08 septembre 2020

Cités assoupies

Quand on pénètre en Médoc, c'est un peu comme si on entrait dans un monde parallèle. Cette péninsule en fer de lance s’étend nonchalamment du sud au nord entre l’océan et l’estuaire de la Gironde. D’un côté, des plages et des forêts de pins à perte de vue, juste interrompues par l’immensité paisible du lac d'Hourtin-Carcans. De l’autre des berges limoneuses, sur lesquelles on trouve quelques uns des plus beaux vignobles français. En traversant ces villages aux noms enchanteurs on ressent déjà comme le parfum enivrant du vin. Margaux, Saint-Julien Beychevelle, Pauillac, Saint-Estèphe, ils sont quatre comme les mousquetaires à défendre la reine des Grands Crus Classés, si tant est qu’il y en eut... Sont-ils d’ailleurs tous encore à la hauteur du classement de 1855, c’est là la question… Si Napoléon III ou quelque distingué sommelier de sa cour revenait, il aurait peut-être à redire.
Peu importe en somme, le poids des ans et des traditions semble avoir figé pour l’éternité les vertus des nectars.
Mais derrière les éblouissantes façades des propriétés qu’il est convenu d’appeler châteaux, sises au milieu de l’océan tranquille et immuable des vignes, les villages ont des allures de fantômes. La charmante cité de Pauillac semble endormie. Dans le port, pas un bateau ne bouge sous le soleil et dans les rues, il n’y a plus des magasins d’autrefois que les portes closes et les vitrines occultées. Quelques jeunes désœuvrés ici ou là, deux ou trois chalands attablés à un bistrot, rien de plus.
Décidément ce monde est hors du temps.

Pourtant, à côté du culte ancestral du raisin, on trouve d’étonnantes traces d’un passé, sans doute trop oublié. A Pauillac, la capitainerie arbore fièrement une statue dans le genre naïf du marquis Gilbert du Motier de de La Fayette. Elle rappelle aux visiteurs que ce dernier, âgé de 19 ans, embarqua précisément de cet endroit sur la Victoire en avril 1777 pour son premier voyage vers l’Amérique, dans le but de prêter main forte aux troupes de Washington.

Lorsqu’on remonte au bout du Médoc, à Soulac, c’est à une réplique de la statue de “la Liberté éclairant le monde” à laquelle on est confronté. Erigée en 1980 pour commémorer dans le même esprit l'alliance franco-américaine, elle fait face fièrement à l’océan, flanquée de la bannière étoilée qui claque ce jour dans ciel d’un bleu immaculé. Il n’en faut pas plus pour réjouir le cœur d’un amoureux de la Liberté….




Aucun commentaire: