27 janvier 2018

Double discours

Pour sa première participation au forum économique international de Davos, en tant que président de la république, Emmanuel Macron s’est livré à un véritable show devant un parterre paraît-il par avance conquis, de hauts dignitaires et de chefs d’entreprises de tous pays.
“France is back” a-t-il proclamé de manière quelque peu emphatique, en faisant étalage avec un brin de forfanterie, de sa maîtrise de la langue anglaise. S’ensuivit un discours fleuve dont une partie fut prononcée dans la langue de Shakespeare et l’autre plus prosaïquement dans celle de Molière…
 
Même pour les grincheux qui le trouvent piètre orateur, cette prestation a prouvé que M. Macron manie bien le verbe et fait preuve d’un sens aigu de la communication.
La question qui reste en suspens est de savoir si ses actions sont à la hauteur du discours et si derrière les formules brillantes le propos est toujours cohérent. Et là les doutes surgissent..
Cette intervention polyglotte laisse un goût un peu étrange. Après avoir en anglais tenté de réenchanter le libéralisme économique, force est de considérer qu’il fit à peu près l’inverse en français.

Dans un premier temps, M. Macron a en effet vanté la "baisse du coût du travail et du capital", la "flexibilité" et souhaité une réforme du travail qui réaligne la France sur les standards de l'Allemagne et de l'Europe du Nord: "moins par la loi, plus par le consensus".
On se souvient que quelques jours à peine avant Davos, le Président avait reçu en grande pompe au château de Versailles 140 chefs d’entreprises, parmi les plus influents de la planète en vantant le slogan “ChooseFrance”. Ébouriffante mise en scène à peine ternie par la contribution de M. Ferrand qui pour justifier tout cet apparat, ne trouva rien de mieux à sortir que le bon vieux dicton qui veut “qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre”. On connut accroche plus flatteuse…

Le plus inquiétant toutefois est que dans la seconde partie de son intervention, de loin la plus longue hélas (plus d’une heure), M. Macron se lança dans un sermon moralisateur allant à l’inverse de tout ce qu’il avait asséné l’instant d’avant.
A l’instar d’un vieux socialo-altermondialiste rassis, il a insisté sur les enjeux "d'une croissance équitable", et "la nécessité de se battre pour l'environnement et contre l'évasion fiscale" (sic dixit Hufftington Post). Selon les propos rapportés dans le Courrier International, il a également réclamé "plus de coopération internationale en Europe et, au-delà de ça, plus de régulation, et de dirigisme à l’échelle mondiale”.
Le rêve d’un Nouveau Monde libéré s’est ainsi transformé en un vrai cauchemar aux accents anti-capitalistes, que n’aurait pas renié M. Mélenchon.
Pire, le chef de l’Etat, s’est tout à coup mué en oiseau de mauvais augure annonçant que “les grands acteurs du numérique vont provoquer des disruptions qui vont détruire des millions d'emplois.”
Et quant aux solutions proposées, elles semblent tout droit sorties de la boîte à outils hollandaise : “Nous gouvernements, allons donc devoir reformer massivement les gens. Si les entreprises ne contribuent pas par leurs impôts à financer cet investissement, que dire aux classes moyennes de nos pays ».
Sur la régulation financière, Emmanuel Macron a aussi demandé “que le FMI et les institutions de surveillance prudentielles élargissent leur surveillance à ces pans entiers qui échappent à tout contrôle, comme le bitcoin dont la volatilité inquiète les régulateurs, ou comme la finance de l'ombre, qui prospère en dehors des réglementations.”
A croire M. Macron, sans cette nouvelle avalanche de régulations et de bureaucratie, “Schumpeter va très rapidement ressembler à Darwin”.
Autrement dit, le monde sombrera dans un capitalisme sauvage, soumis à l'abominable loi de la jungle, “struggle for life” en anglais. Refrain trop classique et par trop désespérant.

Quand faut-il donc croire M. Macron ? Lorsqu’il chante les mérites de la libéralisation ou au contraire lorsqu’il prône le renforcement des réglementations et des contraintes étatiques ?
Face à une conjecture aussi nébuleuse, il n'est pas très étonnant qu’arrivé “en terrain conquis et dans un ciel lumineux” (Figaro), M. Macron s’en retourne rhabillé pour l’hiver par les commentaires plus que dubitatifs de la presse étrangère . Ainsi selon le journal allemand Die Welt, “Macron est venu, il a vu – il a déçu”, car s'il était attendu “comme le Messie, le sauveur de l’Europe, plus encore le sauveur du monde, par son intervention qui n’en finissait pas, il a produit de lui-même le désenchantement”...
Cette histoire me rappelle hélas les revirements de Nicolas Sarkozy, quelque mois après son élection, relatés dans ce billet désabusé de 2008...

