Franche partie de rigolade ce mardi soir 14 octobre sur Arte !
Sous la direction de l’obscur réalisateur Ilan Zil, les téléspectateurs ont eu droit au premier volet d’une édifiante série prétendant expliquer la naissance et l’histoire du capitalisme.
On a beau être habitué aux falsifications dont cette chaîne est coutumière, on ne se lasse pas d’admirer toute la kolossale finesse des fourberies intellectuelles, qu'elle distille avec opiniâtreté aux frais du contribuable.
Certains ont sans doute encore en mémoire la diffusion il y a quelques années d’une fiction documentaire tendant à faire croire que la fabuleuse aventure des missions Apollo sur la Lune n’était qu’une mise en scène réalisée dans les studios d'Hollywood ! On révélait quand même à la fin qu’il s’agissait d’une farce, mais le procédé était là, dans toute sa trompeuse splendeur dialectique.
Il serait trop long de reprendre ici toutes les erreurs, les mensonges et les honteux amalgames qui peuplent ces premiers épisodes, consacrés aux origines du capitalisme et à l’un de ses pères fondateurs, Adam Smith.
La plus grosse supercherie consiste sans doute à faire naître le concept avec la colonisation de l’Amérique par Christophe Colomb, Cortez et autres conquistadores. Ce rapprochement incongru permet de comparer ces derniers à des entrepreneurs, en feignant de leur trouver des ressemblances : même goût du risque, même propension à l’endettement, même cupidité, même mépris pour le genre humain et même soif d’asservir ses semblables !
Quand on commence avec des poncifs de ce niveau, on craint le pire. Évidemment, il arrive vite. Aux yeux des professeurs Nimbus de l’économie dont Arte nous offre généreusement les leçons, c’est clair comme de l’eau de roche, capitalisme et esclavagisme ne font qu’un, l’un se nourrissant de l’autre sans vergogne !
Peu importe que l’histoire démente formellement ce genre d’affirmation, puisqu’il n’est vraiment pas nécessaire d’être expert pour savoir que l’esclavage date des débuts même de l’humanité, et qu’il est loin d’être l’apanage de l’Occident inventeur paraît-il du capitalisme. Il n’est pas non plus besoin d’avoir des lunettes spéciales pour voir combien le socialisme, frère ennemi du capitalisme, a conduit lui, à l’asservissement plus ou moins complet des citoyens au Parti, partout où il a sévi et où il sévit encore hélas…
L’évidence, c’est que le capitalisme est une libération. Il n’a certes pas permis d'abolir la pauvreté, ni d'ailleurs la maladie, ni la mort, mais associé à la démocratie qui est sa sœur jumelle, il a apporté une prospérité inégalée dans l’histoire du monde, et a offert la possibilité à tout un chacun de s’enrichir, de se cultiver et de s’adonner aussi bien aux plaisirs de la chair qu’à ceux de l’esprit.
Passons... De toute manière, le montage cinématographique ne laisse guère au spectateur crédule le temps de réfléchir à cette évidence pourtant criante.
Inspiré des techniques captieuses de Michael Moore, il alterne habilement les séquences. Un petit bout d’interview tronqué par ci, un saut à l’autre bout du monde par là, le tout ponctué de flashbacks pseudo-historiques sentencieux, et assorti d’une musique pompeuse, tout est fait pour noyer le poisson, et empêcher le bon sens de se faire jour.
L’enseignement d’Adam Smith est pareillement caricaturé. Les experts en désinformation s’échinent à déconstruire tout le brillant raisonnement de l’économiste écossais, en affirmant tout simplement qu’il faut comprendre le contraire de ce qu’il a écrit ! La fameuse main invisible n’est qu’un détail sans importance, et ce sont les anti-capitalistes notoires Noam Chomsky et Robert Boyer qui sont convoqués pour réinterpréter la pensée du maître, si mal compris selon eux, alors que son discours fut si limpide...
Rien n’apporte la contradiction à ces glandeurs professionnels, nostalgiques de “l’immense Karl Marx”. Au contraire...
La pensée libérale est montrée au travers d’Ayn Rand dont on extrait quelques fragments de citations tendant à accréditer l’idée qu’elle fit de l’égoïsme une religion. Milton Friedman est présenté quant à lui, comme un clown hilare dont la pensée se résume à quelques bons mots sarcastiques ou démonstrations à l’emporte-pièce.
Bref, ce tissu d’âneries aurait peu de chances de convaincre quiconque, si dans notre malheureux pays les esprits n’étaient pas déjà endoctrinés par des décennies de propagande. Comme prévu, toute la presse de la gauche bien pensante vante comme un seul homme les qualités de ces émissions : de l’inévitable Mediapart aux Inrocks, en passant par Telerama, Slate, le Nouvel Observateur… Dans ce concert de louanges serviles, seul le magazine Challenges détonne en comparant la série à un naufrage...
