31 octobre 2011

Ô doux Blues...


Selah Sue
Elle a la voix craquante et pleine de fraîcheur de la jeunesse. Une jeunesse aussi effrontée et impétueuse qu'inspirée. C'est un mélange des plus instables, capable de se révéler effervescent jusqu'à l'extase ou bien explosif et porteur de dévastation. Dans tous les cas ça ne peut pas laisser indifférent.
La diablesse n'est pas sans rappeler la regrettée Amy Winehouse avec sa chevelure cascadant, "moutonnant jusque sur l'encolure", sa voix éraillée, décalée, son chant déstructuré, rattrapant en permanence par de stridentes modulations ses suaves dérives. Mais elle apporte d'emblée, du haut de ses quelques vingt-ans, incontestablement un son nouveau, avec de puissantes et originales sonorités mi-funky, mi-blues, agrémenté d'un zeste de soul, de reggae, voire d'un soupçon de rap. Elle est en équilibre précaire, et les pépites délicates de son lamento aérien virevoltent avec une intense vulnérabilité et une charmante pugnacité sur un torrent de basses qui fait vibrer le sol de son beat térébrant (Raggamuffin, Crazy Vibes). Les arrangements accompagnent en beauté cette envoûtante efflorescence vocale: Tantôt minimalistes (le déchirant Mommy, Explanations, Fyah Fyah), tantôt riches, mâtinés de cuivres, et de cordes, ils s'appuient en presque toute occasion sur de subtils synthés (le surprenant This World qui ouvre en majesté l'album, le ténébreux et luxuriant Black Part Love, ou le splendide et pulpeux Summertime)
En bref, une fille aussi douée, dotée d'autant de personnalité et de talents peut ébranler durablement le microcosme musical contemporain. L'avenir dira si cette éclosion surprenante de promesses mène à autre chose qu'une nuée éphémère de bulles affriolantes Ce ne serait de toute manière déjà pas si mal...

Johnny Winter

 J'avoue que j'avais les pires appréhensions avant d'écouter ce nouvel opus du bon vieil albinos, tant il semblait au bout du rouleau.
Comme par magie, le voilà remis en selle ! Certes, il est solidement et efficacement entouré (Sonny Landreth, Warren Haynes, Derek Trucks, Vince Gill...), mais la "patte" du hâve desperado est bien vivante. On reconnaît sa manière mordante et sacrément prégnante de tourner les riffs et il a encore de la voix. Sur une set-list très roots, ça le fait encore sacrément bien. Il y a du pur jus dans le fameux Dust My Broom d'Elmore James et un pulpeux shuffle dans Further On Up The Road. Et que dire de la rythmique endiablée du Got My Mojo Workin' (avec Franck Latorre à l'harmonica) ou du balancement voluptueux de Last night (avec John Popper cette fois à l'harmonica) ou de Bright Lights, Big City ? Une chose est sûre : l'aspiration aux grands espaces et l'ivresse de la liberté restent la dominante de ces blues superbes et bien calibrés qu'on écoute d'une traite avec délectation.

17 octobre 2011

L'indignation n'est plus ce qu'elle était


Depuis qu'un vieux diplomate en mal d'originalité et de notoriété l'a relancée avec une mauvaise foi mielleuse d'archevêque confit dans les bondieuseries, l'indignation est devenue le dernier concept à la mode. Elle court les médias, se consomme à toutes les sauces, et sert les causes les plus diverses, pour ne pas dire les plus saugrenues ou contradictoires.
Même la malheureuse Ségolène a essayé in extremis de s'en faire une jouvence idéologique. Sans grand succès...
Grâce à un sens plus aigu du racolage, l'ineffable porteur de Burberry Montebourg a réussi quant à lui à faire venir vers les urnes du PS, quelques bataillons de mélenchonistes, cocos, alter et autres nostalgiques du Grand Soir en faisant siens les slogans de la dé-mondialisation et de la nationalisation générale des banques. Il s'est ainsi donné à peu de frais l'illusion éphémère d'être un fin stratège.

Nietzsche qui parfois voyait juste, avait mis en garde : "Personne ne ment autant que l'homme indigné" (Par delà le bien et le mal).
De fait, si l'on écoute un peu les vitupérations hargneuses mais confuses qui émanent de ces hordes disparates "d'indignés", il y a de quoi être effaré. Il en sort en effet vraiment tout et n'importe quoi, pourvu que ça tienne de l'envie de foutre ce qui reste de société par terre, et que ça soit puisé au tonneau des vieilles utopies gauchistes. C'est donc ça ! Après les innombrables désastres engendrés par tous les avatars grandiloquents du socialisme, c'est dans l'eau de boudin spumeuse d'une révolte débile que surnagent à la manière de grumeaux, les restes idéologiques de la lutte des classes. Mince consolation...

