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16 août 2019

La liberté d'être libre

La publication récente d’un texte inédit* de Hannah Arendt, retrouvé dans les archives de la Bibliothèque du Congrès à Washington DC et daté du milieu des années soixante, est l’occasion de mettre au jour d’intéressantes réflexions sur la vraie nature des révolutions et sur l’aspiration à la liberté qu’elles se font fort de propager habituellement.
Cet écrit entreprend de montrer que cette dernière est souvent un leurre, agité non pas par le peuple mais par ceux qui s’arrogent le droit de parler en son nom, lorsqu’ils font  par leurs écrits et leurs discours le lit de l’insurrection, ou lorsqu’ils parviennent au pouvoir de manière violente.
De fait, Hannah Arendt affirme “qu’aucune révolution, si largement qu’elle ait ouvert ses portes aux masses et aux miséreux - les malheureux, les misérables, les damnés de la terre, comme les désigne la grande rhétorique de la Révolution française -, ne fut jamais lancée par eux”.
La raison en est que “là où les hommes vivent dans des conditions de profonde misère, la passion pour la liberté est inconnue”; elle ne peut naître et prendre corps que chez “des hommes ayant des loisirs, des hommes de lettres n’ayant pas de maître et n’étant pas toujours occupés à gagner leur vie”.

Autre constat, aussi frappant que paradoxal, “les révolutions ne sont en règle pas la cause, mais la conséquence de la chute de l’autorité politique.” De manière plus générale, “aucune révolution n’est même possible là où l’autorité du corps politique est intacte, ce qui dans le monde moderne signifie là où l’on peut être assuré que les forces armées obéissent aux autorités civiles.”
En d’autres termes, les révolutionnaires ne s’emparent pas du pouvoir, ils ne font que prendre la place laissée libre par l’effondrement du précédent. Cela diminue singulièrement leur mérite, ce d’autant plus que l’expérience montre qu’ils peinent en général à le conserver dans les conditions qu’ils s’étaient fixées. Par une cruelle ironie du sort, la figure allégorique de “la Liberté guidant le Peuple”, le mène bien souvent à une nouvelle tyrannie, pire que celle dont il s’est affranchi !

Ces réflexions sont particulièrement prégnantes à notre époque, marquée par une crise profonde de la démocratie, où l’on voit l’autorité publique battre souvent en retraite ou faire preuve d'impuissance devant des factions de plus en plus virulentes, et où paradoxalement on l’accuse de plus en plus souvent d’être à l’origine de “violences policières”. N’y a-t-il pas là le début d’un pourrissement du Pouvoir, dont l’aboutissement pourrait mener au chaos et à tous les excès ?
Combien de fois entend-on critiquer le modèle de société dans lequel nous vivons ?

Aujourd'hui, contrairement à nos aïeux, nous avons la liberté d'être libres. Mais que faisons nous de cette liberté ? On n'a de cesse de la rogner !
Nous ne pouvons pas, tout au moins dans nos pays, prétendre combattre pour la liberté, puisque nous en jouissons comme jamais sans doute aucun peuple dans l’histoire. Que veulent donc les révolutionnaires de tout poil qui vocifèrent à nos oreilles leurs revendications ? C'est tragiquement simple : qu’ils appartiennent à la vieille garde socialiste, aux religions les plus rigoristes, ou bien aux nouvelles chapelles érigées au nom de l’écologie, ils exigent moins de liberté et plus d’intolérance !


Puisse ce texte exhumé par bonheur du cimetière des papiers oubliés, servir de leçon pour notre temps. Puisse-t-il également inviter à la réflexion objective et peut-être à plus de sagesse dans l’analyse des événements.
Comparant les deux révolutions française et américaine, quasi contemporaines à la fin du XVIIIè siècle, Hannah Arendt s’interroge: pourquoi la première, “qui se termina en désastre, devint un tournant dans l’histoire du monde”, alors que la seconde “qui fut un triomphe, demeura une affaire locale” ?

Vraie question à laquelle l’auteur tente de répondre en invoquant “la tradition pragmatique anglo-saxonne” qui aurait “empêché les Américains de réfléchir à leur révolution et d'en conceptualiser correctement des leçons…”
Sans doute y-a-t-il du vrai dans cette remarque, en filigrane de laquelle on perçoit avec inquiétude les dangers que font courir les idéologies, souvent préférées hélas au pragmatisme.
On ne peut que partager la sombre réflexion clôturant l’ouvrage, dans laquelle Hannah Arendt évoque “ceux qui sont disposés à assumer la responsabilité du pouvoir” : “Nous avons peu de raisons d’espérer qu’à un moment quelconque dans un avenir assez proche, ces hommes auront la même sagesse pratique et théorique que les hommes de la révolution américaine, qui devinrent les fondateurs de ce pays. Mais je crains que ce petit espoir soit le seul qui nous reste que la liberté au sens politique ne sera pas à nouveau effacée de la surface de la terre pour Dieu sait combien de siècles…”
Hannah Arendt : La liberté d'être libre. Payot 2019.

21 juillet 2019

69, Année Extatique

Le 21 juillet 1969 j'avais 15 ans. Je sortais de l'enfance tandis que notre civilisation occidentale arrivait peut-être à son apogée. Dans mon esprit c'était un tumulte confus de sentiments.

Un an plus tôt c'était mai 68 en France. J’ai vécu ça comme une tempête molle. Avec dans la tête une certaine ivresse de liberté sans doute mais surtout beaucoup d’écœurement et déjà de désillusions. L’autorité des maîtres était bafouée. D’un jour à l’autre on pouvait tout dire et presque tout faire. Au lycée, nous faisions en toute impunité des sitting pour narguer le Proviseur et je me souviens que mon prof de maths venait “travailler” en sandales, chemise à fleurs et chapeau de paille…
A Paris on s’y croyait. Les mao, les trotsko et tous les écervelés du socialisme manifestaient bruyamment leur croyance en un monde meilleur en glorifiant, benêts qu’ils étaient, les immondes tyrans qui torturaient leur peuple derrière le sinistre rideau de fer. François Mitterrand, toujours à l'affût de l'occasion d'accomplir enfin "son" destin national révélait avec emphase et solennité lors d'un meeting grotesque au stade Charlety qu'il était prêt à prendre le pouvoir. Illusion vite dissipée...

J’avais une conscience aiguë des contradictions régnant dans le pays, un profond dégoût pour ce que j‘ai toujours considéré comme un coupable aveuglement des intellectuels dits "de gauche".
J'étais en revanche envoûté par la quête du bonheur et de la liberté qu’exprimaient outre atlantique et en Angleterre les beatniks et les hippies mais je refusais d’y voir quelque connotation politique qui soit. La musique et la littérature étaient les ferments de cette émancipation. Après le Jazz et le Blues, c'était le Rock et la Pop Music.

Les Beatles chantaient Revolution et les Rolling Stones Street Fighting Man mais c’était un jeu sans conséquence ni prétention intellectuelle ou militante. Il y avait même une conscience aiguë du désastre dans les paroles signées Lennon/McCartney: "When you talk about destruction, Don't you know that you can count me out.../... When you want money for people with minds that hate, All I can tell you is : brother you have to Wait.../... If you go carrying pictures of chairman Mao, You ain't going to make it with anyone anyhow…/... You better free you mind instead..." Quant aux Stones, ils faisaient appel à la dérision pour ramener à de saines proportions la colère des révolutionnaires embourgeoisés qui crachaient dans la soupe capitaliste dont ils se gavaient sans vergogne : "Well now, what can a poor boy do, Except to sing for a rock n' roll band ?"

Mai 68 fut une piètre mascarade dont ne sont restés en définitive que les slogans futiles, les caprices d’enfants gâtés, et de pernicieuses vapeurs contaminant jusqu'à ce jour la société, notamment le débat politique, l’éducation, l’entreprise....

