Alors que le vieux conflit israélo-palestinien reprend de plus belle, il devrait être impossible de prendre parti, tant le contexte historique et géographique de cette partie du Proche-Orient est complexe.
Pourtant sur le sujet, la radicalisation des opinions est habituelle et l’exacerbation des passions et de l’esprit partisan est une des causes principales aux flambées de violences récurrentes, faisant désespérer qu’une paix raisonnable soit un jour possible. Avant de s'aventurer à juger les événements qui se déroulent là bas, il faudrait en toute logique pouvoir répondre à deux questions primordiales: Qu’est-ce que la Palestine ? Qu’est-ce que le peuple palestinien ?
Or, même avec la meilleure volonté du monde, il est extrêmement difficile de le faire.
La Palestine est une région quasi mythique. Ses contours géographiques sont indéfinis précisément.
Grossièrement comprise entre l’extrémité méridionale du Mont Liban au nord et le Mont Sinaï au sud, elle est bordée à l’ouest par la Méditerranée et à l’est par le fleuve Jourdain. En réalité, elle déborde sur la Jordanie, sur la Syrie et même sur le Liban.
Surtout, elle n’a jamais été à proprement parler un pays. Elle est avant tout le berceau des religions du Livre qui font de Jérusalem une ville trois fois sainte. C’est le cœur de la Terre promise aux enfants d’Israël, mais aussi celle où vécut, mourut et ressuscita le Christ. Enfin, la ville est le troisième lieu saint de l’Islam, en raison du fantasmagorique voyage nocturne qu’y fit Mahomet.
Au cours de l’Histoire, la Palestine connut des fortunes diverses. On retient surtout qu’elle fut pendant plus de six siècles réduite au rang de province de l’empire ottoman. C’est lorsque ce dernier mord la poussière en 1918, qu’une vraie confusion s’installe et que les rivalités inter-confessionnelles montent en puissance. Chacune revendique cette Terre.
Sous l’égide de l’empire britannique, plusieurs territoires sont individualisés, dont la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Parallèlement, la population juive, initialement assez minoritaire, se met à croître sous l’effet de vagues migratoires successives. Ce mouvement s’accentue brutalement à l’occasion du drame de la Shoah, vécu par le peuple juif lors de la seconde guerre mondiale. Avec la bénédiction des Nations Unies, la naissance de l’Etat d’Israël est proclamée en 1948. Cette décision supposée solutionner “par le haut” la problématique du “juif errant”, a pour effet de provoquer quasi immédiatement la première guerre opposant la nouvelle nation aux pays arabes avoisinants. Ce conflit qui tourne à la défaite de ces derniers, a pour conséquence l’exode massif des populations non juives vers Gaza, vers la Cisjordanie et vers certains pays proches (Liban, Syrie, Jordanie). Parallèlement, les Juifs qui vivaient dans les pays arabes sont chassés et affluent vers Israël, contribuant à faire de ce dernier une entité pérenne qu'ils dotent d’institutions démocratiques solides et d’une armée de plus en plus redoutable.
C’est à cette époque qu’on commence à parler de “réfugiés palestiniens”, puis de “peuple palestinien” (expression forgée paraît-il par les services d'agit-prop du KGB....).
Un fossé se creuse irrémédiablement au sein du cosmopolitisme qui régnait dans ces lieux depuis des temps immémoriaux. Les adversaires se transforment en ennemis irréconciliables et les failles deviennent des précipices infranchissables.
Plusieurs guerres sont déclenchées par les pays arabes pour tenter de reconquérir le terrain perdu, celle des Six-Jours en 1967, puis celle du Kippour en 1973. Elles conduisent à chaque fois à l'effet inverse. L'armée israélienne, très déterminée, réagit vigoureusement, repousse les assaillants, et annexe de nouvelles terres pour garantir sa sécurité (le plateau du Golan au nord, le Sinaï au sud).
Au fil des années, les Palestiniens s’organisent quant à eux en groupes armés, revendiquant tantôt la souveraineté sur "la Palestine", tantôt la destruction pure et simple d’Israël. Pour cela, ils basculent dans le terrorisme sous l’impulsion des frères ennemis Georges Habbache, fondateur du FPLP, d'obédience marxiste, et de Yasser Arafat créateur de l’OLP, socialiste. Leur rage guerrière s’exerce non seulement contre l’Etat d’Israël mais aussi contre la Jordanie, pays pourtant quasi frère, dont la population est d'origine palestinienne pour près de la moitié. Plusieurs tentatives consistant à renverser le roi Hussein échouent et se soldent par une répression en forme de massacre en 1971, connue sous le nom de Septembre Noir.
