et à ce jour, la plus grande partie des Essais est dores et déjà disponible sur internet.

En me plongeant dans l'oeuvre, je redécouvre avec délectation dans le chapitre 13 du Livre III les réflexions que faisait le grand humaniste, à propos des lois, et notamment de la nécessité de ne pas les faire en trop grand nombre. Je ne résiste pas au plaisir de les reproduire ici, tant elles paraissent actuelles.
Je suis souvent étonné d'entendre tant de gens se référer à Montaigne sans manifestement bien mesurer la portée de sa parole. Débarrassée des délicieuses vieilleries qui lui conféraient un caractère sibyllin, elle semble plus que jamais limpide...
« Je n'ai guère de sympathie pour l'opinion de celui qui pensait, par la multiplicité des lois, parvenir a brider l'autorité des juges en leur taillant la-dedans les morceaux qu'il leur faudrait [pour chaque cas].
Il ne se rendait pas compte du fait qu'il y a autant de liberté et de latitude dans l'interprétation des lois que dans leur rédaction.
Et ils ne sont pas sérieux, ceux qui s'imaginent affaiblir nos débats et y mettre un terme en nous ramenant à la lettre de la Bible : le champ qui s'offre a notre esprit pour examiner la pensée d'autrui n'est pas moins vaste que celui dans lequel il expose la sienne ; et pourquoi y aurait-il moins d'animosité et de méchanceté à commenter qu'à inventer?
Nous voyons donc a quel point ce législateur se trompait : nous avons en France plus de lois que n'en a le reste du monde tout entier, et plus qu'il n'en faudrait pour réglementer tous les mondes d'Epicure « si autrefois on souffrait, des scandales, maintenant c'est des lois que nous souffrons », et nous avons pourtant si bien laissé nos juges discuter et décider qu'il n'y eut jamais autant de liberté ni de licence. Qu'ont donc gagné nos législateurs a distinguer cent mille espèces de faits particuliers et à y associer cent mille lois? Ce nombre est sans commune mesure avec l'infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos inventions ne parviendra pas à égaler la variété des exemples.
Ajoutez-y encore cent fois autant : vous ne pourrez pas faire que dans les évènements a venir, il s'en trouve un seul qui, dans ces milliers d'évènements repérés et répertoriés, en rencontre un autre auquel il puisse se joindre et s'apparier si exactement qu'il ne reste plus entre eux la moindre particularité et différence, et qui ne requiert de ce fait un jugement particulier. Il y a peu de rapport entre nos actions, qui sont en perpétuelle évolution, et des lois fixes et immobiles.
Les plus souhaitables sont les plus rares, les plus simples, et les plus générales : et je crois même qu'il vaudrait mieux ne pas en avoir du tout, plutôt que d'en avoir autant que nous en avons. »
Et un peu plus loin dans le même chapitre :
« Il n'est rien qui soit si souvent, si lourdement et largement faillible que les lois. Celui qui leur obéit parce qu'elles sont justes ne leur obéit pas vraiment par ou il le devrait. Nos lois françaises prêtent en quelque sorte la main, par leurs imperfections et leur incohérence, au désordre et a la corruption que l'on peut observer dans leur application et leur exécution. Leurs injonctions sont si troubles et si peu fermes qu'elles excusent en quelque sorte la désobéissance et la mauvaise interprétation dans leur administration et leur observance. »

16 octobre 2008

Vive l'Etat !


Le 12/10 au micro de France Inter, François Hollande évoquant la crise financière, brocardait les libéraux qui crient « Vive l'Etat ».
En disant ça, non seulement il prend ses désirs pour des réalités, mais il utilise pour appuyer son raisonnement, un sophisme douteux. Décrétant ex cathedra que la crise actuelle est celle du libéralisme, donc de la dérégulation, il embouche la trompette de l'Etatisation généralisée et affirme que tout le monde désormais se rallie à cette caricature de politique.