Pendant ces années d’insouciance et d’euphorie, l'Amérique dans la droite ligne de ses Pères Fondateurs, travaillait toujours à la recherche de nouvelles frontières. L’espace cosmique était devenu son terrain de jeu et de conquêtes. Elle entendait bien y montrer sa suprématie et y porter l'étendard étoilé du monde libre.
La saga Apollo fut une merveilleuse aventure en même temps qu’un hymne fabuleusement poétique au progrès technique. Elle commença par un drame, coûtant la vie à 3 hommes, lors d'essais préliminaires au sol. Mais après beaucoup d'efforts, le fameux cliché du “clair de terre” envoyé par les astronautes d’Apollo 8 révélait une beauté indicible. Encore aujourd’hui je le regarde avec émotion. Il dit tant de chose de notre soif d'aventure, de notre attirance pour l'inconnu, et de l'univers qui nous entoure…
Lorsque s'élevait la fusée Saturn V, dans un feu impressionnant de réacteurs, c'était toute l'humanité qui se dressait orgueilleusement vers le ciel. L’Homme triomphait en quelque sorte de la nature. La pesanteur était vaincue ! A l’instar des mots fameux de Neil Armstrong, après des millénaires de tâtonnements à petits pas, la science faisait des bonds de géants.
D’un côté le Flower Power, son romantisme échevelé, ses rêves d’amour, de musique et de paix. De l’autre ces aventuriers de l’espace, auréolés des rayons solaires qui rebondissaient joyeusement sur le désert lunaire dans leurs magnifiques scaphandres blancs. Quelle époque !
On en oubliait que plus de la moitié de l’Humanité se morfondait dans le cauchemar socialiste ou sous la férule de dictateurs odieux. On en oubliait, quand on ne les méprisait pas, les soldats de la liberté embourbés dans les miasmes du Vietnam pour tenter de donner sa chance au modèle de société ouverte; Celui-là même auquel nous devions tant de prospérité et que tant d’idiots doctrinaires irresponsables vouent opiniâtrement aux gémonies.
 

1969 fut une année extatique. La conquête de la Lune fut son éblouissant paroxysme technique, le festival de Woodstock son point d'orgue dionysiaque (ainsi que le fabuleux et ultime album des Beatles, Abbey Road)...
Pour magnifier cette épopée, je ne saurais mieux le faire qu’en évoquant l’étincelant poème de José-Maria de Heredia que j’aime à me réciter lorsque je ressens quelque découragement:

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Où, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles...

03 décembre 2018

En marche vers le chaos

L’horrible spectacle donné par la manifestation parisienne de ce 1er décembre risque de ruiner une bonne partie du crédit accordé au mouvement des Gilets Jaunes, qui secoue le pays depuis quelques semaines.
Cette journée n’est pas moins désastreuse pour le gouvernement, incapable de faire respecter l’ordre public et impuissant même à protéger l’Arc de Triomphe, emblème impérial de la nation. En l’occurrence, la stratégie de bloquer les Champs Élysées par une illusoire ligne Maginot fut un fiasco: tout s’est passé à côté !
S’il y a de quoi être vraiment révolté par ces saccages récurrents commis au nom du peuple, il n’est plus possible de ne pas y voir l’expression d’une crise très grave et la faillite d’un système de gouvernement à la fois démagogique et déconnecté du pays.
Dans cet infernal tohu-bohu, l’incompréhension est totale. D’un côté le Pouvoir reste cramponné à ses taxes et à sa nébuleuse transition écologique à laquelle plus personne ne croit vraiment, de l’autre, les prétendus représentants du mouvement de contestation se répandent en propositions confuses et de plus en plus hasardeuses.
La dernière plateforme en date, ne compte pas moins de 42 revendications dont certaines relèvent d’une naïveté confondante. Par exemple la toute première demandant de manière urgente « zéro SDF ». Ou encore celle qui exige de « déclarer illégitimes les intérêts de la dette » et donc de cesser de les payer. On peut citer également le retour de la retraite à soixante ans, voire à 55 « pour les maçons et les désosseurs », ou encore une multitude de vœux pieux : limitation des loyers, interdiction des délocalisations, création d’emplois pour les chômeurs, plafonnement des salaires à 15.000 euros…
La fin de la hausse sur les carburants n’est plus qu’une ligne au sein de ce fatras.
Autant dire que donner satisfaction ne serait-ce qu’à quelques propositions est devenu mission impossible pour le gouvernement, faute d’avoir réagi assez vite…

Comment réformer de fond en comble le pays dans l’urgence ? Comment réparer les dégâts causés par des années d’incurie ? Comment affronter les réalités plus dures que jamais, mais qu’on n’a cessé d’occulter durant des décennies ?

La priorité des priorités semble à l’évidence d’atténuer la pression fiscale, devenue intolérable. Le minimum minimorum serait bien sûr de mettre un terme à la hausse des taxes sur les carburants, mais cela ne suffira pas hélas et on ne voit pas trop comment aller plus loin dans l’immédiat.
Le Chef de l’Etat a eu la calamiteuse idée de supprimer la taxe d’habitation "pour tous" mais il n’a pas les moyens de ses ambitions. Peu de gens en définitive ont vraiment perçu la petite baisse cette année, et ils devront patienter un an pour en voir peut-être plus. Au surplus, on sait qu’il ne s’agit que d’un trompe-l’œil puisqu’il faudra bien donner aux communes de quoi vivre, donc recourir à la bonne veille mais détestable habitude, qui consiste à donner d'une main ce qu'on va reprendre de l'autre.
L’impôt sur le revenu est devenu quant à lui une absurdité, mais il est impossible d’y toucher. Dans l’absolu on pourrait pourtant le supprimer, si la gestion de l’État était plus saine, car on sait qu’il ne sert qu’à couvrir les fameux intérêts de la dette... Mais on sait aussi qu’à ce jour, moins de la moitié des foyers le paient. Il n’y a plus moyen de l’alourdir et il est illusoire d’envisager son allègement, qui ne satisferait qu’une minorité de Français. Il faut juste souhaiter que sa mutation vers le prélèvement à la source se fasse sans trop de heurts...
Le retour de la composante non immobilière de l’ISF serait imbécile comme l’ont compris tous les pays sauf la France. Il est tout aussi vain d’espérer augmenter l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’optimisation. Le seul moyen de diminuer les fuites dans l’infernale marmite fiscale serait précisément d’en diminuer la pression…

On pourrait envisager, dans le souci d’apaiser sans délai les frustrations, de donner un « coup de pouce » aux salaires et aux retraites, mais cela supposerait de revenir sur la hausse de la CSG, et donc de trouver très rapidement le moyen de faire des économies dans les dépenses publiques.
Tout comme le poids des prélèvements, elles doivent absolument décroître, vu les sommets vertigineux qu’elles ont atteint. L’ennui c’est qu’il s’agit surtout de dépenses structurelles et d’acquis sociaux qu’il n’est jamais populaire de raboter (on l’a vu avec les malheureux 5€ pris sur les APL).
Il est toutefois envisageable de réduire sensiblement le train de vie de l’État. Si la diminution des salaires des ministres n’est qu’une goutte d’eau, des coupes sombres s’imposent dans la gabegie des collectivités territoriales. De même, il serait nécessaire également de désengager l’État d’une foule de missions pour lesquelles il n’est vraiment pas doué.
On peut par exemple tailler sans ménagement dans le bazar invraisemblable des agences étatiques, dont le coût de fonctionnement annuel a été chiffré à plus de 50 milliards d’euros. On se demande par exemple à quoi servent les agences régionales de santé (ARS), si ce n’est à freiner les initiatives par leur monstrueuse inertie. Le Canada qui avait fait la même sottise que nous, les a tout simplement supprimées récemment, pourquoi pas nous ?
Le simple bon sens voudrait qu’on donne enfin un peu plus d’autonomie aux hôpitaux, aux écoles et aux universités. Tout plaide également pour qu’on casse enfin le monopole inepte de l’Assurance Maladie et qu’on revoie avec pragmatisme le panier des soins pris en charge. Mais on est loin de cette responsabilisation des acteurs de la santé quand on voit madame Buzyn annoncer fièrement qu’elle demande désormais à la Sécurité Sociale de rembourser les préservatifs et les consultations médicales que leur prescription exige ! Pareillement, on rêve devant les miroirs aux alouettes du tiers payant généralisé, des lunettes et des soins dentaires gratuits, de la nouvelle mutuelle à 1€ par jour, de l'Aide Médicale d’État (AME) dont le budget 
a augmenté quatre fois plus vite que celui du régime général et avoisine le milliard d'euros, alors qu'il devait se stabiliser en dessous de 100 millions…

Pour nombre d'entreprises, dont celles du secteur public, de nombreuses dépenses pourraient être évitées si les contraintes réglementaires n’étaient pas si lourdes. Les budgets sont plombés par une bureaucratie épouvantable obligeant à faire enfler sans fin les effectifs dévolus aux tâches logistiques.

Les subventions de l’État pourraient également être revues à la baisse. L'absence de crédibilité des syndicats en France faisait en 2004 que 8% de cotisants, ne produisaient que 190 millions d'euros alors que la collecte était de l'ordre d'un milliard dans un petit pays comme la Suède, où 83% des salariés sont syndiqués... En 2016, près de 123 millions d'euros étaient donc versés par L’État au fonds de financement du dialogue social...
Tout aussi choquantes sont les aides à la Presse et à l'Audio-Visuel public qui oscille selon le rapport de la Cour des Comptes de février 2018, entre 580 millions et 1,8 milliards d'euros !
Comment prétendre que cet asservissement financier ne nuise pas à l'indépendance de tous ces organes ?

Sans s’étendre sur le sujet des retraites, pourtant des plus brûlants, si une nouvelle réforme devait être engagée, il serait aberrant qu’elle n’introduise pas enfin un étage de capitalisation, comme presque tous les pays l’ont fait.
Tout ça aurait dû être accompli depuis belle lurette. On reste rêveur lorsqu’on pense que M. Cameron n'avait pas hésité à supprimer 400.000 postes de fonctionnaires au Royaume Uni, dont le taux de chômage est actuellement de 4 %, en dépit des affres du Brexit...

S’agissant de la fameuse transition écologique, il faudrait raisonner sur des données objectives et cesser de mouliner en permanence les crécelles de la fin du monde. Les Gilets Jaunes ont beau jeu de crier que ce qu’ils redoutent surtout, c’est la fin du mois..
S’il n’est pas question de remettre en cause la protection de l’environnement, on se demande tout de même comment on a pu accorder autant d’importance au lobby écologiste. Celui-ci est rongé par les divisions, il est incapable de proposer une politique cohérente, il n’attire pas vraiment les suffrages des électeurs, et toutes ses préconisations finissent invariablement en nouvelles taxations. Bien souvent la subjectivité et l'idéologie prennent le pas sur les données objectives, comme on le voit dans maints débats : sur le glyphosate, sur le gaz de schiste, sur le nucléaire, sur l’huile de palme, sur les abeilles, sur les conservateurs dans l’alimentation etc… C’est bien simple, on dit tout et son contraire, le plus souvent au mépris des évidences. Lorsque les Pouvoirs Publics après nous avoir encouragés à opter pour les véhicules roulant au gazole, affirment tout à coup sans l'ombre d'une preuve tangible que le diesel « tue 50.000 personnes par an », comment les prendre au sérieux ?

S’agissant enfin des institutions, on s’interroge sur la pertinence d’assemblés citoyennes telles qu’elles sont proposées. Surtout si on accompagne cela de la suppression du Sénat, elle aussi réclamée à corps et à cris.
Il est vrai que ce dernier ne sert quasi à rien puisque son pouvoir est insignifiant. Mais l’Amérique nous a bien démontré qu’un parlement bi-caméral est un puissant facteur de démocratie et de stabilité, à condition de veiller à l’équilibre des pouvoirs, et d’éviter la pléthore d’élus (100 sénateurs aux USA pour 380 millions d’habitants contre 348 en France pour 68 millions d’habitants…)
Faire maigrir le Sénat et renforcer ses prérogatives, voilà qui serait donc une perspective plus saine qu’une suppression pure et simple…
Cela n’empêche pas d’instaurer des consultations directes plus fréquentes et sans doute plus proches du terrain comme les Suisses le font avec le système des votations. Cela redonnerait peut-être aux citoyens le sentiment d’exister et d’être acteurs de leur destin, tout en évitant un certain nombre de lois inutiles ou indésirables dont nous sommes submergés…

Mais les Français drogués aux services publics, et à leur pseudo-gratuité, habitués à s’en remettre à l’État pour tout, peuvent-ils accepter de telles transformations ? Ce peuple parfois si courageux et inventif, mais si enclin à la haine de classe, aux utopies et aux révolutions va-t-il une fois encore s’abandonner à ces lubies dévastatrices ? Comment faire le tri entre la voyoucratie la plus débridée à laquelle on ne peut opposer que la fermeté, et la violence désespérée qui demande des réponses concrètes ?
Ce sont les questions auxquelles le gouvernement de M. Macron doit faire face. On peut lui accorder quelques circonstances atténuantes car il hérite comme il le dit, de plusieurs décennies de laisser-aller. Mais depuis 18 mois, force est de constater que la marche en avant qu’il avait promise, est surtout faite de très petits pas et malheureusement de beaucoup de nouvelles taxes...

29 novembre 2018

Vers la fin des démocraties molles ?

Dans la confusion sociale qui ronge actuellement le pays, plusieurs titres de la Presse attirent l’attention.
La couverture du Point du 22/11 par exemple qui pose crûment la question à propos d’Emmanuel Macron et des “réformes qui ne peuvent plus attendre” : “Est-il Thatcher ou bien Hollande ?”

Pendant ce temps Nicolas Sarkozy répondait aux questions de l’Obs, affichant un pessimisme assez effrayant: “Nos démocraties sont devenues des caricatures, des régimes d’impuissance.” Sur l’Europe il n’était pas moins expéditif, affirmant qu’elle est devenue un “système en pilotage automatique, que plus personne ne maîtrise.../... Que vous mettiez quelqu'un de très intelligent ou de très bête à la tête de la Commission européenne, c'est pareil.”
Il y a peu, c’était Telerama qui avait choisi une stèle funéraire, pour évoquer sur sa couverture, la fin inéluctable des démocraties.

Il n’est pas certain qu’il faille prendre au pied de la lettre ces oiseaux de mauvais augure. Tout d’abord parce que derrière les constats, les interprétations divergent. Dans l'esprit des Français, devoir choisir entre Hollande et Thatcher, c'est se trouver entre Charybde et Scylla. Écouter les leçons de M. Sarkozy, c'est se pâmer dans le néant quand on connaît le fiasco dans lequel s'est achevé son mandat présidentiel. Quant à prendre au sérieux les voix de gauche telle celle de Telerama, c'est s'abandonner à la reductio ad hitlerum qui assimile à des dictateurs tous les politiciens parlant haut et fort, un langage pragmatique et compréhensible. Pour décrire ce qui se passe aux Etats-Unis, en Pologne, en Hongrie, en Italie, au Brésil... le vocabulaire varie, mais il relève du délire monomaniaque : populisme, nationalisme, fascisme, extrême, démocrature…
On sait bien que rien n’étant jamais acquis, le risque existe bel et bien que de la liberté on passe à la tyrannie, mais il y a quelque lassitude à écouter ce lamento obsessionnel qui rappelle à chaque instant l’arrivée au pouvoir du National-Socialisme.
Comparaison n’est pas raison comme disent les politiciens.
Ne s’agit-il pas plutôt d’une saine réaction à la décomposition du modèle démocratique à laquelle on assiste depuis quelques décennies ? Une vigoureuse remise en cause de la mièvre dictature des bonnes intentions dans laquelle s'étiolent peu à peu nos libertés ?


Outre les problèmes économiques (tout particulièrement en France), nos nations sont confrontées à des menaces sociales croissantes, nées de décennies de démagogie et d’indécision. A la manière d’étoiles usées, nos sociétés risquent de s’effondrer sur elles-mêmes dans de profonds trous noirs.
Le modèle sur lequel elles furent édifiées est perpétuellement remis en cause, et les valeurs sur lesquelles il s’appuie s’effilochent au vent mauvais d’une rébellion insane aux slogans incohérents. Derrière la mise en accusation récurrente du capitalisme, du libre-échange, ou du libéralisme, c’est la liberté qu’on tente d’étouffer.
Elle guida les pas de nos aïeux, mais aujourd’hui, il semble qu’on soit prêt à la sacrifier au nom de l’égalité des conditions, de la bureaucratie régulatrice, d’un protectionnisme frileux et de la confiscation fiscale généralisée. Partout le sens des responsabilités s’éffrite au profit hypothétique d’une corne d’abondance qui permettrait à l’Etat Providence omnipotent de distribuer les droits, les prébendes et les subventions.
Mais la poule aux oeufs d’or ne recèle aucun trésor immanent. Lorsqu’elle rendra l’âme sous les coups de boutoir des écervelés qui veulent lui faire rendre gorge au motif “qu’il faut chercher l’argent là où il est”, ces derniers comprendront mais un peu tard que rien n’est jamais acquis dans ce monde sublunaire, et que ce n’est hélas pas en appauvrissant les riches qu’on enrichit les pauvres. Ce serait trop facile.
Face à ces périls, l’espoir est peut-être qu’une nouvelle espèce de gouvernants prennent enfin conscience qu’il faille parler au peuple comme à des adultes, lui faire comprendre que le scandale n’est pas qu’il y ait des riches mais des pauvres, et quantifier les libertés nécessaires aux citoyens à l’aune des responsabilités qu’ils acceptent d’endosser. Les unes ne vont pas sans les autres et point n’est besoin de multiplier les réglementations a priori. Tout est affaire de confiance. A l’enseigne de ce que préconisait Montaigne, il est de l’intérêt de tous que les lois soient rares et de portée générale.
Sauf à considérer que les gens soient forcément mauvais ou immatures, il n’est pas souhaitable de s’échiner à leur imposer des contraintes préventives, dans la crainte qu’ils ne respectent pas la loi. En contrepartie, les sanctions doivent être réelles et appliquées.
Dans les limitations de vitesse, ce qui est stupide, ce ne sont pas les sanctions, même si elles sont sévères, mais les règles elles-mêmes, qui par leur rigueur excessive deviennent absurdes et quasi inapplicables. Il en fut ainsi lorsqu’on tenta de prohiber l’alcool par des lois qui transformèrent du jour au lendemain de paisibles distillateurs en dangereux gangsters. De même, c’est dévoyer le sens de la contribution des citoyens au bien commun que d’en faire l'essence d'une machine redistributive, voire une punition infligée par principe aux riches comme dans le cas de l’impôt dit “de solidarité” sur la fortune. Il est tout aussi inepte de considérer “la pompe à phynances” comme une sorte de deus ex machina ayant l’ambition d’influencer le comportement des citoyens ou de les rendre plus vertueux (selon le principe fumeux de la Transition Ecologique).

