Dans la série diffusée par France Inter “un été avec...”, après Montaigne et avant Pascal, on eut droit en 2014 à Charles Baudelaire (1821-1867).
Signées Antoine Compagnon, ces causeries radiophoniques, colligées par la suite dans un petit ouvrage papier, invitent à rentrer en toute simplicité dans la vie et l’œuvre de l’écrivain concerné.
C’est léger, souvent instructif mais parfois si superficiel qu’il n’en reste pas grand chose hélas, hormis l’envie peut-être de lire ou de relire l’auteur, ce qui n’est pas si mal après tout.
S’agissant de Baudelaire que je vénère depuis mon adolescence et dont je me récite quasi quotidiennement les vers, je suis resté sur ma faim tant l’analyse est passée à mon sens à côté du sujet.
Avant tout peut-être parce que le propos commence par un navrant contresens. M. Compagnon trouve en effet "saugrenu de passer un été avec Baudelaire", car affirme-t-il, “l’été ne fut pas la saison préférée de notre poète.”
Mais où donc a-t-il trouvé matière à pareil stéréotype ?
J’ignore pour ma part quelle fut la période de l’année que chérissait Baudelaire, mais je connais des vers, parmi les plus beaux, qui laissent entendre qu’il aimait soleil et chaleur. Qu’on songe seulement à ce quatrain enchanteur:
"Au pays parfumé que le soleil caresse
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés"
Mais aussi, à ces distiques évocateurs si ce n’est explicites:
"J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux…"
"Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone…"
" Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu vive clarté de nos étés trop courts!"
Et pour enfoncer le clou, cette strophe inoubliable:
"Mon enfant, ma sœur
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !"
Qui peut croire que ce pays soit celui de la froidure et des frimas ?
A contrario, lorsque le poète évoque les brumes et la pluie c'est à "un linceul vaporeux" et à "un vague tombeau" qu'il les compare, et il souffre manifestement lorsque “le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle”, que "la pluie étale ses immenses trainées", et que “la Terre est changée en un cachot humide”...
S'il semble se complaire à décrire ces ténébreuses sensations, c'est pour mieux faire ressentir le spleen et l'ennui qui l’assaillent si souvent. Dans ces instants, il n'aspire plus à rien, et ce qu'il chante relève plus du désespoir que d'une morbide dilection. Le temps de chien fait naître ou s’associe naturellement au spleen. C’est alors, écrit-il, que "de longs corbillards, sans tambour ni musique défilent lentement dans mon âme, l'espoir vaincu pleure, et l'angoisse, atroce, despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir."
Tout est dit. Baudelaire est le plus souvent accablé par la vie. Il accepte résigné, la noirceur de son existence mais cela ne l'empêche pas de rêver d'horizons éblouissants, et de "champs lumineux et sereins" qu’il magnifie avec une évidente jubilation.
On comprend de facto, son attirance pour ce qu'il appela les paradis artificiels. Tout est bon pour tenter de s'évader du détestable quotidien en somme...
De tout cela, M. Compagnon ne parle guère hélas. Il préfère aborder le personnage à travers mille détails anecdotiques, souvent triviaux, tirés non de ses vers limpides qui résument si bien sa pensée, mais d’écrits fragmentaires ou d’opinions de contemporains plus ou moins bien intentionnés. L’intérêt de ce type de contribution est discutable.
On sait que Baudelaire fut largement incompris à son époque, et sa poésie plutôt méprisée. Aujourd’hui cela pourrait être pire encore eu égard au puritanisme qui censure la morale et la transforme en morne et insipide “éthique”, et à la correction politique qui vitrifie l’esprit critique.
M. Compagnon qui nous avait habitués à plus de liberté de ton et d’originalité, s’inscrit dans ce navrant courant de pensée. Il ne peut s’empêcher, à partir de brouillons que le poète n’aurait sans doute jamais publiés, de le présenter comme quelqu’un “d’hostile au progrès, à la démocratie, et à l’égalité, méprisant presque tous ses semblables et se méfiant des bons sentiments". Il en rajoute même en assénant au marteau pilon "qu'il ne pense pas beaucoup de bien ni des femmes, ni des enfants" et "qu'il est partisan de la peine de mort.” Pire que tout, il tente de l’excuser en “faisant valoir qu’il fut victime des préjugés de l’époque.”
C’est vraiment lui faire une vilaine insulte car il est clair que Baudelaire n’avait que faire des idées reçues et qu’il répugnait à toute pensée trop conforme !
