Avec la crise, qui n'en finit décidément pas, la complainte sur la paupérisation devient plus lancinante que jamais.
Ces derniers jours l'INSEE annonçait une fois de plus que la pauvreté gagnait du terrain en France. Selon les comptes de cet organisme, 8,17 millions de personnes vivaient sous le "seuil de pauvreté" en 2009, c'est à dire avec moins de 954 euros par mois.
Histoire d'en rajouter une couche, Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, précisait : "la pauvreté augmente dans notre pays depuis 2002. C'est un tournant historique".
Curieuse coïncidence, tout ça est accordé avec la ritournelle incessante sur les Riches et les Banques "qui s'en mettent plein les poches", qu'on entend au sein de l'Opposition en ces temps préélectoraux (sic dixit Martine Aubry sur France 2 samedi 3 septembre).
Admettons donc que la pauvreté progresse dans notre pays. Ne soyons pas dupes : cela fait des décennies qu'on en entend parler. Entre autres exemples, il n'est que de se rappeler la création, dans l'urgence, des "Restos du Coeur" en 1985...
La vraie question est : pourquoi donc, et à qui la faute ?
La vraie question est : pourquoi donc, et à qui la faute ?
Depuis plus de trente ans, absolument tous les élus, tous les gouvernements n'ont eu de cesse de clamer que la lutte contre ce fléau était, avec la création d'emplois, leurs priorités absolues. On a vu se succéder au pouvoir à peu près toutes les tendances politiques, du Parti Communiste à la Droite "républicaine" en passant par les Socialistes, les Centristes, les Ecologistes. Seul le Front National en fut écarté (inutile de le déplorer, car la probabilité qu'il eusse fait mieux est infinitésimale...).
Objectivement, il est difficile de prétendre que ces Gouvernements, tous si bien intentionnés, n'aient rien fait. Le problème est qu'ils n'ont en définitive, tous partis confondus, pas vraiment brillé par leur efficacité.
Globalement la politique poursuivie s'est inscrite, à quelques variations près, dans un seul et unique modèle: celui de la social-démocratie, basée sur un Etat très protecteur mais hélas par voie de conséquence, déresponsabilisant (à force de tout vouloir régenter, il pénalise le travail, décourage l'initiative et fait perdre jusqu'au sens de la solidarité).
Ainsi, les Gouvernants ont inventé l'impôt "redistributif", qui paraît-il serait la panacée en matière de lutte contre les inégalités sociales, et qui passe par un accroissement indéfini du poids des prélèvements obligatoires, donc des impôts, taxes et cotisations en tous genres (cf graphique).
Le pionnier de la méthode fut le président Giscard d'Estaing (5 points de PIB de taxations supplémentaires en un septennat). Mais depuis les années 80, la proportion de la richesse nationale ponctionnée par le fisc a continué de progresser pour se stabiliser autour de 44%. Soit environ dix points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE (qui elle même augmente régulièrement).
Parallèlement, les dépenses, notamment sociales de l'Etat n'ont cessé de croître. Nombre de dispositions ont été promulguées dans le but affiché de soulager la misère et de redistribuer cette fameuse richesse aux plus démunis. On a vu successivement s'améliorer l'indemnisation du chômage, augmenter les dépenses de sécurité sociale, avec notamment l'institution de la CMU, puis les lois emblématiques accordant la retraite à 60 ans, le passage aux 35 heures de travail hebdomadaires, le RMI, puis le RSA, sans compter quantité d'allocations et de subventions diverses...
Résultat, l'Etat, qui prélevait beaucoup mais qui dépensait encore plus, a accumulé une dette faramineuse, en grande partie structurelle, c'est à dire quasi impossible à résorber, tant il est difficile de revenir sur des mesures à caractère social.
Si toutefois la situation sociale du pays s'était améliorée comme promis, on serait tenté d'accorder quelque circonstance atténuante à cette stratégie ruineuse.
Hélas, c'est tout le contraire qui s'est produit, et la rengaine un tantinet démagogue, est paradoxalement plus que jamais d'actualité : "les Riches sont toujours plus riches et les Pauvres toujours plus pauvres".
Donc malgré tous les efforts, si l'on écoute aujourd'hui les politiciens, principalement dans les rangs de l'opposition, la situation n'a jamais été pire !
Pourtant tous ces gens peuvent s'accuser mutuellement, car ils ont tous peu ou prou pris part à cette séraphique dérive budgétaire.
En définitive, tandis qu'on tentait par tous les moyens de rendre moins riches les Riches, on ne parvenait qu'à appauvrir toujours plus les Pauvres... Tout en dopant par la multiplicité hallucinante des taxes et des contraintes, les fraudes en tous genres, notamment le travail au noir, lequel accentue la pauvreté apparente...
Le pire est que les candidats putatifs à la succession sont à peu près tous d'accord pour continuer sur la même calamiteuse pente ! Le seul credo entendu est grosso modo de continuer à augmenter les impôts, de taxer toujours plus fort ce qu'il reste de "Riches" et parallèlement d'augmenter les dépenses à caractère social ou destinées à provoquer une hypothétique relance de la croissance et de l'emploi...
Quant aux Gouvernants en place, bien qu'ils soient systématiquement accusés par leurs adversaires de faire le jeu des plus fortunés, force est de constater qu'ils restent globalement sur la même politique. Étrangement d'ailleurs, moins il y a de différences entre les politiques proposées, plus les attaques se radicalisent...
Les quelques timides et peu convaincantes remises en cause du système, amorcées en début de mandat par Nicolas Sarkozy, ont été progressivement invalidées.
Au motif de la crise, le Chef de l'Etat, tout comme ses prédécesseurs, fait le contraire de qu'il soutenait mordicus, en risquant de s'aliéner une partie de son électorat naturel, sans rien gagner en face... Le pire étant que même ces idiots de "Riches" semblent le contredire !
Mais pour quelle raison ce qui devait marcher avant la crise deviendrait inopérant pendant ? Y a-t-il réaction plus stupide et désastreuse après l'échec d'une démonstration, que de jeter aux orties les théorèmes sur lesquels elle tentait de s'appuyer maladroitement ?
Une chose est sûre : la politique de relance et de dépenses tous azimuts est comme c'était prévisible, un échec cuisant.
Quant à la crise elle n'est pas vraiment survenue de manière inopinée. C'est une évidence criante, sauf pour les aveugles : il s'agit de la faillite de l'Etat Providence, et on peut dire qu'on a tout fait pour qu'elle arrive.
Ne serait-il pas enfin temps d'essayer quelque chose de vraiment différent ? Avant que tous les riches, et les moins riches, soient devenus définitivement pauvres...
illustration: Job et sa femme, par Latour.
illustration: Job et sa femme, par Latour.