03 janvier 2011

Lumières dans la nuit

Avec un poème, je terminais 2010, avec un autre, je voudrais saluer ce nouvel an. Avec juste un poème, écrit par quelqu'un dont je ne connaissais guère que le nom il y a quelque jours encore.
Avec quelques vers d'un poète, né et mort dans une cité légendaire : Alexandrie. Une ville qui fut une sorte de trait d'union entre le monde antique et le monde moderne, et qui embrassa au cours de siècles tumultueux, les religions aussi bien que les civilisations. Une ville autrefois splendide, cosmopolite, éclairante, et qui aujourd'hui même se trouve ensanglantée par une barbarie sans nom. Un monde de sortilèges magnifiés par Lawrence Durrell, et qui est en train de déchoir, de s'éteindre, entrainé dans une mortelle et désolante dérive.
C'est par l'auteur du Quatuor que j'avais entendu parler de Constantin Cavafy (1863-1933), auteur très secret et très subtil, égyptien de villégiature, helléniste d'inspiration, et européen de culture. Et c'est par un heureux hasard, que dans le doux asile d'une librairie parisienne, j'ai pu en approfondir ma connaissance, en faisant l'acquisition d'un recueil de poésies nouvellement traduites*. Elles ont un charme difficile à définir, un mélange de grâce et de légèreté, de nostalgie et de désinvolture. Une sorte de fragile et lointaine élégance.

Alors qu'une nouvelle orbite astrale commence et nous emmène vers je ne sais quel destin, j'ai trouvé dans ce livre, quelques strophes délicates, qui pourraient constituer une charnière idéale entre deux années. Dans la pénombre dévorante de l'univers, soyons attentifs aux étoiles qui scintillent... Elles sont les repères de notre espérance.

Les jours de l'avenir se tiennent devant nous
Comme une rangée de petits cierges allumés, -
Petits cierges dorés, chauds et lumineux.

Les jours passés restent en arrière,
Morne rangée de cierges éteints;
Les plus proches fument encore,
Cierges froids, fondus et courbés.

Je ne veux pas les voir; leur aspect m'attriste
Et m'attriste aussi le souvenir de leur clarté.
Je regarde devant moi mes cierges allumés.

Je ne veux pas me retourner, ne pas voir avec effroi
Combien vite s'allonge la ligne sombre
Combien vite augmentent les cierges éteints.

Constantin Cavafy Poèmes traduits du grec par Ange S. Vlachos, Editions Héros-Limite 2010.

2 commentaires:

c'est Jeff ici a dit…

Heureux l'homme qui a des bougies allumées encore dans son passé. Ce sont ces bougies allumées du passé qui jettent l'ombre de l'avenir.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Hello Jeff. Thank you for these words of hope and wisdom.