A la vérité, les Libéraux ne souhaitent pas plus aujourd'hui un renforcement de l'Etat, qu'ils ne voulaient hier sa disparition. De même, à la différence des Anarchistes, ils n'ont jamais exigé la suppression des règles organisant la société. Au contraire, ils en font un pré requis indispensable au « contrat social » cher à John Locke. Leur seul objectif, à l'instar de Montaigne ou de Montesquieu, est que l'Etat n'abuse pas de ses prérogatives et que les lois soient aussi simples et utiles que possible.
Or que voit-on depuis des années dans presque toutes les nations même réputées libérales, si ce n'est un accroissement vertigineux de la place de l'Etat et l'inflation sans fin des réglementations ?

En France, même s'il a cédé un peu de terrain après la funeste époque des nationalisations d'entreprises, l'Etat reste en effet omniprésent dans tous les rouages de la société. Si on évalue son poids en terme d'impôts, charges et taxes, cela représente plus de 44% du PIB. Et le résultat de sa gestion n'est guère brillant : Dette colossale, quasi impossible à chiffrer, entre 1200 et 3000 milliards d'euros, équivalent à une vraie faillite aux dires même du premier ministre(1.) De cause structurelle, elle n'a cessé de progresser depuis le début des années 80. Elle s'accompagne d'un grave déficit de la balance commerciale et d'une diminution inexorable de la compétitivité industrielle. Enfin la croissance reste vissée au plancher.
En dépit de plusieurs décennies de socialisme, ce naufrage économique n'est gagé quoiqu'on en dise, par aucun vrai progrès social. On a les 35 heures et le RMI mais des salaires de misère et du chômage autant qu’avant; on a la Sécu et la CMU mais la qualité du système de santé se détériore tandis que son déficit ne cesse de croître; on a un système soi-disant "solidaire" de financement des retraites par répartition, mais il rétrécit comme peu de chagrin faute d'avoir tenu compte de l’évolution démographique; on a l’abolition de la peine de mort, mais un taux record de suicides dans les prisons... Le malaise est dans quasi tous les domaines où s'exerce la responsabilité du gouvernement : Education, Recherche, Justice, Prisons et même Culture !

Parallèlement, le nombre des lois et des réglementations n'a cessé de croître, asphyxiant littéralement l'initiative privée. Le Conseil d'Etat(2) constatait lui-même en 2006 sans pouvoir hélas rien y faire " qu'il y a trop de lois, des lois trop complexes, des lois qui changent tout le temps !"
De fait, l'inflation législative n'a cessé de s'accélérer. En 1973, le Parlement produisait 430 pages de lois. Dix ans après, plus de 1000. Aujourd'hui, presque 4000. Les textes sont plus nombreux, mais surtout, ils sont plus longs et plus compliqués. Selon le journal Le Monde(3), le Bulletin des lois est passé de 912 grammes en 1970 à 3,266 kilogrammes en 2004. Il comportait 380 pages en 1964, 620 en 1970, 1055 en 1990 et 2566 en 2004. La loi sur les communications électroniques du 9 juillet 2004 comprend 101 pages, celle du 13 août de la même année sur les responsabilités locales en faisait 231, et celle sur la santé publique du 9 août, 218. Cela ne semble jamais suffire. A peine l'ubuesque loi sur la « Nouvelle Gouvernance Hospitalière » s'applique-t-elle, qu'elle est détrônée par une autre, encore plus délirante (Loi « Patients, Santé et Territoires »), en passe d'être votée ! En matière fiscale, le gouvernement en est désormais réduit à proposer un « bouclier fiscal » pour protéger les contribuables de ses propres attaques. On croit rêver...

Les Etats-Unis, pays réputé libéral, ne sont pas épargnés par cette frénésie d'Etat. Même en retranchant la part consacrée à l'armée, les dépenses fédérales ont progressé durant le mandat de George W. Bush de plus de 11% conduisant à un déficit de 5 000 milliards de dollars sur la décennie 2000(4). Pendant ce temps le dollar se dévaluait de 40% par rapport à l'euro. Même si l'Amérique conserve un taux de croissance honorable, le chômage s'accroit rapidement, dépassant ces derniers mois les 6%. Pourtant, selon le magazine the Economist(5), jamais les dépenses sociales n'ont été aussi importantes depuis la Grande Société du président Johnson (SIDA, programme No Child Left Behind, modernisation du réseau autoroutier, amélioration de la prise en charge des prescriptions pharmaceutiques...)
S'agissant de la production de réglementations et de textes administratifs en provenance des agences fédérales, on peut l'évaluer par la quantité de pages ajoutées chaque année au Federal Register(6) : d'un volume de 15.000 en 1960, on est passé à 50.000 en 1975, et 80.000 en 2007...

