26 septembre 2012

Qui a peur de Charlie Hebo ?

On n'est pas forcé d'apprécier l'humour de Charlie Hebdo pour lui reconnaître le droit d'exister et de se livrer à son exercice de prédilection : la provocation systématique. C'est souvent très gras, très laid et en général peu contributif au débat, tant le trait est outrancier, voire grotesque, indécrottablement ancré dans le parti-pris gauchisant. Mais hormis les remugles du mauvais goût, il n'y a franchement pas de quoi fouetter un chat.
L'effet n'est de toute manière plus très souvent à la hauteur des ambitions. Qui s'émeut de nos jours de voir le pape représenté en train de sodomiser une taupe (hormis quelques grenouilles survivant encore dans les bénitiers asséchés), ou bien le Front National symbolisé par un étron fumant (sauf pour en rire bêtement chez Ruquier) ?

Mais lorsque le magazine satirique se risque à marcher sur les plates bandes de l'Islam, dans ce qu'il a pourtant de plus radical et rétrograde, on dirait au vu des réactions que cela suscite, qu'il ne met rien moins que la République en péril !

Les politiciens qui nous dirigent, d'habitude plus prompts à se faire les champions de la liberté d'expression et les ennemis de la censure, font profil bas et semblent même gagnés par la panique. Évoquant la publication récente des fameux dessins, le premier ministre se crut obligé d'exprimer « sa désapprobation face à tout excès », et d'en appeler « à l'esprit de responsabilité de chacun ». Le ministre des Affaires Etrangères a martelé de son côté qu'il était « opposé à toute provocation », et le gouvernement a procédé dans la foulée de la publication, à l'interdiction de manifestations, et au renforcement tous azimuts des mesures de sécurité. On se serait cru à la veille d'une guerre civile...

Les autres médias réunis ont joué quant à eux les hypocrites : tout en se faisant les relais complaisants des dessins incriminés, ils ont fait mine de s'interroger gravement sur « les limites du genre bête et méchant » (l'Express).
Le pire fut de lire certains éditoriaux renvoyant dos à dos sur un pied d'égalité, la satire, la caricature, et la provocation d'un côté, et de l'autre, l'intolérance, les appels au meurtre, l'obscurantisme. Ne pas voir la différence est un signe navrant de la dérive des mentalités.
Parmi les exemples les plus frappants de ce dévoiement intellectuel, figure l'opinion de Christian Makarian parue dans l'Express, reprochant à Charlie Hebdo d'avoir surenchéri sur le fameux mais anodin bout de film circulant sur le web, tournant en dérision les musulmans. Il accuse le magazine « d’emboîter le pas d'une vidéo qui est bien plus proche d'un manifeste politique extrémiste », alors même que les réactions délirantes de foules haineuses un peu partout dans le monde (même à Paris) ont semblé donner raison aux mystérieux auteurs du film incendiaire!
Plus forts encore furent les propos de Laurent Joffrin publiés dans le Nouvel Obs du 20/09 affirmant « qu'en caricaturant Mahomet, nos confrères se retrouvent aux côtés de fanatiques islamophobes. Et font des islamistes les premiers défenseurs de l'Islam. »

On pense à l'incroyable mauvaise foi (à moins que ce ne soit courte vue) des gens qui accusaient d'anti-communisme primaire, tous ceux qui osaient il y a quelques décennies s'attaquer à l'idéologie asservissant tant de malheureuses populations derrière le rideau de fer. Tandis que des peuples étaient opprimés aux portes du monde libre, et qu'un effroyable totalitarisme se faisait de jour en jour plus menaçant, il fallait selon ces culs bénis d'inspiration munichoise, pratiquer la coexistence pacifique, jouer la détente pour apaiser le monstre...

L'histoire paraît se répéter. Ce qui est effrayant, en la circonstance, c'est l'inversion des valeurs à laquelle on assiste. Est-ce lâcheté ? Est-ce myopie ? Est-ce naïveté ? La question mérite d'être posée. C'est le mérite de Charlie Hebdo de la provoquer.
Au moins ses journalistes font leur métier ni plus ni moins, et on peut au moins leur reconnaître le courage de ne pas faiblir lorsque tant d'autres se défilent...

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