06 juillet 2011

l'ouverture du Monde II

S'agissant du marché de l'emploi, la mondialisation ne doit pas être considérée, comme irrémédiablement néfaste. Si les pays occidentaux traversent des difficultés conjoncturelles, le solde général à l'échelle de la planète est largement positif, eu égard au boom que connaissent nombre de pays émergents.
Il ne s'agit rien de moins que du principe des vases communicants, qui à la faveur de l'ouverture des frontières, s'exerce logiquement au profit de nations capables de fournir en abondance une main d'oeuvre bon marché. Dans cette nouvelle forme de compétition, les pays développés, comme le remarque judicieusement Thomas Friedman, ont tout intérêt à privilégier les emplois hautement qualifiés, et donc un haut niveau d'éducation et de formation professionnelle.
Au lieu de ça, nombre de pays dont la France, semblent s'abandonner à un marasme inquiétant. Le désastre de l'Education Nationale concerne une frange de plus en plus nombreuse de la population qu'elle laisse par une étrange résignation, littéralement à l'abandon. Parallèlement la Recherche et l'Innovation patinent, tant dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la foi dans le mythe de l'Etat omnipotent s'impose, au détriment des initiatives privées.
A ce sujet Friedman évoque ce qu'il appelle un peu bizarrement le coefficient de platitude: "Moins une nation ou une entreprise a de ressources naturelles, plus elle recourt à l'innovation pour survivre". Il faut reconnaître qu'appliqué à la plupart des pays européens qui ne disposent ni de gisements d'emplois facilement mobilisables, ni d'abondantes ressources naturelles, le concept fait mouche...

Comme l'avait prévu Schumpeter (1883-1950) dans ses sombres prévisions concernant le capitalisme, ces phénomènes sont aggravés, par le poids croissant que font peser les acquis sociaux dans les pays riches. Plombés par un droit du travail et des législations de plus en plus contraignants, asphyxiés par des systèmes de taxation étouffants et une dette étatique bientôt incommensurable, leur dynamisme s'essouffle inexorablement. Avec raison Friedman déplore "la sur-réglementation [qui] s'avère néfaste pour les gens qu'elle est censée protéger, et ouvre la porte à la corruption des bureaucrates"
Au lieu de faire preuve de réactivité, la combativité face à la crise paraît s'émousser tandis qu'on sent monter une agressivité contre le reste du Monde. La morosité, voire une certaine tendance à la sinistrose font tache d'huile, attisées par des médias irresponsables. Une bonne partie de la population rechigne à voir fondre certains avantages que des politiciens sans scrupule leur ont présenté depuis des années comme définitifs.
Résultat, tandis que les plus fortunés, mais aussi les jeunes les plus hardis et déterminés préfèrent s'enfuir vers des contrées plus porteuses de perspectives d'avenir, on continue d'entretenir les mythes bien intentionnés des bienfaits d'une immigration incontrôlée, de la retraite à 60 ans, des 35 heures, de l'interdiction de licencier...
De ce point de vue, selon Friedman, les USA gardent encore quelques atouts (jugés paradoxalement avec sévérité en Europe), notamment le fait "qu'aucun pays ne protège mieux la propriété intellectuelle", et "qu'ils disposent d'une des législations les plus souples en matière de droit du travail. Plus il est facile de licencier dans un secteur en déclin, plus il est facile d'embaucher dans un secteur en plein essor..."

Face à la montée des périls Friedman soutient que le discours politique devrait vanter l'effort et le courage plutôt que les remèdes lénifiants et se référer à l'esprit pratique plutôt qu'au catalogue des vœux pieux.
Bien que son pays soit pour l'heure moins touché par les effets indésirables des mesures de "justice sociale" que la plupart des nations européennes, il constate toutefois avec amertume "qu'il y a bien longtemps que les dirigeants américains ne demandent plus aucun sacrifice à la population".
Pire, L'Amérique lui rappelle "le parcours classique de ces familles riches qui commencent à gaspiller leur fortune à la troisième génération" et il la compare à "un homme endormi sur un matelas gonflable qui se vide lentement de son air..."
Au sujet de l'Europe, il évoque le diagnostic inquiétant fait par Steven Pearlstein dans le Washington Post, sur le rideau du capitalisme qui la divise aujourd'hui : "d'un côté, l'espoir, l'optimisme, la liberté et la perspective d'une vie meilleure, de l'autre, la crainte, le pessimisme, une réglementation étouffante et l'impression que le bon vieux temps ne reviendra plus..."
A ceux qui croient encore à l'idéal socialiste, Friedman rappelle au passage que "le communisme excellait dans l'art de rendre tous les hommes également pauvres, alors que le capitalisme rend les hommes inégalement riches".

Il rappelle au passage quelques principes que n'auraient pas désavoués son homonyme Milton Friedman :
Par exemple au sujet des bulles spéculatives, il évoque Bill Gates qui faisait remarquer, que lors de la ruée vers l'or, "la vente de pics, de pioches, de jeans, et de chambres d'hôtel aux chercheurs a rapporté plus que l'or dégagé du sol." D'où il déduit que "les booms et les bulles peuvent être économiquement dangereux, ils peuvent entraîner la ruine de beaucoup de gens, mais ils peuvent aussi accélérer l'innovation." CQFD

Évoquant le pouvoir et la responsabilité souvent sous estimés des citoyens dans les régimes démocratiques, il avertit que "les partisans de la compassion doivent apprendre aux consommateurs que leur pouvoir d'achat est une force politique". Car toujours selon son opinion, "un chef d'entreprise pas plus qu'un délégué syndical ne peut promettre un emploi. Seul le client peut le faire..." Simple réminiscence en somme, du vieil adage qui stipule que "le Client est roi."

Toujours à propos de la responsabilité citoyenne, il introduit assez opportunément la notion de téléchargement vers l'amont qui constitue selon lui une vraie révolution, notamment sur Internet. Souvent négligé ou méprisé par les Pouvoirs Publics ou les Médias classiques usant et abusant de leur position dominante, il rassemble un nombre croissant d'initiatives dont les caractéristiques sont l'ouverture, la liberté et le partage d'informations et de connaissances. On peut citer entre autres, l'encyclopédie Wikipedia, le système d'exploitation Linux, le serveur Apache, les logiciels dits opensource comme la célèbre suite logicielle OpenOffice, et plus généralement les Blogs, les communautés de chercheurs, et bien sûr les réseaux sociaux, qui désormais, "permettent aux gens d'avoir leur mot à dire" et constituent "une sorte de cinquième pouvoir."
Ces outils évoluent à la vitesse de l'éclair et font que de plus en plus souvent, "les amateurs deviennent plus performants que des professionnels". Bien qu'ils ne soient évidemment pas dénués de danger, les bénéfices l'emportent largement notamment en matière de démocratie locale ou "participative", surtout si les responsables politiques parviennent à en tirer profit : "si un maire demandait à ses administrés de photographier chaque nid de poule, vous seriez étonnés par le résultat".

Fustigeant le mouvement anti-mondialisation, Friedman analyse avec justesse les causes qui mènent à cette rancœur destructrice, dont les anathèmes fleurissent un peu partout et dont on entend monter en un concert assourdissant la clameur revancharde.
Il cite notamment la mauvaise conscience suicidaire des sociétés occidentales, la poussée d'arrière-garde de la vieille gauche espérant ressusciter une certaine forme de socialisme, la protestation devant la vitesse des transformations et enfin last but not least, l'anti-américanisme.
Il affirme, à l'inverse des rengaines cent fois rabâchées, que "les pauvres du monde ne détestent pas les riches, contrairement à ce que voudraient faire croire les partis de gauche du monde développé. Ce qu'ils détestent c'est de ne pas pouvoir accéder à la richesse, de ne pas pouvoir rejoindre le monde plat et la classe moyenne."

Dommage qu'en terminant son ouvrage, comme pour rappeler son appartenance à la mouvance progressiste du New York Times, il se croit obligé de se délester d'un couplet puisé au même tonneau de remords et de mauvaise conscience que celui dont il s'est appliqué à dénoncer les effets pervers.
Ainsi, faisant une sorte de clin d'oeil à notre pays, il affirme benoîtement que "la Sécurité Sociale c'est de la bonne graisse à garder".
De même, après avoir vanté le rôle bénéfique des échanges marchands en matière de prospérité et de niveau de vie, il fait le constat désabusé que "le commerce crée des gagnants et des perdants" et qu'il faut donc chercher à mettre en œuvre "des mécanismes de compensation". Il propose même, sans préciser comment la financer, l'instauration d'une étrange "assurance salaire" destinée à combler le manque à gagner enduré lorsque, après avoir perdu son emploi (pour cause de délocalisation, restructuration...) on en retrouve un autre moins lucratif...
Au plan purement politique, bien que s'exprimant la plupart du temps comme un sympathisant du parti républicain, il donne à ses concitoyens le curieux conseil suivant : "Si vous voulez vivre comme un Républicain, votez comme un Démocrate".
Et pis que tout, il se laisse aller à la traditionnelle diatribe anti-Bush.
Après avoir consacré un chapitre aux dangers de l'islamo-fascisme, dénoncé la nature irrationnelle des rumeurs et prétendus complots propagés par l'internet, approuvé l'intervention en Irak en 2003, il prétend tout à coup que les "les USA ont cessé d'exporter l'espoir pour exporter la peur".
Et bien qu'il préconise in fine un programme politique proche de celui de George W. Bush, il lui donne le coup de pied de l'âne en affirmant "qu'il s'est servi des émotions du 11/09 pour imposer son programme concernant la fiscalité, l'environnement, les questions sociales... et divisé les américains entre eux, les a séparés du reste du monde, et coupé l'Amérique de sa propre identité..."

La Terre est Plate, qui part donc d'observations perspicaces pour en déduire un postulat douteux, s'achève en grotesque palinodie. Décidément rien n'est vraiment simple...

30 juin 2011

L'ouverture du Monde I

Le concept de mondialisation qui donne lieu à toutes sortes de fantasmes et de craintes suscite aussi des engouements inattendus. Pour preuve, le colossal succès de librairie de l'ouvrage de Thomas L. Friedman paru en 2005, qui en présente une interprétation enthousiaste.
Plus de 7 millions d'exemplaires vendus annonce la jaquette de "La Terre est Plate" !

A la lecture, ce pavé de 450 pages se révèle pourtant surabondant dans l'argumentation, faisant alterner des évidences, des longueurs, des répétitions ou des effets de style un peu ampoulés voire carrément plâtreux. On adhère par exemple moyennement à l'imposante rhétorique décrivant les dix forces qui auraient "aplati le monde" ou à "la triple convergence" qui sonne comme une lapalissade.

Pourtant ce fatras redondant recèle quelques observations bien senties, ou relevant du simple bon sens, qui méritent d'être soulignées. Car entre les défenseurs peu inspirés d'un cosmopolitisme laxiste, et les tenants d'un retour au nationalisme étriqué, une voie médiane existe.

Elle s'inscrit probablement mieux dans le modèle de la société ouverte abondamment décrit par Karl Popper (1902-1994), que dans l'aplatissement du monde décrit dans cet ouvrage.
Lorsque Friedman s'exclame : "Dans un monde plat on ne peut pas s'enfuir, on ne peut pas se cacher. Il faut être sage parce que toutes les erreurs que vous commettez finiront par pouvoir être révélées", comment ne pas être tenté de remplacer "plat" par "ouvert" ?

A condition d'accepter cette équivalence, nombre de constats paraissent pertinents.
Par exemple, dans un monde où tout se tient, où tout communique, la probabilité qu'un pays s'isole dans le totalitarisme est réduite. C'est dans ce contexte qu'on a vu s'effondrer irrémédiablement le glacis soviétique, qu'on voit peu à peu se dissoudre la vieille dictature maoïste en Chine, et qu'on assiste au démembrement des régimes autocratiques et fermés du Proche Orient.

Il y a beaucoup à espérer de la disparition des barrières.
Comme le remarque judicieusement Friedman, "La guerre Froide avait opposé de manière frontale Capitalisme et Communisme, …/... [mais] la chute du mur de Berlin a fait basculer l'équilibre des pouvoirs en faveur des gouvernements démocratiques au détriment des régimes autoritaires et en faveur de l'économie libérale au détriment de la planification centrale "
De même "Les Chinois dessinent sur ordinateur les maisons des Japonais, près de soixante-dix ans après l'occupation de la Chine par l'armée japonaise. Tous les espoirs sont permis dans notre monde plat (comprenez ouvert)..."

Outre l'effondrement des murailles, une des retombées les plus éblouissantes de l'ouverture du monde est le développement fabuleux des relations commerciales. Comme le constatait déjà Montesquieu, loin d'être néfastes, elles constituent en réalité le meilleur rempart contre les conflits armés et, force est de reconnaître qu’elles s’étiolent dès lors qu'ils surviennent.
Et pourquoi ne pas reconnaître qu'en matière de commerce, la dimension multinationale des entreprises est à bien des égards positive. "Autrefois ce qui était bon pour General Motors était bon pour l'Amérique. Aujourd'hui ce qui est bon pour Dell est bon pour la Malaisie, Taiwan, la Chine, l'Irlande, l'Inde..."
S'appuyant sur l'exemple des ordinateurs, dans la composition desquels nombre de sous traitants de divers pays sont impliqués, Friedman affirme que la "chaîne de l'approvisionnement" constitue un puissant facteur de prévention des conflits. Grâce à leurs relations commerciales, un Japon fort peut coexister pacifiquement avec une Chine forte.
De ce point de vue, il est même devenu vain de penser les grandes firmes en terme de nationalité : "Hewlett Packard est-elle une entreprise américaine si la majorité de ses employés et de ses clients se trouvent hors des USA, même si le siège social est installé à Palo Alto" ;

