04 août 2019

L'Impossible Monsieur Bébé


Bien que j'y aie déjà consacré un billet, il ne me semble pas superflu de revenir sur la problématique de la procréation médicalement assistée.
Derrière le texte de loi en préparation sur la PMA "pour toutes", que d'idéologie ! Que de contradictions également !
L'égalitarisme dit républicain, mais en réalité très démagogique, apparaît plus que jamais comme la clé de voûte de ce texte conçu dans la confusion, et qui engendrera sans nul doute toutes sortes de dérives, à commencer par celle du budget de l'Assurance Maladie déjà chroniquement et lourdement déficitaire.

"Pour toutes" révèle bien l'inspiration qui entoure ce nouveau projet de loi. Pour un peu, on se croirait revenu au temps du chef-d’œuvre d'hypocrisie du "mariage pour tous" concocté par le petit père Hollande dopé par le zèle doctrinaire de la passionaria Taubira...
D'une délicate procédure médicale permettant à certains couples stériles d'avoir un enfant on va passer à un gadget technique offert par l'État bienveillant à qui le souhaite, pour convenances personnelles.
On ignore où tout cela s’arrêtera, sur la pente savonneuse sur laquelle nous sommes engagés.

En dépit de toutes les dénégations, la grossesse pour autrui (GPA) suivra évidemment, pour les mêmes raisons qui justifient la généralisation de la PMA. On pourrait même être choqué s'il en était autrement. Mais une multitude de questions se feront jour, auxquelles il faudra bien répondre ce qui laisse entrevoir de belles polémiques et de toniques empoignades.

Dès à présent, on voit céder les unes après les autres les vieilles digues morales s'opposant au cours irrésistible de la justice sociale. Elles relèvent de combats d'arrière garde pour les auto-prétendus progressistes. Il devient par exemple tout aussi ringard d'émettre des doutes sur le bien fondé de la PMA que de vouloir remettre en cause l'IVG "pour toutes".

Il en est ainsi du professeur Israël Nisand, gynécologue de son état, qui se targue d’avoir "le cœur à gauche". Il soutient l'extension de la PMA au nom d'une bio-éthique qualifiée par lui "d'ouverte", par opposition à la morale qui serait "fermée". Renvoyant les adversaires du nouveau texte à d'obscurs non-dits idéologiques (on traduit sans peine d'extrême droite ou encore catho-traditionaliste), il appuie son raisonnement sur des truismes assez stupéfiants de simplisme. Ainsi pour lui, la libéralisation de la PMA est légitime car "ça se fait ailleurs". Au surplus, il renvoie aux défenseurs de la famille traditionnelle que "personne ne peut prouver qu'il soit grave de n'avoir pas de père". Il balaie enfin les inquiétudes relatives aux éventuelles dérives, en affirmant que la loi sera si bien faite qu'il n'y aura aucun risque de dérapages marchands ou eugéniques. Comment peut-il en être si sûr le bougre ?
Et surtout, pourquoi serait-il choqué par ces évolutions après tout ?
Lui qui comprend qu'une femme accepte de porter l'enfant de sa fille ou bien de sa sœur par pur amour, comment peut-il douter de l’altruisme de celles qui le feraient pour rendre service à d’autres. Et comment peut-il s’offusquer qu’elles demandent une contribution financière ? La "marchandisation des corps" est un concept contre lequel il existe un vaste consensus, mais c'est surtout un vain mot lorsqu’il s’agit de restreindre la liberté et la responsabilité de son prochain. La peine endurée, les coûts endossés et le risque encouru par les mères porteuses justifie bien une gratification tout de même...
Selon le même principe, lorsque l'on comprend qu'on puisse mettre au baquet un enfant qu'on ne veut pas, comment peut-on s'offusquer qu'on demande à choisir la couleur des yeux ou de cheveux de celui qu'on désire ?
On voit bien là qu'on peut faire varier en fonction de l'humeur ou bien des circonstances les bornes de la morale comme celles de la vérité, "en deçà ou au delà des Pyrénées"...

A ces considérations morales si ce n'est éthiques, ajoutons l'écheveau de contradictions que font naître ces problématiques.
En tout premier lieu figure la question de l'anonymat des donneurs de sperme que madame Buzyn voudrait rendre facultatif. Il faut dire que son maintien signifie l'impossibilité définitive pour un enfant de remonter à son père et donc à une partie de ses origines. La suppression fait courir en revanche le risque de voir s'effondrer le nombre déjà faible de donneurs, par crainte de devoir un jour ou l'autre assumer une paternité embarrassante. Quant au ni-ni proposé par la ministre, il est la pire des solutions comme le fait remarquer non sans raison le Pr Nisand. Il conduirait en effet à la génération de 2 types d'enfants…
Autre contradiction, celle des Verts qui voudraient limiter le nombre d'enfants dans les pays développés, accusés d'être des surproducteurs en puissance de CO2, et dans le même temps qui ouvrent sans retenue la porte de la PMA au nom de l'égalité des droits ("qu'est-ce qu'on attend ?" s'exclame Jadot sur son site…).
Enfin, il y a quelque chose d'incohérent de la part des Pouvoirs Publics, à vouloir maîtriser le budget de la Sécu et en même temps à donner libre cours à de nouvelles dépenses non strictement médicales.

Cette politique déresponsabilisante se heurtera de toute manière sous peu à une déferlante de progrès techniques dont il sera de plus en plus illusoire de faire profiter tout le monde gratuitement: GPA, utérus artificiel, ectogenèse, modifications génétiques, gamètes artificiels….
Nul ne sait si c'est la sombre perspective du Meilleur des Mondes selon Huxley qui se profile, mais une question de morale très prosaïque va vite s'imposer, qu'on le veuille ou non: à la fin des fins, qui paiera ?

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