Il n’est pas moins essentiel de s’affranchir de tout tabou mais également de toute faiblesse coupable vis à vis de nombre de problématiques qui assaillent notre univers qu’il serait trop long d’aborder ici dans le détail : religion, immigration, éducation, justice morale, esprit civique.

En revenant aux principes de base de la démocratie, sans faiblir sur leur mise en œuvre et sans faillir sur la liberté et l’équité (l’égalité des droits et des chances), il est sans doute possible de régénérer le vieux modèle, quelque peu émoussé mais qui n’a pas encore perdu tous ses ressorts. Ce ne serait qu’appliquer les conseils du très sage et inspiré Tocqueville...

10 décembre 2017

C'est Tocqueville qu'Onfray torture

Après avoir injustement maltraité le vénérable Kant, Michel Onfray s’attaque aujourd’hui méchamment à Alexis de Tocqueville (1805-1859).
Avec son récent ouvrage Tocqueville et les Apaches, il entreprend en effet selon son point de vue, de démythifier ce merveilleux penseur de la démocratie et de la liberté.

Disons-le d'emblée, les maux dont il l’accuse sont absolument imaginaires, inventés de toutes pièces, et le portrait qu’il en fait est une infâme caricature dénaturant totalement le message pourtant limpide et lumineux du meilleur analyste politique que la France enfanta.

Il commence sa pesante digression par un troublant aveu : “Longtemps je n’avais lu de Tocqueville, que son Ancien Régime et la Révolution Française. C’était au temps de la pleine mode du philosophe libéral et j’avais opté pour ce texte parce que banalement, la furieuse révolution française m’intéressait plus que la banale démocratie en Amérique.”

Tout est dit ou presque. Onfray, qu’il est convenu de considérer comme un grand intellectuel de ce temps, ignorait tout simplement “De la Démocratie en Amérique”, à l’instar des malheureux écoliers passés par la machine à décerveler de l’Education Nationale !
Plus grave encore, il considérait (mais faut-il mettre cela au passé) la fabuleuse aventure américaine, comme quelque chose de banal, tandis qu’il se passionnait pour les horreurs de notre exécrable révolution…

Devant tant de misère, je me suis demandé s’il était nécessaire d’aller plus loin. J’aime la polémique et les querelles intellectuelles. Et bien qu’étant en constant désaccord avec les théories d’Onfray, je ne peux m’empêcher d’en suivre le parcours brillant, ne serait-ce que pour mieux forger à ce feu dévastateur, le fer de mes arguments. Il n’y a pas tant de penseurs à notre époque, depuis la disparition de Jean-François Revel et de René Girard.

Mais même si Onfray écrit bien, il est impossible de suivre le rythme effréné de ses publications. J’ai depuis de longs mois son interminable Cosmos sur ma table de nuit, second volet d’une fastidieuse trilogie messianique... En définitive je préfère me consacrer à ses opuscules, qu’à ses pavés. Logiquement, j’ai autant de chances d’y cerner son raisonnement et j’économise du temps. “Dieu préserve ceux qu’il chérit des lectures inutiles” disait Lavater….

Hélas, cette fois encore, la déception est grande. Dans ce qu’il faut bien appeler un pamphlet anti-Tocqueville, c’est bien simple, tout est faux ou à contresens.

Onfray commence à faire de notre fameux Normand un homme “de Gauche”, ce qui est une première approximation, pour ne pas dire davantage. Certes il voulut siéger sur les bancs de gauche à l’Assemblée Nationale, mais il fut on ne peut plus clair sur son engagement : “Je n'ai pas de traditions, je n'ai point de parti, je n'ai point de cause, si ce n'est celle de la liberté et de la dignité humaine”
Sa détestation du socialisme naissant ne faisait aucun doute. Onfray l’admet d’ailleurs, mais juste pour en faire un traître à l’Idéologie que lui-même continue de vénérer, envers et contre toutes les calamités dont elle est responsable.
A la vérité, Onfray cherche toujours l’introuvable socialisme au travers de ses lubies hédonistes, aux relents vaguement proudhoniens. Toujours déçu, toujours frustré, il alla jusqu’à frayer avec les communistes révolutionnaires de Besancenot et se déclare avec constance et opiniâtreté anti-libéral ce qui est un non sens pour quelqu’un se vantant par ailleurs d'être libertaire.

J’avais caressé un petit espoir que la lecture de Tocqueville l’amène à changer d’avis voire, ce qui eût été paradoxal pour cet athée notoire, à se convertir... Il n’en fut rien évidemment. 

Bien qu’il rédigea il n’y a pas si longtemps une première analyse plutôt élogieuse, à l’occasion de l’inauguration de la médiathèque de Caen, intitulée “La Passion de la Liberté”, il revient avec ces Apaches à ses vieux démons et brandit de plus belle sa rhétorique lapidaire pour démolir au sabre celui qu’il aurait tout à coup (re)découvert.
Quelques exemples devraient suffire à objectiver le caractère partisan et captieux de cette entreprise.
Passons sur l’amalgame idiot qui consiste à associer Tocqueville au mitterrandisme, au motif que “les années mitterrand sont celles de la seconde naissance de Tocqueville”, permettant lorsqu'on est de gauche, "de penser comme à droite pourvu qu’on soit libéral.”
S’il est vrai que certains mitterrandolâtres se sont réclamés de Tocqueville, c’est par ignorance crasse de sa philosophie et pour donner l’illusion d’une ouverture à leur programme bouffi de contradictions et de partis-pris. Les Socialistes français n’ont évidemment jamais rien eu à voir avec le libéralisme et ils n’ont rien de commun avec le bon Tocqueville. Leur manie insane de découper la liberté en tranches, dont ils font mine de retenir certaines (le libéralisme philosophique) tandis qu’ils rejettent les autres (notamment l’économie) démontrent qu’ils n’ont rien compris à la pensée libérale. Qu’on le veuille ou non, Tocqueville s’inscrit dans une lignée qui comprend des gens comme Turgot, Say, Bastiat et autres économistes distingués.
 
Onfray enferme comme on le sait, sa propre conception dans cette impasse.
Pire, il reprend peu ou prou les antiennes débiles de Sartre, en s’attaquant à
Raymond Aron qu’il accuse d’avoir “poussé Tocqueville comme on pousse un veau aux hormones”. Cuistrerie consternante dont il remet une couche, en affirmant même qu’il “s’en est servi comme d’une machine de guerre pour combattre Marx, le marxisme, le stalinisme, le soviétisme.”
En l’occurrence, ce dont s’est scandalisé Aron, c’est qu’on ait pu ignorer Tocqueville au profit de Marx dans les milieux éducatifs et universitaires français. Force est de constater que la propre école d’Onfray n’a pas fait mieux…

Malheureusement, à ces contre-vérités sur la vraie nature du libéralisme, Michel Onfray ajoute une grosse louche de mauvaise foi en assénant que Tocqueville aurait été “Raciste, ségrégationniste, colonialiste”, qu'il ne concevait le libéralisme qu'à condition d'être "blanc, homme, chrétien, et d'origine européenne" et “qu’il estimait que le massacre des Indiens obéissait à la Providence...”