14 janvier 2018

Bonne Nouvelle Année de Liberté

Alors que l’État ne cesse d’accroître son emprise sur nos vies, est-il encore temps d’aborder la question de la liberté individuelle ?
Il semble que cela soit un combat d’arrière garde car force est de constater hélas que les lois qui s’ajoutent les unes aux autres, ne cessent d’alourdir la pression et les contraintes sur les citoyens .

En ce début d’année, les annonces du gouvernement, qu’on qualifie généralement de « libéral », ne peuvent que confirmer cette tendance.
Il en est ainsi des limitations de vitesse sur le réseau routier secondaire, qui passent de 90 à 80 Km/h. On peut se demander jusqu’où iront les contraintes pesant sur les automobilistes. On entend parler régulièrement de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes, de 130 à 120 km/h. Nul doute que cette nouvelle barre sera imposée sous peu. La voiture, qui fut un symbole flamboyant de liberté, est en passe de devenir le corbillard des illusions perdues...

Parallèlement, le poids des taxes ne cesse de s’accroître. Au motif de préserver la planète, notre bien-être, la sécurité ou bien je ne sais quelle belle intention, le gouvernement entend pénaliser toujours plus les possesseurs de véhicules diesel. Après avoir encouragé durant des décennies ce type de motorisation, il nous en dit pis que pendre. Après avoir contraint les fabricants à mettre en place des dispositifs toujours moins polluants, après avoir imposé des seuils d’émissions de particules toxiques, quasi impossibles à respecter, la solution in fine reste toujours le recours à la taxation. Et plutôt que de baisser celle qui plombe, si je puis dire, l’essence, on augmente donc tous azimuts. Mais, admirons la subtilité, la progression sera moins forte pour l'essence que pour le gazole, ce qui permettra à terme d’égaliser l’ensemble sur un nouveau sommet vertigineux. A ce jour, les automobilistes paient en taxes, plus de 4 fois le prix du carburant à la sortie de la raffinerie !
Petite consolation, notre vertueux ministre de l’environnement Nicolas Hulot sera également mis à contribution, lui dont l’écurie motorisée ne compte pas moins de 6 ou 7 véhicules parmi les plus polluants qu’on puisse imaginer. Il est vrai que ce contempteur du profit et de l’économie libérale en général, peut se le permettre grâce à la rente de plusieurs millions d’euros qu’il a su tirer de ses entreprises commerciales !
De qui se moque-t-on, hélas, nous le savons trop bien…
A mesure que l’Etat-Providence étend ses tentacules sur nos têtes, l’objectif mirobolant d’une société libre et responsable s’éloigne toujours un peu plus et le bon Tocqueville doit faire des tours et des retours dans sa tombe.

Autre sujet d’inquiétude pour les Amoureux de la Liberté, celui des fake news, contre lesquelles le Président de la République entend rentrer en guerre, comme Don Quichotte et les moulins à vent. Comment peut-on croire un instant qu’il suffise d’une loi (encore une!) pour que la vérité universelle enfin jaillisse au grand jour ! Imagine-t-on que les citoyens soient assez bêtes pour être définitivement incapables de distinguer dans le flot d’informations qui nous assaille, le bon grain de l’ivraie ?
C’est précisément à force de faire comme si les gens étaient des imbéciles congénitaux qu’on les empêche de se forger un esprit critique et que le vœu de Kant, que chacun puisse accéder aux lumières, tombe en capilotade. L’infantilisation générale du monde est le résultat conjugué de lois insanes et d’une éducation débilitante.
La rhinocérite est hélas une maladie contagieuse, contre laquelle aucun vaccin n’est obligatoire. Il en est pourtant d’efficaces, pas chers et à la portée de tous grâce aux fabuleux moyens de diffusion des connaissances et de l’information que le progrès technique nous a apportés. Malheureusement, pour paraphraser Jean-François Revel, tout cela s’avère inutile si l’ancestrale pulsion grégaire qui anime les hommes, les ravale au rang de moutons de Panurge dénués de jugeote. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait quant à lui Rabelais...

A tous les lecteurs de ce blog qui cherchent à s’affranchir des idées reçues et chérissent l’esprit de contestation pourvu qu’il soit constructif, je souhaite naturellement une excellente nouvelle année !