13 juin 2012

Avé Jules ! Suite...

Un commentateur me fait observer à l'occasion de mon billet sur Jules Ferry, que ce n'est pas l'école qui a été rendue obligatoire au nom des grands principes républicains, mais l'instruction. Il a évidemment raison et je m'empresse de faire amende honorable. Pour ma défense je suis toutefois tenté d'invoquer le Président de la République lui-même qui dans son discours du 15/05/12, entretenant plus ou moins la confusion, rendait hommage à « la loi du 28 mars 1882 relative au caractère laïc et obligatoire de l'école ».
C'est dire que dans l'esprit de François Hollande, et de ses disciples, l'éducation ne peut se concevoir autrement que publique, donc sous la tutelle de l'Etat. « Nous devons tant à l'instruction publique » a-t-il martelé ce même jour.
En l'occurrence, la doctrine socialiste doit effectivement beaucoup à cette politique centralisatrice et monopolistique instituée par le lénifiant Jules Ferry. Le paradigme social dit « de gauche » a en effet pu prospérer dans ce bouillon de culture idéologique, ainsi que tous les leurres de la pensée égalitaire. Résultat, loin de booster l'ascenseur social comme le souhaitaient tant de gens bien intentionnés, loin de développer « la liberté souveraine de l'esprit » à laquelle aspirait Jaurès, elle a abouti à un nivellement des esprits assez désespérant.
Contrairement à une opinion répandue, les Etats-Unis ont bien mieux réussi dans cette entreprise... en faisant à peu près le contraire de nous, tout en poursuivant le même dessein : offrir à tout citoyen l'instruction. Mais ils se sont bien gardés de centraliser ou de nationaliser leur système éducatif, et ont laissé s'exprimer et s'organiser chaque fois que possible sur le terrain, les initiatives privées, tout en garantissant une liberté quasi totale en matière de programme scolaire. Pour le coup, le système américain, fondé vraiment sur la méritocratie laisse beaucoup moins d'élèves nécessiteux sur le carreau, ou tout simplement à la dérive. C'est sans doute difficile financièrement pour certains, mais chacun peut s'en sortir s'il en a la volonté. Le self-made-man n'est pas un vain mot.

En France, on est pétri de grands sentiments. A l'instar du nouveau chef de l'Etat, on ne saurait « accepter qu'un enfant ait plus de chances de réussir s'il a grandi ici plutôt que là ». Pourtant à force de s'en remettre à l'Etat pour tout, et de tout vouloir réglementer dans l'intérêt du peuple, on est parvenu à dénaturer le grand rêve de l'éducation pour tous.
L'Education Nationale est en passe de devenir un grand vaisseau fantôme sur lequel errent, sous la conduite hasardeuse d'un capitaine sans âme, des légions de professeurs désabusés, et d'élèves abouliques. Ceux qui en ont encore la force cherchent à fuir cet endroit de perdition. De plus en plus de parents inscrivent leurs enfants dans les écoles privées, si honnies, si vilipendées. Et pendant que le temple laïque de l'instruction républicaine perd peu à peu sa substance, on y injecte toujours plus de moyens...

09 juin 2012

Avé Jules !


Le mélange de dévotion et de répulsion avec lequel les politiciens tournicotent autour de la figure emblématique de Jules Ferry (1832-1893) a quelque chose de pathétique. Les simagrées et contorsions auxquelles ils se livrent pour tenter de séparer le bon grain de l'ivraie, au sein de l'héritage intellectuel du grand homme, est un signe des temps.
C'est en effet devenu un poncif que de distinguer, à l'instar de la fable évoquant le Dr Jekyll & Mr Hyde, deux hommes bien différents en un seul. L'un serait admirable, l'autre méprisable. Le premier s'élève aux cieux pour avoir paraît-il inventé le concept d'« école gratuite, laïque et obligatoire ». Le second doit être voué aux gémonies pour avoir exhorté « les races supérieures » à « civiliser les races inférieures » et chanté les mérites de la colonisation.
Faut-il que la pensée contemporaine soit formolée pour ne pas voir qu'il s'agit des deux facettes d'un même idéal, boursouflé de prétention et de paternalisme ! D'une sorte de don-quichottisme républicain, dont l'intrépidité centralisatrice n'a d'égale que l'inconséquence normative.

