20 janvier 2011

Un grand bond en avant

Une petite brochure intitulée "Manifeste d'Economistes Atterrés" s'affiche de manière un brin provocatrice, en ce moment à la vitrine des librairies.
Le titre à lui seul est un programme. La méthode qu'il suggère, consistant à "manifester" et à "pétitionner", évoque bien plus un discours militant qu'une analyse objective. Le vivier intellectuel d'où provient le "collectif" d'auteurs (ATTAC, CNRS, EHESS) est un autre indice subtil, laissant imaginer la teneur du propos. Quant à la flopée de louanges médiatiques qui salue l'initiative, elle ne laisse plus aucun doute (Marianne, Alternatives Economiques, Mediapart). Il ne s'agit pas d'une apologie du capitalisme...

Le petit jeu de ces "économistes" dont on a compris l'inspiration altermondialiste, consiste tout simplement à nier en quelque sorte l'évidence (dix évidences pour être précis).
Ça serait amusant s'ils ne prenaient pas leur théorie pour argent comptant, si je puis dire. Malheureusement c'est qu'ils font mine d'y croire les bougres, n'hésitant pas, pour appuyer leurs thèses, à accumuler les contre-vérités !
Le coeur de leur discours, désormais assez classique, consiste à minimiser l'ampleur de la Dette Publique et de toute manière à soutenir qu'elle n'est pas un problème en soi. Au contraire même, il ne faudrait pas hésiter, selon ces nouveaux prophètes, à l'alourdir pour relancer l'économie !

Première révélation, qu'ils l'affirment haut et fort, l'envolée des dettes de l'Etat Providence ne serait pas due à un excès de dépenses ! En voilà une nouvelle, qu'elle est bonne ! Devrait-on en déduire qu'on manque de rentrées ?
Rappelons qu'en France, l'Etat n'a jamais bouclé un budget en équilibre depuis 1974, bien qu'il n'ait eu de cesse d'augmenter ses recettes par tous les moyens... des contribuables. Et contrairement à ce que ces savants un peu bigleux affirment, les impôts et charges ont tellement progressé qu'ils sont désormais les plus élevés du monde développé. Entre 1974 et 2005 leur poids est passé de 35,4 à 44,1% du PIB (moyenne OCDE en 2005 : 36,2) ! S'il y a "concurrence fiscale" comme ils disent, nous sommes donc vraiment compétitifs... mais dans le mauvais sens !

Par un paradoxe cruel mais criant, la pression fiscale tous azimuts de l'Etat, ne conduit qu'à détériorer le rapport qualité/prix du Service Public dont à peu près tous les indicateurs "sociaux" restent désespérément au rouge (chômage, pauvreté, éducation, logement, sécurité...)
Comme par hasard d'ailleurs, la croissance, dont ils admettent qu'elle est susceptible d'aider à résorber les déficits, est chez nous durablement une des plus faibles de ce même monde. Logique, à chaque fois qu'elle fait mine de décoller, paf ! une augmentation des "prélèvements obligatoires" vient la plaquer au sol.

S'agissant des dépenses publiques, ces brillants esprits ont là aussi quelque peu tendance à mésestimer la réalité, en affirmant "qu'elles sont stables ou en baisse dans l'Union européenne depuis le début des années 1990". Aimable plaisanterie. Ils oublient juste de dire qu'elles sont passées dans notre beau pays, de 39,3% à 52,7% du PIB entre 1974 et 2008 (selon le gouvernement lui-même).
Le pire est que ces dépenses sont entièrement dévolues au puits sans fond de la prétendue "justice sociale". Elles sont donc structurelles, incoercibles, liées à l'inflation permanente du soi disant "Service Public". Aucun retour sur investissement n'est à espérer dans cette mécanique infernale. Une dépense en entraine une autre, sans fin. Selon le refrain bien connu, il faut toujours "plus de moyens", mais les résultats ne viennent jamais. Et de toute manière, il ne faut pas chercher à les évaluer, ce serait bassement "marchand"...

Comme tout est à la même enseigne dans cet édifiant opuscule, on pourrait conclure que si nous sommes aujourd'hui au bord du gouffre, il suffirait d'appliquer ne serait-ce qu'a minima les recommandations qu'il propose, pour faire un grand pas en avant...

1 commentaire:

extrasystole a dit…

Tu l'as dit et bien dit