Friedman considère avec raison que le retour au protectionnisme, préconisé par un nombre croissant de voix, est une impasse. A l'inverse, en dépit de difficultés qu'il suscite entre pays de niveaux de vie trop éloignés, le libre échange est le meilleur garant de la prospérité générale.
Il est excessif de considérer comme tricheurs les pays profitant actuellement du déséquilibre qui joue en leur faveur. Tout comme il est inexact de radoter comme on l'entend si souvent que l'écart entre les pays pauvres et les pays riches ne cesse de s'accroître. Seuls végètent vraiment les nations encore soumises à des tyrannies hermétiques.
Peu à peu, les autres tendent vers un diapason universellement admis. 
Le 11 décembre 2001, la Chine a rejoint l'OMC et accepté ses règles, fait remarquer l'auteur. Quant à l'Inde, elle fait de même, et joue même le jeu de la démocratie. Depuis son indépendance en 1947, elle a connu des hauts des bas mais à ce jour, elle est "le pays le plus chanceux de la fin du XXè siècle." On pourrait citer également à l'appui de cette thèse, nombre de pays "émergents" d'Amérique du Sud ou d'Afrique.
D'une manière générale tout porte à croire que les salaires bas, et la médiocrité des conditions de travail ne sont qu'une étape (franchie il y déjà longtemps par le Japon, la Corée du Sud...)
Selon Friedman, "Il est trop tard pour revenir au protectionnisme". La plupart des économies sont trop liées entre elles pour prendre le risque d'une cassure brutale. Et "si des pays comme l'Inde peuvent désormais entrer en concurrence avec les Etats-Unis, ce défi sera bon pour l'Amérique, car il sera stimulant".
On ne peut plus brider un système qui fait que le travail peut désormais être accompli n'importe où. D'ailleurs, cela n'a pas que des inconvénients, si l'on songe par exemple que plus de 16% de la population active aux USA travaille désormais tout simplement chez elle...

19 juin 2011

La magie Courbon

En pénétrant sur le site du château de la Roche-Courbon, en Charente Maritime, on éprouve une sorte de stupéfaction ravie. Établi fièrement sur un solide éperon rocheux et entouré de forêts, il surplombe des jardins dignes des plus beaux palais.
Bien qu'ils ne fussent a priori pas très hospitaliers, et bien qu'ils soient restés à l'écart des métropoles et des grands circuits touristiques, ces lieux sont chargés d'histoire.
Au pied du massif pierreux se lovait depuis la nuit des temps un modeste cours d'eau, le Bruant, faisant un trait d'union entre la Charente et de vastes et pestilentiels marais environnants.
L'endroit fut habité depuis la préhistoire comme en témoignent des grottes gardant les vestiges d'aménagements mobiliers. Durant le Moyen-âge, une première place forte fut édifiée, dont il ne reste quasi rien sinon un monumental mur d'enceinte. La guerre de cent ans eut raison de l'édifice.
Il fallut attendre le début du XVIIè siècle pour que l'audacieux et inspiré marquis Jean-Louis de Courbon, se mettre en devoir de transformer ces ruines en un élégant domaine, empreint des harmonies puisées au meilleur classicisme.
En contrebas, le terrain vallonné et humide se prêtait idéalement à la création de jardins. Bien avant Versailles, un magnifique parc fut ainsi créé pour servir d'écrin à la noble et puissante demeure.
Hélas, avec la Révolution puis l'Empire, commença une nouvelle époque de déclin. Ni les bâtiments, ni les jardins ne furent entretenus et les forêts furent mises en coupe réglée au bénéfice du juteux commerce du bois.

Au début du XXè siècle, Pierre Loti, qui depuis l'enfance passait ses vacances dans le village de Saint-Porchaire tout proche, se prit de tendresse pour l'endroit qui lui évoquait le château de la Belle au Bois Dormant. Désespéré par l'inexorable déchéance des lieux, il se fendit d'un vibrant appel à la générosité de mécènes, publié en 1908 par le Figaro. Sa supplique fut entendue par un riche fabricant de conserves alimentaires du pays, Paul Chénereau.
Cet homme que le métier avait habitué à des tâches bien plus triviales et qui avait sûrement avant toute chose, le souci de rentabilité chevillé au corps, abandonna par un étrange mystère toute "raison raisonnante", et tout esprit pratique, en décidant de relever le gant de cette aventure insensée.
Il lui fallut plus de dix ans pour donner une nouvelle jeunesse à l'ensemble, en restaurant de fond en comble les bâtiments, en même temps que les jardins étaient entièrement redessinés, gagnant notamment de splendides bassins dans lesquels la demeure peut se refléter en majesté.
Nonobstant le succès de cette entreprise, beaucoup de déconvenues suivirent hélas cette remise en état, notamment le retour imprévu des marais qui submergèrent les pièces d'eaux et dévastèrent allées, terrasses, gazons et balustrades. Il fallut tout reprendre à zéro en stabilisant le terrain par l'immersion de milliers de pieux en bois enfoncés parfois jusqu'à plus de 10 mètres de profondeur dans le sol. Qui peut se douter lorsqu'il se promène dans les belles allées et qu'il laisse aller son regard vers la délicate ligne de fuite s'élevant gracieusement vers un charmant belvédère orné d'une cascade, qu'il s'agit d'un jardin de conception "suspendue" défiant l'entendement ?
Grâce à ces gigantesques travaux, le domaine est redevenu un havre délicieux, imprégné de l'atmosphère du Grand Siècle. Et grâce à un partenariat intelligent entre les actuels propriétaires et les Pouvoirs Publics, le sauvetage semble cette fois pérennisé.
Moyennant une modeste contribution, chacun peut s'y promener et songer à ce qui illustre le mieux ce qu'on appelle l'esprit français. J'aime la douceur typiquement saintongeaise qui imprègne ce site magique. J'aime cette belle pierre blanche qui fait vibrer la lumière, j'aime ces nobles perspectives où l'ordre est au service de l'harmonie, et j'aime en ce début de juin, l'odeur douce des fleurs de tilleuls tombant sur ma tête lorsque je flâne dans les contre-allées, desquelles le spectacle est une douce féerie.

Cette promenade trouve d'inattendus prolongements dans l'actualité, à propos de la fortune dont jouissent certains privilégiés et du caractère néfaste qu'elle revêtirait par nature.
Il ne s'agit pas d'évoquer ici l'affaire Bettencourt sur laquelle les médias s’appesantissent avec une morbide satisfaction. Plutôt les déclarations d'intention faites récemment par Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, suivies de celles du premier ministre François Fillon. Le premier déclare envisager "d'encadrer les rémunérations extravagantes", le second carrément de taxer les sociétés qui les versent à leurs patrons.
J'avoue ne pas comprendre le zèle décidément insatiable que met l'Etat, tous partis confondus, à s'ériger en institution moralisatrice et en régulateur tatillon de tous nos faits et gestes.
Loin de choquer, l'histoire du château de la Roche-Courbon offre une occasion de se réjouir et en ce qui me concerne, je m'émerveille de voir des fortunes aussi bien employées. Ne serait-il pas judicieux pour les gouvernants d'encourager ce genre d'action plutôt que de sanctionner par avance et sur des critères arbitraires, des individus dont le seul tort est de gagner beaucoup d'argent ?

Au nom de quoi l'Etat s'arroge le pouvoir de définir le niveau adéquat des salaires ? Le SMIC, qui fait partie du même catalogue de bonnes intentions pharisiennes est à bien des égards pervers, puisqu'il offre aux employeurs une occasion inespérée d'aligner les rémunérations sur le niveau le plus bas. Peut-on honnêtement imaginer que la limitation par le haut des revenus soit de nature à libérer les initiatives, à vaincre la cupidité ou à éteindre les jalousies ? Une chose est sûre : ce faisant, on tue le rêve...

Venant d'un gouvernement dit de droite, et parait-il ultra-libéral, cette nouvelle vexation d'inspiration typiquement socialiste est particulièrement absurde. Totalement inefficace au plan économique, elle n'est certainement pas de nature à restaurer la confiance. Elle témoigne hélas de l'aversion tenace de la France pour ses entrepreneurs, pour ses riches et pour tout ce qui est libre et indépendant de l'emprise étatique. Et elle fait craindre que même après la mort du communisme, le nivellement par le bas reste la référence incontournable de la politique en France...