Avec ses grotesques favoris en forme d'aubergine, appendus à ses tempes molles de hobereau condescendant, Jules Ferry incarne trop bien la suffisance des grands principes et la calamité des certitudes idéologiques. Quelque soit le côté par lequel on aborde le personnage et son action, le même constat s'impose. Et si le zèle colonisateur est vilipendé par les Bouvard et Pécuchet du conformisme angélique contemporain, l'ambition éducative ne vaut guère mieux. Car les deux sont puisés à la même source.
Et dans les deux cas, les bonnes intentions se révèlent désastreuses : si la pitoyable déconfiture de l'aventure coloniale française relève de nos jours de l'évidence, la lente déroute de l'Education Nationale n'en est pas moins édifiante, et irrémédiable. Sans doute, parce qu'à l'instar de la colonisation, elle est fondée sur une série de leurres. 
Elle n'a de gratuite que le nom, puisqu'elle coûte chaque année plus de 4,2% du PIB (soit en moyenne 8150€ par élève), et affiche, sauf pour ceux qui ne veulent pas le voir, un rapport coût/efficacité des plus médiocres.
Sa prétendue laïcité n'est qu'un vain mot dont on se gargarise en France, au mépris de réalités criantes. Fondée initialement sur un anticléricalisme rétrograde et borné, elle s'avère incapable d'enrayer la montée des communautarismes qui gangrènent la société.
Enfin, son caractère obligatoire n'empêche en rien la dégradation régulière du niveau général des élèves, faute de souplesse, de pragmatisme, et à force de cultiver l'indépendance vis à vis du monde du travail, voire un mépris absurde pour celui des entreprises.
Le plus grave est l'instauration, au nom de l'égalité, de programmes nationaux d'origine gouvernementale, qui exposent par nature, au risque d'endoctrinement et rentrent en contradiction flagrante avec le souci de toute démocratie de développer l'émulation intellectuelle et l'esprit critique. Le morne consensus gauchisant et anti-libéral qui règne dans notre pays, l'attrait de la jeunesse pour la condition de fonctionnaire, tout cela s'explique probablement en grande partie par cet abêtissement généralisé, d'inspiration étatique.
La profession de foi du nouveau président de la république, qui avec onction et componction a inscrit d'emblée son action dans ce moule foireux, en invoquant la « réussite éducative » comme d'autres la méthode Coué, n'augure évidemment rien de bon...

Illustration : Jules Ferry par Georges Lafosse

22 mai 2012

Viva la Libertad !


On savait que l'auteur de la Tante Julie et le scribouillard avait une conscience politique.
Un ouvrage* paru récemment en donne toute la substance, au travers d'articles, de discours et de diverses prises de positions, allant des années soixante, jusqu'à 2009.
Édifiant parcours que celui de Mario Vargas Llosa, écrivain « engagé », c'est à dire de gauche, qui au fil de ses voyages, de ses observations, change du tout au tout, et va jusqu'à se présenter aux élections présidentielles péruviennes en 1990 au nom du libéralisme !
C'est qu'aux belles et romantiques certitudes qui peuplaient sa jeunesse, a succédé une prise de conscience, fondée sur le réalisme: « J'ai appris à quel point la frontière entre le bien et le mal est mouvante, et quelle prudence il faut avoir pour juger des actions humaines et pour décider des solutions à apporter aux problèmes sociaux si l'on veut éviter que les remèdes soient pires que le mal (1983). »
C'est aussi le sentiment d'avoir été floué par l'insidieuse sournoiserie des théories « progressistes » ce qui va l'amener à affirmer entre autres que : «c'est démagogie et mensonge que de prétendre transférer les entreprises d'un groupe de banquiers à la nation...»

A la lumière de cette nouvelle objectivité, l'écrivain voit sous un jour différent tout le sous continent sud-américain, et analyse d'un autre œil les péripéties qui marquent son histoire contemporaine. Au fil des textes rassemblés dans cet ouvrage, Vargas Llosa évoque avec une amère lucidité ses nombreux désappointements, les échecs, les gâchis, dont il fait le constat désabusé, mais aussi quelques espérances qui se font jour de ci de là.
L'exemple le plus édifiant est celui de Cuba.
Jusqu'en 1967, le régime castriste avait encore quelques vertus à ses yeux. Il reprochait à l'époque par exemple aux opposants et aux dissidents de « signaler les déficiences de la révolution et de taire les innombrables et éclatantes réussites». Selon cette optique, il contrebalançait la disparition de la liberté de la presse par la généralisation de l'alphabétisation, la disparition des partis politiques par la réforme agraire qui avait livré la terre aux paysans, l'abolition de la propriété privée par le fait que tous les cubains étaient devenus propriétaires de leur maison...
Ce n'est qu'en 1971 que ses yeux se dessillent, lorsque Fidel Castro à l'occasion d'une demande d'éclaircissements au sujet du sort du poète dissident Herberto Padilla, fustige brutalement les écrivains latino-américains qui vivent en Europe, leur interdit d'entrer à Cuba et les traite même de canailles.