Signalons tout de même l’humour involontaire de la Production, à moins que cela ne soit la manifestation de son cynisme : Sur le site de la chaine, la vidéo de l’émission est introduite par une magnifique publicité pour... Total ! Et en anglais s’il vous plait !
Ajoutons enfin le savoureux paradoxe qui a fait se télescoper cette semaine la diffusion de cette émission avec l’attribution du prix Nobel d’économie à Jean Tirole.
Tout le gratin gouvernemental, et même au delà, s’est empressé d’honorer le lauréat à coup de déclarations ou de tweets emphatiques. Citons simplement celui de Manuel Valls : “Après Patrick Modiano, un autre Français au firmament : félicitations à Jean Tirole ! Quel pied de nez au French bashing !”
J’avoue ne pas bien connaître Jean Tirole, mais je retiens tout de même quelques savoureuses réflexions des quelques interviews et articles vus ici ou là à l’occasion de sa distinction. Elles sont marquées au coin du bon sens mais le moins qu’on puisse en dire, est qu’elle ne s’inscrivent ni dans le sens de la politique gouvernementale, ni dans la ligne éditoriale d’Arte !
Par exemple, lorsqu’il s’exclame que “la finance est un élément indispensable de l’économie” (Les Echos 2012), où bien à propos de l’Europe, “qu’Il faut aller plus loin dans les abandons de souveraineté” (La Tribune 2012). Ou encore cette magnifique tirade extraite des "Echos”, sur les crises récentes :”la crise financière de 2008 et la crise de l’euro ont toutes deux pour origine des institutions de régulation défaillantes. Ces crises ne sont pas techniquement des crises du marché - où les acteurs réagissent aux incitations auxquelles ils sont confrontés et, pour les moins scrupuleux, s’engouffrent dans les brèches de la régulation pour bénéficier du filet de sécurité public – mais plutôt les symptômes d’une défaillance des institutions étatiques nationales et supranationales.”
Citons encore en vrac : “à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout”, “Les comportements nationalistes des années trente ont apporté une démonstration éclatante des méfaits du protectionnisme et on peut espérer que la leçon aura été apprise.”
Et enfin, “l’économie de marché a été et restera le moteur de croissance et de bien-être des nations.”
Il paraît que le professeur d’économie récompensé a proposé ses leçons à François Hollande…A bon entendeur, Salut et Fraternité !
Sous la direction de l’obscur réalisateur Ilan Zil, les téléspectateurs ont eu droit au premier volet d’une édifiante série prétendant expliquer la naissance et l’histoire du capitalisme.
On a beau être habitué aux falsifications dont cette chaîne est coutumière, on ne se lasse pas d’admirer toute la kolossale finesse des fourberies intellectuelles, qu'elle distille avec opiniâtreté aux frais du contribuable.
Certains ont sans doute encore en mémoire la diffusion il y a quelques années d’une fiction documentaire tendant à faire croire que la fabuleuse aventure des missions Apollo sur la Lune n’était qu’une mise en scène réalisée dans les studios d'Hollywood ! On révélait quand même à la fin qu’il s’agissait d’une farce, mais le procédé était là, dans toute sa trompeuse splendeur dialectique.
Il serait trop long de reprendre ici toutes les erreurs, les mensonges et les honteux amalgames qui peuplent ces premiers épisodes, consacrés aux origines du capitalisme et à l’un de ses pères fondateurs, Adam Smith.
La plus grosse supercherie consiste sans doute à faire naître le concept avec la colonisation de l’Amérique par Christophe Colomb, Cortez et autres conquistadores. Ce rapprochement incongru permet de comparer ces derniers à des entrepreneurs, en feignant de leur trouver des ressemblances : même goût du risque, même propension à l’endettement, même cupidité, même mépris pour le genre humain et même soif d’asservir ses semblables !
Quand on commence avec des poncifs de ce niveau, on craint le pire. Évidemment, il arrive vite. Aux yeux des professeurs Nimbus de l’économie dont Arte nous offre généreusement les leçons, c’est clair comme de l’eau de roche, capitalisme et esclavagisme ne font qu’un, l’un se nourrissant de l’autre sans vergogne !
Peu importe que l’histoire démente formellement ce genre d’affirmation, puisqu’il n’est vraiment pas nécessaire d’être expert pour savoir que l’esclavage date des débuts même de l’humanité, et qu’il est loin d’être l’apanage de l’Occident inventeur paraît-il du capitalisme. Il n’est pas non plus besoin d’avoir des lunettes spéciales pour voir combien le socialisme, frère ennemi du capitalisme, a conduit lui, à l’asservissement plus ou moins complet des citoyens au Parti, partout où il a sévi et où il sévit encore hélas…
L’évidence, c’est que le capitalisme est une libération. Il n’a certes pas permis d'abolir la pauvreté, ni d'ailleurs la maladie, ni la mort, mais associé à la démocratie qui est sa sœur jumelle, il a apporté une prospérité inégalée dans l’histoire du monde, et a offert la possibilité à tout un chacun de s’enrichir, de se cultiver et de s’adonner aussi bien aux plaisirs de la chair qu’à ceux de l’esprit.