15 juin 2011

Un monde de Lilliputiens

Il y a bien longtemps que la politique ne nous avait donné aussi pitoyable spectacle.
L'essentiel du débat se cantonne désormais à d'insignifiantes polémiques très bruyantes et très assommantes. Mais c'est à peine si elles ébranlent le veule consensus dans lequel s'englue l'opinion publique. Lorsqu'il ne s'agit pas de rengaines éculées rivalisant de démagogie et de mauvaise foi, ce sont de sordides affaires de mœurs qui font les titres de ce qui ose encore revendiquer le nom de presse.
Tombés au plus bas, les médias se ruent comme la vérole sur le bas clergé, grossissant ces micro-évènements sans intérêt, alors qu'il se passe tant de bouleversements, de vrais drames et d'authentiques espérances dans le monde.
Le battage hallucinant fait autour de l'affaire DSK fut un sommet d'horreur dont les journalistes ont semblé fiers, en révélant que l'épisode fit couler plus d'encre folle dans les journaux et circuler plus d'électrons ivres sur les réseaux télématiques, que l'élection de Barack Obama... Affligeante victoire d'un monde de Lilliputiens dont l'enjeu ne vaut guère mieux que celui des combats entre Gros et Petits-Boutiens...
Nulle part où se tourner. Waterloo est une morne plaine et la pensée contemporaine semble définitivement abonnée aux niaiseries.
Les petites phrases d'un Jacques Chirac, manifestement déjà bien avancé dans l'abîme de la sénilité, donnent la mesure de cette insoutenable vacuité. Entre les Socialistes qui font mine de les prendre au sérieux faute d'avoir mieux à se mettre sous la dent, et les autres évoquant piteusement une sorte d'humour corrézien, c'est une capilotade généralisée.
Acculé par des sondages pervertis par la haine et la désinformation, l'actuel chef de l'Etat de plus en plus timoré, use ses dernières forces à défaire ce qu'il avait laborieusement entrepris, et à prêcher l'inverse de ce qu'il clamait. En supprimant l'insane dispositif du bouclier fiscal sans oser vraiment toucher au non moins inepte ISF, il avoue implicitement tout à la fois son échec et son manque de conviction, maladie endémique des dirigeants depuis quelques décennies...

Dans notre petit univers quotidien, peu à peu la bureaucratie s'insinue partout. Elle confond sagesse et principe de précaution, qualité et réglementations, loi et ukase, et tue la confiance et l'initiative à force de tout encadrer dans le froid carcan de la machinerie planificatrice.
Occupé à satisfaire de creuses ambitions où la fin se confond trop souvent avec les moyens, notre monde occidental, épuisé par les délices de Capoue dont il ne sait plus quoi faire, s'enlise désespérément.
La lente déliquescence d'une frange grandissante de l'Europe, aspirée par le puits sans fonds d'une impossible justice sociale est un symptôme inquiétant, dont on voudrait encore croire qu'il ne préfigure pas la fin d'un monde. 
Certains imaginent voir dans la molle révolte des "Indignés", les prémisses d'un grand mouvement social imprégné du parfum délétère des utopies collectivistes. On dirait plutôt les soubresauts informes d'une société avachie, à bout de souffle, qui ne croit plus ni à son modèle, ni à la liberté, ni aux vertus d'une éducation par l'émulation, et qui oublie les sommes de volonté et d'efforts, et les fleuves de sang qu'il a fallu pour construire ce qui est de plus en plus souvent foulé au pieds.

Dans ces vapeurs tièdes de déconstruction, on remet en cause les valeurs, et l'esprit qui donnent sa substance à notre civilisation. Jamais Malraux et son fameux XXIè siècle spirituel ne parut moins inspiré...
Tout en se vautrant dans un matérialisme peu ragoûtant, on vilipende aujourd'hui jusqu'au progrès qui nous permet de vivre plus heureux et plus émancipés que jamais peuple ne fut dans toute l'histoire humaine.
On entend aussi dans ces ténèbres de l'intelligence, des voix réclamer la décroissance, c'est à dire l'appauvrissement et la régression généralisés. Faute de savoir éradiquer pour de bon la pauvreté, le vieux fantasme consistant à tuer la richesse est périodiquement remis au goût du jour.
D'autres chantent les vertus de l'enfermement dans le protectionnisme, oubliant la spirale de paupérisation qu'il ne manque pas de provoquer invariablement à chaque fois qu'il est mis en œuvre. Oubliant surtout qu'en se fermant au reste du monde, on ne pourra en aucune manière espérer relever le fabuleux et incontournable défi de la mondialisation. Or, sans Gouvernement Mondial, les nations retourneront tôt ou tard à la guerre et au totalitarisme, dont certaines attendent pour l'heure avec impatience qu'on les sorte !

08 juin 2011

Salade hédoniste

On connaît la tendance à la pléthore qui caractérise l'écriture philosophique de Michel Onfray. On pourrait remplir des rayonnages entiers avec ses ouvrages...
Certes, à côté des tièdes platitudes de la pseudo-littérature qui dégouline des têtes de gondoles, à côté de la philosophie de comptoir que les camelots du showbiz font dégorger de tant de pseudo-débats, à côté de tout ça, les thèses de Michel Onfray détonnent quelque peu.
Car son style ne laisse pas indifférent. Même s'il peut parfois être jugé un peu trop rutilant, voire pédant, sa lecture est en général plaisante, et son propos servi par une dialectique bien aiguisée, s'avère incisif et décapant.
S'agissant de la pensée, c'est autre chose, hélas. Lapidaire, voire assassine, elle ne s'embarrasse guère de nuances et souvent détruit au vitriol de la partialité, ce à quoi le vernis de la culture conférait de prime abord, un éclat alléchant.

On retrouve toutes ces qualités et ces défauts dans un curieux petit opuscule récemment publié sous le nom de "Manifeste hédoniste*".
Divisé en deux sections, il se compose d'une sorte de bréviaire exposant l'essentiel de la doctrine, complété par une compilation de contributions émanant d'amis ou de disciples, censées enrichir à partir d'expériences personnelles la théorie du Maître. Laissons de côté cette deuxième partie, qui hormis quelques illustrations intéressantes, notamment de Titouan Lamazou, et deux ou trois anecdotes, n'apportent pas grand chose.

Cette profession de foi – si l'on peut dire – se positionne comme une sorte d'apologie du bonheur terrestre, lui même subordonné à "l'épanouissement des sens".
A première vue il s'agit d'une philosophie dans l'acception la plus radicale du terme, invitant à "faire la paix entre soi et soi, soi et les autres, soi et le monde, soi et le cosmos...". On pourrait presque penser aux préceptes de Voltaire proposant « le bonheur terrestre autant que la nature humaine le comporte » ou bien au vœu de Montesquieu de « parvenir à la sagesse et à la vérité par le plaisir ».

Malheureusement le gros, l'énorme défaut de cette louable entreprise est de s'inscrire dans une pensée qu'on pourrait littéralement qualifier de bornée, en ce sens qu'elle ne s'épanouit qu'entre deux étroites limites idéologiques : l'athéisme le plus intransigeant d'une part, et l'engagement "à gauche" non moins irrévocable d'autre part. Ces prises de positions quasi obsessionnelles enferment de fait, le propos dans une logique étriquée, où l'outrance tient lieu de perspective et où l'esprit de système sert de raisonnement. De toute évidence, l'art de la nuance est ici banni.