Mais comment a-t-il donc lu l’oeuvre dont il trahit de manière aussi éhontée l’esprit ? Comment peut-il occulter des pans entiers du discours qui affirme entre mille autres citations : “l’esclavage déshonore le travail, il introduit l’oisiveté dans la société et avec elle l’ignorance et l’orgueil, la pauvreté et le luxe. Il énerve les forces de l’intelligence et endort l’activité humaine”
Comment ose-t-il tronquer une partie du propos pour tenter d’assimiler les constats de Tocqueville sur l'Amérique à des opinions ?
Par exemple, il extrait sournoisement du chapitre traitant des “trois races aux Etats-Unis”, une phrase dont il fait le pilier fondateur d’une pensée perverse : “parmi ces hommes si divers, le premier qui attire le regard, le premier en lumière, en puissance, en bonheur, c’est l’homme blanc, l’Européen, l’homme par excellence; au dessous de lui paraissent le nègre et l’Indien.”
Il se garde bien de citer ce qui suit et qui donne tout son sens à l'ensemble, attestant notamment de l’absence de complaisance de l’auteur pour ce qu’il voit de ses propres yeux : “Ces deux races infortunées n’ont de commun ni la naissance, ni la figure, ni le langage, ni les mœurs. Leurs malheurs seuls se ressemblent. Toutes deux occupent une position également inférieure dans le pays qu’elles habitent; toutes deux éprouvent les effets pervers de la tyrannie; et si leurs misères sont différentes, elles peuvent en accuser les mêmes auteurs…”

Ainsi, Onfray qui faisait le reproche au biographe Jean-Louis Benoit, dont il s’était inspiré pour son premier ouvrage, de s’être “contenté de morceaux choisis à dessein”, pour présenter Tocqueville comme “un auteur fréquentable”, commet une faute bien plus terrible. Il se permet de caviarder le texte qu’il commente pour n’en faire ressortir que des éléments à charge. Ce faisant, il agit comme un censeur des plus vils, voire un inquisiteur cherchant à produire l'aveu de crimes fabriqués.

Malheureusement, tout l’ouvrage est de cette même eau, trouble et polluée.
Comme s’il avait une intention préconçue de déformer le propos à seule fin de le rendre odieux, et de le discréditer définitivement aux yeux des naïfs qui n’auront pas le courage de vérifier les assertions à l’emporte pièce qu’il balance à tour de bras.
A moins qu’il ne soit passé complètement à côté du message, ce qui n’est pas impossible, tant il paraît encore encombré par ses œillères idéologiques.
Dans les deux cas c’est rédhibitoire pour un philosophe prétendu clairvoyant et honnête…

31 juillet 2016

Le Folklore Américain

L’élection présidentielle américaine reste une énigme pour beaucoup d’Européens et notamment de Français. La démocratie est une notion finalement assez mal comprise dans notre pays, et la grande liberté de ton qui accompagne les campagnes électorales outre-atlantique choque nos esprits confits dans les combines politiciennes et la langue de bois caractérisant nombre de débats.
Certes tout n’est pas irréprochable là bas et les magouilles ou les coups bas sont probablement légions. Mais les choses sont dites sans détour, même si cela passe parfois par l’usage de provocations caricaturales, et d’excès de langage assez grossiers.
Au moins peut-on dire qu’on ne s’ennuie pas…

Le cas Donald Trump cristallise toute l’incompréhension qui subsiste entre le vieux et le Nouveau Monde, entre la politique politicienne et la politique spectacle. Est-ce à dire que M. Trump soit le clown que nombre d’observateurs, soi-disant avertis, présentent dans les médias ? M’est avis que non...

A partir de bouts tronqués de ses discours, de petites phrases extraites de leur contexte, ou même de son apparence physique, on se plaît à caricaturer le personnage, en méprisant au passage l’opinion de millions d’Américains qu’on assimile à des imbéciles.
On connaît le procédé et on a si souvent fait le coup, qu’aujourd’hui ce genre d’approche devrait être complètement décrédibilisé.

Hélas, le parti pris et les idées reçues sont tenaces. Tous les candidats du Parti Républicain ont depuis des décennies subi le même sort. Tous furent qualifiés de rustres, de ploucs bornés aux idées simplistes, par une intelligentsia très snob, acquise par principe au clan démocrate.

Expliquer ces jugements à l’emporte pièce où la partialité le dispute au mépris de classe, serait totalement vain. C’est un des mystères du grégarisme, qui met des oeillières aux yeux et des éteignoirs à l’esprit critique.

Pour l’heure, qu'il soit permis de s'amuser à voir Donald Trump, qui n’en a cure, se faire traiter de misogyne, de raciste, de vil capitaliste, de sale milliardaire !
Amusons-nous à voir les artistes politiquement corrects, comme des chochottes de patronage, prier le candidat de ne pas diffuser “leurs” oeuvres pendant ses meetings. C’est particulièrement jouissif lorsqu’il s’agit non pas des artistes eux-mêmes, mais de leur famille. Comme celle de L. Pavarotti s'offusquant que le candidat républicain utilise l'interprétation donnée par leur parent du fameux air de Nessun Dorma... Ou bien comme celle de George Harrison faisant de même avec une chanson des Beatles. Ils touchent sans vergogne les royalties rapportées par la commercialisation de ces oeuvres, mais voudraient en plus avoir un droit de regard sur qui les écoute. Jusqu’où faudrait-il remonter pour satsfaire ces lubies puritaines ? Faut-il interroger les descendants de Puccini ? Où donc se situent les limites de l'intolérance ?

On a beaucoup glosé sur la convention républicaine qui s’est récemment tenue à Cleveland, aboutissant bon gré mal gré à l’investiture de Trump. Certes il n’a pas fait l’unanimité. Encore heureux que quelques voix cherchent à s'opposer à l'ascension fulgurante d’un homme totalement neuf en politique, qui a bousculé en quelques mois tous les autres prétendants, issus de l’establishment. Certains n’ont pas digéré, on peut les comprendre…

On s’est gravement interrogé sur l’absence lors de cette convention des Bush, Mc Caine, Romney. Mais qu’aurait-on dit s’ils y avaient assisté ? Pire encore s’ils avaient eu la mauvaise idée de soutenir le Donald ?


Pendant ce temps, les culs bénis et tous les bien pensants ne trouvaient bizarrement rien à redire sur les fausses retrouvailles d’Hillary Clinton, l'intrigante assoiffée de pouvoiret de Bernie Sanders, son rival malheureux, vieux socialiste marinant dans l'aigreur, qui l’insulta copieusement durant la campagne des Primaires. Tout au plus signala-t-on quelques fuites (20.000 mails quand même) prouvant que le Parti avait tout fait pour tenter de saboter la campagne de ce dernier, obligeant discrètement la présidente Debbie Wasserman Schultz à démissionner…

On s’émut de la fraternité de façade entre Barack et Hillary, oubliant le combat féroce qu’ils se livrèrent il y a quelques années pour obtenir l’investiture de leur parti. On trouva brillant et touchant le discours de Bill Clinton, vantant les mérites d’une épouse, qu’il ne se gêna pas d'humilier publiquement par un comportement indigne, lorsqu’il était président de la république...


Tout ça est de bonne guerre. On peut en rire en somme, car personne n’est au dessus du ridicule. Le monde se fait au gré d’alliances et de mésalliances, de chances et de malchances, de succès et d’échecs…

On pourrait également rire de la dernière sortie de Donald Trump invitant la Russie, que certains accusent de comploter contre la candidate démocrate, à trouver et rendre publics les 30.000 mails compromettants qu’elle aurait fait disparaître avant l’enquête du FBI dont elle fait l’objet.

Mais je crains que les Intellectuels dits "progressistes" soient assez étanches à cette sorte d’humour...
Pendant ce temps Donald décape avec jubilation le champ politique. Il dynamite, il disperse, il ventile, façon puzzle….

22 février 2015

Face au chaos, Bush avait raison...

J’ai bien peur une fois encore, de ramer à contre courant de l’opinion publique en prenant la défense de George W. Bush !
Tant pis, s’il n’en reste qu’un, je serais celui-là. Et si je me trompe, j’en demande pardon par avance aux tribunaux de l’Histoire !
Pour l’heure, face à l’embrasement du terrorisme islamique, et à la déstabilisation progressive du monde, il ne m’a jamais paru plus évident que la stratégie de l’ancien président était la moins pire, à défaut d’être la meilleure…

Pour en arriver là, il faut reprendre l’histoire au début et notamment accepter de se replacer dans le contexte du millénaire naissant, à savoir plus précisément, en 2001.
A cette époque sont survenus, comme des coups de tonnerre dans un ciel d’azur, les épouvantables attentats du 11 septembre. Trois-mille morts en une seule journée ! La folie humaine à l'état pur...
Pour beaucoup, c’était la surprise et l’incompréhension totale. On a d’ailleurs comparé ces évènements à l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941.