Pareillement, lorsque M. Compagnon essaie d’en faire tantôt un sympathisant socialiste, tantôt un “anarchiste de droite”, il se trompe lourdement, car l’auteur des Fleurs du Mal l’affirma on ne peut plus clairement, dans l’ébauche de préface qu’il destinait à l’ouvrage: “Le poète n’est d’aucun parti. Autrement il serait un simple mortel.” Tant d’artistes pourraient s’inspirer de cette maxime…
Au total, l’ouvrage reste donc trop à distance de l’astre obscur dont il était supposé révéler les lumières, donnant de Baudelaire une image quelque peu erratique et approximative, très éloignée de l’essence poétique qui rayonne si intensément autour de son œuvre.
On pourrait déplorer entre autres le peu d’importance qu’il accorde au travail de critique de l’auteur des Fleurs du Mal. Mais on regrette pareillement que sa parenté avec d’autres artistes ne soit qu’effleurée. L’attirance pour les paradis artificiels qu'il partageait avec Edgar Poe ou Thomas de Quincey aurait pu donner lieu à de très intéressants développements. Les drogues firent naître beaucoup d’espérances et d’illusions chez quantité d’artistes mais le parcours de ces trois là fut à maints égards édifiant par sa richesse descriptive et sa sombre lucidité.
On ne peut que s'attrister que ne soit à aucun moment évoquée, l’influence qu’eut le poète sur nombre d’écrivains, de poètes ou de peintres, au premier rang desquels on trouve Odilon Redon (dont les "noirs" transcrivent à merveille le spleen baudelairien) ou Mallarmé (qui fut son digne héritier en matière d'idéal parnassien).
Enfin, s’il est indéniable que Baudelaire avait une opinion caricaturale, bien plus provocatrice que choquante, sur certains sujets “modernes” dont la démocratie et notamment sur la société américaine émergente qu’il qualifia de “barbarie éclairée au gaz”, il manifesta beaucoup de clairvoyance quant à l’évolution de l’art qu’il voyait basculer dans le mercantilisme et la médiocrité. Amoureux inconditionnel de la beauté, ce que devrait d’ailleurs être tout artiste, il se fendit de considérations abruptes qui retentissent avec force dans le désert culturel actuel: “Parce que le beau est toujours étonnant, il serait absurde de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau.” Ou bien encore: “Si l’artiste abêtit le public, celui-ci le lui rend bien…”
Fondamentalement, Baudelaire fut un incurable pessimiste, et il craignait non sans raison que ce qu’il est convenu d’appeler “le progrès”, ne fasse le lit de la décadence de l’esprit critique et de la passion du beau. Il faut bien reconnaître qu’il n’avait pas vraiment tort. Comme beaucoup de ceux qui essayèrent avec originalité et audace, d’ouvrir dans l’art de nouvelles voies, il fut vilipendé, incompris, attaqué, censuré. Il rirait en voyant aujourd’hui à l’inverse, les mêmes esprits étroits et moutonniers s’ébaudir devant des immondices et de vraies obscénités qualifiées d’œuvres d’art...
Les cris d’orfraie des ligues de vertu qui accueillirent le joyau des Fleurs du Mal lui firent sans doute très mal. Il tenta de les traiter avec cynisme et dédain, en déclarant dans un projet de préface : “Mon livre a pu faire du bien je ne m’en afflige pas. Il a pu faire du mal. Je ne m’en réjouis pas…”
Il essaya de lever l’incompréhension dont il faisait l’objet en expliquant le sens de sa démarche poétique : “il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du mal..”, précisant avec humilité que son livre, “essentiellement inutile et absolument innocent, n’a pas d’autre but que de me divertir et d’exercer mon goût passionné pour l’obstacle.” En ce sens il rejoignait Malherbe pour qui un bon poète n’était "guère plus utile à l’État qu’un joueur de quilles”. Mais qu’importe après tout. Même le plus utilitariste des pragmatiques peut succomber au charme magnétique d’une poésie qui parle à l’âme...
Évidemment, cela ne calma pas vraiment son aigreur vis à vis des censeurs aux petits pieds qui portèrent l’affaire devant le Tribunal, et qui obtinrent des juges le retrait de certains poèmes. Du coup, sa rancœur ne fit que croître : “La France traverse une phase de vulgarité. Paris centre et rayonnement de bêtise universelle…”
En définitive, il fut un peu tué par un monde auquel il était par nature étranger et dans lequel il ne voyait guère d'échappatoire heureuse. Après avoir beaucoup travaillé pour faire naître des créations poétiques sans égales, qui illuminent la langue française, et ayant perdu toute illusion, il se sentait épuisé, vidé, triste, mais plein d’une ineffable sérénité: “j’aspire à un repos absolu et à une nuit continue.../… Ne rien savoir, ne rien enseigner, ne rien vouloir, ne rien sentir, dormir et encore dormir, tel est aujourd’hui mon unique vœu…”
Signées Antoine Compagnon, ces causeries radiophoniques, colligées par la suite dans un petit ouvrage papier, invitent à rentrer en toute simplicité dans la vie et l’œuvre de l’écrivain concerné.