Afin qu'il n'y ait aucun doute, Onfray commence tout de suite par déblayer le terrain en éradiquant toute préoccupation spirituelle, et particulièrement, les "presque mille ans de théologie, de scolastique, de pensée fumeuse, soucieuse d'asseoir culturellement le christianisme devenu religion d'Etat".
Emporté par l'élan il en vient même, par pure réaction, à forger un concept nouveau, l'athéologie, qui est selon lui, "la discipline qui serait à la négation de Dieu ce que la théologie est à son affirmation." Autrement dit, non seulement il démolit les cathédrales, mais il nie l'existence du principe indicible qu'elles célèbrent.
Une seule phrase suffit d'ailleurs à donner la mesure de sa rage anti-religieuse, lorsqu'il détruit d'un coup tout l'enseignement chrétien, qualifié de "dépréciation du corps, des sensations, des émotions, de la chair, des passions, des pulsions, des femmes, du plaisir, de la jubilation, surestimation de l'ascétisme, du dolorisme, du renoncement, d'où misogynie et phallocratie..."
Se rend-t-il compte ce faisant, qu'il tombe exactement dans le travers qu'il dénonce si vigoureusement, bien que par une voie strictement opposée ?

Son attitude exprime une intolérance semblable à celle qui caractérise les fanatiques de tous poils et de toutes obédiences, bien qu'il tente de la parer d'affriolants mais creux attributs en forme de truismes : "matérialisme, sensualisme, atomisme, hédonisme". Et bien qu'il cherche à la magnifier de manière grandiloquente en prétendant "qu'elle célèbre la pulsion de vie", et "qu'elle se bat pour une égalité solaire entre les sexes..."
Ce zèle iconoclaste anéantissant d'un coup tout un "corpus idéologique" et des siècles de culture et d'histoire, est d'autant plus choquant que de son propre aveu, sa proposition hédoniste "suppose un système". Et qu'il se croit autorisé à en décliner le primum movens, en l'appliquant comme vérité révélée à toutes les préoccupations susceptibles d'assaillir l'esprit.
Après avoir jeté aux orties l'idée même de Dieu avec l'eau-du-bain-bénite, il rétablit de manière triviale ses propres encensoirs célébrant la chair et ses plaisirs, et lance de nouveaux anathèmes qui ne valent pas mieux que les anciens.

Il aplatit par exemple à coups de massue, la théorie freudienne à laquelle il a déclaré récemment une guerre sans merci.
On éprouverait presque un peu de tendresse pour les thèses fumeuses de la psychanalyse, tant il est difficile d'adhérer à la rhétorique caricaturale, suggérant par exemple de "retrouver la voie du matérialisme psychique contre l'idéalisme de l'inconscient freudien...", ou "d'inscrire la psychanalyse dans une logique progressiste contre le pessimisme freudien ontologiquement conservateur..." Les ficelles sont tellement grosses qu'elles font sourire. Voilà le vieux Sigmund rangé de manière expéditive dans la catégorie des "ennemis de classe", par ce Fouquier-Tinville des temps nouveaux de la psychologie...

Il emploie une manière un peu plus circonstanciée en matière d'analyse esthétique, à laquelle il consacre un chapitre  ambigu. A propos de l'Art Contemporain, il n'ose par exemple, pas trop attaquer les mystifications de Marcel Duchamp, dans lesquelles il voit "la mort du Beau" faire écho à celle de Dieu, ce qui l'enchante en tant que disciple de Nietzsche... Et sa fibre populaire s'émeut même du fait qu'avec de tels artistes, ce ne sont plus les matières nobles et riches qui trônent dans les musées, mais "la matière véritable, celle du monde", humble, fruste composée pêle-mêle de plâtre, fil de fer, plastique, verre velours, feutre, voire substances organiques, déjections...
En somme, "Il ne faut pas dupliquer mais dépasser" ces expériences jugées révolutionnaires dans le même temps qu'elles révèlent une époque "plus esthète qu'artistique". Comprenne qui pourra...
Notons qu'au passage, il se livre à un monumental contresens esthétique, en faisant sienne la thèse de Duchamp selon laquelle, "c'est le regardeur qui fait le tableau". C'est précisément cet oxymoron insane qui est la cause de l'insignifiance et du nihilisme dans lesquels s'asphyxie l'art de nos jours !

Peu de commentaires à faire à propos de sa conception de l'érotisme, qu'il résume à une formule, assez jolie, mais vaine : "il est à la sexualité ce que la gastronomie est à la nourriture : un supplément d'âme.." Pour le reste, sans prôner ouvertement le pont-aux-ânes soixante-huitard de la libération sexuelle, il rejette avec horreur, mais on l'avait déjà compris, tout ce qui lui rappelle de près ou de loin la conception chrétienne, notamment "les fantasmes du prince charmant, de l'épouse idéale, de la moitié à trouver, de la perle rare, autant de variations sur le thème de l'impossible..."
Guère plus à dire au sujet de l'éthique et de la bioéthique qu'il croit résoudre en proposant de répondre à une seule question, d'un utilitarisme auquel même Bentham n'aurait pas osé céder : "ce geste, cette technique, cette proposition thérapeutique, ce projet chirurgical, cette molécule médicamenteuse, augmentent-ils l'hédonisme de l'individu et de la société ?"
Un mot tout de même sur l'affreux et mal nommé testament de vie qui dans sa conception béotienne et faussement irénique, "permet de déléguer à un être aimé la charge de décider pour nous ce qu'on aura avec lui voulu en amont pour nous : il sera sinon le bras armé, du moins le facilitateur de notre mort volontaire ." Où se trouve la fameuse "pulsion de vie" dans une aussi noire résolution ?

Dernier volet du manifeste, et non des moindres, celui consacré à la politique, qui confirme envers et contre tout, l'engagement à gauche de ce philosophe qui se plaît à rappeler ses racines prolétariennes.
Plus ou moins rallié, sans qu'on sache trop pourquoi, à la notion de capitalisme, il flétrit en revanche le libéralisme, qu'il accuse d'être "un système économique et politique dans lequel le marché fait la loi partout – dans la culture, la santé, l'éducation, la défense, la sécurité", et où il voit que "la satisfaction hédoniste triviale et vulgaire d'une poignée de privilégiés se paie par l'humiliation, l'exploitation, la soumission, la domestication, la subordination et la servitude du plus grand nombre."
Il serait assez facile de montrer que cet affligeant rabâchage révèle une méconnaissance profonde de l'esprit de liberté, et qu'il est indigne d'un penseur prétendu libertarien, donc ultra-libéral, tel que lui.
Mais il serait encore plus aisé de retourner a contrario l'argumentation sur le socialisme, qui investit autoritairement tous les rouages de la société, au bénéfice d'une étroite nomenklatura dotée de tous les droits et parée de toutes les vertus...
Comme nombre de Socialistes désenchantés, Onfray tente de récupérer le procédé éculé consistant à proposer de "rompre non pas avec l'idée socialiste mais avec sa seule formule marxiste, ou communiste autoritaire." Mais le stratagème a fait long feu. Sa vision qui confine comme on l'a vu au matérialisme athée, solidement ancré à gauche, s'inscrit bien qu'il s'en défende, dans une lignée on ne peut plus marxienne de la pensée. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, tout porte à penser qu'en dépit de ses accents suborneurs et de son ton lénifiant, son discours soit voué aux tragiques impasses dans lesquelles tant de ses prédécesseurs ont emmené leurs affidés.
Ce qui est proprement stupéfiant, c'est de le voir in fine reprendre sans vergogne à son compte ce qui fait l'essence de la pensée libérale, à savoir "la vieille proposition utilitariste des Lumières : il faut vouloir le plus grand bonheur du plus grand nombre...". Sait-il qu'il s'agit d'un des vœux les plus chers des Pères Fondateurs des Etats-Unis d'Amérique, toujours aussi vivace dans le cœur des Américains, et somme toute pas si mal accompli ?

En définitive, Michel Onfray fait penser à ces missiles dotés d'énormes réacteurs, capables de déployer des quantités fabuleuses d'énergie, mais condamnés à passer à côté de leur cible à force d'être trop contraints par leur programmation, et de ne pouvoir infléchir leur trajectoire...
Rien ne saurait mieux définir cette ambition, mélange d'angélisme et de mégalomanie, qu'un éclair d'humilité tiré de son propre discours :"les glissements de l'éphémère sur le miroir d'une mare d'eau croupie résument le destin de chacun qui se croit monde à lui tout seul..."


* Michel Onfray. Manifeste hédoniste. Autrement 2011
Illustration : Séverine Assous

24 mai 2011

Misère du Socialisme

Sale temps pour les Socialistes.
C'est une avalanche de mauvaises nouvelles qui s'abat sur eux. 
Mais d'en face, là où l'on souffre depuis si longtemps de la sécheresse imposée des idées, on veut croire que les orages tant désirés se lèvent enfin. On espère qu'ils foudroient les thuriféraires pantelants d'une idéologie décidément à bout de souffle, et qu'ils nettoient le débat démocratique de ses miasmes.
Dans la conjoncture climatérique qui bouleverse le paysage politique, il est difficile de retenir un soupir d'aise au spectacle de tous ces raminagrobis aigris, ces grippeminauds en mal de revanche, obligés de ravaler leur morgue et de faire profil un peu moins hautain.

A travers ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire DSK", les archaïsmes de l'esprit de gauche éclatent au grand jour. La mauvaise foi, l'esprit de clan, les mensonges, les complaisances, les faux-semblants, savamment entretenus grâce à un réseau de médias asservis par des décennies de propagande, tout ça est en train de voler en éclat. La mécanique infâme dévoile ses sordides et artificieux mécanismes. La charpente de la société tout à coup montre sa structure et c'est avec effarement qu'on découvre qu'elle est rongée de toute part par une sorte d'odieuse mérule, qui en pervertit jusqu'à la moindre fibre.
Pour illustrer cela, quoi de plus beau que cette adresse de Jean-François Kahn* en exergue de son énième diatribe dirigée contre le Président de la République : "Tout était d'emblée sur la table. S'il y a une responsabilité, elle est collective. Comment a-t-on pu accepter ça ? Et pourquoi ? "
Comme son torve propos sonne juste, aujourd'hui qu'il fait irrésistiblement penser à quelqu'un d'autre... L'arroseur est enfin arrosé ! L'accusateur public est flétri par son propre discours ! Le moralisateur est démoralisé.

Le candidat putatif de la gauche est hors jeu. Exit le colosse au pied d'argile devant lequel toute cette faune grimaçante faisait moultes génuflexions et contorsions, en perspective de juteuses prébendes.
Un seul être disparaît et tout est dépeuplé. La mousse des illusions retombée le spectacle est pitoyable. François Hollande, qui a perdu son profil de VRP à la jovialité bedonnante, apparaît dans la lumière blafarde des lendemains qui déchantent, comme ce qu'il est : le croque-mort décharné d'un programme sans substance et sans espérance. Celui dont la plus grande originalité était de "n'aimer pas les riches" se retrouve pauvre comme Job en idées, et pour l'heure, surnage dans une solitude stupide.
Autour de cette figure hagarde en costume noir, c'est la débandade. De l'aveu même de Manuel Valls, "personne" au Parti socialiste ne peut à ce stade remplacer Dominique Strauss-Kahn, les autres candidats à la primaire socialiste risquant, selon lui, d'apparaître comme "des choix par défaut"...

Mais si certains ont au moins la décence de se taire, ou tentent de faire amende honorable, d'autres n'ont pas encore pris la mesure du cataclysme. La jeunesse ne prémunit pas contre la ringardise. Benoit Hamon par exemple, continue mécaniquement comme une vieille crécelle, de mouliner les amalgames grinçants, dont le caractère grotesque est de plus en plus criant : "le sarkozysme et le lepénisme sont deux déclinaisons du même projet politique"...

La Gauche archaïque est en passe de perdre définitivement les derniers restes de soutien populaire, à force d'avoir tant floué le peuple, au fil de tant de générations. La situation prend des allures désespérées.
C'est même un vrai naufrage.
En dépit de la prétendue crise du libéralisme et du capitalisme, au sujet de laquelle les Socialistes de tout poil ne cessent de radoter comme des perroquets, et qui devrait paraît-il redorer leur blason, ils ne sont désormais à la manœuvre quasi nulle part en Europe. Scrutin après scrutin, leur incapacité à "changer le monde", sauf pour l'empirer, les contraint d'abandonner le terrain.
Dans un de leurs derniers bastions l'Espagne, ils viennent de prendre une pilée monumentale et sont en passe de perdre le pouvoir. Il faut dire qu'ils l'avaient acquis d'une bien médiocre manière en 2004, après une hideuse campagne de calomnies jetées à la face de leurs adversaires, à l'occasion des meurtriers attentats de Madrid. Il faut dire aussi que depuis cette date, entre autres résultats brillants, on a vu dans ce malheureux pays le chômage, passer de 10 à près de 21%!

Pis que tout, non seulement les révolutions se font désormais sans eux, mais elles se font contre eux. Après les grands effondrements de la fin des années 80 en Europe de l'Est, c'est aujourd'hui le monde arabo-musulman qui secoue sans ménagement les régimes autocratiques qui l'étouffent. De l'Irak à la Libye, en passant par la Tunisie, l'Egypte, et peut-être bientôt le Yemen, la Syrie, l'Algérie, voire un jour l'Iran, les républiques totalitaires battant pavillon socialiste mordent la poussière les unes après les autres. Que restera-t-il de l'Internationale du même nom lorsque tous les tyranneaux l'auront désertée ? "Un grand cadavre à la renverse", comme le suggérait dans un rare éclair de prescience Jean-Paul Sartre au cours des années soixante (et rappelé avec un délicieux sens de l'a propos par BHL**) ? Ou bien une sorte de marécage d'eau tiède, la social-démocratie, si tant est que le poison collectiviste, par une ironie cruelle, finisse par se dissoudre dans l'hydromel de la liberté !
Ce jour là, enfin, on pourra caresser l'espoir de débattre sans tabou, sans idéologie, sans doctrine, avec pour seul souci le pragmatisme, et pour seul objectif la fameuse poursuite du bonheur, chère aux vraies Lumières et aux Pères Fondateurs du Nouveau Monde... Sauf à sombrer dans le ridicule et la honte, la France ne saurait passer à côté de cette perspective.


