Cette préoccupation est devenue obsédante avec les fabuleuses avancées des dernières décennies, qui bouleversent l'environnement dans lequel l'homme évolue, jusqu'à le menacer d'auto-destruction.
Max Planck (1858-1947) fait partie de ces esprits éclairés, aptes à appréhender avec la même sagacité les abstractions les plus complexes et les problèmes les plus triviaux du quotidien.
Il est l'un des pères de la théorie des quanta, et le découvreur de la fameuse constante h.
Cette dernière symbolise de manière vertigineuse deux problématiques essentielles : celle de l'harmonie du monde réglé avec une précision hallucinante, et celle des limites de son intelligibilité. On sait notamment depuis Planck qu'il est strictement et définitivement impossible d'appréhender précisément et simultanément deux grandeurs telles que la vitesse et la position de particules physiques.
Cette dernière symbolise de manière vertigineuse deux problématiques essentielles : celle de l'harmonie du monde réglé avec une précision hallucinante, et celle des limites de son intelligibilité. On sait notamment depuis Planck qu'il est strictement et définitivement impossible d'appréhender précisément et simultanément deux grandeurs telles que la vitesse et la position de particules physiques.
Ces notions eurent probablement un impact sur les espoirs que nourrissaient certains de parvenir à la connaissance complète du monde sensible dans lequel nous vivons. Jointes au fameux théorème d'indécidabilité de Gödel, et au principe d'incertitude d'Heisenberg, elles inspirent une profonde humilité et rejoignent la résignation kantienne : l'Homme ne parviendra jamais à expliquer totalement ni maitriser l'univers qui l'entoure.
A quelque chose malheur est bon, c'est aussi une bonne nouvelle, car si certaines portes semblent se fermer à tout jamais, celle majestueuse de l'espérance reste elle, grande ouverte.
Au delà de la science pure, Max Planck fut également un philosophe inspiré. A travers son autobiographie scientifique et les écrits de la fin de sa vie, on mesure combien il était préoccupé au plan spirituel par toutes les problématiques impliquant la démarche scientifique, notamment : déterminisme et indéterminisme, libre arbitre, Dieu et religion.
Déterminisme et indéterminisme
C'est un paradoxe au moins apparent, que celui qui oppose en permanence le prévisible et l'indéterminé.
Et qui débouche obligatoirement sur la notion fondamentale du libre arbitre humain. On voit de nos jours un nombre croissant de savants ayant une vision matérialiste qui leur fait nier tout ou partie de cette liberté intrinsèque. Voire parfois renoncer à l'idée même de conscience...
Et qui débouche obligatoirement sur la notion fondamentale du libre arbitre humain. On voit de nos jours un nombre croissant de savants ayant une vision matérialiste qui leur fait nier tout ou partie de cette liberté intrinsèque. Voire parfois renoncer à l'idée même de conscience...
Pour Planck, la réponse doit être plus nuancée et relative, car elle dépend de l'angle sous lequel la problématique est abordée.
Par exemple, les comportements humains ont évidemment une bonne part de prévisibilité, et c'est heureux car sinon, comment imaginer des relations constructives ? "Dans nos rapports quotidiens avec autrui, nous présupposons toujours certains motifs. En d'autres termes, un déterminisme selon lequel les autres parlent et agissent, car autrement leur comportement serait inexplicable..."
Pourtant, si la plupart de nos choix sont contraints par des contingences externes, il n'en reste pas moins évident que chaque décision est prise en conscience. En résumé, "Nous pouvons par conséquent déclarer : observée du dehors, la volonté est causalement déterminée. Observée du dedans, elle est libre."
On trouve des analogies étonnantes entre les réalités physiques et celles de l'esprit :
Le déterminisme et l'indéterminisme ne sont pas des notions exclusives l'une de l'autre. À la manière de la nature étrangement double de la lumière, à la fois ondulatoire et corpusculaire … En somme, "La loi de causalité n'est ni vraie ni fausse. Elle est bien plutôt un principe heuristique, un guide..."
Faux problèmes, limites et relativité de la science
Partant du constat que la science à elle seule ne saurait tout expliquer, la position de Max Planck consiste à recommander d'éviter de mélanger les genres et d'exercer une vigilance permanente pour ne pas dépasser les limites du domaine d'application de la méthode scientifique.
Par exemple, on ne sait pas ce que c'est que le subconscient. Par conséquent tous les problèmes, posés en termes scientifiques, concernant le subconscient sont de faux problèmes.
Par exemple, on ne sait pas ce que c'est que le subconscient. Par conséquent tous les problèmes, posés en termes scientifiques, concernant le subconscient sont de faux problèmes.
D'une manière plus générale, nous ne pouvons pas plus apprécier directement nos processus mentaux du point de vue physiologique que nous ne pouvons examiner un processus physique du point de vue psychologique.
Le rapport du corps à l'esprit est un autre faux problème. Le physique et le mental ne sont en aucune manière différents l'un de l'autre. Ils sont exactement le même processus, mais vu de deux directions diamétralement opposées, comme les deux faces d'une même pièce de monnaie.