A partir de ce moment, il prend peu à peu conscience des dérives auxquelles se laissent aller nombre de gouvernements, et des mensonges et méfaits dont se rendent coupables dictateurs et idéologues révolutionnaires, à l'encontre de peuples crédules ou impuissants.
Il est horrifié de constater par exemple, qu'en plus six décennies les gouvernants du Mexique, de l'Argentine, du Brésil ont été incapables de sortir leur pays du sous développement malgré leurs gigantesques ressources naturelles.
Et il égrène la longue litanie des ratages, aboutissant un peu partout en Amérique latine à la paupérisation, et souvent à des violences meurtrières.
Au Pérou évidemment, où s'est déchaînée la barbarie marxiste du Sentier Lumineux qui en deux décennies, sous la férule fanatique d'Abimael Guzman, tortura, assassina ou fit disparaître plus de 69000 personnes, la plupart très humbles.
En Colombie, où durant plus de 40 ans, sévirent les FARC, avec la même sauvagerie.
Haiti, dont «il n'y a pas dans l'hémisphère occidental, et peut-être au monde, de cas plus tragique», à cause d'une succession « de dictatures sanglantes, de tyrans corrompus et cruels ».
Au Chili, où l'élection d'Allende fut une calamité, mais où il déplore également la dictature de Pinochet qui ne fut pas à ses yeux « le général qui sauva le Chili du communisme, bien qu'il ouvrit conte toute attente, une voie pour la récupération économique et la modernisation de son pays».

Tout cela devrait selon Vargas Llosa, « remplir de remords et de honte le monde occidental », ou au moins l'amener à juger un peu objectivement cette lamentable déconfiture.
Par un navrant paradoxe, c'est souvent l'inverse à quoi on assiste. Ce qui conduit l'auteur à flétrir « l'irresponsable frivolité d'un certain progressisme occidental », la « fascination romantique pour les révolutions violentes qui semblent appartenir au passé dans les nations acquises à la démocratie », ou encore, « la facilité avec laquelle un bouffon du tiers-monde, pour peu qu'il maîtrise les techniques de la publicité, et les stéréotypes politiques à la mode, peut rivaliser dans la séduction des masses avec Madonna et les Spice Girls. »
Un exemple édifiant de cette sinistre comédie est celui de Raphael Guillen Vicente, obscur universitaire, auto-promu Sous-Commandant Marcos, qui se rendit responsable d'une abominable épuration paysanne au Chiapas, et en lequel Régis Debray a vu « le meilleur écrivain latino-américain de nos jours » ou que Alain Touraine – père de la nouvelle ministre de la santé – a qualifié de « démocrate en armes »... On peut évoquer également la personne de Daniel Ortega, chef charismatique des sandinistes au Nicaragua, dont Vargas-llosa décrit les vices et turpitudes, alors qu'il bénéficia d'une image de marque très surfaite au sein de l'intelligentsia gauchisante.
Et naturellement, les figures qui illustrèrent la révolution cubaine, pour lesquelles il y eut tant de complaisance, notamment en France. A ce sujet, Vargas-llosa est catégorique : « C'est une insulte à l'intelligence que de prétendre faire croire que la façon la plus efficace d'obtenir des concessions de Castro est l'apaisement, le dialogue et les démonstrations d'amitié avec sa tyrannie. »

Si Vargas-llosa rejette toute faiblesse vis à vis des dictatures, il n'en est pas moins conscient de la fragilité de la démocratie face au terrorisme, et en appelle à ne pas céder à la fatalité. Il constate en effet avec dépit, que ce dernier se déchaîne d'autant plus que le pouvoir s'ouvre à la démocratie : «pour la logique de la terreur, vivre en démocratie et en liberté est un mirage, un mensonge, une conspiration machiavélique des exploiteurs pour maintenir les exploités dans la résignation ». Plus pervers encore selon lui, « ce qu'un homme convaincu d'agir au nom des victimes désire en déposant des bombes, c'est que les pouvoirs publics se déchaînent contre ces victimes dans leur quête de coupables, les agressent et les violentent. »
Vargas-llosa exhorte donc à ne pas se laisser illusionner par les discours malfaisants de ceux qui appellent à l'insurrection, selon lesquels les élections, la presse libre, le droit à la critique, les syndicats représentatifs ne sont que « pièges et simulacres destinés à déguiser la violence structurelle de la société, à aveugler les victimes de la bourgeoisie... » Tout ça n'est que tromperie, aboutissant lorsque par malheur ce genre de charlatan arrive au pouvoir, à la suppression des libertés. On se rappelle la manière expéditive avec laquelle Castro, triomphant, supprima tout retour en arrière : « A quoi bon des élections, puisque le peuple a tranché ? »

Parmi les dangers auxquels sont exposées les sociétés démocratiques, particulièrement si l'ouverture à la liberté est récente, figure le mythe du paradis socialiste sur terre. Celui-ci a la peau dure. En Amérique du Sud, profitant de la naïveté de populations peu éclairées, il s'est nourri souvent de l'idéal généreux véhiculé par la religion catholique, lequel a notamment donné naissance à la désastreuse théorie de la libération. Au Nicaragua, on a assisté à la collusion de l'église avec la rébellion, le clergé considérant ouvertement la révolution comme « une occasion propice pour réaliser l'option de l'église pour les pauvres » (lettre pastorale1979).
Lorsque de pareilles croyances trouvent un terreau favorable, il n'est quasi aucune limite à l'errance populaire, quasi aucune borne aux dérives idéologiques, et quasi aucune barrière à l'obscurantisme.