C’est léger, souvent instructif mais parfois si superficiel qu’il n’en reste pas grand chose hélas, hormis l’envie peut-être de lire ou de relire l’auteur, ce qui n’est pas si mal après tout.
S’agissant de Baudelaire que je vénère depuis mon adolescence et dont je me récite quasi quotidiennement les vers, je suis resté sur ma faim tant l’analyse est passée à mon sens à côté du sujet.
Avant tout peut-être parce que le propos commence par un navrant contresens. M. Compagnon trouve en effet "saugrenu de passer un été avec Baudelaire", car affirme-t-il, “l’été ne fut pas la saison préférée de notre poète.”
Mais où donc a-t-il trouvé matière à pareil stéréotype ?
J’ignore pour ma part quelle fut la période de l’année que chérissait Baudelaire, mais je connais des vers, parmi les plus beaux, qui laissent entendre qu’il aimait soleil et chaleur. Qu’on songe seulement à ce quatrain enchanteur:
"Au pays parfumé que le soleil caresse
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés"
Mais aussi, à ces distiques évocateurs si ce n’est explicites:
"J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux…"
"Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone…"
" Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu vive clarté de nos étés trop courts!"
Et pour enfoncer le clou, cette strophe inoubliable:
"Mon enfant, ma sœur
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !"
Qui peut croire que ce pays soit celui de la froidure et des frimas ?
A contrario, lorsque le poète évoque les brumes et la pluie c'est à "un linceul vaporeux" et à "un vague tombeau" qu'il les compare, et il souffre manifestement lorsque “le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle”, que "la pluie étale ses immenses trainées", et que “la Terre est changée en un cachot humide”...
S'il semble se complaire à décrire ces ténébreuses sensations, c'est pour mieux faire ressentir le spleen et l'ennui qui l’assaillent si souvent. Dans ces instants, il n'aspire plus à rien, et ce qu'il chante relève plus du désespoir que d'une morbide dilection. Le temps de chien fait naître ou s’associe naturellement au spleen. C’est alors, écrit-il, que "de longs corbillards, sans tambour ni musique défilent lentement dans mon âme, l'espoir vaincu pleure, et l'angoisse, atroce, despotique, sur mon crâne incliné plante son drapeau noir."
Tout est dit. Baudelaire est le plus souvent accablé par la vie. Il accepte résigné, la noirceur de son existence mais cela ne l'empêche pas de rêver d'horizons éblouissants, et de "champs lumineux et sereins" qu’il magnifie avec une évidente jubilation.
On comprend de facto, son attirance pour ce qu'il appela les paradis artificiels. Tout est bon pour tenter de s'évader du détestable quotidien en somme...
De tout cela, M. Compagnon ne parle guère hélas. Il préfère aborder le personnage à travers mille détails anecdotiques, souvent triviaux, tirés non de ses vers limpides qui résument si bien sa pensée, mais d’écrits fragmentaires ou d’opinions de contemporains plus ou moins bien intentionnés. L’intérêt de ce type de contribution est discutable.
On sait que Baudelaire fut largement incompris à son époque, et sa poésie plutôt méprisée. Aujourd’hui cela pourrait être pire encore eu égard au puritanisme qui censure la morale et la transforme en morne et insipide “éthique”, et à la correction politique qui vitrifie l’esprit critique.
M. Compagnon qui nous avait habitués à plus de liberté de ton et d’originalité, s’inscrit dans ce navrant courant de pensée. Il ne peut s’empêcher, à partir de brouillons que le poète n’aurait sans doute jamais publiés, de le présenter comme quelqu’un “d’hostile au progrès, à la démocratie, et à l’égalité, méprisant presque tous ses semblables et se méfiant des bons sentiments". Il en rajoute même en assénant au marteau pilon "qu'il ne pense pas beaucoup de bien ni des femmes, ni des enfants" et "qu'il est partisan de la peine de mort.” Pire que tout, il tente de l’excuser en “faisant valoir qu’il fut victime des préjugés de l’époque.”
C’est vraiment lui faire une vilaine insulte car il est clair que Baudelaire n’avait que faire des idées reçues et qu’il répugnait à toute pensée trop conforme !
Pareillement, lorsque M. Compagnon essaie d’en faire tantôt un sympathisant socialiste, tantôt un “anarchiste de droite”, il se trompe lourdement, car l’auteur des Fleurs du Mal l’affirma on ne peut plus clairement, dans l’ébauche de préface qu’il destinait à l’ouvrage: “Le poète n’est d’aucun parti. Autrement il serait un simple mortel.” Tant d’artistes pourraient s’inspirer de cette maxime…
Au total, l’ouvrage reste donc trop à distance de l’astre obscur dont il était supposé révéler les lumières, donnant de Baudelaire une image quelque peu erratique et approximative, très éloignée de l’essence poétique qui rayonne si intensément autour de son œuvre.
On pourrait déplorer entre autres le peu d’importance qu’il accorde au travail de critique de l’auteur des Fleurs du Mal. Mais on regrette pareillement que sa parenté avec d’autres artistes ne soit qu’effleurée. L’attirance pour les paradis artificiels qu'il partageait avec Edgar Poe ou Thomas de Quincey aurait pu donner lieu à de très intéressants développements. Les drogues firent naître beaucoup d’espérances et d’illusions chez quantité d’artistes mais le parcours de ces trois là fut à maints égards édifiant par sa richesse descriptive et sa sombre lucidité.
On ne peut que s'attrister que ne soit à aucun moment évoquée, l’influence qu’eut le poète sur nombre d’écrivains, de poètes ou de peintres, au premier rang desquels on trouve Odilon Redon (dont les "noirs" transcrivent à merveille le spleen baudelairien) ou Mallarmé (qui fut son digne héritier en matière d'idéal parnassien).
Enfin, s’il est indéniable que Baudelaire avait une opinion caricaturale, bien plus provocatrice que choquante, sur certains sujets “modernes” dont la démocratie et notamment sur la société américaine émergente qu’il qualifia de “barbarie éclairée au gaz”, il manifesta beaucoup de clairvoyance quant à l’évolution de l’art qu’il voyait basculer dans le mercantilisme et la médiocrité. Amoureux inconditionnel de la beauté, ce que devrait d’ailleurs être tout artiste, il se fendit de considérations abruptes qui retentissent avec force dans le désert culturel actuel: “Parce que le beau est toujours étonnant, il serait absurde de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau.” Ou bien encore: “Si l’artiste abêtit le public, celui-ci le lui rend bien…”
Fondamentalement, Baudelaire fut un incurable pessimiste, et il craignait non sans raison que ce qu’il est convenu d’appeler “le progrès”, ne fasse le lit de la décadence de l’esprit critique et de la passion du beau. Il faut bien reconnaître qu’il n’avait pas vraiment tort. Comme beaucoup de ceux qui essayèrent avec originalité et audace, d’ouvrir dans l’art de nouvelles voies, il fut vilipendé, incompris, attaqué, censuré. Il rirait en voyant aujourd’hui à l’inverse, les mêmes esprits étroits et moutonniers s’ébaudir devant des immondices et de vraies obscénités qualifiées d’œuvres d’art...
Les cris d’orfraie des ligues de vertu qui accueillirent le joyau des Fleurs du Mal lui firent sans doute très mal. Il tenta de les traiter avec cynisme et dédain, en déclarant dans un projet de préface : “Mon livre a pu faire du bien je ne m’en afflige pas. Il a pu faire du mal. Je ne m’en réjouis pas…”
Il essaya de lever l’incompréhension dont il faisait l’objet en expliquant le sens de sa démarche poétique : “il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du mal..”, précisant avec humilité que son livre, “essentiellement inutile et absolument innocent, n’a pas d’autre but que de me divertir et d’exercer mon goût passionné pour l’obstacle.” En ce sens il rejoignait Malherbe pour qui un bon poète n’était "guère plus utile à l’État qu’un joueur de quilles”. Mais qu’importe après tout. Même le plus utilitariste des pragmatiques peut succomber au charme magnétique d’une poésie qui parle à l’âme...
Évidemment, cela ne calma pas vraiment son aigreur vis à vis des censeurs aux petits pieds qui portèrent l’affaire devant le Tribunal, et qui obtinrent des juges le retrait de certains poèmes. Du coup, sa rancœur ne fit que croître : “La France traverse une phase de vulgarité. Paris centre et rayonnement de bêtise universelle…”
En définitive, il fut un peu tué par un monde auquel il était par nature étranger et dans lequel il ne voyait guère d'échappatoire heureuse. Après avoir beaucoup travaillé pour faire naître des créations poétiques sans égales, qui illuminent la langue française, et ayant perdu toute illusion, il se sentait épuisé, vidé, triste, mais plein d’une ineffable sérénité: “j’aspire à un repos absolu et à une nuit continue.../… Ne rien savoir, ne rien enseigner, ne rien vouloir, ne rien sentir, dormir et encore dormir, tel est aujourd’hui mon unique vœu…”