Parallèlement, au sein des rebelles palestiniens on assiste à la montée du courant islamiste, conduisant à l’individualistion du Mouvement du Jihad Islamique en 1970 puis du Hamas en 1987.
Toutes ces formations, factions et groupuscules entrent bien souvent en concurrence entre eux si ce n’est en conflit. Le Hamas a rejeté par exemple les clauses des accords d'Oslo signés par le Fatah en 1993, qui laissaient entrevoir une embellie pacifique.
C’est bien là le plus grand drame des Palestiniens. Ils ne parviennent pas à s’entendre entre eux et finissent même par s’aliéner leurs alliés comme on l’a vu avec la Jordanie. Aujourd’hui le Fatah (ex OLP) dirigé par Mahmoud Abbas, alias Abu Mazen, règne en Cisjordanie et le Hamas contrôle sans partage la Bande de Gaza. La démocratie n’est pas le fort de ces régimes et le Hamas est toujours classé comme organisation terroriste par de nombreux pays dont la France…
Officiellement, c’est la dispersion musclée de manifestants par la police israélienne sur l’Esplanade des Mosquées qui motiva le 10 mai dernier le déversement d’un déluge de roquettes sur Israël, en provenance de Gaza.
En fait, il est bien hasardeux de faire la part des choses. Les premiers heurts auraient eu pour cause la menace d’expulsion de Palestiniens de Jérusalem-Est, mais d’autres explications peuvent également être avancées.
Il y a tout d’abord le rejet par un nombre croissant de Palestiniens de Mahmoud Abbas, ancien bras droit de Yasser Arafat, devenu vieillard de 86 ans, autocrate accroché au pouvoir en Cisjordanie, qui repousse sans cesse les élections depuis 15 ans, de peur de les perdre.
Pour masquer ces considérations peu avouables, il rejette la faute sur le gouvernement israélien qui n’a pas autorisé la tenue de ces élections à Jérusalem. L’occasion fut saisie par le Hamas, lui aussi en quête de légitimité populaire, pour afficher une solidarité de circonstance. Selon son habitude, il déclencha un feu roulant de bombes sur Tel Aviv (en pure perte car plus 90% d’entre elles ont été interceptées par le fameux “dôme de fer” de Tsahal).
A côté de l’alibi douteux avancé par le Fatah, deux éléments ont probablement favorisé la reprise des hostilités : d’une part l’instabilité actuelle du régime israélien, incapable de former un gouvernement, suite àu morcellement du paysage poltique, d’autre part, la perspective désastreuse de voir un nombre croissant de pays arabo-musulmans signer des traités de paix ou de non agression avec Israël (après l’Egypte, et la Jordanie, les Emirats Arabes Unis, Bahrein, le Maroc, et bientôt sans doute l’Arabie Saoudite...)
En somme, la cause palestinienne paraît de plus en plus confuse et désespérée. Ayant refusé nombre d’ouvertures et de propositions, s’étant attiré l’inimitié de plusieurs anciens alliés, lassés de ce conflit sans fin, ses représentants, dévorés par une haine revancharde inextinguible, courent de défaites en défaites. Ils peuvent encore compter sur l’Iran et ses nombreux relais dont le Hezbollah au Liban; ils béneficient toujours de quelque sympathie dans une partie de l'opinion publique occidentale, de gauche et des extrêmes, mais la fuite en avant paraît sans issue. La situation générale des territoires palestiniens est catastrophique. Le taux de chômage est de 70% à Gaza et guère meilleur en Cisjordanie. La fourniture en eau et en électricité est de plus en plus aléatoire et la survie économique n’est possible que grâce à l’aide financière internationale. L’argument selon lequel tout cela serait la faute exclusive d’Israël est de moins en moins convaincant. Comment sortir de ce qui ressemble à une impasse ? c’est la question qui taraude les esprits. Après 10 jours de combats et plusieurs centaines de morts, un cessez-le-feu précaire a été obtenu. Pour combien de temps ? Et pour quoi faire ?