Entre autres impostures, ces manifestants, qui contestent les élections "piège à c..." et dont l'arrogance cherche à dissimuler qu'il ne s'agit que de groupuscules, brandissent - entre deux pillages de vitrines - l'étendard de la "vraie démocratie" et n'hésitent pas à se surnommer "les 99 % qui ne tolèrent plus la cupidité des 1 % les plus favorisés".
Aujourd'hui toute la Presse s'émeut, et fait semblant de considérer cette sinistre pagaille comme un mouvement de fond qui monte, qui monte... Le besoin désespéré de spectacle occulte quasi totalement l'analyse de fond. Le Point par exemple considère que ces turbulences insanes sont "inspirées par les révolutions arabes" ! De grandes figures du consensus doré telles Michel Drucker jugent "très intéressant" le phénomène (Salut les Terriens du 15/10). Aux Etats-Unis, les éternels débiteurs de truismes bien-pensants essaient de récupérer la rébellion, peut-être pour faire oublier qu'ils sont de fieffés profiteurs du système. On voit ainsi ressortir tout à coup en se tapant d'indignation la bedaine les Al Gore, Michael Moore, Alec Baldwin, Sean Penn and co...

Devant cette toile de fond miteuse s'agite le théâtre de guignol des primaires socialistes, dont la Presse décidément à court d'inspiration décortique les minuscules péripéties comme s'il s'agissait d'événements de portée internationale.
Après les soporifiques débats démontrant au moins une chose, à savoir que le socialisme français n'a ni idée ni leader naturel, voilà enfin sacré candidat, au terme de la pitoyable kermesse, le prototype même de l'inamovible apparatchik, dont la principale originalité est de s'être relooké de fond en comble le portrait et la silhouette.
Restent quand même, pour ne pas totalement désespérer, quelques perles de bon sens, comme cette chronique de Claude Imbert, parue dans Le Point, dont je livre cet extrait édifiant :
"Notre Etat-providence, son modèle social, ses "avantages acquis" sacralisés n'ont que trop demandé à l'emprunt pour emplir leur panier percé. Au fil des ans, une culture de l'assistanat a décervelé la Nation. Le socialisme français, le plus à gauche de tous les socialismes européens, est de surcroît enkysté dans les tréfonds de l'Etat : la droite d'un Chirac fut plus socialiste que le socialisme d'un Blair à Londres ou d'un Schröder à Berlin..."

A bien y réfléchir, on se prend à imaginer à la lumière de ces propos que derrière les écrans de l'actualité médiatique, une autre indignation monte peut-être, en silence, plus profonde, plus contenue, mais plus irrépressible, et qu'elle réserve  quelques surprises...

07 octobre 2011

In memoriam : Steve Jobs


Il était l'incarnation idéale de l'entrepreneur. Selon la conception libérale naturellement. Marchand autant qu'inventeur. Créateur autant que décideur. Magicien autant que gestionnaire.
Un chef d'entreprise et un self-made man comme seule l'Amérique sut et sait encore en produire tant.

Alors que l'Occident vacille sur ses bases, qu'il perd la foi en ses valeurs et semble s'abandonner à un défaitisme et une frilosité paralysantes, sa figure tutélaire de commandeur jette en disparaissant, une clarté quelque peu irréelle sur ce monde crépusculaire.

Luttant contre la fatalité qui se mit plusieurs fois en travers de son chemin, il sut tirer parti de ses échecs et de ses infortunes, donnant par son énergie et sa soif d'innovation, une signification lumineuse au fameux concept schumpeterien de destruction créatrice.
Renaissant sans cesse de ses cendres, ce Phénix à l'allure si austère, si énigmatique, fut un révolutionnaire au sens le plus noble du terme. Il administra la preuve éclatante que le génie individuel peut prendre le pas sur l'adversité, sur toutes les administrations, tous les mastodontes organisationnels, toutes les planifications, tous les dogmes, et qu'il peut changer en mieux le monde. Il montra qu'il ne faut avoir aucune crainte à produire des richesses pourvu qu'elles s'inscrivent dans un but louable, qu'elles aient quelque utilité et qu'elles rendent plus douce la vie.
En faisant le pari insensé que l'ordinateur, qu'on imaginait réservé aux administrations et à la bureaucratie, serait l'outil individuel par excellence et un formidable moyen d'émancipation et de communication, il ébranla sérieusement le mythe grimaçant de Big Brother.