* Petit César. Comment a-t-on pu accepter ça ? J. -F. Kahn. Fayard 2011
** Ce grand cadavre à la renverse. Bernard-Henri Levy. Grasset 2007

20 mai 2011

Question de repères

En ces temps troublés, le désappointement manifesté par nombre de gens est compréhensible. Et il est normal qu'à la faveur des péripéties actuelles, la théorie du déclin de l'Occident revienne en force. C'est un thème récurrent, tout comme celui de la déchéance de l'Empire Américain.
Fort heureusement jusqu'à preuve du contraire, et en dépit de quelques fissures, ce jour fatidique est sans cesse repoussé. Évoqué par un blogueur ami, le Pr Poindron, je me permets humblement d'y revenir aujourd'hui, avec mon optique personnelle, sans doute éminemment critiquable.
Si je partage largement son analyse clairvoyante, pleine de bon sens et son souci d'équité, il me semble tout de même essentiel de souligner le péril qu'il y aurait d'emprunter, par désillusion, des chemins de traverse, ou bien de trop céder à l'émotion de l'instant, qui fait parfois prendre les vessies pour des lanternes.
Précisément, sous des apparences excessives, le système américain nous donne en ce moment, une magistrale leçon de vraie démocratie. Il est certain que les images que nous voyons ont une force terriblement dévastatrice, décuplée par leur répétition insensée. Mais sauf erreur judiciaire monumentale, elles sont en définitive fort utiles pour faire sauter le couvercle doré des privilèges, complaisances, arrangements et acoquinements qui protègent trop souvent les élites et certains idéologues imbus de leurs principes soi-disant intangibles. Car ces tares minent dangereusement l'esprit de liberté et l'égalité des droits indispensables à la pérennité de notre modèle de société. Contrairement à ce que l'ineffable BHL voudrait, M. Strauss-Kahn est à New-York, un justiciable comme les autres, et c'est tant mieux.
Certaines procédures peuvent paraître étranges ou inappropriées. Elles ont parfois plus d'importance qu'il n'y paraît et les condamner trop vite pourrait amener des catastrophes bien pires que le triste spectacle auquel on assiste. Rappelons-nous l'histoire du soldat romain qui ne comprenant pas la nature des cercles tracés sur le sable par Archimède, lui-même indifférent au tohu bohu accompagnant la chute de Syracuse, tue le savant d'un coup de glaive.

Si les caméras aujourd'hui ne laissent aucun répit à l'ancien directeur du FMI, c'est parce qu'il occupait une position éminente, qui exigeait de lui une conduite irréprochable et un grand sens des responsabilités.
Tant qu'il était sur son piédestal, il bénéficiait, avec une satisfaction évidente, de l'éclairage flatteur des sunlights et de l'illusion doucereuse des sondages. Il ne peut aujourd'hui, compte tenu des charges qui pèsent sur lui, se plaindre de la cruauté de ces mêmes lumières, qui le poursuivent dans sa descente aux enfers.
Remarquons en tout cas, que c'est la presse qui focalise de manière outrancière l'attention publique sur sa personne. Aucune chaîne de télévision, aucun journal n'est obligé d'exhiber avec autant d'insistance ce fatum consternant, et personne n'est tenu d'en suivre à la minute les sordides détours.
Pendant ce temps de son côté, la justice a commencé sans retard son travail, et semble-t-il avance rapidement, avec efficacité. Et force est de reconnaître qu'elle ne se commet pas à jeter grand chose en pâture à ces meutes avides de scoops, réduites de fait aux supputations et rumeurs stériles... La liberté est à ce prix.

Illustration : Sont-ce des spirales ou bien des cercles ?

19 mai 2011

Tel est pris qui croyait prendre

Sur l'affaire qui ébranle le monde politique, il n'est pas question de faire ici de supputations oiseuses. Dans de telles circonstances, il serait vain de tirer d'avance la moindre conclusion, et inutile d'ajouter des commentaires aux images ressassées en boucle jusqu'à la nausée.

C'est en revanche de ce monstrueux barnum médiatique qui s'est installé autour de l'édifiant fait divers, que je voudrais tirer la substance de mon propos d'aujourd'hui. Du tsunami plutôt que du séisme lui-même en quelque sorte...
Car du torrent de réactions en tous genres qui submerge l'actualité, deux thèmes paraissent révélateurs de l'état d'esprit assez inquiétant dans lequel se trouve notre pays et une bonne partie de la classe politique.

Tout d'abord, la stupéfaction "abasourdie" de la Gauche.
Bien mise en évidence lors de l'émission de Frédéric Taddeï du 16/05, par un saisissant collage vidéo des principales interventions des ténors du PS, elle témoigne soit d'une naïveté ahurissante, soit plus probablement, d'une mauvaise foi vertigineuse. A les entendre tous en chœur, affirmer que rien, absolument rien ne pouvait laisser prévoir une telle affaire, une question brûle les lèvres : Mais dans quel monde vivent-ils ?
Foin des témoignages et révélations qui aujourd'hui commencent à sortir de partout, n'avaient-ils donc tout simplement jamais prêté la moindre attention aux retentissantes satires de Stéphane Guillon, humoriste dit "de gauche", lorsqu'il détaillait avec une cruauté sordide les petits travers supposés du personnage ?

Plus grave encore que cette amnésie de circonstance, c'est l'absence apparemment totale de perspicacité et de curiosité manifestée par des journalistes eux aussi très "engagés", et d'habitude beaucoup plus fouineurs lorsqu'il s'agit des supposées turpitudes du monde politico-financier. "Etrange omerta des médias français", s'interrogeait Christophe Deloire dans le journal Le Monde du 16/05.
En témoignaient, toujours lors de l'émission de Frédéric Taddei, les simagrées ridicules de Nicolas Domenach (Marianne) et d'Edwy Plesnel (Médiapart).
Tous les deux ont en commun d'avoir déversé des années durant, des tombereaux d'insinuations malveillantes, de soi-disant révélations sur le président de la république auquel ils vouent manifestement une haine aussi féroce qu'irrationnelle. Plus fort, l'un vient de publier, un ouvrage décrivant par le menu les confidences qui lui aurait été faites en privé par Nicolas Sarkozy ("Off : ce que N. Sarkozy n'aurait jamais du nous dire"). L'autre parcourt les plateaux télés pour promouvoir le sien, nouvelle charge pachydermique, dirigée contre le Chef de l'Etat ("Un président de trop").
Face à l'incroyable complaisance que ces gens manifestent depuis si longtemps vis à vis de tout ce qui vient du bord politique auquel ils appartiennent, il faut espérer que ces compilations de chiures de mouches aient le destin qu'elles méritent : le pilon.
Puissent-ils eux-mêmes, subir un peu de l'opprobre qui s'abat sur celui devant lequel ils abandonnaient tout esprit critique, dont ils flattaient servilement les prétendus idéaux socialistes, tout en feignant d'ignorer le train de vie de nabab, les liens douteux avec le monde des affaires et celui de la presse.

