26 janvier 2010

Too Big To Fail

Est-ce un revirement dans la stratégie de Barack Obama, face à la crise économique ? Est-ce un vent nouveau, qui annonce une tendance à la déconcentration des entreprises ? Est-ce la fin annoncée de la folle course au gigantisme, qu'on croit parfois mais à tort, inhérente au capitalisme voire au libéralisme (ou pire encore... au capitalisme ultra-libéral) ?
Il est un peu tôt pour le dire mais la dernière proposition du président américain consistant à tenter de réduire la taille des banques, semble une bonne nouvelle pour tout Libéral soucieux d'empêcher les abus de position dominante, et souhaitant préserver une vraie émulation en matière d'économie de marché.
En affirmant « qu'il y a trop de risques concentrés dans de trop grandes banques », et que « Plus jamais les contribuables américains ne doivent être pris en otage par des banques devenues trop grosses pour faire faillite », Obama rejoint en quelque sorte le sénateur John Sherman. Celui-ci fut l'auteur à la fin du XIXè siècle de la première grande loi anti-trust, qui conduisit le président Théodore Roosevelt à casser en 1906 le quasi monopole de la Standard Oil, fondée par Rockefeller.
Il pourrait s'agir d'une petite révolution, après tant d'années pendant lesquelles nombre de gouvernements assistèrent impuissants aux fusions d'entreprises, quand ils ne les encouragèrent pas, au nom de la religion productiviste.

En matière bancaire, non seulement la démesure nuit à la saine concurrence, mais elle a tendance à en compliquer et surtout à en déresponsabiliser la gestion. Les sociétés deviennent si grosses en effet, qu'elles se croient intouchables, et que l'Etat se fait un devoir de les secourir en cas de difficulté, par crainte que leurs déboires n'entraînent en cascade, l'effondrement du système tout entier. Le magazine The Economist pointait dans un récent numéro le fait qu'à ce jour, les quatre plus grandes banques américaines détiennent plus de la moitié des actifs de l'industrie (22/01). Qui peut prétendre rationnellement qu'il s'agisse d'une situation souhaitable ?
Jusqu'à ce jour malheureusement, le credo des Pouvoirs Publics, notamment en France, est pourtant de pousser à la concentration, au nom de l'harmonisation, de l'optimisation des coûts. Le gouvernement a récemment encouragé la fusion de la Caisse d'Epargne avec les Banques Populaires. Il y a quelques années, il avait pesé de tout son poids pour favoriser le rapprochement de la Société Générale avec BNP-Paribas.
Tout récemment, éclatait la polémique au sujet du double salaire et du cumul de fonctions de monsieur Proglio. Or derrière cette affaire, se profile l'alliance étrange des colosses EDF et VEOLIA, qui avait jusqu'à ces tout derniers jours la bénédiction du Président de la République et du ministre de l'Economie.
Banque ou pas, l'adage too big to fail s'applique à tous ces mastodontes. On a vu aux USA, comment les difficultés de General Motors ont contraint le gouvernement fédéral à s'impliquer directement dans le management du géant de l'industrie automobile. En réalité, les exemples sont légions et concernent tous les gouvernements quelque soit leur sensibilité politique. Au surplus, la tendance est identique, s'agissant d'entreprises étatisées. La fusion des hôpitaux ordonnée par la Loi HPST, la chasse aux prétendus « doublons d'activité » et la concentration du pouvoir décisionnel dans de monstrueuses Agences Régionales de Santé, relèvent du même état d'esprit.
La récente initiative de Barack Obama pourrait apporter un peu d'air frais à un univers qui semble en voie de s'asphyxier dans la pléthore et l'inertie. Elle pourrait même, à condition de faire preuve d'optimisme, être de nature à replacer l'Etat dans ses fonctions naturelles de garant des règles du jeu, et non d'entité providentielle chargée de subvenir à tous les aléas de la vie de chaque citoyen. Cela pourrait signifier, non pas le renforcement de l'interventionnisme, mais la simple promulgation de règles de bon sens, permettant précisément d'éviter l'ingérence incessante du gouvernement dans le libre jeu du marché, et l'assistance au fonctionnement du moindre des rouages de la société.
Ce n'est pour l'heure qu'une annonce. Rien ne dit qu'elle sera suivie d'effets. Rien ne dit non plus qu'elle se traduira par une mise en œuvre pragmatique, le risque étant comme d'habitude, d'en faire trop.
On dit ainsi que le président américain souhaite dans la foulée, imposer des contraintes fonctionnelles aux organismes bancaires, leur interdire notamment toute activité de spéculation sur les marchés. Il voudrait également alourdir la charge fiscale, en créant une curieuse «
taxe de responsabilité dans la crise financière ».
Il convient donc de se garder de tout enthousiasme prématuré. Mais l'espoir est quand même permis...

Aucun commentaire: