22 août 2019

Le grand barnum du G7

C’est désormais une sorte de rituel des temps modernes. Les “sept pays réputés être les plus grandes puissances avancées du monde” se réunissent en G7 et en grande pompe pour leur symposium annuel. Cette fois c’est Biarritz qui sera l’arène de ces nouveaux jeux du cirque. Comparaison d’ailleurs guère appropriée car le spectacle est un huis clos claquemuré à l’abri des regards. De fait, durant les festivités, la moitié de la ville se transforme en cité interdite pour permettre aux grands de ce monde de deviser en toute tranquillité.
Le peuple des gueux est tenu pour sa part à distance, repoussé jusqu’en Espagne. Il se compose de hordes disparates d’altermondialistes, d’écologistes, d’anti-capitalistes, dont le point commun est une profonde détestation de ce que représentent ces chefs d’états.
Vous dire exactement pourquoi serait une gageure, tant c’est confus, utopique et bourré de contradictions. A travers les slogans éculés et les banderoles mitées, c’est une sorte de désespoir qui s’exprime, véhiculant un nihilisme d’autant plus virulent qu’il n’a rien d’autre à proposer que la chimère “d’un autre monde.”

Pour contenir cette fange gesticulante, les Pouvoirs Publics ont prévu la mobilisation de plus de 13.000 policiers et gendarmes !
On se demande jusqu’où l’on poussera ces coûteuses absurdités. Quel est donc l’intérêt d’un tel spectacle où l’on voit quelques dirigeants s’auto-congratuler à l’intérieur de leur petit club très fermé, tandis que des foules de plus en plus ensauvagées vocifèrent aux portes de leur palais, face aux forces de l’ordre dont le nombre semble inversement proportionnel à la capacité d’empêcher les saccages, les pillages et les destructions, que les médias quant à eux prennent un plaisir évident à filmer, en long en large et en travers.

Il y a quelques années, la Russie fut exclue des ces happy few pour d’obscures raisons. On se demande bien pourquoi elle avait été admise puisqu’elle n’a jamais été une démocratie et qu’elle ne figure qu’en dixième position en termes de PIB. Pourquoi la Chine, guère plus démocratique mais seconde puissance économique mondiale n’eut jamais son ticket d’entrée. Pourquoi l’Inde, septième au palmarès du PIB et authentique démocratie, des plus peuplées qui plus est, n’a jamais été conviée… Et pourquoi cette multitude de petits pavillons européens aux côtés de celui, unique, supposé les rassembler ?
Cette année l’Italie déchirée aura bien de la peine à envoyer un représentant pour poser sur la photo de famille. And then they were six...
Et tout ça pour quoi ? Pour parler d'après ce que nous en dit le ministre de l'intérieur, des inégalités hommes/femmes, de l’avenir du climat et du risque terroriste. La belle affaire qui, a n’en pas douter, va contribuer à l’augmentation du bonheur des nations et à la prospérité de tous...

16 août 2019

La liberté d'être libre

La publication récente d’un texte inédit* de Hannah Arendt, retrouvé dans les archives de la Bibliothèque du Congrès à Washington DC et daté du milieu des années soixante, est l’occasion de mettre au jour d’intéressantes réflexions sur la vraie nature des révolutions et sur l’aspiration à la liberté qu’elles se font fort de propager habituellement.
Cet écrit entreprend de montrer que cette dernière est souvent un leurre, agité non pas par le peuple mais par ceux qui s’arrogent le droit de parler en son nom, lorsqu’ils font  par leurs écrits et leurs discours le lit de l’insurrection, ou lorsqu’ils parviennent au pouvoir de manière violente.
De fait, Hannah Arendt affirme “qu’aucune révolution, si largement qu’elle ait ouvert ses portes aux masses et aux miséreux - les malheureux, les misérables, les damnés de la terre, comme les désigne la grande rhétorique de la Révolution française -, ne fut jamais lancée par eux”.
La raison en est que “là où les hommes vivent dans des conditions de profonde misère, la passion pour la liberté est inconnue”; elle ne peut naître et prendre corps que chez “des hommes ayant des loisirs, des hommes de lettres n’ayant pas de maître et n’étant pas toujours occupés à gagner leur vie”.

Autre constat, aussi frappant que paradoxal, “les révolutions ne sont en règle pas la cause, mais la conséquence de la chute de l’autorité politique.” De manière plus générale, “aucune révolution n’est même possible là où l’autorité du corps politique est intacte, ce qui dans le monde moderne signifie là où l’on peut être assuré que les forces armées obéissent aux autorités civiles.”
En d’autres termes, les révolutionnaires ne s’emparent pas du pouvoir, ils ne font que prendre la place laissée libre par l’effondrement du précédent. Cela diminue singulièrement leur mérite, ce d’autant plus que l’expérience montre qu’ils peinent en général à le conserver dans les conditions qu’ils s’étaient fixées. Par une cruelle ironie du sort, la figure allégorique de “la Liberté guidant le Peuple”, le mène bien souvent à une nouvelle tyrannie, pire que celle dont il s’est affranchi !

Ces réflexions sont particulièrement prégnantes à notre époque, marquée par une crise profonde de la démocratie, où l’on voit l’autorité publique battre souvent en retraite ou faire preuve d'impuissance devant des factions de plus en plus virulentes, et où paradoxalement on l’accuse de plus en plus souvent d’être à l’origine de “violences policières”. N’y a-t-il pas là le début d’un pourrissement du Pouvoir, dont l’aboutissement pourrait mener au chaos et à tous les excès ?
Combien de fois entend-on critiquer le modèle de société dans lequel nous vivons ?

Aujourd'hui, contrairement à nos aïeux, nous avons la liberté d'être libres. Mais que faisons nous de cette liberté ? On n'a de cesse de la rogner !
Nous ne pouvons pas, tout au moins dans nos pays, prétendre combattre pour la liberté, puisque nous en jouissons comme jamais sans doute aucun peuple dans l’histoire. Que veulent donc les révolutionnaires de tout poil qui vocifèrent à nos oreilles leurs revendications ? C'est tragiquement simple : qu’ils appartiennent à la vieille garde socialiste, aux religions les plus rigoristes, ou bien aux nouvelles chapelles érigées au nom de l’écologie, ils exigent moins de liberté et plus d’intolérance !


Puisse ce texte exhumé par bonheur du cimetière des papiers oubliés, servir de leçon pour notre temps. Puisse-t-il également inviter à la réflexion objective et peut-être à plus de sagesse dans l’analyse des événements.
Comparant les deux révolutions française et américaine, quasi contemporaines à la fin du XVIIIè siècle, Hannah Arendt s’interroge: pourquoi la première, “qui se termina en désastre, devint un tournant dans l’histoire du monde”, alors que la seconde “qui fut un triomphe, demeura une affaire locale” ?

Vraie question à laquelle l’auteur tente de répondre en invoquant “la tradition pragmatique anglo-saxonne” qui aurait “empêché les Américains de réfléchir à leur révolution et d'en conceptualiser correctement des leçons…”
Sans doute y-a-t-il du vrai dans cette remarque, en filigrane de laquelle on perçoit avec inquiétude les dangers que font courir les idéologies, souvent préférées hélas au pragmatisme.
On ne peut que partager la sombre réflexion clôturant l’ouvrage, dans laquelle Hannah Arendt évoque “ceux qui sont disposés à assumer la responsabilité du pouvoir” : “Nous avons peu de raisons d’espérer qu’à un moment quelconque dans un avenir assez proche, ces hommes auront la même sagesse pratique et théorique que les hommes de la révolution américaine, qui devinrent les fondateurs de ce pays. Mais je crains que ce petit espoir soit le seul qui nous reste que la liberté au sens politique ne sera pas à nouveau effacée de la surface de la terre pour Dieu sait combien de siècles…”
Hannah Arendt : La liberté d'être libre. Payot 2019.

06 août 2019

Viva Zapata !

Au cœur d’un été splendide (le plus chaud de tous les temps à ce qu'il paraît...), le vol du flyboard de Franky Zapata au dessus de la mer fut un petit évènement assez réjouissant.
D’abord pour l’exploit réalisé par cet original surfeur des airs, à la fois concepteur et pilote de son intriguante planche volante.

Mais également parce qu’il tranche avec la sinistrose chronique que nous distille avec délectation chaque jour que Dieu fait, le concert monotone des médias.

Lorsqu'on vit le gars tout en noir s’élancer dans l’azur, on aurait dit un super héros américain, du genre Superman ou Batman. Mais ce n'était rien d'autre qu'un petit Français qui se portait audacieusement sur les traces prestigieuses de Louis Blériot !
Et cette fois, il l'a fait ! Cent-dix ans après son vénérable ainé, il a donc traversé la Manche avec sa drôle de machine.

Les pisse-vinaigre eurent tôt fait d'objecter qu'il s'agissait d'une action “climaticide” en raison de la quantité de kérosène consommé (70 litres pour faire 35 km ça fait plus de 200 aux 100, doux Jésus…). Ils ont fait remarquer qu’il ne s'agissait pas d’une réelle innovation puisqu’un homme fusée aussi performant fit à peu près le même numéro de haute voltige lors des jeux olympiques de Los Angeles, en 1984 ! Enfin ils ont émis des doutes quant aux débouchés pratiques d’un tel engin, si gros producteur de CO2 pour un rayon d'action ridicule, et très bruyant de surcroît. Il n'y a pour l'heure que l'armée et la police qui s'y intéressent ! Pas trop exaltant pour le bien-pensant moyen.  Pourtant, nul doute que plus d’un vacancier, plus d'un banlieusard, coincé dans les bouchons routiers rêverait d’échapper à l'enfer bituminé avec autant d'aisance et de panache. Et plus d’un migrant rêverait de disposer d’un tel appareil pour fuir Sangatte et gagner l’El Dorado britannique…

Bref, on retiendra envers et contre tout de ce funambule turbo-propulsé, son agilité à se mouvoir et la grâce aérienne de sa silhouette sillonnant l’immensité profonde. Le spectacle avait quelque chose d'indéniablement poétique et a probablement réveillé chez maint spectateur, le démon de la liberté, si malmené par les temps qui courent. Rien que pour ça, chapeau l’artiste !

04 août 2019

L'Impossible Monsieur Bébé


Bien que j'y aie déjà consacré un billet, il ne me semble pas superflu de revenir sur la problématique de la procréation médicalement assistée.
Derrière le texte de loi en préparation sur la PMA "pour toutes", que d'idéologie ! Que de contradictions également !
L'égalitarisme dit républicain, mais en réalité très démagogique, apparaît plus que jamais comme la clé de voûte de ce texte conçu dans la confusion, et qui engendrera sans nul doute toutes sortes de dérives, à commencer par celle du budget de l'Assurance Maladie déjà chroniquement et lourdement déficitaire.

"Pour toutes" révèle bien l'inspiration qui entoure ce nouveau projet de loi. Pour un peu, on se croirait revenu au temps du chef-d’œuvre d'hypocrisie du "mariage pour tous" concocté par le petit père Hollande dopé par le zèle doctrinaire de la passionaria Taubira...
D'une délicate procédure médicale permettant à certains couples stériles d'avoir un enfant on va passer à un gadget technique offert par l'État bienveillant à qui le souhaite, pour convenances personnelles.
On ignore où tout cela s’arrêtera, sur la pente savonneuse sur laquelle nous sommes engagés.

En dépit de toutes les dénégations, la grossesse pour autrui (GPA) suivra évidemment, pour les mêmes raisons qui justifient la généralisation de la PMA. On pourrait même être choqué s'il en était autrement. Mais une multitude de questions se feront jour, auxquelles il faudra bien répondre ce qui laisse entrevoir de belles polémiques et de toniques empoignades.

Dès à présent, on voit céder les unes après les autres les vieilles digues morales s'opposant au cours irrésistible de la justice sociale. Elles relèvent de combats d'arrière garde pour les auto-prétendus progressistes. Il devient par exemple tout aussi ringard d'émettre des doutes sur le bien fondé de la PMA que de vouloir remettre en cause l'IVG "pour toutes".

Il en est ainsi du professeur Israël Nisand, gynécologue de son état, qui se targue d’avoir "le cœur à gauche". Il soutient l'extension de la PMA au nom d'une bio-éthique qualifiée par lui "d'ouverte", par opposition à la morale qui serait "fermée". Renvoyant les adversaires du nouveau texte à d'obscurs non-dits idéologiques (on traduit sans peine d'extrême droite ou encore catho-traditionaliste), il appuie son raisonnement sur des truismes assez stupéfiants de simplisme. Ainsi pour lui, la libéralisation de la PMA est légitime car "ça se fait ailleurs". Au surplus, il renvoie aux défenseurs de la famille traditionnelle que "personne ne peut prouver qu'il soit grave de n'avoir pas de père". Il balaie enfin les inquiétudes relatives aux éventuelles dérives, en affirmant que la loi sera si bien faite qu'il n'y aura aucun risque de dérapages marchands ou eugéniques. Comment peut-il en être si sûr le bougre ?
Et surtout, pourquoi serait-il choqué par ces évolutions après tout ?
Lui qui comprend qu'une femme accepte de porter l'enfant de sa fille ou bien de sa sœur par pur amour, comment peut-il douter de l’altruisme de celles qui le feraient pour rendre service à d’autres. Et comment peut-il s’offusquer qu’elles demandent une contribution financière ? La "marchandisation des corps" est un concept contre lequel il existe un vaste consensus, mais c'est surtout un vain mot lorsqu’il s’agit de restreindre la liberté et la responsabilité de son prochain. La peine endurée, les coûts endossés et le risque encouru par les mères porteuses justifie bien une gratification tout de même...
Selon le même principe, lorsque l'on comprend qu'on puisse mettre au baquet un enfant qu'on ne veut pas, comment peut-on s'offusquer qu'on demande à choisir la couleur des yeux ou de cheveux de celui qu'on désire ?
On voit bien là qu'on peut faire varier en fonction de l'humeur ou bien des circonstances les bornes de la morale comme celles de la vérité, "en deçà ou au delà des Pyrénées"...

A ces considérations morales si ce n'est éthiques, ajoutons l'écheveau de contradictions que font naître ces problématiques.
En tout premier lieu figure la question de l'anonymat des donneurs de sperme que madame Buzyn voudrait rendre facultatif. Il faut dire que son maintien signifie l'impossibilité définitive pour un enfant de remonter à son père et donc à une partie de ses origines. La suppression fait courir en revanche le risque de voir s'effondrer le nombre déjà faible de donneurs, par crainte de devoir un jour ou l'autre assumer une paternité embarrassante. Quant au ni-ni proposé par la ministre, il est la pire des solutions comme le fait remarquer non sans raison le Pr Nisand. Il conduirait en effet à la génération de 2 types d'enfants…
Autre contradiction, celle des Verts qui voudraient limiter le nombre d'enfants dans les pays développés, accusés d'être des surproducteurs en puissance de CO2, et dans le même temps qui ouvrent sans retenue la porte de la PMA au nom de l'égalité des droits ("qu'est-ce qu'on attend ?" s'exclame Jadot sur son site…).
Enfin, il y a quelque chose d'incohérent de la part des Pouvoirs Publics, à vouloir maîtriser le budget de la Sécu et en même temps à donner libre cours à de nouvelles dépenses non strictement médicales.

Cette politique déresponsabilisante se heurtera de toute manière sous peu à une déferlante de progrès techniques dont il sera de plus en plus illusoire de faire profiter tout le monde gratuitement: GPA, utérus artificiel, ectogenèse, modifications génétiques, gamètes artificiels….
Nul ne sait si c'est la sombre perspective du Meilleur des Mondes selon Huxley qui se profile, mais une question de morale très prosaïque va vite s'imposer, qu'on le veuille ou non: à la fin des fins, qui paiera ?

29 juillet 2019

L'été Meurtrier

Ouf, le dernier épisode caniculaire en date s’est achevé sans nous achever !
Il fut toutefois l’occasion de constater l’égarement inquiétant des mentalités et l’imbécillité récurrente des débats et de la réflexion qui minent notre société.
Selon sa bonne vieille et détestable habitude, la Presse s’est livrée à une surenchère éhontée de scoops. Chaque jour elle faisait état d'un “record” de température, accompagné d’une nouvelle vigilance par Meteo France, et des conseils et avertissements en forme d’évidences dispensés par l’Etat-Providence à la population : rester à l’ombre, bien boire, se ventiler et se doucher fréquemment... Le reste du monde pouvait aller se rhabiller. En France on suffoquait à en mourir, c'était l'affaire la plus grave, et de loin...
On en rajouta encore dans les gros titres accrocheurs, en révélant par exemple les conclusions très opportunes de chercheurs suisses affirmant que jamais notre planète n’avait connu pareil changement climatique depuis 2000 ans ! C’est en étudiant les cernes des arbres et divers indicateurs paléo-climatiques que ces savants sont parvenus à ces conclusions, aussi précises que péremptoires. Quelle perspicacité ! Naturellement on insista sur le fait que ce bouleversement était nécessairement causé par l’activité humaine.
Madame Masson-Delmotte, vice-présidente du GIEC annonça gravement de son côté sans hésitation qu’il y aurait 2 fois plus de canicules en 2050. Ce n'est plus de la science, mais de la prescience !

Au moment le plus étouffant, les députés recevaient dans les salons feutrés et climatisés de l’Assemblée Nationale un groupe d’adolescents, pour discuter avec eux de ce sujet de la plus haute importance. Il fallait voir nos chers élus. On aurait dit qu’ils prenaient une sorte de plaisir pervers à se faire remonter les bretelles pour leur inaction en matière de lutte climatique.
En tête de ce juvénile bataillon de redresseurs de torts dont le plus diplômé venait d’obtenir le bac, figurait telle une vestale, l’incontournable Greta Thunberg.
Cette jeune suédoise a quelque chose d’effrayant. Elle a une allure encore enfantine du haut de ses 16 ans, mais elle affiche une impressionnante maturité et une arrogance qui fait froid dans le dos, si l’on peut dire en la circonstance... Elle déclina les compliments que lui adressaient le parterre de responsables politiques subjugués par son charisme glacial et les enjoignit sèchement d’agir conformément “aux données de la science” dont elle se pose avec une implacable assurance comme dépositaire de facto. En la voyant, je ne pouvais m’empêcher de penser aux jeunes filles enrôlées par l’Angkar au Cambodge, qui jugeaient de la qualité des citoyens à leurs mains, n’hésitant pas prononcer l’arrêt de mort de ceux qui avaient les paumes trop lisses.
Pour l’heure, Greta juge les politiques selon les critères nébuleux de leur insuffisance écologique mais elle se garde bien de donner la moindre piste pratique pour ne pas risquer dit-elle, d’être accusée d'avoir un parti pris politique.
Voilà le niveau où nous sommes donc rendus à force de mélanger dans le bain tiède de la démagogie, les croyances et les faits objectifs, la théorie et la pratique, les fantasmes et la réalité…
Les représentants de l’extrême gauche présents n’ont pas manqué eux d’entonner au nom du climat leurs vieux refrains dogmatiques, condamnant pêle-mêle le libre-échange, le capitalisme, le libéralisme, et même la démocratie. L’inébranlable et si prévisible Quatennens s’est lancé dans une longue diatribe au sujet du traité en cours de négociation avec le Canada, dit CETA. Accusant sans vergogne nos cousins outre-atlantique de mauvaises manières écologiques, il réclama l’abrogation de l’accord obtenu à l’échelon européen, et le maintien de taxes douanières stupides freinant les échanges. Le sinistre Ruffin a quant à lui asséné que pour les Insoumis, l’écologie ne pouvait pas être “consensuelle”, insinuant qu’il fallait plus de mesures coercitives, punitives, en d’autres termes, que des têtes tombent...
Le socialisme ne faisant plus recette, ces enragés qui savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui, ont repeint leurs furieuses lubies en vert, mais l’horrible fripe couleur de sang du communisme est toujours omniprésente.

Malheureusement leur discours radical n’est que le reflet aigu d’un courant de pensée qui menace d’emporter tout sur son passage, notamment le bon sens. L’opinion en forme de rhinocérite imprègne désormais quasi tous les débats et rares sont ceux qui osent enfreindre les idées reçues. En résumer la teneur en quelques mots est assez simple: le réchauffement climatique est une chose certaine, irréversible et qui ira nécessairement en s’aggravant, il est forcément mauvais en soi, et sa cause est évidente, c’est la faute au capitalisme et au libéralisme réunis ! Si l’on ne fait rien, ce sera l’apocalypse. Nous mourrons tous et nous connaîtrons avant l’heure, le feu brûlant de l’enfer.
Ainsi, il s’en est fallu de peu  (266 voix pour, et 213 contre) que l’Assemblée Nationale ne retoque le CETA, dont la France commence tout juste à enregistrer quelques effets positifs en termes d’exportations. Non seulement c'eût été stupide puisque ce traité s’exerce au niveau européen, mais cela traduit un mépris très offensant pour le Canada qui n’a démérité ni dans le domaine écologique, ni dans celui des conditions de travail.
Ainsi M. Lemaire, ministre de l’économie croit-il très malin d’annoncer “la mort du capitalisme des inégalités” qui serait selon lui “injuste moralement et en plus inefficace économiquement”. Il se targue donc de le remettre dans “la bonne direction”, de “le réinventer”, d’abord “pour protéger les ressources de la planète”.
Comment s’y prendre ? Sans doute en instaurant de nouvelles taxes comme celle qu’il veut imposer aux fameux GAFA. Vaste fumisterie qui inquiète, tant elle révèle de naïveté et d’absence d’imagination. Que des dirigeants aussi haut placés raisonnent de manière aussi simpliste est désespérant. Le cher Donald ne lui a pas envoyé dire, même si semblant ignorer notre pauvre Bruno il a ciblé son ami Emmanuel...

Dans un monde qui semblait enfin à peu près guéri des grandes guerres, des grandes épidémies et des grandes famines, en grande partie grâce au progrès scientifique et au modèle de société ouverte et démocratique, la fin du monde n’a jamais été aussi proche selon les nouveaux prophètes de malheur.
On retrouve dans ce vent de folie tous les poncifs les plus détestables jouant sur les peurs populaires. On n'hésite plus à employer quotidiennement les termes de “catastrophe”, “d’urgence”, de “panique” climatique, voire même de “fin du monde”. Tout est ramené à l’écologie, devenue maîtresse de nos destins en dépit de la nullité chronique des grands prêtres de cette nouvelle religion, et des contradictions insensées dans lesquelles ils pataugent lamentablement. On le voit avec leur impuissance à trouver des solutions pratiques (par exemple pour développer les transports ferroviaires ou fluviaux). On le voit également dans leur comportement, en règle très éloigné des principes qu’ils veulent imposer aux autres. On le voit dans les déchirements partisans qui font régulièrement exploser leurs formations politiques, en ôtant beaucoup de force et de crédibilité à leur combat. On le voit enfin dans les préconisations absurdes qu’ils parviennent à mettre en oeuvre lorsqu’ils sont influents, comme en Allemagne. Grâce au lobby écologiste viscéralement anti-nucléaire, nos voisins outre-Rhin émettent avec leurs centrales à charbon, près de 10 fois plus de gaz à effet de serre au KwH d’électricité produite que la France...

21 juillet 2019

69, Année Extatique

Le 21 juillet 1969 j'avais 15 ans. Je sortais de l'enfance tandis que notre civilisation occidentale arrivait peut-être à son apogée. Dans mon esprit c'était un tumulte confus de sentiments.

Un an plus tôt c'était mai 68 en France. J’ai vécu ça comme une tempête molle. Avec dans la tête une certaine ivresse de liberté sans doute mais surtout beaucoup d’écœurement et déjà de désillusions. L’autorité des maîtres était bafouée. D’un jour à l’autre on pouvait tout dire et presque tout faire. Au lycée, nous faisions en toute impunité des sitting pour narguer le Proviseur et je me souviens que mon prof de maths venait “travailler” en sandales, chemise à fleurs et chapeau de paille…
A Paris on s’y croyait. Les mao, les trotsko et tous les écervelés du socialisme manifestaient bruyamment leur croyance en un monde meilleur en glorifiant, benêts qu’ils étaient, les immondes tyrans qui torturaient leur peuple derrière le sinistre rideau de fer. François Mitterrand, toujours à l'affût de l'occasion d'accomplir enfin "son" destin national révélait avec emphase et solennité lors d'un meeting grotesque au stade Charlety qu'il était prêt à prendre le pouvoir. Illusion vite dissipée...

J’avais une conscience aiguë des contradictions régnant dans le pays, un profond dégoût pour ce que j‘ai toujours considéré comme un coupable aveuglement des intellectuels dits "de gauche".
J'étais en revanche envoûté par la quête du bonheur et de la liberté qu’exprimaient outre atlantique et en Angleterre les beatniks et les hippies mais je refusais d’y voir quelque connotation politique qui soit. La musique et la littérature étaient les ferments de cette émancipation. Après le Jazz et le Blues, c'était le Rock et la Pop Music.

Les Beatles chantaient Revolution et les Rolling Stones Street Fighting Man mais c’était un jeu sans conséquence ni prétention intellectuelle ou militante. Il y avait même une conscience aiguë du désastre dans les paroles signées Lennon/McCartney: "When you talk about destruction, Don't you know that you can count me out.../... When you want money for people with minds that hate, All I can tell you is : brother you have to Wait.../... If you go carrying pictures of chairman Mao, You ain't going to make it with anyone anyhow…/... You better free you mind instead..." Quant aux Stones, ils faisaient appel à la dérision pour ramener à de saines proportions la colère des révolutionnaires embourgeoisés qui crachaient dans la soupe capitaliste dont ils se gavaient sans vergogne : "Well now, what can a poor boy do, Except to sing for a rock n' roll band ?"

Mai 68 fut une piètre mascarade dont ne sont restés en définitive que les slogans futiles, les caprices d’enfants gâtés, et de pernicieuses vapeurs contaminant jusqu'à ce jour la société, notamment le débat politique, l’éducation, l’entreprise....

Pendant ces années d’insouciance et d’euphorie, l'Amérique dans la droite ligne de ses Pères Fondateurs, travaillait toujours à la recherche de nouvelles frontières. L’espace cosmique était devenu son terrain de jeu et de conquêtes. Elle entendait bien y montrer sa suprématie et y porter l'étendard étoilé du monde libre.
La saga Apollo fut une merveilleuse aventure en même temps qu’un hymne fabuleusement poétique au progrès technique. Elle commença par un drame, coûtant la vie à 3 hommes, lors d'essais préliminaires au sol. Mais après beaucoup d'efforts, le fameux cliché du “clair de terre” envoyé par les astronautes d’Apollo 8 révélait une beauté indicible. Encore aujourd’hui je le regarde avec émotion. Il dit tant de chose de notre soif d'aventure, de notre attirance pour l'inconnu, et de l'univers qui nous entoure…
Lorsque s'élevait la fusée Saturn V, dans un feu impressionnant de réacteurs, c'était toute l'humanité qui se dressait orgueilleusement vers le ciel. L’Homme triomphait en quelque sorte de la nature. La pesanteur était vaincue ! A l’instar des mots fameux de Neil Armstrong, après des millénaires de tâtonnements à petits pas, la science faisait des bonds de géants.
D’un côté le Flower Power, son romantisme échevelé, ses rêves d’amour, de musique et de paix. De l’autre ces aventuriers de l’espace, auréolés des rayons solaires qui rebondissaient joyeusement sur le désert lunaire dans leurs magnifiques scaphandres blancs. Quelle époque !
On en oubliait que plus de la moitié de l’Humanité se morfondait dans le cauchemar socialiste ou sous la férule de dictateurs odieux. On en oubliait, quand on ne les méprisait pas, les soldats de la liberté embourbés dans les miasmes du Vietnam pour tenter de donner sa chance au modèle de société ouverte; Celui-là même auquel nous devions tant de prospérité et que tant d’idiots doctrinaires irresponsables vouent opiniâtrement aux gémonies.
 

1969 fut une année extatique. La conquête de la Lune fut son éblouissant paroxysme technique, le festival de Woodstock son point d'orgue dionysiaque (ainsi que le fabuleux et ultime album des Beatles, Abbey Road)...
Pour magnifier cette épopée, je ne saurais mieux le faire qu’en évoquant l’étincelant poème de José-Maria de Heredia que j’aime à me réciter lorsque je ressens quelque découragement:

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Où, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles...

19 juillet 2019

Impeachment

Décidément, plus le temps passe et plus je trouve Donald Trump épatant ! En écrivant cela, j’ai conscience de m’inscrire complètement à contre courant de la correction politique qui règne dans notre pays et qui surveille étroitement le débat du haut de ses sinistres miradors, mais tant pis. Je serai jugé hérétique, et relaps en plus, peu m’importe. On est transgressif ou on ne l'est pas...

Malgré le torrent de haine, d’injures, de mépris, de mensonges et d’insanités qu’on déverse sur le dos du président américain, le bonhomme tient bon. C’est autre chose que notre pauvre François de Rugy, qui n’a pas supporté d’être égratigné…
On dit parfois qu’il n’y a que la vérité qui blesse. C’est peut-être un peu pour ça que le président américain semble si indifférent à toutes les vilenies qui s’abattent sur lui. Mieux, il s’en amuse et provoque avec une jubilation évidente les roquets qui aboient sans cesse à ses basques. "Impeachment", "impeachment", ils n'ont que ce mot à la bouche depuis son élection. Ils en bavent à force de hurler à la mort à chaque occasion aussi futile soit-elle !
Mais ayant à peu près tout entendu, tout affronté, leur bouc émissaire est désormais inébranlable. Au surplus, les affaires d'argent et de train de vie ne le touchent pas: Il est devenu riche avant de faire de la politique…

C’est pourquoi il a pu à nouveau faire monter la sauce à propos de quatre pétroleuses, élues démocrates soi-disant progressistes, “issues des minorités”, qui passent leur temps à éructer à tous vents les sempiternels lieux communs anti-américains, anti-israéliens, anti-capitalistes, anti-tout… Il a invité en termes choisis le quarteron de saintes-nitouches à aller voir ailleurs qu’aux Etats-Unis d’Amérique si l’herbe était plus verte.
Juste réponse du berger aux bergères et pas très méchante, mais ça n’a pas loupé. Elles lui sont tombé dessus à bras raccourcis, soutenues par tous les culs-bénis du camp du bien, l’accusant d’être raciste et xénophobe ! Injure suprême mais totalement à côté de la plaque et si révélatrice des procès en sorcellerie popularisés par les grands prêtres de la gauche bien pensante mais affreusement sectaire.
L’ennui, c’est que ça ne marche plus guère auprès du bon peuple. C’est même l’inverse qui se produit.
Trop facile de se parer de toutes les vertus tout en couvrant d’anathèmes tous ceux qui osent dévier du dogme bien pensant.
La polémique n’a fait que faire monter Donald Trump dans les sondages et le courageux représentant démocrate qui a cru opportun de soumettre à la chambre basse une motion appelant à la destitution du président s’est pris un vent monumental: 332 voix contre, 95 pour.

Après que se soit liquéfiée la fameuse enquête russe pétrie d’invraisemblances, et que se soient terminées en eau de boudin tant d’attaques ad hominem, il faut manifestement trouver toujours quelque chose de nouveau pour calmer la rancœur des mauvais perdants et leur redonner espoir dans des lendemains meilleurs. Il faut croire que ça leur évite de faire preuve d'un peu de courage et d'imagination pour élaborer un vrai programme alternatif.
Pendant ce temps M. Trump agit. Il avance sur tous les terrains. Certains prétendent que sa démarche est erratique et ses propos incohérents mais lui sait manifestement où il va. Il ne parvient pas toujours à ses fins mais ses objectifs sont clairement affichés.
Et au moins, avec lui, on ne peut pas dire qu’on s’ennuie...

17 juillet 2019

Démission

C’est devenu le jeu à la mode : pousser à la faute les politiciens et leur faire spectaculairement mordre la poussière. Jeu terriblement efficace. Avec le départ contraint de François de Rugy, c’est la onzième démission du gouvernement en 2 ans; ça commence à faire beaucoup, surtout pour une administration qui s’était fait un devoir de moraliser la vie publique.
Si Mediapart et le Canard Enchainé sont les champions en matière de révélations croustillantes, l’ensemble de la Presse se fait une joie de les diffuser et de les amplifier.
Toutes les accusations sont loin d’être fondées comme on est en train de le découvrir à propos de Nicolas Sarkozy et de l’affaire des fonds libyens. Le soufflé est en train de se dégonfler, à l’instar des affaires Clearstream, et Bettencourt, montées manifestement de toutes pièces à seule fin de nuire à l’ancien président de la république.

Autant il paraît important que des contre-pouvoirs puissent s’exercer pour dénoncer et mettre fin aux malversations dont se rendent coupables ceux qui devraient servir avec probité l’Etat, autant le caractère systématique des attaques et l’esprit partisan avec lequel elles sont menées sont des plaies qui devraient être combattues énergiquement. La protection des sources ne peut être le paravent derrière lequel on cache la fragilité voire la malhonnêteté des investigations. Comme les juges, les journalistes sont trop rarement amenés à rendre des comptes.

Malheureusement, bien souvent les politiciens prêtent le flanc à la critique. Sans juger l’éphémère ministre de la Transition Écologique, il paraît évident aux yeux de tous, que son comportement n’était guère exemplaire.
A l’heure où l’on ne cesse de nous faire la leçon sur la protection de l’environnement, sur l’importance de déclarer tous ses revenus, de payer ses impôts et d’utiliser à bon escient l’argent public, il est plus qu’irritant de voir la quasi totalité de la classe politique s’affranchir effrontément de ces règles.
Le plus grave sans doute est que ces dérives s’accompagnent assez généralement d’une inefficacité pour ne pas dire qu’on ne trouve plus chez ceux qui sont supposés nous gouverner ni idées, ni volonté, ni convictions. M. de Rugy est l’exemple de ces opportunistes qui changent de bord au gré des opportunités et qui ont l’art de se trouver toujours du côté du manche. Plein de bonnes intentions, ils se complait dans les discours démagogiques et sirupeux. Quant à savoir ce qu’il veut faire et plus prosaïquement quelles sont les actions entreprises durant son mandat, c’est le vide intersidéral.
Cela ne l’empêche nullement, comme beaucoup de ses congénères, de défendre farouchement ses prérogatives. Une fois dans la place, ces gens s’y incrustent plus solidement que les berniques sur leur rocher. Alors qu’il était cloué au pilori médiatique, on a vu l’énergie que le ministre déploya pour tenter de se justifier. Énergie gaspillée car l’accumulation des faits rendait inaudible tous les arguments, souvent bien maladroits, qu’il produisait pour sa défense. Plus il s’agitait, plus il s’enfonçait…

En somme, c’est peut-être le mérite essentiel de ces chasses à l’homme politique, que d’écourter des carrières qui sans cela s’avèrent aussi interminables qu'improductives…
Cela dit, certains s’en tirent bien et ce n’est que longtemps après leurs malversations qu’on découvre le pot aux roses, à l’instar du cher Raymond Barre qui sous ses airs patelins de maître d’école, se comportait comme un vrai flibustier, cachant en Suisse le trésor qu’il se constituait en douce sur le dos des contribuables… D’autres comme un certain “président normal” coule des jours heureux, doté qu’il est d’un joli cumul de retraites acquises au sein de la haute fonction publique, pour une longue carrière, opiniâtrement bâtie sur les compromissions, tripatouillages politiciens, lâchetés, mensonges, irrésolution et démagogie...

16 juillet 2019

Qui a tué Vincent Lambert ?

L’éprouvant feuilleton médiatique qui vient d’aboutir à la mort médicalement programmée du désormais célèbre Vincent Lambert, soulève d’épineuses questions éthiques.

La complexité de la problématique incite évidemment à la prudence. Savons nous tout de cette affaire dont nous n’avons eu connaissance que de manière éloignée, partisane et probablement déformée ? Et même si nous avions eu toutes les données du problème, aurions-nous été autorisés à prendre parti sur le sort d’un malheureux, plongé dans un état second, dont la science ne connaît à peu près rien ?
A ces deux questions, la réponse ne peut être que négative...

Il est impossible toutefois de ne pas être troublé par son issue dramatique, et par les lourdes conséquences qu’elle laisse entrevoir pour nombre de malades, de blessés, de personnes en situation de grande dépendance et de vulnérabilité.
Sous contrôle médical, et de manière planifiée, on a privé un être humain de ses besoins les plus élémentaires, à savoir boire et manger jusqu’à ce que mort s’ensuive, au motif que son handicap était jugé irréversible et incompatible avec une vie “digne d’être vécue”.

Personne en la circonstance n’a employé le mot euthanasie qui était pourtant dans tous les esprits et qui qualifie le mieux cette procédure puisqu’il s’agissait bien de provoquer “une mort douce.” Certes, elle s’est avérée plus longue, plus sinueuse, et plus passive que l’injection d'un cocktail létal associant barbituriques, chlorure de potassium et curare, que certains préconisent pour achever net les malades incurables ou dans certains pays pour exécuter les peines capitales. Mais au fond, le résultat étant le même, la différence ne se mesure-t-elle pas sur l'échelle de l’hypocrisie ?
Il y a un autre faux-semblant en la matière, c’est celui qui consiste à prétendre qu’on assure à la personne concernée “une fin de vie dans la dignité”. Aucune souffrance, aucune agonie n’est indigne. En quoi l’euthanasie rendrait une dignité qu’on n’a pas perdue ? Au mieux, se donne-t-on bonne conscience face à une pratique dont il semblerait qu'on veuille conjurer le côté scabreux…

Il est cependant des cas où la question ne devrait pas se poser. Devant l’atrocité de certaines douleurs par exemple, où la priorité des soins doit être de soulager, avant même de prétendre guérir. Cette attitude concerne notamment les maladies incurables pour lesquelles les souffrances doivent être combattues, au détriment parfois de la durée de la survie. Dans un tel contexte, l’acharnement thérapeutique dont le but serait de prolonger à tout prix cette dernière pourrait même s’apparenter à de la cruauté.

Il est des situations cliniques en revanche inextricables, pour lesquelles la conduite à adopter s’avère quasi indécidable. L’état végétatif
est de celles-là :
Il est bien différent du coma dépassé qui signifie la mort clinique puisque le cerveau n'est plus vascularisé et n'exprime donc plus aucune activité de manière irréversible. Il est au contraire caractérisé par la conservation de certaines fonctions placées sous la commande du cerveau, comme le démontre la réactivité du tracé électro-encéphalographique. Le patient respire spontanément, manifeste une certaine vigilance, et probablement une semi-conscience comme l'attestent les signes d'activité cérébrale objectivés lors d'examens d'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), mais il est dans un état d'impotence motrice quasi complète et a perdu tout ou presque de ses capacités relationnelles. Point de douleur physique en revanche, point d’évolution puisqu’il s’agit d’un état stationnaire, et une inconnue terrible sur ce qui se passe vraiment dans la tête du patient. S’il paraît insensé d'entreprendre des soins très agressifs sans espoir d’inverser le cours des choses, la moindre attention n’est-elle pas de garantir un minimum de confort, ne serait-ce que par respect si ce n’est dignité de la personne humaine ?

C’est précisément ce que l’État a refusé, après moultes péripéties juridiques, à Vincent Lambert en déposant un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’Appel de Paris, de continuer ces soins minimaux, préconisés par le Comité International des Droits des Personnes Handicapées, de l’ONU.

Et c’est ce qui ouvre la porte à d’inquiétantes dérives. On dénombre des milliers de personnes cérébro-lésées en France, plongées dans un état proche de celui dont souffrait Vincent Lambert. Des unités spécialisées ont même été créées un peu partout dans le pays pour accueillir et procurer des soins adaptés à ces patients. Que deviendront-ils dès lors que ce précédent pourra servir de jurisprudence ? Où s’arrêtera le zèle utilitariste de notre société, remplie de bons sentiments mais également d'une froide indifférence ?

09 juillet 2019

L'automobiliste, voilà l'ennemi...

J’habite dans une ville comme il en existe beaucoup en France. De taille moyenne elle compte autour de 50.000 habitants et un peu plus du double si l’on étend le calcul à la communauté d'agglomération.
Mais la caractéristique qu’elle partage avec beaucoup d’autres, c’est d’être quasi constamment ravagée par les travaux !
A peine un chantier se termine-t-il (en général avec un retard sur les prévisions et un alourdissement sensible des taxes locales) qu’un autre s’ouvre à côté, voire sur les lieux mêmes du précédent. Faire et défaire, c’est toujours travailler disait ma grand-mère…
L’impression est en effet souvent qu’on détruit pour reconstruire, de manière pas toujours cohérente. J’en veux pour preuve l’exemple suivant: Il se trouve que cette ville est centrée par un grand rond point où convergent quatre axes majeurs de circulation. Il y a une quarantaine d’année, un pont piétonnier avait été élevé à grands frais au dessus de cet important carrefour. Pour cela, il fallut creuser et enlever des milliers de tonnes de terre. Le résultat ne fut pas des plus esthétiques. Le nouvel édifice, en raison de la forme de son arche, fut baptisé poétiquement “chapeau de gendarme” quoiqu’il fut dans l’ensemble lourdingue, gris et triste. N’empêche, il était bien pratique. N’étaient les vagabonds, punks, et autres dealers qui y siégeaient des heures durant avec leurs chiens et leurs packs de bières, l’endroit aurait pu être sympathique si on en avait quelque peu amélioré l’apparence. Mais le "progrès social" et le laxisme des pouvoirs publics laissèrent libre cours à la mendicité, à la saleté et aux graffitis, qui en se conjuguant rendirent l’endroit de plus en plus répugnant.

Tout cela n’est plus car la Mairie animée d’un zèle soudain de bâtisseur, décida un beau matin de “redessiner la ville” !
En attendant que soient concrétisées les images d'artiste préfigurant une nouvelle cité radieuse, ce programme ambitieux fait vivre depuis plus de 2 ans un enfer aux citadins, aux commerçants et plus géneralement aux automobilistes qui sont contraints de s’engager à travers ce chantier permanent.

Une des premières actions consista à faire tomber la passerelle enjambant le carrefour et à combler l’excavation qui se trouvait en dessous.
L’idée était de rendre à ce quartier l’aspect qu’il avait jadis, sans souci des menus changements intervenus dans les moeurs, dans les habitudes de vie et notamment dans les manières de circuler.
Ou plutôt, justement si. A l’instar de nombreuses communes, le projet plus ou moins avoué était de redistribuer la circulation de manière à dissuader les autos de venir polluer le centre ville.
Déjà lourdement taxées lorsqu’elles stationnaient ou lorsqu’elles avaient le malheur de contrevenir à des règles de plus en plus exigeantes, elles s’agglutinent désormais, formant des bouchons quasi incessants. De trois voies on est passé à une tandis qu’une vraie autoroute est en train d’être aménagée pour les bus qui pourront traverser la ville d'Est en Ouest à toute allure. Parallèlement, une gigantesque place bétonnée est en train de voir le jour devant un centre commercial moribond, à cause de la désertion croissante des enseignes, découragées par le manque de clients et des taxes et loyers exorbitants.
Sans doute certaines communes ont elles réussi à freiner le trafic sans nuire au commerce, en mettant en place une organisation efficace associant de grands parkings gratuits en périphérie à des métros ou des trams desservant le centre ville. Mais chez nous la solution s’avère pour l’heure plutôt calamiteuse. Il n’y a pas de parking et les bus parfois à double corps circulent quasi à vide la plupart du temps, répandant généreusement les effluents du bon vieux diesel qui pue…

Pendant ce temps, coincés dans leurs voitures, les gens contraints de venir en ville tentent de prendre leur mal en patience. Les professionnels sont sans doute les plus à plaindre. Ils perdent un temps fou, donc pas mal d’argent et lorsqu’ils arrivent enfin à destination, ils ont toutes les peines du monde à trouver une place où garer leur véhicule, ce qui leur coûte également “un pognon de dingue…” à cause de la généralisation du stationnement payant.
Pour l’heure, on est donc parvenu à transformer une circulation généralement fluide, en embouteillage permanent. On peut encore espérer que la situation s’améliore une fois les travaux achevés, mais il est permis d’en douter au vu de l'exiguïté des voies réservées aux voitures...

Le cas de ma cité est loin d’être unique. Les lobbies écologistes sont un peu partout à l’oeuvre pour imposer leurs lubies dispendieuses et dévastatrices. Comme les doctrinaires, ils n’ont que faire de la réalité. Ils vivent dans le fantasme. M. Yannick Jadot, leader actuel des “Verts”, tout boursouflé par le score inespéré autant qu’éphémère obtenu aux Européennes se prend pour un prophète annonçant, si l’on ne fait rien, “le chaos climatique”. A force de répéter à tous vents ces slogans aussi caricaturaux qu’ineptes on finit par ébranler l’opinion publique et on chamboule tout dans la panique, en dépit du bon sens le plus évident.
A Paris avec la vignette crit’air, on interdit tout simplement l’accès désormais aux véhicules ne répondant pas aux dernières ukases normatives. Après avoir encouragé durant des décennies les gens à acheter des voitures diesel, on les culpabilise tout à coup. Devant moi-même changer d’auto, j’ai cédé aux leitmotivs du moment et fait l’acquisition d’un modèle “essence”. Résultat, il consomme près de 2 litres de plus aux 100, produit peut-être moins “particules indétectables” mais plus de CO2 et j’ai paradoxalement dû m’acquitter d’un malus punitif. Merci M. Hulot dont ce fut à peu près la seule contribution à l’écologie que d’augmenter cette taxe déguisée.
Chaque jour amène son lot de paradoxes et de contradictions. Aujourd’hui même on apprend que la ligne de train acheminant les primeurs de Perpignan à Rungis allait être prochainement supprimée, ce qui risque de se traduire par un afflux supplémentaire de quelques 20.000 camions sur les routes !
Évoquant la multiplication insensée des règles de circulation toujours plus contraignantes ou absurdes, et leur disparité d’un pays ou même d’une ville à l’autre, le magazine Le Point décrivait “le casse-tête pour l’automobiliste européen” et le Figaro se demandait: “qui peut encore rouler et où ?” A Bègles c’est entendu : limitation à 30km/h pour tous. A quand la généralisation de cette mesure sur l'ensemble du pays, ce qui selon la logique d’Edouard Philippe sauverait des centaines voire des milliers de vies...
Deux questions me viennent à l’esprit pour clore ce billet de mauvaise humeur:
Combien de ministres écologistes se sont-ils succédés, vantant le ferroutage comme solution d’avenir ?
Quand donc exigera-t-on enfin des politiciens qu’ils fassent preuve d’un peu de pragmatisme, de réalisme et d’efficacité ?

30 juin 2019

La Philosophie Devenue Folle (3)

Le dernier volet du pamphlet que Jean-François Braunstein a consacré à la philosophie contemporaine, porte sur la condition animale, et commence par cette sentence émise par la princesse Stéphanie de Monaco, en apparence grotesque et pourtant révélatrice de l’état d’esprit qui règne en ce moment dans notre société: “les animaux sont des humains comme les autres...”
On y retrouve en effet cette propension étonnante à gommer les différences et à casser les repères établis par la morale traditionnelle, celle-là même qui nivelle les sexes et qui banalise la mort.

Au prétexte rabâché que nous partageons 99% de notre patrimoine génétique avec certains grands singes, les nouveaux pontes de la philosophie nous invitent sans rire à se rallier à l’opinion, en forme de lapsus, de Stéphanie. Et ça commence par la reconnaissance de droits pour les animaux. Bien que ces derniers n'aient pour leur part rien demandé, cette lubie bien intentionnée a fait son chemin dans l’opinion publique et a été prise très au sérieux par les politiciens, lesquels se sont fait un devoir de requalifier le statut des animaux dans le code civil, devenus grâce à l’amendement Glavany de 2015 “des êtres sensibles”, alors qu’ils étaient jusqu’alors considérés comme simples “biens meubles”, c'est à dire déplaçables...

On retrouve dans ce débat l’ineffable philosophe utilitariste Peter Singer, dont le coup de génie en la circonstance fut d’inventer et de populariser la notion de spécisme par laquelle il définit le fait de voir des différences là où il n’y aurait qu’un continuum de l’animal à l’homme. L’analogie avec le racisme est implicite, et l’anti-spéciste peut ainsi s'auréoler du titre de vertueux défenseur la cause animale comme l'ineffable Aymeric Caron.

Une nouvelle morale voit le jour, plus intolérante que jamais, tant elle comporte d’obligations et d’interdits.
Les animaux étant nos égaux ou presque, il faut les traiter avec d’infinis égards et commencer par cesser de les manger. Pour les nouvelles ligues de vertu, le végétarisme est appelé à devenir la règle de base en matière alimentaire. Aimable coutume au départ, elle a pris ces derniers temps un tour dramatique, voire terroriste, se manifestant par des actions punitives violentes dirigées contre des boucheries.
Elle déborde d’ailleurs le simple fait de ne pas manger de viande. Comme il est difficile de trouver des limites lorsque les bornes sont franchies, certains renoncent par respect pour celles et ceux qu’on appelait “bêtes”, à consommer tout produit d’origine animale, comme le beurre, le lait, les œufs. Au nom du véganisme cette attitude en vient à sortir du cadre de l’alimentation et s’étend à l’usage du cuir de la fourrure, mais également des cosmétiques comportant des protéines animales… Dans cette optique, il va de soi que les expérimentations scientifiques faites sur l'animal relèvent de l'horreur.

Plus rien ne semble devoir arrêter le zèle des moralisateurs des temps modernes. Pour Ingrid Newkirk, fondatrice et longtemps présidente de la puissante association PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), tout se vaut dans le règne animal: “un rat est un chien est un cochon est un enfant”...
Au diable les discriminations ! Lorsqu’ils parlent des grands singes Peter Singer et ses disciples n’hésitent pas à affirmer “Ils sont nous !”
Les mêmes entendent “revendiquer des droits pour ces êtres qui ne peuvent évidemment pas ester en justice, faute de posséder la parole et quelques autres compétences annexes”. 

Au même titre qu’ils considèrent avec bienveillance chez les humains toutes les pratiques sexuelles librement consenties, la zoophilie n’est pas à leurs yeux répréhensible pourvu qu’elle ne fasse pas souffrir l’un des partenaires (puisque le consentement explicite est difficile à obtenir…). Cette dérive pourrait prêter à rire si elle ne se prenait pas tellement au sérieux, allant largement au delà des provocations “artistiques” les plus débridées comme celle d’Oleg Kulik, inventeur d’un nouveau kamasutra mettant en scène des êtres humains et des chiens...

Alors que ces gens entendent abolir les frontières de la bienséance, ils éprouvent toutefois le besoin d’établir des hiérarchies morales. Ainsi, ils prétendent que certaines vies d’humains profondément handicapés sont moins dignes d’être vécues que celles d’animaux adultes et sensibles, voire dotés de certains projets de vie”. Ils considèrent “qu’il est bien pire de maltraiter et de manger les animaux que d’avoir des relations sexuelles avec eux”.
A d’autres moments, ils nagent dans les paradoxes. Pour justifier le végétarisme, alors que les animaux se mangent entre eux, ils redonnent à l’Homme son statut à part, c’est à dire capable de choisir son régime alimentaire et de modifier son comportement instinctif par pure “raison raisonnante”.
De même, Braunstein fait remarquer que “l’engouement pour l’animal est très exactement contemporain de la perte du contact direct avec le monde animal dans un Occident qui devient de plus en plus urbain.” Les plus ardents défenseurs de la cause animale font souvent preuve d’une ignorance crasse du monde animal qu’ils ne connaissent que de manière très théorique ou bien par l’intermédiaire réducteur de leurs toutous et matous de compagnie. Cela ne les empêche nullement de savoir ce à quoi les animaux aspirent...

Ce qui est effrayant dans toute cette histoire, c’est le sectarisme croissant dont font preuve tous les donneurs de leçons. Ils ne se contentent pas hélas de s’appliquer à eux-mêmes les préceptes dont ils sont convaincus du bien fondé. Ils veulent les imposer à tout le monde. Comme on le voit déjà hélas, le lobbying s’accompagne de plus en plus souvent d’actions violentes. A l’instar des Écologistes, ils agitent les peurs et tentent de culpabiliser les déviants qui restent réfractaires ou simplement dubitatifs face à leurs théories.
Tout cela bien sûr est fait au nom du souverain bien commun et de la correction politique. Essayer de remettre en cause l’idéologie montante est de plus en plus difficile et risque de vous faire passer pour un "ennemi de la cause", voire pour un "salaud". Ce n’est pas sans rappeler l’arrogance socialiste et communiste, instituée de force elle aussi, au nom du bien du peuple et de la justice sociale...
A une époque où le christianisme semble s’effondrer dans l’indifférence générale, y compris celle du Pape, Jean-François Braunstein évoque fort opportunément G.K.Chesterton qui voyait “le monde moderne rempli de vertus chrétiennes devenues folles.”

Certes le propos de l'ouvrage est parfois excessif ou fondé sur des arguments discutables, notamment lorsque l’auteur semble douter de la mort d’une personne en état de coma dépassé, ou bien quand il voit entre l’homme et l’animal une barrière immunologique infranchissable. Mais son objectif principal paraît des plus solides. A savoir combattre cette erreur commise par les "gendéristes", "animalitaires" et autres "bioéthiciens", qui consiste à effacer les frontières de toutes sortes pour aboutir à une sorte de compost informe, où l’étymologie du mot humanité ne fait plus référence à l’homo mais à l’humus. In fine, le projet "compostiste" revendiqué par Donna Haraway, grande prêtresse de l’animalisme (après avoir prôné le règne des cyborgs) est de passer de l’humanité à l’indistinct...
Or selon Braunstein, “l’Humanité ne se constitue que par la mise en place de de limites et de frontières.../... et l’homme est un être qui affronte le monde pour en repousser sans cesse les limites.” Oui, parfois la philosophie devient folle, quand elle oublie l’Homme !

13 juin 2019

La Philosophie Devenue Folle (2)

Dans son ouvrage donnant son titre à cette série de billets, Jean-François Braunstein s’attache à montrer comment les concepts paraissant les plus évidents, et les repères les mieux établis, sont en passe d’éclater. Il en est ainsi de l’identité sexuelle, sous la pression de la désormais célèbre théorie du genre.

Cela commence par l’horrible histoire de David Reimer.
Première malchance pour ce garçon, la nature l'avait affligé d’un phimosis, sténose congénitale mais anodine du prépuce.

Hélas, ce qui aurait pu être résolu simplement, fut le début du drame de son existence. Il fut atrocement mutilé par le chirurgien incompétent chargé de corriger cette infirmité.
Après les complications causées par sa maladresse, il ne resta au jeune patient quasi plus rien de son pénis originel.
Pour second malheur, il fut présenté au psychologue et sexologue néo-zélandais John Money, considéré comme “pionnier dans le domaine du développement sexuel et de l'identité de genre”. Celui-ci avait une théorie bien arrêtée selon laquelle on ne naît pas garçon ou fille mais on le devient, bien plus par le biais de l’éducation que par les attributs sexuels de naissance. Pour David que son infirmité empêchait de devenir un homme dans toute sa plénitude, il suffisait donc selon lui, d’en faire une fille en commençant par l’éduquer comme telle, non sans lui avoir auparavant retiré ce qui restait de ses attributs sexuels masculins !

Les premiers résultats de cette thérapeutique radicale semblèrent favorables et passionnèrent d’autant plus Money que son patient avait un frère jumeau, né avec la même infirmité, mais élevé lui comme un garçon puisque dans son cas, l’opération s’était bien déroulée.
Fort de ce qu’il prit pour un succès, John Money parada dans les revues scientifiques affirmant peu ou prou qu’il était en passe de faire la preuve de la supériorité de la culture sur la nature. Il était tellement sûr de son raisonnement qu’il préconisa pour stabiliser dans son nouveau genre David devenu Brenda, de parfaire l’apparence d’une fille, par des traitements hormonaux et une plastie chirurgicale des organes génitaux.
Mais l’affaire tourna court car en prenant de l’âge, le malheureux se sentait au fond de lui de plus en plus garçon. A 13 ans, il refusa hormones et chirurgie et fit tout pour redevenir l’être de sexe masculin qu’il était et réussit même à se marier. Il ne parvint toutefois pas à trouver la sérénité et finit par se suicider à l’âge de 38 ans, tandis que son frère jumeau, lui aussi gravement déstabilisé, sombra dans l’alcoolisme et mourut également prématurément.
Cette tragédie édifiante ne servit nullement de leçon aux apprentis sorciers du genre. John Money nia son échec et continua d’exercer son sinistre magistère dans les établissements les plus prestigieux notamment le Johns Hopkins Hospital de Baltimore, accusant ses détracteurs d’être d’extrême-droite ou bien anti-féministes !

Il eut une flopée d’épigones qui bien que critiquant parfois le maître, continuèrent sur la même voie, destructrice. Notamment Anne Fausto-Sterling, pour laquelle le sexe n’existe pas indépendamment du genre, ou bien Judith Butler qui remit en cause le dogme selon lequel il n’existerait que 2 sexes. En vertu du principe qui veut qu’une fois les bornes franchies il n’y a plus de limites, tout cela évolua vers une espèce d’indistinction générale. Selon les Diafoirus du genre, on peut en somme exprimer une infinité de nuances, voire changer au gré de ses humeurs, être fille le matin, garçon l’après-midi ou l’inverse, peu importe… Parallèlement, le corps et son apparence peuvent être modifiés, selon ses envies ou bien ses lubies, des plus douces, comme le tatouage redevenu très tendance, ou le piercing, jusqu’aux plasties en tous genres plus ou moins esthétiques, voire aux perversions les plus folles telle l’apotemnophilie, qui conduit à vouloir se faire amputer d’un ou plusieurs organes.

Parvenu au terme de cette plongée d’un nouveau genre, Jean-François Braunstein s’interroge: “comment savoir quelle identité est la nôtre dès lors qu’il n’y a plus aucun indice matériel qui nous indique ce vers quoi nous tendons ?”
Si l’on pouvait être certain qu’un jour le bon sens finisse par s’imposer à nouveau et si les conséquences n’étaient parfois pas si graves, on pourrait peut-être en rire. Au vu notamment des proportions prises par ces controverses nées aux USA, lorsqu’il s’est agi de redéfinir l’accès aux toilettes publiques et la signalétique autorisant les personnes à utiliser les toilettes qu’elles désirent selon le genre auquel elles s’identifient, au-delà de leur sexe biologique.
Au moment où la civilisation occidentale semble en phase de déclin, tout cela n’est pas sans rappeler les querelles byzantines concernant le sexe des anges, au moment même de la chute de Constantinople…

31 mai 2019

La Philosophie Devenue Folle (1)

Les mésaventures pathétiques de l’infortuné Vincent Lambert, qui n’en finit pas de mourir, et dont le sort est suspendu à d’interminables atermoiements médico-légaux, illustrent le dévoiement de la pensée contemporaine. Au point de voir préconisé par un corps médical réduit à l’impuissance et un Conseil d’État sans état d’âme, l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation d’un être humain en situation de détresse.
Certes ce dernier n’est plus que l’ombre de lui-même. Il se trouve en état végétatif depuis 11 ans, suite à un accident de la voie publique. Dans un état nébuleux entre la vie et la mort. Ce n’est pas le coma mais une sorte d’absence, caractérisée par l’arrêt de toute vie relationnelle, et dont il est quasi impossible de déterminer le niveau de conscience. S’il semble raisonnable dans ces conditions de s’opposer à l’acharnement thérapeutique, que dire d’une injonction consistant à cesser de nourrir et de donner à boire à ce malheureux jusqu'à ce que mort s'ensuive ? N’est-ce pas plus hypocrite et en somme plus atroce que de proposer l’euthanasie active ?

Sous couvert de bonnes intentions, de respect de la dignité humaine, et autres considérations prétendues éthiques, notre époque a de plus en plus tendance à résoudre les problématiques les plus complexes avec un froid matérialisme, et une indifférence larmoyante dans laquelle les repères se perdent les uns après les autres et où tout se vaut en définitive.
Cette étonnante propension a été explorée avec acuité par Jean-François Braunstein dans un ouvrage au titre évocateur: “La Philosophie devenue folle” à propos de trois thématiques très actuelles: le genre, l’animal, la mort.

Prenons pour les circonstances, l’ordre inverse de celui choisi par l’auteur et arrêtons-nous à “l’enthousiasme pour l’euthanasie” qu’exprime selon lui de plus en plus bruyamment notre société. Si cette formule semble quelque peu excessive, il n’en est pas moins vrai que la mort hante notre civilisation. Tantôt occultée voire niée comme un tabou, elle s’impose de manière obsessionnelle paradoxalement en matière de santé. Directives anticipées, limitation et arrêt des thérapeutiques actives (connue des Réanimateurs sous son sigle LATA), soins palliatifs, euthanasie, suicide assisté, droit de mourir dans la dignité, on ne compte plus les démarches entreprises autour de ce qu’il est convenu d’appeler la fin de vie.
Venant après des décennies de progrès en matière médicale, ce sombre fatalisme est-il la manifestation de la profonde dépression qui a gagné l’Occident, comme le pense Braunstein ? Sans doute pour partie, mais encore faudrait-il alors chercher à connaître les raisons de ce spleen incurable. Est-ce parce que nos sociétés sont vieillissantes ? Est-ce le modèle qui est en bout de course comme on l’entend à longueur de journée ? Est-ce la profusion de biens matériels qui corrompt les esprits et pervertit l’espoir et la foi ? Est-ce enfin tout simplement l’ennui qui nous ronge peu à peu de l’intérieur, ébranle nos convictions, et nous emmène sur la pente d’une lente et irrémédiable névrose ?
Conséquence de tout cela, alors que nous avons à peu près tout pour être heureux, un froid nihilisme s’est peu à peu installé dont la première conséquence est “l’effacement radical de la dimension tragique de la vie”. Bientôt peut-être, si l’on suit Braunstein, ce seront d’obscurs comités d’éthique composés de “philosophes inoccupés et de médecins retraités” qui seront “chargés de de décider qui doit vivre ou mourir”.

Il semble que nous soyons entrés dans une ère marquée par l’utilitarisme. Un des représentants les plus radicaux de cette conception est Peter Singer, philosophe australien pour lequel la sacralisation de la vie relève de l’obscurantisme religieux contre lequel il faudrait entrer en guerre. Il appelle à remplacer la doctrine chrétienne de “la sainteté de la vie” par une nouvelle théorie, celle de “la qualité de la vie”…
Il faudrait à l’aune de ce principe, pouvoir juger si une vie mérite ou non d’être vécue.
Avec cette conception mécaniste, beaucoup de choses deviennent possibles. Par exemple d’affirmer qu’un nouveau-né n’a pas le sens de son existence donc pas de conscience. Il n’est donc pas plus un être humain qu’un fœtus. Par conséquent, si le fœtus n’a pas droit à la vie comme une personne, le nouveau-né non plus ! La logique de Singer pousse même le bouchon très loin: “il ne faut pas se laisser impressionner par l’apparence parfois mignonne des bébés”.
Terrible assertion qui conduit à penser que “l’enfant est remplaçable” et “qu’il vaut mieux tuer des enfants défectueux pour pouvoir se consacrer à produire un nouvel enfant en bon état”.

A côté de ces dérives terrifiantes, Braunstein s’interroge sur la signification de la finitude de l’être humain dans nos sociétés, et ses réflexions méritent d’être quelque peu pondérées, notamment lorsqu’il semble remettre en cause la définition moderne de la mort, entendue comme mort cérébrale. Très liée au développement des techniques de transplantations d’organes, elle prête selon lui à controverse puisque “les “morts” continuent de respirer, sont roses et ont conservé l’essentiel des fonctions de la vie végétative”. C’est évidemment méconnaissance de sa part car il est clair que dans l’état de “coma dépassé", la vie n’est qu’apparence, totalement dépendante des machines telles que respirateurs et perfusions. Ce sont précisément les techniques de réanimation qui maintiennent temporairement et artificiellement certaines fonctions vitales, alors que le cerveau a cessé irréversiblement toute activité dont celle qui commande la respiration. La nécessité de redéfinir la mort est dès lors une évidence même si elle a ouvert la voie aux transplantations d’organes en rendant possible le prélèvement d’organes encore perfusés. On peut émettre pour mille raisons des réserves sur ces techniques et notamment sur leur banalisation, mais sûrement pas parce qu’on doute de la mort du donneur !

A ces réserves près, il est difficile de ne pas se ranger au point de vue de Braunstein et notamment d’Anne MacLean, citée par ce dernier, lorsqu’ils font le constat que la forme exacerbée d’utilitarisme prônée par Singer et ses épigones, “élimine la moralité”. C’était déjà la crainte d’Auguste Comte lorsqu’il fustigeait l’abus de la logique déductive qui conduit à des conclusions certes originales, mais absolument immorales. Or sans morale, l'être humain n'est plus un être humain...

C’est tout le mérite de cet ouvrage que de pointer en les référençant précisément, les excès commis au nom d’une éthique diabolique bien qu’elle se veuille rationnelle et bien intentionnée…

Illustration : La Tentation De Saint-Antoine (détail)
(à suivre)