Décidément le concept de révolution est à la mode. Après celle proposée par Mélenchon, inspirée de son propre aveu, par les sinistres épisodes de 1789 et de la Commune, voici celle réclamée au plan fiscal par une brochette d'économistes "indépendants" (Thomas Piketty, Camille Landais, Emmanuel Saez).
Rejoignant ceux qui se disent "atterrés" par la marche actuelle de l'économie, et qui prétendent que l'Etat peut dépenser sans compter, en voici donc trois autres qui affirment maintenant qu'il lui serait aisé d'augmenter les recettes, à condition de revoir de fond en comble le système fiscal actuel.
Partant d'un constat que personne ne peut vraiment contester, à savoir qu'il est "complexe et peu transparent", ils en proposent une rénovation drastique, placée sous le triple principe de "l'équité, la progressivité, et la démocratie".
C'est là que le bât blesse. Car immédiatement, on subodore que ces principes sont imprégnés de considérations plus idéologiques que pragmatiques.
De fait, Thomas Piketty qui est le chef de file de cette "nouvelle" école n'est pas un économiste que l'on pourrait qualifier de "neutre". Rappelons qu'il se vante d'être très proche du Parti Socialiste et qu'il soutint même officiellement la candidature de Ségolène Royal en 2007 (laquelle avoua après l'élection, pour excuser son échec, avoir défendu un programme auquel elle-même ne croyait pas...).
Assez logiquement, les principaux ouvrages déjà parus de M. Piketty traitent de manière quasi obsessionnelle des inégalités fiscales, en pointant d'un doigt insistant sinon réprobateur les hauts-revenus. Autant dire tout de suite qu'il est, comme la plupart des Socialistes, un défenseur du concept de l'impôt redistributeur de richesses (dont le slogan "il faut faire payer les riches", est une des triviales mais habituelles modalités d'expression)
C'est sans doute pourquoi aujourd'hui il soutient sans gêne que l'imposition en France serait injuste et surtout "régressive". A savoir selon lui, que par un paradoxe étonnant "Les Français les plus modestes sont davantage taxés que les plus riches" !
On se pince, et on se demande dans ces conditions, pourquoi les gens les plus fortunés n'ont de cesse de délocaliser leur domicile fiscal à l'étranger... Seraient-ils idiots ? On se demande également par quel sortilège, plus de la moitié des foyers qui ne paient pas officiellement d'impôt direct, seraient aussi selon cette théorie, ceux sur lesquels pèserait le plus lourdement le fisc.
Ou bien, a contrario, par quel mystère la plus lourde part de l'impôt, à savoir 80%, n'est supportée que par 20% des Français, les plus aisés...
Ou bien, a contrario, par quel mystère la plus lourde part de l'impôt, à savoir 80%, n'est supportée que par 20% des Français, les plus aisés...
Le problème est que ces experts un peu orientés présentent les chiffres à leur façon. D'abord, ils expriment la pression fiscale en % d'imposition des revenus et non en valeur absolue ce qui induit d'entrée un biais (tellement courant qu'il fait désormais partie des présupposés de presque tout raisonnement en la matière).
Pourtant, un collégien même peu doué saurait dire qu'à pourcentage d'imposition égal, l'impôt retire beaucoup plus d'argent à un "riche" qu'à un "pauvre". Le simple fait de déterminer le montant de l'imposition en proportion des revenus (tax flat), induit de fait une progression "équitable" dans le volume des contributions. Celle-ci est juste démultipliée dans notre beau système, car ce même taux, loin d'être stable, croit rapidement avec le niveau de revenus (le bouclier fiscal est supposé le plafonner à 50%). C'est en quelque sorte, la double peine...
Le plus grave toutefois, est qu'ils définissent le champ de l'impôt de manière très libre voire fantaisiste : Ils y incluent tout d'abord ce qui n'en est pas (les charges sociales, notamment la CSG, qui comme leur nom l'indique, sont des cotisations, dont la part la plus copieuse est comme chacun sait, supportée par l'employeur).
Ils extrapolent le poids relatif de la fiscalité sur les différentes classes sociales, à partir de considérations aléatoires ou peu explicites. Ainsi, prétendre comme ils le font, que la TVA pèse davantage sur les classes modestes, qui "consomment tous leurs revenus alors que les riches peuvent épargner" est une interprétation subjective, qui occulte au passage l'existence de taux variables en fonction de la nature des biens (TVA réduite sur les biens de première nécessité) ainsi que les taxes qui obèrent le produit de l'épargne (laquelle, lorsqu'elle n'est pas investie, est quand même destinée à être dépensée...).