De toute façon, en matière de psychologie, comme en physique des particules, la simple interposition d'un dispositif de mesure et d'analyse est susceptible de perturber et de fausser le déroulement naturel des évènements. C'est un des plus élémentaires principes de la psychologie expérimentale, qu'une observation peut donner un résultat complètement différent si le sujet connaît ou seulement soupçonne qu'on est en train de l'observer.
Les seuls faits sur lesquels la science a prise, sont ceux qui peuvent être l'objet d'expérience : "Parmi tous les faits que nous connaissons et que nous pouvons relier entre eux, quel est celui qui ne pourrait prêter au plus léger doute ? Cette question n'admet qu'une seule réponse : Celui dont nous avons l'expérience par le moyen de notre propre corps."
Malheureusement nos capacités sont très insuffisantes pour percevoir toute la complexité du monde. Le développement de l'appareillage scientifique permet certes, d'appréhender des concepts que nos seuls sens innés ne sauraient palper. Mais la complexité croissante de ces outils se heurte tôt ou tard elle-même à des limites : "Un coup d'oeil à l'intérieur d'un laboratoire scientifique montre que les fonctions des ces sens ont été remplacées par une collection d'appareils extrêmement complexes, subtils et spécialisés, inventés pour manier les problèmes dont la formulation requiert l'aide de concepts abstraits, de symboles.../... au delà des possibilités de compréhension d'un profane." Bientôt au delà des limites humaines pourraient-on ajouter...
Il n'est que de voir la disproportion croissante entre la taille des particules et celle des accélérateurs supposés les mettre en évidence pour comprendre cette problématique.
Il n'est que de voir la disproportion croissante entre la taille des particules et celle des accélérateurs supposés les mettre en évidence pour comprendre cette problématique.
Science et Religion
Si le périmètre de la connaissance humaine est par essence restreint, est-il permis d'imaginer des choses au delà ? Max Planck répond par l'affirmative : "La science physique exige qu'on admette l'existence d'un monde réel indépendant de nous, un monde que nous ne pouvons cependant jamais directement reconnaître, mais que nous pouvons saisir seulement au moyen de nos expériences sensorielles et des mesures que nous faisons par leur intermédiaire."
S'agit-il de Dieu, il n'est pas permis de l'affirmer, puisqu'on ne peut le définir . Toujours est-il que "Nous nous voyons nous-mêmes gouvernés à travers toute notre vie par une puissance plus haute, dont nous ne serons jamais en mesure de définir la nature à partir du point de vue de la science."
A défaut de Dieu, Max Planck pose les bases d'une conception raisonnée de la religion et des rapports de l'homme à ce qui le dépasse. Il commence par réduire certaines prétentions religieuses en particulier la propension à tabler sur les miracles : La foi dans le miracle doit notamment céder le terrain, pas à pas, devant la constante avance des forces de la science, et sa défaite totale n'est indubitablement qu'une affaire de temps.
Dans le même temps, l'athéisme lui semble porteur de nombreux dangers : "la victoire de l'athéisme détruira non seulement les plus précieux trésors de notre civilisation, mais ce qui est pire encore, annihilerait l'espoir même d'un avenir meilleur."
Aussi néfaste que l'athéisme, est à ses yeux le fanatisme de certains religieux, qui prétendent faire parler Dieu et réclament en son nom l'application de lois mortifères ou débilitantes : "rites et symboles ecclésiastiques sont indispensables aux églises : mais nous ne devons jamais oublier que le symbole le plus sacré est encore d'origine humaine.../... Si l'humanité avait eu à coeur de garder cette vérité dans tous les temps, elle se fut épargné une infinité de souffrances et de maux." En d'autres termes, comme pour Kant, c'est l'Homme lui-même qui est le principal responsable de ses malheurs.
Ce jusqu'au boutisme destructeur désole plus que tout le Philosophe : "Il n'existe certainement rien de plus affligeant que cet amer combat de deux adversaires dont chacun est pleinement convaincu de l'excellence de sa cause, autant que rempli d'un sincère enthousiasme pour elle.../... jusqu'au sacrifice de sa vie."
Pour autant, "Religion et science ne s'excluent pas l'une l'autre, comme beaucoup de nos contemporains le croient ou le craignent. Elles se suppléent et se conditionnent mutuellement l'une l'autre."
En définitive, alors qu'il est sur le point de franchir cette fameuse frontière entre la vie et la mort, Max Planck a comme une illumination, : "Religion et science mènent ensemble une bataille commune dans une incessante croisade, une croisade qui ne s'arrête jamais, contre le scepticisme et contre le dogmatisme, contre l'incroyance et contre la superstition, et le cri de ralliement pour cette croisade a toujours été et sera toujours : Jusqu'à Dieu... "
Et pour clore cette réflexion tout en résumant d'un mot la teneur, je ne peux m'empêcher de citer Goethe, tel que l'appelle Max Planck lui-même à la rescousse : "la félicité suprême du penseur, c'est de sonder le sondable et de vénérer en paix l'insondable".