Au total, il est vraiment surprenant qu'on invoque le manque d'Etat et de régulation dans la survenue de la crise économique actuelle. Ce serait plutôt l'inverse. D'ailleurs des économistes(7) relèvent la responsabilité gouvernementale dans la faillite du système des subprime, à cause d'incitations certes bien intentionnées, mais se révélant à l'usage perverses (taux d'intérêt bas, garanties illusoires des organismes para-gouvernementaux Fannie Mae et Freddy Mac, règles comptables trop complexes...). De l'autre côté ils évoquent l'enchevêtrement inextricable des réglementations à l'origine des diaboliques inventions censées les contourner (titrisation des créances, ventes à découvert...)
En définitive, c'est l'ensemble de la société qui a dérapé sur la pente glissante des bonnes intentions et les responsabilités sont largement partagées, de l'Etat aux citoyens, en passant par les banques et les entreprises. A l'évidence, il ne s'agit pas dans un tel contexte de renforcer encore l'arsenal législatif mais de l'assainir et de s'assurer sans tabou idéologique de l'utilité réelle de toutes les lois, car comme l'affirmait Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »
Quant à renforcer le rôle de l'Etat à la manière souhaitée par François Hollande et ses amis, ce serait le pompon : à savoir se retrouver avec des entreprises nationalisées du type d'Elf ou du Crédit lyonnais, dont l'incurie fut manifeste et qui ont coûté si cher aux citoyens !

Soyons toutefois optimiste : si l'Etat parvient à redonner confiance à un système déboussolé en garantissant les fameuses liquidités évaporées, il aura fait oeuvre utile, ce qui est bien le moins qu'on puisse attendre de lui...

1 François Fillon Septembre 2007
2 Bulletin annuel 2006 du Conseil d'Etat
3 Le Monde 3/12/05
4 André Cotta, Le Figaro, 23/02/04
5 The Economist : 29/05/08.
6 Federal register
7 The Wall Street journal 19/09/2008, Johan Norberg.net 22/09/08, Guy Milliere 1/10/08

12 octobre 2008

Le Clézio, un Nobel insulaire


La France est à l'honneur, avec 2 prix Nobel cette année. On s'étonne évidemment du quart de siècle nécessaire à l'Académie Suédoise pour se décider à attribuer celui de Médecine à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, qui découvrirent le virus du SIDA... au début des années 80 ! On peut également s'étonner de l'hommage inattendu rendu à J.M.G. Le Clezio, si discret, si classique, surtout qu'il est qualifié à cette occasion par le jury « d'écrivain de la rupture ». Ce qui a plu c'est peut-être cette aura étrange qui nimbe le personnage et en fait « un cas », en quelque sorte...
Je ne connais Le Clézio que par un petit ouvrage paru à la fin des années 80, Voyage à Rodrigues. Il y raconte à peu près la même histoire que dans son roman Le Chercheur d'Or, à savoir celle de son grand-père, juge à Port-Louis de l'Ile Maurice, ruiné, exproprié de sa maison de famille et parti, seul, dans l'espoir de « se refaire », vers Rodrigues, à la recherche du mythique trésor du pirate Olivier Levasseur dit « la Buse ».
Le Clézio raconte en réalité sa propre équipée vers ce petit bout de terre perdu dans l'Océan Indien, quelques soixante ans après son grand-père.
Qu'est-il allé y faire, il ne le sait lui-même : « Ai-je vraiment cherché quelque chose ? ».
Il faut bien dire qu'on s'en doute dès le début : pas plus que son aïeul qui s'y est éreinté durant une bonne vingtaine d'années, il ne trouvera le fameux butin.
Par moment surgit une sorte d'éclair : « Je vois ce que je suis venu chercher réellement à Rodrigues : les traces visibles de cet homme, restées apparentes par le miracle de la solitude... ». Mais le lecteur reste sur sa faim car en définitive il ne s'agit que de « coups sur les parois, vers le fond du ravin, qui ont ouvert des blessures dans le schiste, détachant les blocs de lave ».
Peut-être alors l'illusion étrange, à travers cette aventure vaine, « de ne faire qu'un » avec son grand-père, « comme deux hommes qui auraient la même ombre ». Mais, de son propre aveu, il s'agit d'un rêve et, « Comme tous les rêves, il s'achève sur rien... »
Au bout du compte, on est donc un tantinet frustré par ce récit erratique, écrit dans un style limpide mais un peu répétitif. La personnalité sûrement originale du grand-père ne ressort pas vraiment : il est comme une silhouette ahanant silencieusement sur fond de cailloux et de basalte. Quant au paysage, il inspire manifestement des sentiments contradictoires. Tantôt il est « d'une pureté extraordinaire, minéral, métallique, avec les arbres rares d'un vert profond, debout au-dessus de leurs flaques d'ombre, et les arbustes aux feuilles piquantes, palmiers nains, aloés, cactus, d'un vert plus aigu, pleins de force et de lumière », tantôt c'est un « paysage de pierre noire, où blesse la lumière et brûle le vent. Paysage d'éternel refus... », une « Terre brûlée, noire, dure qui refuse l'homme. Terre indifférente à la vie, rocs, montagnes, sable, poussières de lave ».

