En dépit des invraisemblances d'un scénario un peu à l'eau de rose, on adhère sans peine à cette bluette optimiste qui cherche à marier des opposés a priori inconciliables. Roschdy Zem démontre une certaine maîtrise dans la mise en scène, et réussit bien notamment à donner un peu d'épaisseur psychologique aux personnages secondaires ce qui est suffisament rare pour être mentionné. Il se donne évidemment le beau rôle, qu'il interprète avec brio, mais c'est incontestablement Cécile de France qui, avec sa fraîcheur et sa candeur délicieuse, donne la petite touche qui fait sortir ce film de l'ordinaire.
30 juillet 2007
Célibataires
Cette comédie « sociétale » a bien du mal à décoller. Les trois quarts du film se traînent péniblement. Le scénario est inutilement alambiqué, glauque, vulgaire, et décousu. Les personnages sont franchement antipathiques. Heureusement une embellie finit par surgir dans ce cloaque désespérant et la fin, classique mais bienvenue, laissera aux spectateurs qui auront le courage d'aller jusqu'au bout un souvenir pas trop mauvais.
Bobby
Malgré un casting impressionnant, le réalisateur Emilio Estevez ne parvient à faire de ce prétentieux long métrage, qu'un pâle et inodore navet. Censé mettre en scène le dernier jour de la vie du sénateur Robert Kennedy, il s'éparpille durant près de 2 heures, en vains conciliabules au sein des habitants de l'hôtel où le candidat à la primaire démocrate, doit tenir une réunion politique le soir même. Aucun personnage n'accroche l'attention, et leurs minuscules problèmes n'éveillent pas le moindre intérêt. Quant à Kennedy lui-même, on ne fait que l'entrevoir par instants, à partir de scènes de foules filmées à l'époque. On l'entend également, débiter quelques phrases plutôt creuses et démagogiques, notamment sur la guerre du Vietnam, que son frère avait entreprise quelques années auparavant... Bref, ce tragique jour de juin 1968 s'enlise dans les sermons bien pensants et la guimauve « progressiste ». Il n'y a aucune analyse de ces évènements, aucun recul sur leur signification. Et c'est dans cette ambiance molle et alanguie, que le meurtre surgit comme une gifle, ramenant brutalement ce microcosme nombriliste à la réalité du monde.
Le voile des illusions
Il faut une certaine patience pour suivre cet éprouvante et mélodramatique rédemption tant elle est bridée par une froide pudeur et tant elle charrie de préjugés masochistes. Mais le jeu très sobre et subtil des acteurs, l'impeccable reconstitution historique, en font un spectacle digne de cet effort.
Le parfum
Au spectacle de ce diabolique parfumeur qui s'échine à extraire l'essence des femmes pour en distiller le parfum absolu, on songe évidemment au docteur Frankenstein qui voulut bâtir l'Homme idéal à partir d'un chimérique assemblage de cadavres. Dans les deux cas le rêve fou se transforme en descente aux enfers et c'est la tristesse et la désolation qui s'imposent en lieu et place de l'amour et de la beauté.
Les aventures de Jean-Baptiste Grenouille, issues de l'imagination tordue du romancier Süsskind, paraissent toutefois sordides face au désespoir prométhéen de Frankenstein, et ses bricolages monstrueux tiennent davantage de la lubie d'un serial killer sans état d'âme que d'un grand dessein romantique.
Même si la réalisation léchée du film peut opérer une certaine séduction, il est impossible d'adhérer à cette sorte de macabre passion. En fait de divine fragrance, on perçoit surtout les pestilentiels remugles qui émanent de l'univers miasmatique dans lequel évoluent des personnages falots et antipathiques. L'histoire très statique, traîne en longueur. Et lorsqu'elle s'achève, dans une grotesque transe orgiaque, on ressent avant tout un immense écoeurement.
26 juillet 2007
Like a rolling stone
On vit au cours de gigantesques rassemblements estivaux toute une jeunesse hirsute et bigarrée s'abandonner avec insouciance à une extase collective, une sorte de féerique carpe diem semblant ne jamais vouloir finir. « Trois jours d'amour et de musique » promettaient les organisateurs du festival de Woodstock...
Mais si les papys ont encore du jus, peuvent-ils ranimer la flamme ?
L'Histoire passe rarement deux fois les mêmes plats. Après que l'esprit du temps se soit enfui, il ne reste que son empreinte un peu défraîchie. C'est sympathique mais désuet comme tout ce qui a vécu tout en se vidant de sa substance.
Mais la relève est là. Amy Winehouse, avec son allure déjantée et sa belle voix meurtrie s'empare de la musique soul. Paolo Nutini, âgé d'à peine 20 ans, James Morrison de 2 ans son aîné, réinventent la ballade dans le genre éraillé.
Sauront-ils créer de nouvelles formes d'expression pour s'élever au dessus du statut d'épigones ?
En 1967 à Monterey éclatait dans toute sa splendeur le génie impétueux de Jimi Hendrix. Malheureusement il fut météorique. Ses frasques, débordant de vitalité, d'exubérance et d'inventivité se consumèrent en quelques années comme un panache incandescent, brûlant jusqu'à son coeur cristallin de comète.
Il périt dans les flammes de la passion comme sa guitare, sacrifiée à la fin du concert. Ce jour là, il avait montré à la fois la vigueur et la richesse de son infaillible sens de l'improvisation, mais aussi révélé qu'une indicible grâce l'habitait. En réinterprétant Like a Rolling Stone de Bob Dylan, il le transcenda littéralement. Quarante ans après, ces instants capturés par la caméra de D.A. Pennebaker n'ont rien perdu de leur force suggestive. Cette seule prestation suffirait à la gloire de l'artiste tant elle est intense, brillante et légère à la fois. A la manière d'un djinn : « de ses doigts en vibrant s'échappe la guitare ». On pourrait ajouter, « et son âme... »
19 juillet 2007
Eloge de la promenade
La plupart des joggeurs semblent pressés. Ils courent sans but ni raison. Ils ne regardent généralement pas le paysage autour d'eux et souvent même isolent leurs oreilles des bruits du monde avec d'horribles casques à musique. Sur le sujet, je rejoins volontiers Alain Finkielkraut lorsqu'il évoque sans indulgence les très médiatisées trépidations sportives du président de la République et du premier ministre. Comme lui je serais presque tenté de préférer encore les promenades de François Mitterrand. Hélas, la nuée de journalistes de badauds et de courtisans entourant l'ascension de la Roche de Solutré en faisait quelque chose ressemblant davantage à une kermesse ou une étape du tour de France qu'à une tranquille déambulation spirituelle...
Les exemples illustrant les vertus de la marche sur l'intellect et la réflexion sont nombreux, d'Aristote à Kant, en passant par Rousseau. Les peintres également trouvent souvent l'inspiration au cours de leur pérégrinations sur le motif. On connaît le fameux tableau intitulé « Bonjour Mr Courbet » qui vaut mieux qu'un long discours.
Pour ma part, lorsque je me promène ainsi, le paysage se confond souvent parfois ma tête avec ceux du peintre anglais John Constable.
Ces panoramas tranquilles, sis dans une paisible quiétude, s'apprécient comme de beaux fruits pleins de saveur. « Rondeur des jours », disait Giono...
On peut y sentir l'odeur de la terre et de l'herbe après la pluie. On peut y percevoir les promesses de jours sereins derrière les nuages illuminés. Ou pourrait même tenter d'y déchiffrer quelques uns des mystères de la Nature tant elle semble s'ouvrir à l'entendement sous le pinceau de l'artiste.
Constable voulait faire de l'art une science capable de nous aider à mieux comprendre la nature. Comme Locke en Philosophie, il espérait dans le domaine de l'expression picturale, appliquer la méthode de Newton : « Pourquoi ne pas considérer la peinture des paysages comme une des branches de la physique, dont les expériences ne seraient autres que des tableaux ? »
Bel objectif, d'autant plus louable qu'il ne nuisit absolument pas à l'émotion. Dans l'histoire de l'Art, Constable reste comme un des pères de l'impressionnisme. Et son talent ne se limita pas à la transposition sur la toile de paysages. Il laissa également quelques portraits. Parmi ces derniers, figure celui de sa femme très aimée, Maria Bicknell. Peint de manière spontanée et libre, ce visage révèle tout à la fois une belle intensité et une grande tendresse. Constable le garda toujours près de lui car sa simple vue disait-il, guérissait tous les maux de son âme...
12 juillet 2007
Sommes nous des boucles étranges ?
La sortie récente de son nouvel ouvrage, I'm a strange loop, non traduit encore en français, et la lecture d'un blog très intéressant sur les problématiques qu'il soulève, m'a donné l'occasion de reprendre le GEB. Il m'avait passionné il y a une quinzaine d'années, au moment où je découvrais les applications de l'informatique au raisonnement médical, et où l'on imaginait pouvoir un jour remplacer les médecins par des systèmes-experts...
Dans ce livre épais (800 pages) mais assez aisé à lire grâce à l'insertion de saynètes humoristiques, Hofstadter étale une culture protéiforme, et tente de donner à son propos une portée universelle, en puisant habilement des concepts dans les oeuvres de personnalités éminentes des arts et des sciences. Des canons cancrizans de Jean-Sébastien Bach à la double hélice de l'ADN de Crick et Watson, du paradoxe d'Épiménide au fameux théorème d'incomplétude de Gödel, des savantes illusions optiques du graveur Escher aux vertiges symboliques de Magritte, il fait assaut de démonstrations séduisantes pour tresser les brins d'une guirlande magique. Celle-ci a toutefois une particularité troublante : à la manière d'un ruban de Möbius elle tourne indéfiniment sur elle même tout en n'offrant au regard qu'un seul bord et une seule surface...
C'est en initiant le lecteur à ce genre de boucle étrange, qu'il tente de l'amener à penser que le monde dans lequel il vit est inexorablement enfermé dans un déterminisme implacable. Comme beaucoup d'oeuvres de vulgarisation, c'est séduisant, car simple et complexe à la fois. Comme souvent les formes géométriques, les symétries et et les trompe-l'oeil, c'est même assez bluffant. Mais les raccourcis sont parfois un peu abrupts et surtout hasardeux. Certes Bach fut un maître inégalé dans l'art de la fugue et du contrepoint, mais il paraît vain de réduire la signification de sa musique à ce seul ordonnancement, quasi parfait. Comme il est illusoire de vouloir expliquer l'univers par la seule théorie, très lacunaire, de l'évolution selon Darwin. C'est en quelque sorte confondre la fin et les moyens.
Or ne donne-t-il pas une définition de ce que pourrait être Dieu en supposant qu'il existe un niveau supérieur à l'homme ? Et dans le même temps, en refusant à ce dernier le libre arbitre, n'enlève-t-il pas à la conscience humaine son existence même ? Et si nous n'avons pas de conscience, comment prétendre que nous sommes manipulés ? Comment même affirmer que nous pensons ?
Ni le personnage de roman, ni la marionnette, ni probablement l'ordinateur, ne s'interrogeront jamais au sujet de leur créateur. Ce serait un non sens puisqu'ils n'ont pas d'existence propre et que la question du libre arbitre les indiffèrent. La magie de l'existence humaine, son drame aussi, c'est justement la conscience qu'elle a d'exister.
09 juillet 2007
Paul Morand et la Grosse Pomme
02 juillet 2007
Un cinéaste bien excentrique
Pour Mulholland Drive, le cinéaste puise au même tonneau de chimères. La mise en scène est somptueuse, les images superbes, les actrices et acteurs excellents, la musique envoûtante. Pourtant on reste sur sa faim. Car le film qu'on imagine narratif au début, dans le style noir, évoquant l'excellent " LA confidentials ", bascule un bref moment dans la violence décalée genre Tarantino, puis dérape brutalement et définitivement dans le délire le plus total, rappelant " une nuit en enfer " de Rodriguez.
Qu'un film vous déstabilise, voilà qui n'a rien de dérangeant, bien au contraire, lorsque le propos reste captivant. Mais lorsqu'on s'aperçoit que les retournements de situations ne sont que des incohérences accumulées, on finit par se lasser. Le chaos stérile qui règne dans toute la seconde partie de ce long métrage, en limite considérablement l'intérêt. L'impression la plus forte qui s'impose, c'est que D. Lynch avait dans la tête le début de son film, mais hélas pas la fin. Il en fait des tonnes pour tenter de faire croire à la complexité, à l'originalité, multipliant les chausse-trappes, les faux semblants et les pseudo indices, mais tout ceci n'aboutit à rien d'autre qu'à l'exaspération avec laquelle on ressort, après plus de deux heures d'efforts pour comprendre… qu'il n'y a rien à comprendre !
A partir d'un sujet scabreux pour le premier, dans une ambiance lourde et austère, filmée en noir et blanc, Lynch tire une fable bouleversante sur la souffrance humaine, sur la misère d'être né différent. Aucun artifice ne vient polluer ce récit dramatique, transcendé par le sublime adagio de Barber qui lui sert de bouleversante toile de fond musicale.
Pour Elephant Man comme pour une Histoire Vraie, le cinéaste, dont on connaît la propension à divaguer, voire parfois à délirer, apparaît ici comme fasciné, captivé par les faits qu'il raconte. Il resserre en conséquence son discours et contraint sa caméra pour capturer sans artifice l'émotion à fleur de peau. Et cela donne de purs et inoubliables chefs d'oeuvres.
Et comme John Hurt, bien méconnaissable, fait une composition extraordinaire dans Elephant Man, Richard Farnsworth incarne le personnage principal d'une Histoire Vraie avec une densité fabuleuse.
Sitôt acclimaté à l'univers décalé de cette épopée singulière, on tombe en effet irrésistiblement sous le charme de ce vieillard entêté qui au soir de sa vie, entame envers et contre tout une stoïque remontée de son passé pour tenter d'en effacer les actes manqués et en apaiser les meurtrissures. Et pour renouer in extremis avec un frère moribond, les liens magiques de l'enfance, brisés par des années de disputes largement arrosées d'alcool.
Ce pèlerinage expiatoire que d'autres feraient sur les genoux jusqu'à la Vierge Noire de Rocamadour, il choisit de l'accomplir, lui, en dépit d'affreux rhumatismes, de manière cocasse et pathétique, sur plusieurs centaines de kilomètres, à cheval sur le seul et unique véhicule à sa portée, une dérisoire tondeuse à gazon.
Cela confère à ce film une simplicité évangélique. On songe parfois, le long de cette longue route, au bord des immensités sauvages, à la solitude sublime qui sous-tend les films de Terence Malick.
Indiscutablement un grand classique, solide et beau comme une tragédie antique.
Rien que pour ces deux joyaux, et en dépit de ses excentricités, David Lynch mérite donc une place à part au Panthéon du cinéma.