Lorsqu'un Libéral se trouve confronté au tribunal des Bien-Pensants, il n'a
d'autre alternative que de ferrailler dos au mur, seul contre tous.
C'est la mésaventure qui est arrivée à Charles Beigbeder le
27/10/12 dans le talk show animé par Laurent Ruquier sur France 2 :
« On n'est pas couché ».
Le
malheureux dut subir le feu roulant de la mitraille des deux
chroniqueurs de service, Aymeric Caron et Natacha Polony, qui n'ont
pas ménagé leurs efforts pour sortir à son encontre, tous les clichés, tous les
lieux-communs habituellement véhiculés par les hordes
anti-libérales. C'est dans ce genre d'exercice, qu'on mesure
l'efficacité de la télévision pour propager les idées les plus
superficielles, les jugements à l'emporte pièce, et les opinions
les plus grégaires !
Pour
la victime propitiatoire de cette corrida de salon, comment se faire
entendre, sachant que l'animateur lui-même est partisan, ainsi que
la quasi-totalité des invités, parmi lesquels on comptait ce jour
là, le fils à Bedos et la fille à Mitterrand ! Sans compter le
public, qui se croyait obligé de ponctuer d'applaudissements
imbéciles chaque banderille plantée sur un dos décidément très
large.
C'est
qu'on n'hésita pas à coller au libéralisme que M. Beigbeder était
venu défendre, tous les malheurs, et toutes les turpitudes du monde.
D'emblée,
et selon la bonne vieille dialectique, M. Caron fit mine de s'étonner
qu'on puisse se réclamer de Milton Friedman, de Reagan, et de
Thatcher alors même que ce sont les recettes qu'ils préconisaient
qui auraient amené la crise et notamment les malversations "des banques
qui ont trafiqué, volé, menti..."
L'amalgame
étant fait, il est très difficile de s'en extraire. Il faudrait pour
cela avoir le temps de reprendre une à une les causes de la crise
pour démontrer qu'elles ne sont pas là où certains voudraient
qu'elles soient, et plus difficile encore, contredire posément
l'adage qui veut que les banques soient par nature, malhonnêtes.
Cela relève de la gageure dans le contexte...
M.
Beigbeder ne s'en est pas trop mal sorti. Il esquissa une
auto-critique en reconnaissant quelques défaillances, mais en
déniant le droit de s'en servir pour condamner tout un système. Et
il retourna la question en demandant à ses interlocuteurs s'ils en
connaissaient un autre qui puisse garantir autant de réussite et
prospérité que le capitalisme. Sans obtenir de réponse
évidemment...
Mme
Polony utilisa quant à elle l'argument éculé selon lequel le
libéralisme des Lumières se serait fourvoyé dans une sorte de
néolibéralisme pour ne pas dire d'ultralibéralisme, qui a abouti à
« la dérégulation et à la négation des entrepreneurs ».
Il faut croire qu'elle n'a lu ni Say, ni Bastiat, ni même Adam Smith
ou Tocqueville, car elle saurait combien leurs théories sont plus
actuelles que jamais !
Même
méconnaissance de l'esprit de liberté lorsqu'elle affirma que
l'éducation doit figurer au rang des missions régaliennes de
l'Etat. Ce qui lui fit condamner la proposition de mettre en place
des « chèques éducation » dans lesquels elle décrivit un
système menant tout droit à « l'explosion de l'Education
Nationale et à la fin de la communauté nationale à
l'individualisme pur. » Rappelons qu'il s'agit d'aides de
l'Etat, permettant aux parents de mettre leurs enfants dans l'école
de leur choix, en vigueur aux USA sous le nom de vouchers. Il est
aisé de se rendre compte, à condition de n'être pas trop aveuglé
par les a priori, qu'en Amérique, la communauté nationale et
l'ascenseur social fonctionnent nettement moins mal qu'en France...
Ce
furent ensuite les couplets classiques sur la prétendue injustice
sociale des idées libérales. S'insurgeant qu'on puisse remettre en cause le
système des logements sociaux, pourtant perverti par les abus, M.
Caron préconisa la vieille et illusoire recette du blocage général
du prix de l'immobilier. Sans se demander si cela donnerait plus de
toits à ceux qui en cherchent désespérément...
Puis
il répandit de belles larmes de crocodile au sujet des 3 millions de
chômeurs en demandant à l'invité si selon lui, il s'agissait
« d'assistés », et si l'on pouvait comme lui, dire
qu'ils étaient « dorlotés » par le système actuel
de protection sociale ?
M.
Beigbeder n'eut pas la présence d'esprit de lui rétorquer qu'on
pourrait surtout s'interroger sur l'efficacité d'un modèle social,
généreux en prestations (au prix d'un endettement insensé), mais incapable
d'enrayer le mal à sa source.
Il
évoqua le modèle danois qui plafonne à 2000 euros les indemnités
chômage, sans emporter la conviction de ses interlocuteurs.
Peut-être font-ils partie de ceux qui seraient pénalisés...
Lorsque
Charles Beigbeder défendit la réconciliation du monde des
entreprises et des citoyens, ou lorsqu'il justifia par la prise de
risque, la fronde des entrepreneurs vis à vis des projets de
supertaxation des plus-values de cessions, il se vit opposer le cas
du PDG de PSA qui « continue à percevoir des royalties, alors
que l'entreprise va mal, tandis que l'ouvrier qui fait son travail se
trouve licencié parce que le groupe l'a décidé et ce, même s'il
fait des bénéfices. » Argumentation typiquement
mélenchonesque qui mélange avec délectation des choses qui n'ont
rien à voir entre elles, mais dont le fondement reste la lutte des
classes, et la haine primaire du « nanti ».
On
retrouva enfin la sale manie consistant à jeter par principe
l'opprobre sur tout ce qui est profitable, dans les torves
insinuations que fit M. Caron à propos de la gestion de terres
agricoles en Argentine et en Ukraine, dans laquelle s'est lancé
Charles Beigbeder. Il n'y alla pas avec le dos de la cuiller,
accusant ce dernier de spéculer sans scrupule, même sur les denrées
alimentaires. Et pour appuyer son propos, de citer « des ONG »,
selon lesquelles cette pratique serait responsable de la flambée des
prix et même de disettes... Encore une fois, montrer l'inanité de
propos aussi caricaturaux est quasi impossible, sous les tirs croisés
incessants en provenance d'interlocuteurs aussi bornés que partisans, et dans
le peu de temps laissé pour la réponse. Ce qui devait être un
entretien, tourna au procès en sorcellerie.
Un
des plus jolis moments fut toutefois
l'évocation de l'élection présidentielle américaine, notamment
lorsque Beigbeder osa révéler qu'il souhaitait la victoire de Mitt
Romney. Il fallait voir les yeux s’écarquiller et la stupéfaction
goguenarde de l'ensemble du plateau devant tant d'impertinence !
Un tel spectacle sans nuance devrait effrayer toute personne un tant soit peu éprise
de démocratie, mais il n'avait en définitive rien d'étonnant, dans
un pays aussi éloigné des réalités que la France, où selon un
sondage, à peine 5% des gens voteraient pour le candidat
républicain...
Faut-il en rire, faut-il en pleurer ?
Faut-il en rire, faut-il en pleurer ?