Passons... De toute manière, le montage cinématographique ne laisse guère au spectateur crédule le temps de réfléchir à cette évidence pourtant criante.
Inspiré des techniques captieuses de Michael Moore, il alterne habilement les séquences. Un petit bout d’interview tronqué par ci, un saut à l’autre bout du monde par là, le tout ponctué de flashbacks pseudo-historiques sentencieux, et assorti d’une musique pompeuse, tout est fait pour noyer le poisson, et empêcher le bon sens de se faire jour.
L’enseignement d’Adam Smith est pareillement caricaturé. Les experts en désinformation s’échinent à déconstruire tout le brillant raisonnement de l’économiste écossais, en affirmant tout simplement qu’il faut comprendre le contraire de ce qu’il a écrit ! La fameuse main invisible n’est qu’un détail sans importance, et ce sont les anti-capitalistes notoires Noam Chomsky et Robert Boyer qui sont convoqués pour réinterpréter la pensée du maître, si mal compris selon eux, alors que son discours fut si limpide...
Rien n’apporte la contradiction à ces glandeurs professionnels, nostalgiques de “l’immense Karl Marx”. Au contraire...
La pensée libérale est montrée au travers d’Ayn Rand dont on extrait quelques fragments de citations tendant à accréditer l’idée qu’elle fit de l’égoïsme une religion. Milton Friedman est présenté quant à lui, comme un clown hilare dont la pensée se résume à quelques bons mots sarcastiques ou démonstrations à l’emporte-pièce.
Bref, ce tissu d’âneries aurait peu de chances de convaincre quiconque, si dans notre malheureux pays les esprits n’étaient pas déjà endoctrinés par des décennies de propagande. Comme prévu, toute la presse de la gauche bien pensante vante comme un seul homme les qualités de ces émissions : de l’inévitable Mediapart aux Inrocks, en passant par Telerama, Slate, le Nouvel Observateur… Dans ce concert de louanges serviles, seul le magazine Challenges détonne en comparant la série à un naufrage...
Signalons tout de même l’humour involontaire de la Production, à moins que cela ne soit la manifestation de son cynisme : Sur le site de la chaine, la vidéo de l’émission est introduite par une magnifique publicité pour... Total ! Et en anglais s’il vous plait !
Ajoutons enfin le savoureux paradoxe qui a fait se télescoper cette semaine la diffusion de cette émission avec l’attribution du prix Nobel d’économie à Jean Tirole.
Tout le gratin gouvernemental, et même au delà, s’est empressé d’honorer le lauréat à coup de déclarations ou de tweets emphatiques. Citons simplement celui de Manuel Valls : “Après Patrick Modiano, un autre Français au firmament : félicitations à Jean Tirole ! Quel pied de nez au French bashing !”
J’avoue ne pas bien connaître Jean Tirole, mais je retiens tout de même quelques savoureuses réflexions des quelques interviews et articles vus ici ou là à l’occasion de sa distinction. Elles sont marquées au coin du bon sens mais le moins qu’on puisse en dire, est qu’elle ne s’inscrivent ni dans le sens de la politique gouvernementale, ni dans la ligne éditoriale d’Arte !
Par exemple, lorsqu’il s’exclame que “la finance est un élément indispensable de l’économie” (Les Echos 2012), où bien à propos de l’Europe, “qu’Il faut aller plus loin dans les abandons de souveraineté” (La Tribune 2012). Ou encore cette magnifique tirade extraite des "Echos”, sur les crises récentes :”la crise financière de 2008 et la crise de l’euro ont toutes deux pour origine des institutions de régulation défaillantes. Ces crises ne sont pas techniquement des crises du marché - où les acteurs réagissent aux incitations auxquelles ils sont confrontés et, pour les moins scrupuleux, s’engouffrent dans les brèches de la régulation pour bénéficier du filet de sécurité public – mais plutôt les symptômes d’une défaillance des institutions étatiques nationales et supranationales.”
Citons encore en vrac : “à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout”, “Les comportements nationalistes des années trente ont apporté une démonstration éclatante des méfaits du protectionnisme et on peut espérer que la leçon aura été apprise.”
Et enfin, “l’économie de marché a été et restera le moteur de croissance et de bien-être des nations.”
Il paraît que le professeur d’économie récompensé a proposé ses leçons à François Hollande…A bon entendeur, Salut et Fraternité !