13 août 2011

Plus d'Europe, ou plus d'Europe ?

A mesure que l'Europe s'enfonce dans la crise, et que les uns après les autres en cèdent les maillons, on perçoit de mieux en mieux la fragilité de cette chaîne, sans vraie homogénéité ni cohésion.
Si l'on fait le compte des pays encore en mesure de secourir les autres, on ne trouvera plus guère que l'Allemagne et la France ! Encore faut-il garder à l'esprit que la situation de cette dernière semble de plus en plus précaire. La croissance y est léthargique, le chômage élevé, la dette colossale. Facteur aggravant, aucun véritable effort pour réduire les dépenses publiques n'a été produit et malgré une fiscalité parmi les plus lourdes du monde, le déficit budgétaire est devenu une affligeante habitude depuis plus de 30 ans, atteignant une profondeur inquiétante. Pire, on ne voit guère le moyen d'inverser la tendance eu égard aux discours irresponsables, démagogues ou franchement utopistes de la plupart des dirigeants politiques.
L'Allemagne quant à elle, fait penser à une fourmi au milieu de cigales. Elle a consenti beaucoup de sacrifices pour réunir ses deux moitiés séparées par le communisme (sans demander la participation d'autres pays). Grâce à sa rigueur et à une conscience aigue des réalités, elle bénéficie aujourd'hui d'une forte croissance et d'une réduction significative de ses déficits. Elle reste malgré tout très endettée et ne pourra accepter sans contrepartie sérieuse de risquer d'altérer sa bonne santé actuelle.

C'est le mérite de Nicolas Sarkozy il faut le reconnaître, d'avoir réussi, en dépit de la faiblesse de sa position, à maintenir un axe fort Paris-Berlin. Et même de donner l'apparence d'un jeu égal avec le voisin d'outre Rhin.
Il serait pourtant illusoire d'imaginer que cette situation puisse perdurer très longtemps. Ni les coûteux plans de relance, ni les récents plans de sauvetage n'ont eu l'effet escompté et les ressources mobilisables deviennent de plus en plus virtuelles. Le dernier renflouement de la Grèce a alourdi la dette publique française de 15 milliards d'euros. Le comblement des dettes par la création d'autres s'apparente de plus en plus à de la cavalerie.

Au moment présent, plus que jamais l'Europe est au pied du mur.
La preuve est faite qu'elle ne peut plus affronter les périls en ordre dispersé. Elle ne peut plus s'abandonner à cette tiède cacophonie d'intérêts divergents, régie par une froide et tatillonne bureaucratie normative, dont le seul but semble être de distribuer des subventions.
Si le concept a un sens, il est grand temps que la Nation Européenne devienne autre chose qu'une simple façade. Et qu'elle réponde enfin a un dessein ambitieux, cohérent et solidaire.
Laissons de côté les oiseaux de malheurs qui réclament ou prophétisent la fin de l'euro et le retour des nations souveraines. Il est certain que cette issue ferait beaucoup plus de mal que de bien à la grande majorité des pays "libérés". Hormis l'Allemagne, la plupart se retrouveraient aussitôt appauvris et le passé nous a appris les dangers représentés par l'hégémonie d'une nation au sein d'un tel chaos.
Méprisons les gens qui vitupèrent contre les marchés, et qui exigent toujours davantage de dépenses et d'impôts (pour les autres qu'eux...) Ce sont soit des nostalgiques du Grand Soir, soit des nigauds qui imaginent sans doute qu'on leur cache une corne d'abondance quelque part.
Mais ne soyons pas dupes de ceux qui préconisent comme remède miracle la mutualisation des dettes accumulées en une seule, mesurable en euros-bonds. Cet artifice très "tendance" évoque furieusement les mirifiques rachats de crédits proposés aux personnes surendettées. Mais voilà : l'économie ne ment pas, comme le soutient Guy Sorman. La dette reste là, rendue juste un peu moins douloureuse parce qu'étalée sur plus longtemps ou bien répartie sur plus de débiteurs. Cet allègement apparent est même pervers car il pousse à pérenniser l'incurie budgétaire.
Au point où nous sommes rendus, la priorité est donc d'apurer la dette et de résorber les déficits qui l'entretiennent et pire, ne cessent de la faire enfler.
La mutualisation, pour avoir une chance de réussir, implique de resserrer une fois pour toute, les boulons de cette machine un peu déglinguée qu'est d'Europe. C'est à dire de faire enfin un pas décisif vers une vraie fédération. E pluribus unum...
Cela suppose d'accepter une perte significative des souverainetés nationales, une harmonisation des politiques économiques et fiscales, et in fine, la contrainte de devoir passer sous les fourches caudines d'une autorité de réglementation et de régulation dominée par l'Allemagne.
Il est évident que cette stratégie aurait dû être mise en œuvre bien avant la crise précisément pour en prévenir la survenue autant que possible.
Est-il encore temps de procéder à cette union sacrée, c'est la seule vraie question qui vaille par les temps qui courent.
Si le défi peut être relevé, au prix, n'en doutons pas, de gros efforts et de beaucoup d'humilité, alors nous aurons plus d'Europe, sur la voie laborieuse d'une prospérité retrouvée. Si c'est un échec, alors le risque est grand qu'il n'y ait plus d'Europe du tout...

2 commentaires:

carel a dit…

Cher Pierre-Henri.
Vous avez parfaitement raison nous pouvons transformer l'Europe en eurosovietunion avec un euro rouble.
La France fournira les apparatchics dont nos administrations sont bourrés
Lisez plus dans le blogue
nomdundieu.com
il y a deux chapitres un sur l'europe l'autre sur la souverainté monétaire

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci pour votre commentaire Carel. Votre intéressant blog me donne à penser que vous rejetez l'idée d'une Europe technocratique. Celle du traité de Maastricht en somme. Je partage cette opinion.
Pour autant je ne conçois pas un retour aux nations souveraines, et aux nationalismes qui ont tant fait de mal et causé tant de guerres.
Le modèle fédéral américain reste une référence incontournable, par sa stabilité, sa cohérence, ce qui n'empêche pas la plupart des lois d'être votées localement (même aussi importantes que la peine de mort par ex...).
Quant à la langue, il est certain qu'elle contribue grandement à cimenter l'union lorsqu'elle est unique, mais regardez la confédération helvétique, ça ne fonctionne pas si mal...