En réalité, pas plus que cette dernière, l’effondrement des tours du WTC n’était totalement imprévisible. Les deux signaient une préparation méticuleuse, une froide préméditation, et les signes prémonitoires ne manquaient pas pour ceux qui auraient voulu les voir… D’ailleurs, dans les deux cas, ce constat fut en définitive celui des commissions d’enquêtes concluant a posteriori, à de nombreuse négligences et à une insouciance coupable.

Le fait est, que bien avant ce 9/11 terrible, des foyers de terrorisme s’étaient allumés. Le plus important s’était installé dans les montagnes afghanes, sous les houlettes complices des Talibans et de Ben Laden. L’Afghanistan que les troupes soviétiques n’étaient pas parvenues à vassaliser, avait été peu à peu transformé en une enclave moyen-âgeuse. Personne ne pouvait ignorer que les femmes étaient soumises à une loi religieuse rétrograde avilissante, et chacun avaient entendu parler des destructions ignobles du patrimoine culturel, auxquelles se livraient tranquillement des hordes de fanatiques. Les exactions et les menaces vis à vis de l’Occident, avaient débordé de ce chaudron mortifère au point de devenir monnaie courante, et plusieurs attentats furent commis, dont un premier, comme un avertissement, au World Trade Center en 1993.
Au Proche Orient, Saddam Hussein de son côté, pour des raisons différentes mais tout aussi maléfiques, narguait également le Monde dit civilisé. Défait en 1991 par une première coalition, après son annexion ratée du Koweit, il reconstituait progressivement ses forces et sa capacité de nuisance. Plusieurs centaines de milliers d’hommes étaient stationnés aux frontières de l’Irak pour le surveiller en permanence, et le contraindre à respecter les termes du traité qu’il avait signé, en particulier l’interdiction de toute action contre les Kurdes. Des inspecteurs de l’ONU, chargés de vérifier qu’il ne se réarmait pas, étaient régulièrement dupés par le tyran qui prenait un malin plaisir à faire le contraire de ce qu’il disait.
Bien qu’il n’eut pas d'accointances directes avec Ben Laden, il fut le seul chef d’Etat au monde à se féliciter des attentats du 9/11 !
La dangerosité croissante de toutes ces menaces, fut sous estimée par la Communauté Internationale. Seuls les Etats-Unis, alors dirigés par Bill Clinton, s’inquiétèrent réellement de la situation, mais en répliquant mollement par des mots ou quelques opérations militaires de portée limitée, et donc inefficaces. Il fallu attendre l'électrochoc de septembre 2001 pour qu’enfin des actions de grande envergure soient entreprises sous la conduite de George W. Bush, qui a l’évidence ne les avait pas prévues dans son programme…
Pour ambitieuses et périlleuses qu’elles fussent, il faut être de mauvaise foi pour prétendre qu’elles n’avaient qu’une justification pétrolière.
L'argument massue du « mensonge délibéré de la présence d'armes de destruction massive », rabâché comme une scie par les adversaires du président américain fut largement mensonger lui-même. Saddam se vantait de posséder ces armes, et ne cachait aucunement sa volonté de les utiliser ! De toute manière qu'entend-t-on par armes de destruction massive ? Les machettes qui ont fait 800.000 morts au Rwanda dans l'indifférence générale, n'en sont-elles pas ? Saddam Hussein n'en était-il pas une à lui tout seul, lui qui fut responsable de plus d'un million de mort ?
En réalité, on a agité des contre-vérités et des leurres de part et d'autre, comme lors de tout conflit. Et cela a permis aux uns de justifier l’entrée en guerre, et aux autres d’éviter de préciser ce qu’il aurait fallu faire…

L’objectif de l’Administration américaine, pour contestable qu’il fut, avait le mérite d'être clair : il s’agissait de s'attaquer à des dictatures obscurantistes et sanguinaires, d'abord en Afghanistan, puis en Irak, avec à l'esprit la théorie des dominos. L'enjeu était de faire tomber ces régimes affreux de proche en proche, en aidant les peuples libérés à construire un modèle de société plus ouvert et respectable.
Les premières étapes furent franchies, non sans mal. Des élections libres avaient vu le jour dans ces contrées qui n'y étaient guère habituées, personne ne peut le nier, mais plus de 4000 soldats sont morts pour cet idéal, qui n'avait en soi rien de différent de celui poursuivi par les armées venues libérer l'Europe en 1944. Au demeurant, s’agissant des raisons qui poussent l’Amérique à faire la guerre, qu’est-ce qui permet de penser qu'il en soit autrement aujourd'hui qu’hier, et pourquoi agirait-elle avec les autres différemment de ce qu'elle a fait pour nous ?
Qu’il soit permis encore une fois, d'évoquer ici les termes émouvants de la « lettre aux amis américains », qu 'écrivit Saint-Exupéry en mai 1944 : «Si la guerre est toujours gagnée par les croyants, les traités de paix quelquefois sont dictés par les hommes d’affaires. Eh bien si même un jour je forme dans mon cœur quelques reproches contre les décisions de ceux-là, ces reproches ne me feront jamais oublier la noblesse des buts de guerre de votre peuple. Sur la qualité de votre substance profonde je rendrai toujours le même témoignage. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que les mères des Etats-Unis ont donné leurs fils. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que ces garçons ont accepté le risque de mort... »

Hélas la belle alliance des démocraties que le président George W. Bush espérait mettre en œuvre a fait défaut, et la trahison de la France fut une des plus saillantes et des plus consternantes.
L'oeuvre resta donc inachevée et les successeurs, repris par les vieux démons pacifistes, ont préféré la stratégie hasardeuse des coups d'épée dans l'eau, ou carrément l'inaction.
A partir de 2008, l’Irak a été peu à peu abandonné par la nouvelle administration américaine, et en Afghanistan, c’est à un service minimum que le président Obama cantonna ses troupes.
En Libye, on a renversé un dictateur mais sans accompagner le peuple, ce qui n'a servi à rien d’autre qu’à installer le chaos. En Syrie, on a laissé s'installer le désordre, et renaître les foyers de terrorisme qui ont bien vite essaimé un peu partout, comme les mauvaises herbes proliférant dans un jardin délaissé.
Résultat, les quelques acquis ont été quasi réduits à néant, et tout le travail est à refaire ! Il faudra tôt ou tard sans doute s’y atteler à nouveau, au risque sinon, de voir nos propres sociétés gravement menacées. Elles sont déjà, notamment la France, ébranlées économiquement par le boulet socialiste qui les endettées jusqu'au cou sans la moindre efficacité sur la misère ! Bientôt, si l'on n'y prend garde, c'est le modèle démocratique qui risque de s'effondrer. Tout amoureux de la liberté, ne peut qu’être extrêmement préoccupé par cette funeste évolution.
René Girard, d’habitude mieux inspiré, considéra l’échec du président américain, comme dû à «son incapacité de penser de façon apocalyptique ». Curieux contresens, s'agissant de George W. puisqu'on lui reproche habituellement d'avoir eu un dessein tenant précisément de la révélation, empreinte de connotation religieuse (que n'a-t-on glosé sur la lutte du bien et du mal !). Pour le coup, si la vision de Bush en était dépourvue, le mépris avec lequel on la traita, risque d’avoir une portée apocalyptique au sens effrayant du terme…

Plus de dix ans ont passé et avec le recul, il apparaît légitime de penser envers et contre tout, que cette politique était la bonne, car il semble clair que son abandon a conduit au désastre auquel on assiste aujourd'hui.
L'apathie du monde prétendu civilisé face à la barbarie qui étale ses indicibles atrocités chaque jour sous nos yeux est une grande honte, et rappelle hélas les époques précédant de grands désastres. Ce n'est vraiment pas la peine de ressasser les méfaits passés du nazisme, en récitant la rengaine contrite du « plus jamais ça », si l'on est incapable de combattre sérieusement les horreurs qui empestent le présent !
A l'inverse de ce qu'on prétend, Bush est parvenu à endiguer cette spirale pour un temps, mais les remparts qu'il avait érigés étaient fragiles. Faute d'entretien, ils sont en train de céder.
Et qu'on ne dise pas que le messianisme démocratique dont l’ancien président américain était porteur, soit contradictoire avec le respect du passé et des cultures locales. En l’occurrence, quatre mille ans d'histoire, de divisions, de luttes tribales, ethniques ou religieuses, ne sauraient conduire au fatalisme et encore moins servir de justification aux dictatures. Ces peuples n'ont pas moins de droit que nous à la Liberté et ne méritent pas moins que nous de pouvoir vivre paisiblement, avec un peu de prospérité... On voit les minorités enragées, mais on n'entend jamais les majorités silencieuses…
Pourrait-on admettre une fois pour toute que l'intérêt principal des USA soit tout simplement que les peuples vivent libres ? Et que l’intérêt de toute nation libre soit de les rejoindre sur cet objectif ?

Mais les grandes démocraties croient-elles encore vraiment à leur modèle, chérissent-elles encore cette Liberté pour laquelle de valeureux aïeux ont donné leur sang ? C'est bien là la question...
Plus que jamais la fameuse citation de Churchill s'impose : " Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. "

12 janvier 2014

Comédie républicaine


Ainsi la France, qui tel un vieux rafiot sinistré prend l'eau de toutes parts, la France sous ses airs de vieille cocotte fardée et enfarinée, se paie encore (et à crédit) le luxe d'offrir en spectacle avec une délectation morbide, ses turpitudes et malfaisances au monde entier ! Le stuc des moulures allégoriques et les dorures repeintes des palais de la République craquent sous l'immondice. Tout le monde voit cette dernière ronger les derniers pans de nos institutions délabrées, sauf nous !

Ces dernières semaines ont été une forme d'apothéose dans le genre. Le chef de l'Etat, non content sans doute de sa politique sans queue ni tête, qui produit les résultats accablants que chacun connaît, préfère avec une frivolité puérile, courir les jupons ! Son intervention, un temps cachée, de la prostate, ne l'empêche manifestement pas d'user de sa fonction, si je puis dire, pour séduire les donzelles. La rumeur prétend qu'il s'agirait peut-être d'un programme sur mesure, de rééducation périnéale...

Passons sur ces incartades que les tenants de l'esprit gaulois pardonnent depuis belle lurette à leurs dirigeants, supposés pourtant les représenter. Secrets d'alcôves, cachotteries amoureuses, don-juanisme d'arrière cuisine, tout cela est si excitant, quand au même moment le pays sombre, entraînant peu à peu dans la misère un nombre grandissant de malheureux !

A côté de ces babioles, il y a plus sérieux.
Au pays de la Liberté-Égalité-Fraternité, le règne des censeurs est de retour ! Avec à la tête de ces derniers, le ministre de l'intérieur en personne. Cheveux aussi raides que la justice, sourcils droits comme des épées, menton en galoche et torse bombé sous son imperméable étriqué, c'est à lui désormais qu'il revient de décréter ce qui est bon pour nos oreilles de citoyens imbéciles.
Toute allusion publique aux tabous de l'époque est interdite qu'on se le dise, c'est sa loi. Et pour cette occasion, il montre une efficacité stupéfiante ! Je n'avais pas souvenir qu'on puisse décongeler l'appareil judiciaire, des juges jusqu'au Conseil d'Etat, aussi vite !

Le plus étrange en la circonstance, est qu'on mette autant de zèle à empêcher de s'exprimer une idéologie cousine de celle même revendiquée haut et fort par nos dirigeants. Le National-Socialisme ne dit-il pas clairement qui sont ses ascendants ?

Là est le vrai problème. Le Socialisme tout court est la pire calamité que l'humanité ait engendrée. Le verdict de l'Histoire est absolument implacable. Après tous ses méfaits horribles (commis au nom du bien, ce qui est un facteur aggravant), il devrait être banni entièrement et définitivement des esprits.
Pourtant, de manière incompréhensible, tout un pan de cette idéologie maléfique est resté vivace, et pire, a encore pignon sur rue ! Tandis que le nazisme a fort heureusement fait l'objet d'une éradication impitoyable, il y a plus de 60 ans, le socialisme qui l'engendra, entre autres catastrophes, continue en toute impunité d'étendre ses horribles étendards rouge sang. Le Chef de l'Etat lui-même n'a aucune honte à s'en réclamer !
Même s'il est habitué à dire tout et son contraire, la bienséance élémentaire devrait lui rappeler qu'en prononçant ce mot de socialisme, c'est un peu comme s'il posait son postérieur rebondi sur 100 millions de morts (au bas mot).


Aujourd'hui le paradoxe est tel qu'en faisant semblant d'adresser des louanges à Hitler vous risquez la prison, tandis que vous pouvez chanter en toute sincérité et sur tous les tons celles de Staline et de Mao, ou faire passer pour de l'humour subtil, le fait d'entonner l'Internationale comme l'aristocrate Jean D'Ormesson ! 
Vous pouvez aussi bien pisser sur le Christ ou déféquer sur les autels, cela ne vous vaudra pas pire punition que l'indifférence, et peut-être au mieux, de toucher quelques subventions de l'Etat, au nom de la protection de la chose artistique. Avec un peu de chance cela vous procurera même, avec la complaisance des médias, une célébrité illusoire et très éphémère !
Tout cela est parfaitement inepte et donne la mesure de la débilité dans laquelle est plongée notre médiocre démocratie. Force est de constater que nous ne sommes pas dans une société responsable (l'avons-nous été un jour?). L'Etat accroît de jour en jour son emprise. Désormais, il revendique en plus de toutes ses attributions, celle de police de la pensée. A quand le retour du ministère de l'Information, et la nationalisation des médias et de l'internet ?

Évidemment, si l'on pouvait interdire à tous les crétins de parler, quelle tranquillité pour les grands esprits. Quel ennui aussi, puisqu'il n'y aurait plus de controverse...

06 octobre 2011

Perspectives Démocratiques


La vision que donne Walt Whitman (1819-1892) de la démocratie est échevelée, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans ce texte peu connu *, traduit pour la première fois en français si je ne m'abuse, on retrouve à maints endroits le lyrisme sauvage et flamboyant de son fameux poème "Leaves Of Grass".
Il faut préciser d'emblée, que ce vibrant plaidoyer pour la Liberté et l'individualisme peut faire frémir à notre époque, où tout ce qui touche au libéralisme est systématiquement sali, dégradé, honni par les adorateurs du veau d'or social et du Big Government, qui préfèrent les dogmes à l'argumentation.

Qu'on se le dise, Walt Whitman est plus qu'ultra-libéral : il a la fibre libertaire !
Rien à voir avec l'anarchisme, mais plutôt avec une vision romantique de la démocratie, où l'individu est au centre de tout, incarnant à lui seul le paradigme du self-government : "L'homme, proprement formé dans la plus saine, la plus haute liberté, peut et doit devenir une loi, et une série de lois, pour lui-même, qui encadrent prévoient non seulement sa maîtrise de soi personnelle, mais toutes ses relations avec les autres individus et avec l'Etat."
Cette conception n'est pas si éloignée de celle de Kant, telle qu'elle apparaît dans son ouvrage "Qu'est-ce que les lumières". Alors que le philosophe allemand appelait ses contemporains à sortir de la "minorité" pour enfin devenir majeurs, en osant connaître et penser par eux-mêmes (Sapere Aude), le poète du Nouveau Monde exhorte à "entreprendre la grande affaire de son propre épanouissement, dont la fin (qui demandera peut-être plusieurs générations) sera, s'il se peut , la formation d'un homme ou d'une femme pleinement adulte".

Pour Whitman le poète, la démocratie n'est toutefois pas une invitation à n'importe quelle liberté. Elle est loi, et "loi des plus strictes, des plus largement contraignantes". Si elle fait appel au sens des responsabilités de l'individu, elle ne doit pas pour autant se cantonner à une approche terre à terre, trop bassement vulgaire de la société. Elle porte une espérance qui s'exprime par la spiritualité : "au cœur de la démocratie, en fin de compte, se trouve l'élément religieux". Et dans ce sentiment, c'est à une aspiration panthéiste qu'il invite le lecteur. Dans l'idée de Dieu, réside nécessairement la Nature, dont l'histoire, comme celle de la Démocratie, "attend d'être écrite..."
A l'instar de la conception transcendantaliste (Emerson, Thoreau...), la religion n'est pas ici celle des églises, des chapelles, des sectes, mais celle que chacun porte en lui. Car "les bibles peuvent transmettre, et les prêtres disserter, mais c'est exclusivement dans l'opération sans bruit, du propre de Soi, isolé, qu'on pénètre le pur éther de la vénération, atteint les divins leviers, et communie avec l'inexprimable."

Dotée de ces vertus, la jeune démocratie américaine semblait à la fin du XIXè siècle, bien armée pour affronter l'avenir et débordait de promesses, en dépit de quelques insuffisances de jeunesse.
La pire évidemment fut représentée par l'effroyable séisme de la guerre civile dont l'insoutenable déchaînement de violence avilit, tout en la régénérant, et en la fortifiant de manière nietzschéenne la jeune république : "La race la plus paisible et du meilleur naturel du monde, et la plus indépendante en ses personnes et la plus intelligente, et la moins faite pour se soumettre à l'agacement et à l'exaspération d'un régime de discipline, s'est précipitée au premier battement du tambour , pour prendre les armes – non pour le gain, pas même pour la gloire, ni pour repousser une invasion – mais pour un emblème, une totale abstraction – pour la vie, la sauvegarde du drapeau..."