Le Clézio est un personnage atypique. Sûrement s'agit-il d'un authentique écrivain, mais la substance de son oeuvre paraît quelque peu évanescente, nébuleuse. Et son style est si fluide et lointain, qu'on se demande si le nom même de cet auteur évoque quelque chose de précis à quelqu'un. Une sorte d'île mystérieuse, peu accessible, sans doute...

05 octobre 2008

Je sème à tout vent


La crise financière qui secoue le monde donne lieu à beaucoup d'interprétations. Il est curieux d'entendre colportées, rabâchées, ânonnées, beaucoup d'affirmations à l'emporte-pièce et d'excès en tous genres, ne reposant bien souvent sur aucun substratum rationnel.
Passons, sur quelques superlatifs auxquels nous sommes habitués à force de les entendre répétés à tout bout de champ : « c'est la plus grande crise depuis... ». Que ce soit la météo, l'économie, l'insécurité, le moral des ménages ou je ne sais quel paramètre, il est toujours au plus haut ou au plus bas depuis... la dernière fois !

« Le capitalisme ne sera plus jamais comme avant ». Évidemment, personne n'en sait rien mais la plus grande probabilité est que tôt ou tard, « le naturel revienne au galop ». Les temps à venir seront peut-être durs mais, pas plus qu'après 1929 la société ne changera fondamentalement, à moins d'une révolution violente, qui n'arrangerait rien...

« Les dogmes de l'idéologie libérale sont remis en cause ». Les personnes qui me font l'honneur de leur visite sur ce blog, savent que la conception du libéralisme que je défends est tout simplement l'amour « raisonné » de la liberté, hérité en droite ligne du précepte tocquevillien. Par conséquent, hormis cet attachement fondamental, il ne peut y avoir ni dogme, ni idéologie. A contrario, l'Histoire des Peuples montre et démontre que plus le gouvernement des hommes est régi par des dogmes ou des idéologies, moins il y a de liberté. CQFD.

« Le libéralisme a besoin d'être régulé ». Monsieur de La Palisse n'aurait pas dit mieux. Autant affirmer que pour faire des phrases, il faille des mots ! Encore faut-il qu'ils soient cohérents, en bon ordre, et qu'on soit corrigé si l'on commet des fautes. En l'occurrence, le rôle de l'Etat est ici évident, par l'intermédiaire de ses bras législatif, exécutif et judiciaire. A condition que les règles qu'il édicte soient nécessaires, utiles, applicables... et appliquées !
Trop souvent les lois sont promulguées sans qu'on ait soupesé leur utilité réelle, sans qu'on se préoccupe de leur application sur le terrain, et sans qu'on évalue objectivement leur impact. Les limitations de vitesse sur les routes, n'ont montré vraiment leur pertinence, qu'à dater du moment où elles ont été respectées. Pour cela, il a fallu la mise en place de radars pour repérer et sanctionner les excès.. et l'analyse des statistiques pour prouver a posteriori que la loi était utile Cette démarche devrait être requise systématiquement.

