18 septembre 2011

From Big to Self Government


Il semble aisé de concevoir que l'idée même de démocratie est faite pour s'accorder avec celle de liberté.
Il semble même logique de penser que les deux concepts se renforcent mutuellement, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de libertés individuelles.
Il n'est pas moins indispensable de garder à l'esprit la nécessité pour un peuple, d'être gouverné, ne serait-ce que pour éviter le risque d'évoluer vers l'anarchie, ou vers l'odieuse tyrannie de la majorité.
De ce point de vue l'adage du philosophe Karl Popper (1902-1994) tient de l'évidence, tout en interrogeant sur l'équilibre vers lequel doit tendre une démocratie digne de ce nom : « Nous avons besoin de liberté pour empêcher l’Etat d’abuser de son pouvoir et nous avons besoin de l’Etat pour empêcher l’abus de liberté »

Tout le problème est de déterminer à quel niveau le point d'équilibre doit se situer. Et la réponse ne peut être univoque dans un système ouvert, par nature enclin au progrès.
Dès lors la question qui se pose est de savoir si ce dernier passe par le renforcement de l'influence de l'Etat ou bien au contraire, s'il pousse à l'émancipation progressive des citoyens.
De toute évidence, la seconde proposition de l'alternative est la plus désirable... Plus un peuple est éclairé, plus il gagne en maturité et en sagesse, et moins il a besoin de la tutelle gouvernementale.
Et qui peut le mieux aider à cette évolution, si ce n'est le l'Etat lui même ?
Tocqueville (1805-1859) ne disait pas autre chose lorsqu'il affirmait que: «Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui» (De la Démocratie en Amérique).

Hélas, c'est une préoccupation qui s'est bien amoindrie avec le temps, et que le culte de l'Etat Providence a contribué à asphyxier progressivement, sous une avalanche de bonnes intentions.
Il est facile en effet de montrer que plus l'Etat se pique de protéger les citoyens, plus il les contraint, et en définitive, plus il les déresponsabilise. L'idéal démocratique en souffre nécessairement et le spectre d'un délitement de la liberté surgit tôt ou tard.

Pour s'en convaincre, il n'est que de se pencher sur deux avancées sociales considérées comme majeures, mais dont la nature progressiste tient surtout du trompe-l'oeil : les congés payés et la sécurité sociale. Loin de viser à leur émancipation, les deux concepts laissent penser en effet qu'ils concernent des citoyens incapables de prendre en charge les aléas de leur propre existence.

S'agissant des congés payés, obtenus de haute lutte au moment du Front Populaire, il faudrait imaginer pour conclure à un vrai progrès, que les employeurs aient hérité d'une corne d'abondance magique qui leur permettrait de payer leurs salariés, même quand ils ne travaillent pas.
Évidemment c'est une chimère. Ils sont tout simplement obligés de prélever de manière implicite durant onze mois sur l'ensemble de la masse salariale, les sommes qu'il leur seront nécessaires pour payer sans mettre en péril l'entreprise, le mois de vacances de chacun des membres du personnel.
Cela signifie que les salaires pourraient être plus élevés si cette tâche de simple prévoyance était dévolue aux intéressés eux-mêmes.
En définitive, non seulement le système est injuste et discriminatoire, puisqu'il laisse de côté les travailleurs indépendants obligés de se débrouiller seuls, mais il est déresponsabilisant pour les autres, qu'on n'incite vraiment pas à prévoir l'avenir, même à court terme, et même s'il ne s'agit que de loisirs.

La Sécurité Sociale relève du même genre de perversion. En instituant un régime monopolistique de cotisations obligatoires, dont la majeure partie est à la charge des employeurs, avant versement des émoluments, les Pouvoirs Publics ont mis en place une diabolique machinerie menant au mythe de "la santé gratuite".
On voit aujourd'hui plus que jamais la gigantesque catastrophe financière à laquelle ce système a mené, en dépit de ses beaux principes égalitaires. On voit aussi les abus innombrables auxquels il a ouvert en grand la porte, sans pour autant tenir les objectifs de protection universelle annoncés au départ. On voit enfin comme il est difficile de le réformer tant les mauvaises habitudes qu'il a engendrées sont désormais considérées comme des acquis définitifs...
N'y avait-il pas moyen dans une société éclairée, de faire progressivement des citoyens, des acteurs pleinement responsables de leur santé ? Si le principe de l'assurance est sans conteste le meilleur pour garantir la solidarité, ni la tutelle de l'Etat ni la coercition ne s'imposent, sauf à considérer le peuple comme définitivement immature.

Certes on objectera que cette tutelle généralisée "prévoyante et douce" évite sans doute la survenue de quelques situations dramatiques, mais quel gâchis d'ensemble, quel gluant marasme, dont on peine aujourd'hui à se sortir.
L'Etat Providence est hélas bien devenu ce que l'économiste Frédéric Bastiat (1801-1850) redoutait, à savoir : "Cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde..."

Illustration : Promethée enchainé par Gustave Moreau

1 commentaire:

Anonyme a dit…

remarquable analyse de cette "grande avancée" que sont les congés payés .....RAMONE