Parmi les reproches que faisait Whitman à "son" Amérique, il y avait aussi le fait par exemple, qu'à la fin du XIXè siècle, elle n'avait "moralement et artistiquement rien fait d'original". Pas rédhibitoire, mais fâcheux si l'on convient qu'elle réclamait "une poésie qui soit audacieuse, moderne, et embrassant tout et kosmique (sic), comme elle l'est elle-même." Ou bien si l'on admet avec lui que la littérature est l'âme d'une nation.
Force est de constater que ces craintes furent dissipées. Lui-même acquérant le statut de chantre de ce nouvel âge et le jaillissement de la culture américaine se révélant si torrentiel et rayonnant qu'on a pu comparer New York à une Nouvelle Athènes.

On ne saurait terminer cette plongée dans la pensée whitmanienne sans préciser que si l'irrésistible montée de l'idée démocratique associe individualisme, religiosité, et culture artistique, elle ne s'appuie pas moins également sur des valeurs plus triviales, qui n'ont rien de honteux. Qu'on en juge par cette joyeuse et iconoclaste exaltation : "Je salue avec joie l'énergie océanique, bigarrée, intensément pratique, l'exigence de faits, et même le matérialisme des affaires dans l'époque en cours, en nos états."
En réalité, "comme le combustible pour la flamme, et la flamme pour les cieux, ainsi richesses, science, matérialisme – et même cette démocratie dont nous faisons tant de cas – doivent-ils infailliblement nourrir l'esprit élevé, l'âme."

Au total ces perspectives démocratiques forment une sorte de fleuve épique, charriant impétueusement les grandes idées, mais aussi parfois les contradictions, et les utopies.
Joint à l'incandescence du style, à la longueur des digressions, cet étonnant mélange des genres rend parfois le discours difficile à suivre (certaines phrases dépassent le cadre d'une page).
Elles ont toutefois le mérite de proposer une vision à la fois lyrique et réaliste, fondamentalement pacifique, de la révolution démocratique, aux antipodes des tempêtes dévastatrices menant aux bains de sang européens. C'est une re-fondation du Monde qui doit "promouvoir ses propres normes neuves, mais encore suffisamment anciennes, en admettant les anciens éléments pérennes, et en les combinant en groupes, en unités, appropriés au moderne, au démocratique..."
Pour aboutir à une société éclairée mais pragmatique, de laquelle doivent être exclues la grandiloquence et la médiocrité, "le principal étant la moyenne, l'organique, le concret, le démocratique, le populaire, sur lesquels toutes les superstructures du futur doivent reposer pour durer...".

Epilogue
J'entendais récemment lors d'un débat télévisé**, le metteur en scène de théâtre Jean-Michel Ribes, déclarer qu'en matière politique il y avait deux voies : celle "de droite" selon laquelle, "quand l'individu va bien, la société va bien" et celle "de gauche" qui considère au contraire que "c'est quand la société va bien, que l'individu va bien".
A la lumière des propos de Whitman, rien ne renforce mieux l'idée que la voie "de droite" est décidément la meilleure, la plus rectiligne et la plus saine. Car elle part humblement de l'élément fondateur de la société, à savoir l'individu, avec ses imperfections mais aussi ses potentialités, et fait le pari qu'en lui conférant la liberté, il sera capable de s'élever. Tout le contraire en définitive, de la voie "de gauche" qui impose par la force et la contrainte, et par en haut, un système jugé bon a priori, dans lequel l'individu est prié de se conformer à un bonheur imposé...

* Perspectives démocratiques. Walt Whitman, traduction Auxeméry. Belin 2011.
** Ce soir ou jamais (27/09/11)

18 septembre 2011

From Big to Self Government


Il semble aisé de concevoir que l'idée même de démocratie est faite pour s'accorder avec celle de liberté.
Il semble même logique de penser que les deux concepts se renforcent mutuellement, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de libertés individuelles.
Il n'est pas moins indispensable de garder à l'esprit la nécessité pour un peuple, d'être gouverné, ne serait-ce que pour éviter le risque d'évoluer vers l'anarchie, ou vers l'odieuse tyrannie de la majorité.
De ce point de vue l'adage du philosophe Karl Popper (1902-1994) tient de l'évidence, tout en interrogeant sur l'équilibre vers lequel doit tendre une démocratie digne de ce nom : « Nous avons besoin de liberté pour empêcher l’Etat d’abuser de son pouvoir et nous avons besoin de l’Etat pour empêcher l’abus de liberté »

Tout le problème est de déterminer à quel niveau le point d'équilibre doit se situer. Et la réponse ne peut être univoque dans un système ouvert, par nature enclin au progrès.
Dès lors la question qui se pose est de savoir si ce dernier passe par le renforcement de l'influence de l'Etat ou bien au contraire, s'il pousse à l'émancipation progressive des citoyens.
De toute évidence, la seconde proposition de l'alternative est la plus désirable... Plus un peuple est éclairé, plus il gagne en maturité et en sagesse, et moins il a besoin de la tutelle gouvernementale.
Et qui peut le mieux aider à cette évolution, si ce n'est le l'Etat lui même ?
Tocqueville (1805-1859) ne disait pas autre chose lorsqu'il affirmait que: «Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui» (De la Démocratie en Amérique).

Hélas, c'est une préoccupation qui s'est bien amoindrie avec le temps, et que le culte de l'Etat Providence a contribué à asphyxier progressivement, sous une avalanche de bonnes intentions.
Il est facile en effet de montrer que plus l'Etat se pique de protéger les citoyens, plus il les contraint, et en définitive, plus il les déresponsabilise. L'idéal démocratique en souffre nécessairement et le spectre d'un délitement de la liberté surgit tôt ou tard.

Pour s'en convaincre, il n'est que de se pencher sur deux avancées sociales considérées comme majeures, mais dont la nature progressiste tient surtout du trompe-l'oeil : les congés payés et la sécurité sociale. Loin de viser à leur émancipation, les deux concepts laissent penser en effet qu'ils concernent des citoyens incapables de prendre en charge les aléas de leur propre existence.

S'agissant des congés payés, obtenus de haute lutte au moment du Front Populaire, il faudrait imaginer pour conclure à un vrai progrès, que les employeurs aient hérité d'une corne d'abondance magique qui leur permettrait de payer leurs salariés, même quand ils ne travaillent pas.
Évidemment c'est une chimère. Ils sont tout simplement obligés de prélever de manière implicite durant onze mois sur l'ensemble de la masse salariale, les sommes qu'il leur seront nécessaires pour payer sans mettre en péril l'entreprise, le mois de vacances de chacun des membres du personnel.
Cela signifie que les salaires pourraient être plus élevés si cette tâche de simple prévoyance était dévolue aux intéressés eux-mêmes.
En définitive, non seulement le système est injuste et discriminatoire, puisqu'il laisse de côté les travailleurs indépendants obligés de se débrouiller seuls, mais il est déresponsabilisant pour les autres, qu'on n'incite vraiment pas à prévoir l'avenir, même à court terme, et même s'il ne s'agit que de loisirs.

La Sécurité Sociale relève du même genre de perversion. En instituant un régime monopolistique de cotisations obligatoires, dont la majeure partie est à la charge des employeurs, avant versement des émoluments, les Pouvoirs Publics ont mis en place une diabolique machinerie menant au mythe de "la santé gratuite".
On voit aujourd'hui plus que jamais la gigantesque catastrophe financière à laquelle ce système a mené, en dépit de ses beaux principes égalitaires. On voit aussi les abus innombrables auxquels il a ouvert en grand la porte, sans pour autant tenir les objectifs de protection universelle annoncés au départ. On voit enfin comme il est difficile de le réformer tant les mauvaises habitudes qu'il a engendrées sont désormais considérées comme des acquis définitifs...
N'y avait-il pas moyen dans une société éclairée, de faire progressivement des citoyens, des acteurs pleinement responsables de leur santé ? Si le principe de l'assurance est sans conteste le meilleur pour garantir la solidarité, ni la tutelle de l'Etat ni la coercition ne s'imposent, sauf à considérer le peuple comme définitivement immature.

Certes on objectera que cette tutelle généralisée "prévoyante et douce" évite sans doute la survenue de quelques situations dramatiques, mais quel gâchis d'ensemble, quel gluant marasme, dont on peine aujourd'hui à se sortir.
L'Etat Providence est hélas bien devenu ce que l'économiste Frédéric Bastiat (1801-1850) redoutait, à savoir : "Cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde..."

Illustration : Promethée enchainé par Gustave Moreau