Last but not least, ils passent sous silence les allocations et nombreuses aides et pondérations qui atténuent sensiblement le poids de l'impôt des plus modestes.
Fort de leur diagnostic partisan, ils proposent une réforme dont la pierre angulaire consiste à fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG, le tout grossi de quelque menu fretin (prélèvement libératoire, prime pour l'emploi..). Dans le même temps, ils suppriment le bouclier fiscal, et laissent intacts les myriades de taxes qui gravitent comme des vautours au dessus des contribuables : l'ISF (qu'ils qualifient "d'impôt de l'avenir"), la TVA, les impôts locaux, les taxes professionnelles, l'impôt sur les sociétés, la CRDS ...
Preuve de l'inspiration socialiste de cette mesure, on pouvait entendre ce jour même François Hollande (en visite auto-promotionnelle dans l'émission "Capital" qui la reprenait à son compte, en avouant qu'une augmentation des prélèvements était inévitable...
Preuve de l'inspiration socialiste de cette mesure, on pouvait entendre ce jour même François Hollande (en visite auto-promotionnelle dans l'émission "Capital" qui la reprenait à son compte, en avouant qu'une augmentation des prélèvements était inévitable...
En somme, cette proposition ressemble vaguement aux plans mirifiques des organismes de rachat de crédits. Elle donne l'impression de simplifier les choses, tout en procurant la vague illusion d'une économie (il faut être naïf pour y croire). Mais au fond, il ne s'agit que d'un pis-aller qui augmente encore le poids total de la charge en le répartissant différemment, et surtout pousse à dépenser toujours un peu plus, au dessus de ses moyens...
Elle fait de la CSG un impôt général, ce qui revient à un tour de passe-passe. Rappelons que lorsqu'elle avait été inventée en 1990 par les Socialistes, pour "élargir l'assiette des cotisations sociales" à destinée exclusive de la Sécurité Sociale, ils avaient insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'un nouvel impôt et qu'elle n'était pas vouée à augmenter (elle était même déductible pour partie des impôts). Or l'intégration dans l'impôt sur le revenu lui fera faire un bond spectaculaire... pour tous ceux qui sont imposables ! (en vingt ans son taux a déjà été multiplié par 7, passant de 1,1% à 7,5% des revenus, et comme cela ne suffisait pas M. Juppé y a ajouté la CRDS, sur le même principe...).
Pour couronner le tout elle prévoit la retenue de l'impôt "à la source", par l'employeur. Ce dernier déjà transformé en agent de recouvrement au service des organismes sociaux du monopole d'Etat, deviendra donc celui du fisc, qui de son côté, aura benoîtement dissimulé sa ponction dans la part non visible du salaire...
Au total, ce projet qui vise à augmenter la charge fiscale, dans un pays déjà champion toutes catégories en la matière, ne répond donc à l'évidence à aucun souci d'efficacité, mais au seul diktat de la prétendue justice sociale et à l'amour de la redistribution étatique.
Il y a tout lieu de penser que le système restera aussi sinon plus complexe et impénétrable qu'avant. Les riches, mais pas seulement eux seront encore un peu plus tentés d'aller voir ailleurs. La croissance restera plus que jamais bridée, et tout gain éventuel sera de toute manière englouti par "la pompe à phynances" de l'Etat. Quant à ce dernier, il pourra continuer d'augmenter en toute impunité ses folles dépenses... jusqu'au jour où...
NB : A ce jour, l'impôt sur le revenu ou IRPP rapporte environ 60 milliards d'euros par an et la CSG plus de 84 milliards (son taux actuel est de 7,5% sur les revenus du travail, et de 8,2% sur les produits des placements). Le produit de la TVA est de l'ordre de 180Mds€.
A ce jour les prélèvements obligatoires représentent plus de 44% du PIB (contre 36% en moyenne pour l'OCDE). La dette de l'Etat est au minimum de 1500 milliards d'euros soit 81,5% du PIB, et rien que l'intérêt de cette dette coûte chaque année l'équivalent de ce que rapporte l'impôt sur le revenu...