La seconde illustration de cette mauvaise foi est la manière dont les mêmes censeurs présentent ces derniers jours la justice outre-atlantique, laquelle ose présumer de la culpabilité de leur héraut.
A cette occasion, resurgit de plus belle le vieux fond anti-américain et surtout l'ignorance crasse des mécanismes qui font de ce système un des piliers de la démocratie.
A tout seigneur, tout honneur, madame Guigou, ancien garde des sceaux, estime que la procédure suivie par la justice américaine est " d'une brutalité, d'une violence, d'une cruauté inouies", et elle ose déclarer qu'elle est "heureuse que nous n'ayons pas le même système judiciaire".
Elle est suivie sur ce terrain par Chevènement dont "le coeur ne peut que se serrer devant ces images humiliantes et poignantes" et qui condamne "un effroyable lynchage planétaire", par Jack Lang qui évoque "une justice infernale", par Robert Badinter qui parle "de mise à mort médiatique" et qui voit "la défaillance d'un système entier"...
La contribution la plus révélatrice est toutefois apportée par l'inénarrable BHL, très remonté contre le juge américain "qui, en livrant [DSK] à la foule des chasseurs d'images attendant devant le commissariat de Harlem, a fait semblant de penser qu'il était un justiciable comme un autre."

Sans doute ces gens ne se rendent-ils pas compte qu'avec tant de parti pris et d'outrances, ils risquent surtout de desservir la personne qu'ils sont supposés soutenir. Le précédent de Florence Cassez au Mexique n'a pas servi d'expérience...
Il semble bien en tout cas que la preuve soit faite, une fois encore, de l'arrogance socialiste. Caractérisée par une telle certitude d'incarner la justice, le progrès, la générosité, la solidarité, elle en vient à occulter voire à nier tout ce qui serait susceptible d'entacher son panache. Dans le même temps, elle s'arroge le droit de condamner ex cathedra tout contrevenant à ses rogues parangons.
Puissent enfin ces évènements tragiques, servir de leçon. Puissent ces faux seigneurs rabattre enfin de leur morgue. Puissent les yeux de tant de citoyens abusés, se dessiller...


Illustration : Le rat et l'huitre par La Fontaine, illustré par J.J. Grandville

17 mai 2011

Au fou !

Grand chahut au Sénat il y a quelques jours à peine, alors qu'un texte de loi réformant les procédures relatives à l'organisation de la psychiatrie, était en train d'être discuté depuis le 10 mai.
En cause, la réforme des dispositions qui ont notamment pour but de pouvoir soigner contre leur gré les patients souffrant de troubles mentaux, faisant courir un risque immédiat pour eux, ou leur entourage.

Suite à quelques drames retentissants, le gouvernement a en effet décidé de renforcer les dispositions classiques, en les élargissant notamment au contexte de l'ambulatoire. Le projet de loi a dans le même temps pour objectif de faciliter l'hospitalisation demandée par un tiers (HDT), en limitant à un seul au lieu de deux, le nombre de certificats médicaux requis. Il propose également d'instituer une période de surveillance de 72 heures, avant de prononcer l'hospitalisation d'office (HO), relevant elle d'un représentant de la force publique. D'une manière plus générale, il contient également des mesures visant à contrôler plus étroitement la sortie de ces derniers patients, et donne le droit au préfet de s'y opposer s'il estime que le malade représente un danger pour autrui, même si les médecins ont un avis contraire.

Sans rentrer plus avant dans le détail technique du texte, avec lequel il est naturellement permis de manifester des désaccords tant le sujet est complexe et délicat, ce qui frappe c'est la virulence et l'aspect peu rationnel de l'argumentation brandie par l'opposition. Notamment celle d'un groupe de pression, paraît-il animé par des psychiatres, intitulé le Collectif des 39 .

Au premier abord, et à les entendre vociférer qu'il s'agit d'une « extension inadmissible du contrôle étatique des populations », on pourrait imaginer une bande d'énergumènes ultra-libéraux, partant en guerre contre le Big Government.
On constate bien vite qu'il n'en est rien. Sic dixit le journal Le Monde, c'est "la gauche [ qui] est très hostile à un projet qu'elle juge "sécuritaire"...
De fait, on voit dans la rue, des gens habituellement plus enclins à réclamer des régulations, des contraintes, et des lois, surtout lorsqu'il s'agit de lutter contre les dérives de l'horrible libéralisme !

A côté d'outrances verbales ridicules évoquant rien moins qu'une plongée dans la nuit sécuritaire (!), on perçoit une dialectique d'inspiration nettement plus idéologique que scientifique. Par exemple, dans les propos du psychiatre Guy Baillon, relayés par Mediapart: "Cette loi est une campagne de « stigmatisation » de grande envergure! Une loi raciste! Marquant leurs noms du sceau du danger et de la peur."
L'air est connu. Tout comme ce genre de harangue rétrograde, dans le plus pur style syndical : Il est possible de faire reculer le pouvoir ! Un premier pas a déjà été franchi. Continuons notre combat..."

Derrière l'anti-sarkozysme devenu désormais rituel dès que le Président de la République est soupçonné de vouloir faire bouger un tant soit peu l'ordre établi, se profile en réalité, une argumentation assez imbécile qui fait froid dans le dos, venant de praticiens pourtant censés incarner la raison. Elle n'est pas sans rappeler le mouvement de colère insensé et très partisan, des magistrats lorsqu'ils furent tancés par le Chef de l'Etat après le drame de Laetitia.
Le pire est que ces censeurs intransigeants  si prompts à vomir leur fiel, n'ont comme trop souvent, pas grand chose à proposer comme solution alternative.

Sur le fond, même si la problématique s'avère extrêmement délicate, rien ne saurait plus la desservir qu'un rejet sectaire et sans nuance de toute proposition, dicté par un a priori partisan.
On a beau dire par exemple comme certains, que "les personnes ayant des troubles psychiques graves ne commettent pas plus de crimes que la population générale", est-ce une raison pour les laisser livrés à eux-mêmes lorsqu'ils passent à l'acte ou risquent de le faire ? Surtout lorsque l'on prétend dans le même temps que les malades mentaux sont par nature irresponsables, et qu'ils ne doivent en aucun cas relever de l'emprisonnement qui attend tout repris de justice !

En la circonstance, les psychiatres font preuve d'une étrange légèreté pour ne pas dire inconséquence, lorsqu'ils dénient aux préfets le pouvoir de maintenir en internement des patients potentiellement dangereux.
Qui donc, selon eux devrait assumer la responsabilité des délits ou crimes qui seraient commis à la suite d'une erreur ou d'une négligence, puisqu'eux-mêmes s'en dédouanent habituellement ?
Quel psychiatre a émis ne serait-ce qu'un regret à l'occasion de la décapitation au sabre, par un malade sorti un peu vite, de deux infirmières à Pau il y a quelques années ? Quel psychiatre s'est interrogé lorsqu'un détraqué en permission n'a rien trouvé de mieux, que de découper sa pauvre mère en morceaux, puis de les balancer à tous vents par le balcon de son appartement ?
Quel psychiatre a fait état du moindre doute lorsque la malheureuse Laetitia a subi à peu près le même sort atroce il y a quelques mois ?

Une fois encore, on ne peut qu'être effaré par l'emballement idéologique et la politisation manichéenne qui empoisonne désormais tout débat dans notre pays. En témoigne encore, la récente affaire concernant le RSA, au cours de laquelle une malheureuse proposition d'astreindre à 5 heures hebdomadaires de "service social" les allocataires, déclencha une levée de boucliers hallucinante de la part de gens qui se gargarisent à tout bout de champ de solidarité et d'altruisme...