Steve Jobs enchanta le quotidien de millions de personnes qui sont des êtres humains avant d'être des consommateurs. Mieux, il parvint à susciter du désir et à faire rêver, avec de froides machines. Au passage il démontra avec brio qu'en matière économique, contrairement à une opinion répandue, l'offre précède souvent la demande ("Ce n'est pas le rôle du client de savoir ce qu'il veut" confia-t-il malicieusement au moment du lancement de l'Ipad). Il prouva également qu'on peut être compétitif en misant sur la qualité et la séduction plutôt que sur la productivité et les bas prix. Bref, comme beaucoup d'hommes d'action, il fit mentir les théories.

Certes, parvenu aux cimes de son art et au sommet de sa puissance, il fut rattrapé par les inconvénients du gigantisme, et eut une certaine propension à se satisfaire de la position dominante qu'il était presque parvenu à acquérir, à céder à la tentation du monopole. Commerçant génial, il eut tendance en usant de procédés discutables, à vouloir rendre captive la clientèle qu'il avait conquise.

Mais, tout bien pesé, le "pour" l'emporte largement dans cette destinée hors du commun. Il avait le plus beau nom qui soit pour un entrepreneur générateur d'emplois. Fasse le ciel qu'il perdure comme le symbole d'une société décidée à rester ouverte, en quête perpétuelle de progrès, de bonheur et de désir.

06 octobre 2011

Perspectives Démocratiques


La vision que donne Walt Whitman (1819-1892) de la démocratie est échevelée, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans ce texte peu connu *, traduit pour la première fois en français si je ne m'abuse, on retrouve à maints endroits le lyrisme sauvage et flamboyant de son fameux poème "Leaves Of Grass".
Il faut préciser d'emblée, que ce vibrant plaidoyer pour la Liberté et l'individualisme peut faire frémir à notre époque, où tout ce qui touche au libéralisme est systématiquement sali, dégradé, honni par les adorateurs du veau d'or social et du Big Government, qui préfèrent les dogmes à l'argumentation.

Qu'on se le dise, Walt Whitman est plus qu'ultra-libéral : il a la fibre libertaire !
Rien à voir avec l'anarchisme, mais plutôt avec une vision romantique de la démocratie, où l'individu est au centre de tout, incarnant à lui seul le paradigme du self-government : "L'homme, proprement formé dans la plus saine, la plus haute liberté, peut et doit devenir une loi, et une série de lois, pour lui-même, qui encadrent prévoient non seulement sa maîtrise de soi personnelle, mais toutes ses relations avec les autres individus et avec l'Etat."
Cette conception n'est pas si éloignée de celle de Kant, telle qu'elle apparaît dans son ouvrage "Qu'est-ce que les lumières". Alors que le philosophe allemand appelait ses contemporains à sortir de la "minorité" pour enfin devenir majeurs, en osant connaître et penser par eux-mêmes (Sapere Aude), le poète du Nouveau Monde exhorte à "entreprendre la grande affaire de son propre épanouissement, dont la fin (qui demandera peut-être plusieurs générations) sera, s'il se peut , la formation d'un homme ou d'une femme pleinement adulte".

Pour Whitman le poète, la démocratie n'est toutefois pas une invitation à n'importe quelle liberté. Elle est loi, et "loi des plus strictes, des plus largement contraignantes". Si elle fait appel au sens des responsabilités de l'individu, elle ne doit pas pour autant se cantonner à une approche terre à terre, trop bassement vulgaire de la société. Elle porte une espérance qui s'exprime par la spiritualité : "au cœur de la démocratie, en fin de compte, se trouve l'élément religieux". Et dans ce sentiment, c'est à une aspiration panthéiste qu'il invite le lecteur. Dans l'idée de Dieu, réside nécessairement la Nature, dont l'histoire, comme celle de la Démocratie, "attend d'être écrite..."
A l'instar de la conception transcendantaliste (Emerson, Thoreau...), la religion n'est pas ici celle des églises, des chapelles, des sectes, mais celle que chacun porte en lui. Car "les bibles peuvent transmettre, et les prêtres disserter, mais c'est exclusivement dans l'opération sans bruit, du propre de Soi, isolé, qu'on pénètre le pur éther de la vénération, atteint les divins leviers, et communie avec l'inexprimable."

Dotée de ces vertus, la jeune démocratie américaine semblait à la fin du XIXè siècle, bien armée pour affronter l'avenir et débordait de promesses, en dépit de quelques insuffisances de jeunesse.
La pire évidemment fut représentée par l'effroyable séisme de la guerre civile dont l'insoutenable déchaînement de violence avilit, tout en la régénérant, et en la fortifiant de manière nietzschéenne la jeune république : "La race la plus paisible et du meilleur naturel du monde, et la plus indépendante en ses personnes et la plus intelligente, et la moins faite pour se soumettre à l'agacement et à l'exaspération d'un régime de discipline, s'est précipitée au premier battement du tambour , pour prendre les armes – non pour le gain, pas même pour la gloire, ni pour repousser une invasion – mais pour un emblème, une totale abstraction – pour la vie, la sauvegarde du drapeau..."

Parmi les reproches que faisait Whitman à "son" Amérique, il y avait aussi le fait par exemple, qu'à la fin du XIXè siècle, elle n'avait "moralement et artistiquement rien fait d'original". Pas rédhibitoire, mais fâcheux si l'on convient qu'elle réclamait "une poésie qui soit audacieuse, moderne, et embrassant tout et kosmique (sic), comme elle l'est elle-même." Ou bien si l'on admet avec lui que la littérature est l'âme d'une nation.
Force est de constater que ces craintes furent dissipées. Lui-même acquérant le statut de chantre de ce nouvel âge et le jaillissement de la culture américaine se révélant si torrentiel et rayonnant qu'on a pu comparer New York à une Nouvelle Athènes.

On ne saurait terminer cette plongée dans la pensée whitmanienne sans préciser que si l'irrésistible montée de l'idée démocratique associe individualisme, religiosité, et culture artistique, elle ne s'appuie pas moins également sur des valeurs plus triviales, qui n'ont rien de honteux. Qu'on en juge par cette joyeuse et iconoclaste exaltation : "Je salue avec joie l'énergie océanique, bigarrée, intensément pratique, l'exigence de faits, et même le matérialisme des affaires dans l'époque en cours, en nos états."
En réalité, "comme le combustible pour la flamme, et la flamme pour les cieux, ainsi richesses, science, matérialisme – et même cette démocratie dont nous faisons tant de cas – doivent-ils infailliblement nourrir l'esprit élevé, l'âme."

Au total ces perspectives démocratiques forment une sorte de fleuve épique, charriant impétueusement les grandes idées, mais aussi parfois les contradictions, et les utopies.
Joint à l'incandescence du style, à la longueur des digressions, cet étonnant mélange des genres rend parfois le discours difficile à suivre (certaines phrases dépassent le cadre d'une page).
Elles ont toutefois le mérite de proposer une vision à la fois lyrique et réaliste, fondamentalement pacifique, de la révolution démocratique, aux antipodes des tempêtes dévastatrices menant aux bains de sang européens. C'est une re-fondation du Monde qui doit "promouvoir ses propres normes neuves, mais encore suffisamment anciennes, en admettant les anciens éléments pérennes, et en les combinant en groupes, en unités, appropriés au moderne, au démocratique..."
Pour aboutir à une société éclairée mais pragmatique, de laquelle doivent être exclues la grandiloquence et la médiocrité, "le principal étant la moyenne, l'organique, le concret, le démocratique, le populaire, sur lesquels toutes les superstructures du futur doivent reposer pour durer...".

Epilogue
J'entendais récemment lors d'un débat télévisé**, le metteur en scène de théâtre Jean-Michel Ribes, déclarer qu'en matière politique il y avait deux voies : celle "de droite" selon laquelle, "quand l'individu va bien, la société va bien" et celle "de gauche" qui considère au contraire que "c'est quand la société va bien, que l'individu va bien".
A la lumière des propos de Whitman, rien ne renforce mieux l'idée que la voie "de droite" est décidément la meilleure, la plus rectiligne et la plus saine. Car elle part humblement de l'élément fondateur de la société, à savoir l'individu, avec ses imperfections mais aussi ses potentialités, et fait le pari qu'en lui conférant la liberté, il sera capable de s'élever. Tout le contraire en définitive, de la voie "de gauche" qui impose par la force et la contrainte, et par en haut, un système jugé bon a priori, dans lequel l'individu est prié de se conformer à un bonheur imposé...

* Perspectives démocratiques. Walt Whitman, traduction Auxeméry. Belin 2011.
** Ce soir ou jamais (27/09/11)

04 octobre 2011

Autumn : A Dirge


Etrange période où la tiédeur mordorée de l'automne, venant cueillir en douceur un été qui ne veut pas finir, forme un écho saisissant à la lente et désespérante déconfiture de notre médiocre société.
"Fin de règne" titrent Le Nouvel Obs et Le Point, réunis dans un affligeant consensus. De son côté, Marianne qui fait de l'invective son unique source d'argumentation, et qui en tira des rouges durant des années sur sa victime, se permet d'évoquer lourdement "Le boulet", à propos de la disgrâce dans laquelle patauge le Chef de l'Etat.
C'est peu de dire que le débat plane au ras des pâquerettes. A longueur de journée on entend les mêmes âneries sur les méfaits du capitalisme, sur la relance et autres fariboles d'inspiration plus ou moins keynésiennes. Pourquoi faut-il toujours entendre et réentendre de la bouche de piteux donneurs de leçons, les erreurs les plus grossières, ressassées sans souci des enseignements du passé ?

L'époque est troublée, sans nul doute. Vers quel destin sommes-nous embarqués ? Il est bien difficile de le prévoir mais l'inquiétude grandit à mesure que les fissures s'élargissent et que le sol se dérobe à chaque pas. Le yoyo des indices financiers, saluant avec l’énergie du désespoir toute nouvelle initiative des Etats empêtrés dans la crise, donne le tournis. Hélas, en dépit de sursauts, de plus en plus éphémères, rien ne semble y faire : la courbe n'en finit pas de s'effondrer.

Une chose en tout cas ne laisse pas d'étonner : l'impopularité dont fait l'objet Nicolas Sarkozy, pour ne pas dire la haine qui accompagne désormais la moindre de ses actions.
Durant cinq ans, un vrai déluge d'insanités partisanes fut déversé sur son compte. Depuis cinq ans, tout ce que le pays compte de hordes gauchisantes de tous poils et de toutes obédiences, se tordent de manière pathétique les boyaux à son seul nom (cf l'innommable pamphlet d'un certain Badiou).
Accusé de faire le jeu des "riches", de ses prétendus complices de la Finance Internationale, et du grand Capital, il est devenu le paradigme du Loup Garou pour les nostalgiques du Grand Soir. A ses pieds, ils jappent dans la fange d'une presse de caniveaux, comme des clebs excités par les remugles de leurs propres excréments. La seule question qui vaille, est de savoir si cet état d'esprit primitif a durablement déteint sur l'opinion publique.

C'est un curieux paradoxe que de devoir prendre la défense de quelqu'un qui vous a déçu, et qui relève de critiques qu'on juge diamétralement opposées à ce qu'on lui reproche communément !
Il serait vain sans doute de tenter de démontrer face au vent dominant, qu'il n'y a pas une once de libéralisme dans l'action du gouvernement français depuis 2007 (pas plus qu'auparavant, en tout état de cause). Qu'il n'a cessé de chercher à préserver envers et contre tout, à l'instar de tous ses prédécesseurs, l'Etatisme et le Modèle Social à la française, qu'il préconisa la relance dans le plus pur esprit socialiste-de-81, qu'il acheva de soviétiser le système de santé ...
En ré-entendant récemment lors d'un documentaire télévisé, les vibrantes déclarations de mai 2007 "Je ne vous décevrai pas.../... je ne vous trahirai pas...", je ne pouvais m'empêcher de penser que si des gens pouvaient se sentir floués par les temps qui courent, c'était bien ceux qui crurent un instant qu'une vraie "rupture" était sur le point de se produire; qu'enfin on allait un peu sortir des sentiers battus et rebattus de l'économie et de la pensée administrées...
L'échec, si ce n'est l'escroquerie, est certes patent. Pourtant un rapide tour d'horizon de ses opposants suffit pour se convaincre que si cette politique est la pire, c'est plus que jamais, à l'exception de toutes les autres...

The warm sun is falling, the bleak wind is wailing,
The bare boughs are sighing, the pale flowers are dying,
And the Year
On the earth is her death-bed, in a shroud of leaves dead,
Is lying...
Percy Bysshe Shelley (1792-1822)