« L'Amérique redécouvre les nationalisations ». Le plan Paulson qui devrait disperser 700 milliards de dollars, vise à reconstituer les « liquidités » évanouies, afin de rétablir la confiance et enrayer le jeu fatal de dominos inter-bancaire. Cette opération est ponctuelle, et hormis la mise provisoire sous tutelle des AIG, Freddie Mac et Fanny Mae, il n'a jamais été question de nationaliser les banques. Les chances de succès du nouveau plan sont assez aléatoires, mais ne rien faire serait sans doute pire. Ce plan a rencontré des réticences, car il y a beaucoup de gens aux USA pour vouloir limiter l'intervention étatique qui va endetter le pays tout entier, et surtout exiger des garanties quant au retour de la manne exceptionnelle.
Quant à nationaliser "par principe", rappelons qu'en France, la dernière expérience remonte à celle du Crédit Lyonnais en 1982 et qu'elle a conduit à « l'une des plus grosses faillites qu'ait connu le pays », quelques années ans plus tard
(130 milliards de francs évaporés)...

« On privatise les profits et on socialise les pertes ». Rien de plus faux. Affirmer cela c'est ignorer que l'Etat vit par nature au dépends des contributions des entreprises et des particuliers. Plus ceux-ci sont riches et plus celui-là engrange de recettes.
Pour autant l'impôt n'est pas un fin en soi, pas plus que l'enrichissement de l'Etat. Car si ce dernier peut faire oeuvre utile en rendant ou en prêtant un peu de ce qu'il a ponctionné, sa fonction redistributrice, chère aux socialistes est un leurre, car elle consiste, après avoir englouti une bonne part de l'oseille en frais de fonctionnement, à arroser en pure perte du sable ou à remplir le tonneau des Danaïdes. Le risque est toujours le même : celui de favoriser l'irresponsabilité par un interventionnisme, assimilé à une rassurante providence, et in fine, ruiner l'Etat...

Tout ça pour dire que ces leitmotiv qui plaident triomphalement pour le retour de l'Etat, confondent joyeusement les rôles dans lesquels ce dernier est susceptible d'intervenir. L'Etat régulateur est à l'évidence une nécessité, à condition d'éprouver l'efficacité des règles. Quant à l'Etat redistributeur, ou l'Etat nationalisateur, ça reste envers et contre tout, une hérésie contre le simple bon sens.

02 octobre 2008

When you got a good friend


Ce joli titre d'une chanson de Robert Johnson (1911-1938), donne à merveille à mon sens, la mesure de ce que représente dans le coeur de beaucoup d'amoureux du Blues, un musicien hors norme, d'une sensibilité exceptionnelle : Peter Green.

Natif de Londres, en 1946 pour être précis, il pinça ses premières cordes auprès de John Mayall, notamment au sein de son mythique groupe The Bluesbreakers. Sorti brillamment de cette excellente école, il fut le guitariste fondateur et compositeur de Fleetwood Mac à la fin des années soixante. On lui doit notamment les superbes Albatross et Black Magic Woman.
Mais, anti-star caractérisée, il ne supporta pas le succès fulgurant du groupe et sombra dans une sorte de terrible dépression arrosée de quantité de substances toxiques. Cette affreuse descente aux enfers le maintint hors des sunlights pendant de longues années. Alors qu'il errait dans un état second, Il fut en quelque sorte repêché par une bande de copains, musiciens chevronnés et amateurs invétérés de Blues. Bien décidés à le remettre en selle, ils formèrent autour de lui en 1996 le Splinter Group. Le résultat fut d'emblée éblouissant, donnant naissance à de merveilleux enregistrements, une ribambelle de nouvelles compositions, et une nouvelle vie sur la route des salles de concerts à travers le monde.


Peter Green est un remarquable représentant du blues anglais, courant très original, illustré par une pléiade de grands noms (qui outre Mayall, compte Mick Taylor, Eric Clapton, Alvin Lee, Jeff Beck et dans une certaine mesure Rory Gallagher, Gary Moore, Jimmy Page...) Comme beaucoup de ses compatriotes, il fut toutefois saisi par le charme ensorcelé des chansons de Robert Johnson.
Grâce à son jeu fluide, un peu décalé, superbement mélodique, et à la douceur nostalgique de sa voix écorchée, il parvient à donner une intonation sublime à cette musique au charme rustique mais à l'inspiration céleste.

L'histoire de cet artiste à nul autre pareil, est donc celle d'une chaude amitié. Celle avant tout qui le lie à travers l'éternité au grand pionnier du Delta, et lui fit consacrer un vibrant hommage en 1998 sous forme d'un CD avec le Splinter Group : The Robert Johnson Songbook, et un autre deux ans plus tard : Hot Foot Powder.
Bien sûr Peter Green revient de loin. Il est marqué, et sa voix est parfois un brin chevrotante. Mais ça fait vraiment chaud au coeur de voir sa bonne bouille ronde s'illuminer de joie lorsqu'il joue avec ses amis (dans un superbe DVD tiré de sa tournée 2003). En acoustique aussi bien qu'en électrique, on est littéralement sous le charme. Ses interventions à la guitare gardent un feeling incomparable et lorsqu'il chante on est envahi par l'émotion, malgré ou peut-être à cause du timbre usé de sa voix et de sa diction hésitante. De toute manière, Nigel Watson, qui lui prodigue manifestement une affection gigantesque, se révèle à ses côtés, un guitariste hors pair doublé d'un chanteur exceptionnel. Enfin Roger Cotton au piano et la section rythmique parfaitement réglée (Neil Murray, basse, Larry Tolfree batterie), complètent admirablement cet ensemble très homogène.

De vrais petits bijoux, à posséder si l'on est amateur de travail bien fait et d'émotion. Et qui donnent un deuxième sens à l'amitié : celui du lien mystérieux entre cet archange du blues et tous ceux qui éprouvent parfois la dureté de la vie et qui trouvent auprès de lui une intense et chaude consolation...

When you got a good friend, that will stay right by your side
When you got a good friend, that will stay right by your side

Give her all of your spare time, love and treat her right


I mistreated my baby, but I can’t see no reason why
I mistreated my baby, but I can’t see no reason why
Anytime I think about it, I just wring my hands and cry

Wonder, could I bear apologize, or would she sympathize with me
Mmm, or would she sympathize with me
She's a brownskin woman, just as sweet as a girlfriend can be

Mmm, baby I may be right or wrong
Tell me your feeling, I may be right or wrong
Watch your close friend, baby, then you enemies can't do you no harm

When you got a good friend that will stay right by your side
When you got a good friend that will stay right by your side
Give her all of your spare time, love and treat her right.....

25 septembre 2008

Faux démons et vraies évidences


Il n'y a pas de mérite à vivre dans un monde libre.
Dans ces conditions en effet, la Liberté paraît aussi naturelle que l'air qu'on respire. Rien ne permet d'en mesurer la valeur, le risque étant de la sous-estimer, ou bien de ne pas l'utiliser à bon escient, voire même de s'en départir plus ou moins consciemment, en échange d'une poignée de cacahuètes.
Pure folie lorsqu'on sait les sacrifices à consentir pour la retrouver.
Pour autant, la Liberté, si difficile à conquérir et si facile à perdre, ne signifie pas l'anarchie, c'est à dire une jungle sans foi ni loi, où tout est permis et où rien n'a véritablement de sens.
C'est précisément ce qui distingue le libéralisme de l'utopie libertaire.
Dans les temps de crise hélas, la confusion s'empare vite des esprits. Certains exploitent la situation et tentent plus ou moins sciemment de faire prendre des vessies pour des lanternes. D'autres, naïfs cèdent à la panique, abandonnent toute raison, et se fient imprudemment à ces faux docteurs.

Aujourd'hui on voit des ténors de la Gauche s'appuyer sur les circonstances pour ressortir de plus belle leurs insanités intellectuelles. Martine Aubry par exemple, qui annonce bravache, que « le libéralisme s'effondre autour de nous », et qui en tire des conséquences plus qu'expéditives : « On assiste à la fin d'un modèle, d'un système, alors il faut faire appel à tous les socialistes pour amener un nouveau modèle ».
On connaît hélas trop bien celui qu'elle voudrait fourguer, après en avoir retapé en toute hâte les gentilles dorures de « justice sociale » qui en fardent l'inanité. De toute manière, bien malin celui qui pourrait discerner une proposition audacieuse et novatrice dans le tumulte dérisoire qui entoure la guerre des chefs sévissant chez les socialistes. Cette semaine, le nouvel Obs titrait en grand : « le PS est-il nul ? ». On se demande comment on peut encore poser la question...

De son côté Nicolas Sarkozy, profite de la tribune de l'ONU pour faire de grands moulinets moralisateurs sur les fautes du capitalisme et sur l'impéritie des « patrons voyous ». Comme s'il découvrait tout à coup les évidences, le voilà qui réclame « plus de régulation » exigeant notamment des sanctions à l'encontre de « ceux qui mettent en danger l'argent des épargnants ». Au moment même où Bernard Tapie se voit indemnisé par l'Etat dirigé par le même Sarkozy, de près de 300 millions d'euros, on croît rêver... (en dépit de nombreuses dettes à soustraire, il devrait tout de même d'après ce qu'on en dit, s'enrichir de la coquette somme de 40 millions d'euros). On ne connaîtra sans doute jamais le fin mot de l'histoire, tant elle est emberlificotée, et tant les juridictions amenées à statuer à son sujet se révèlent opaques ou aléatoires (la dernière « procédure arbitrale » est un petit bijou en la matière). Chacun jugera donc si l'homme d'affaires emblématique du socialisme mitterrandien, est un chef d'entreprise avisé, moral et constructif ou bien un brillant funambule de la finance...

En réalité, ce n'est pas parce que le monde « libre » est en crise qu'il faut remettre en cause le fondement même de son existence. Pour les libéraux sensés, il n'a jamais été question de supprimer ni les règles, ni l'Etat qui régissent toute société humaine. Il n'y a donc aucune raison aujourd'hui de se mettre « par principe », à sécréter plus de lois et plus de gouvernement...
Plus que jamais en revanche il apparaît nécessaire de veiller à ce que ces derniers protègent contre les pestes qui menacent en permanence le beau mais fragile jardin de la liberté : bureaucratie, centralisme, monopole, corruption, spéculation, irresponsabilité....
Il faut donc, comme le recommandait déjà Montaigne, des règles simples et les moins nombreuses possibles, et un Etat modeste mais efficace, garant de leur mise en oeuvre.

Or depuis des années, les gouvernements en France, qu'ils soient de gauche ou de droite n'ont cessé de prôner le renforcement de l'Etat et de compliquer l'arsenal législatif, au point d'imposer des dispositions de plus en plus inapplicables voire contradictoires entre elles. Et tous ont applaudi ou encouragé les folles fusions d'entreprises et d'organismes bancaires. Il y a quelques jours encore, on voyait EDF investir plus de 15 milliards d'euros pour « s'offrir British Energy », avec la bénédiction des gouvernements britannique et français...
Résultat, nous n'échappons pas à la crise des banques et des entreprises, mais avons en prime celle, chronique, de l'Etat !

Dans son discours à la Nation Américaine, George W. Bush de son côté s'est exprimé sans détour mais finalement avec plus de conviction et d'esprit pratique que bien des discoureurs de la méthode. Il n'a pas caché la gravité de la situation, tout en restant optimiste sur l'avenir.
Il a réaffirmé qu'il était «
un fervent partisan de la libre entreprise », et que son « instinct naturel » était de « s'opposer à une intervention du gouvernement ».
En plaidant pour cette dernière, il a insisté sur son caractère exceptionnel et sur le fait qu'elle ne visait pas à secourir des intérêts privés en péril, mais à « préserver l'économie américaine en général ». Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté, il a d'ailleurs enfoncé le clou : « Je crois qu'on devrait laisser les entreprises qui prennent de mauvaises décisions s'éteindre »

Quant à la fameuse régulation, il a rappelé qu'elle existait mais qu'elle devrait être adaptée aux défis du 21è siècle, et s'attaquer tout particulièrement aux méfaits du gigantisme : « récemment, nous avons vu qu'une seule compagnie pouvait devenir si grosse que ses difficultés mettaient en péril la totalité du système financier ». CQFD...