Vargas-Llosa ironise par exemple, sur la rébellion dite des « brise-kilos » qui à la fin du XIXé siècle au Brésil, refusaient le système métrique adopté par le gouvernement pour faciliter les échanges commerciaux avec le reste du monde. Entraînés par un prédicateur fanatique, les révoltés commirent de nombreuses destructions, des vols et même des meurtres.
Il évoque dans le même registre, le poète péruvien Augusto Lunel qui déclara dans son manifeste insurrectionnel: « Nous sommes contre toutes les lois, à commencer par la loi de la gravité »
Ces anecdotes pourraient prêter à sourire, si l'actualité ne leur donnait sans cesse de nouveaux prolongements. Ainsi les brise-kilos de nos jours sont pour Vargas-llosa ces milliers de jeunes latino-américains qui, mus par un noble idéal, sans doute, sont accourus manifester à Porto-Alegre, contre la globalisation, un système aussi irréversible à notre époque que le système métrique... A l'instar de ce dernier, la globalisation n'est ni bonne ni mauvaise. Elle relève du simple bon sens. Le bien ou le mal qu'elle apporte dépendent non d'elle-même mais de ce qu'en font les gouvernants.

Vargas-llosa se livre également à une sévère critique du nationalisme, souvent invoqué pour désigner des boucs émissaires, et au nom duquel on prétend protéger sa culture, son exception, son indépendance, mais qui enferme, isole et en définitive stérilise.
Le nationalisme, selon l'écrivain est la culture des incultes et il prospère tant que ceux-ci sont légions. A l'évidence il n'existe pas de cultures totalement indépendantes ou émancipées, ni rien qui y ressemble. Il existe des cultures pauvres et riches, archaïques et modernes, faibles et puissantes. « Dépendantes, elles le sont toutes.../... et aucune ne s'est forgée, développé et n'a mûri sans se nourrir des autres et sans à son tour, en alimenter d'autres... »
Condamner le nationalisme culturel, comme une atrophie pour la vie spirituelle d'un pays, ne signifie évidement pas dédaigner le moins du monde les traditions et modes de comportement nationaux ou régionaux, ni contester qu'ils servent, même de façon primordiale, des penseurs, artistes, techniciens et chercheurs du pays pour leur propre travail.
Vargas-llosa réclame dans le domaine de la culture, la même liberté et le même pluralisme que ceux qui doivent régner en politique et en économie dans une société démocratique.
Comme la globalisation, les moyens de communication de masse ne sont pas coupables de l'usage médiocre ou erroné qu'on en fait.

En définitive, Vargas-Llosa se pose par simple lucidité, au rang des défenseurs du libéralisme, et s'il reste malheureusement assez minoritaire parmi les grandes consciences d'Amérique du Sud, son propos n'en a pas moins de force. Car il repose sur l'expérience et le vécu, tandis que l'argumentation s'appuie sur la raison, et sa mesure, sa sagesse l'inscrivent dans la meilleure tradition humaniste.
Les perspectives sur lesquelles s'ouvre sa réflexion sont si larges qu'elles devraient trouver un écho favorable dans le cœur et l'esprit de tout homme libre.
On peut en retenir à titre de conclusion, trois pensées de portée universelle :
- »Les acquis de la démocratie sont fragiles et le passé récent apprend que la civilisation ne prémunit pas contre le retour de la barbarie, que « les humanités n'humanisent pas » (Steiner). Ceux qui institutionnalisèrent le sadisme au nom du National-Socialisme étaient des hommes éclairés par l'intelligence de Goethe et des esprits sensibles que la poésie de Rilke ou la musique de Wagner émouvaient jusqu'aux larmes. Ceux qui torturèrent, déportèrent, exécutèrent des millions d'êtres humains au nom du Socialisme Communiste, revendiquaient l'idéal de justice, d'émancipation, de liberté...
-Ce qui s'est produit avec le socialisme est, sans doute, une désillusion qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire...
-C'est très grave lorsque la conscience de l'individu abdique devant une prétendue conscience supérieure collective » (1979)

* Manuel Vargas-Llosa : De sabres et d'utopies. Arcades. Gallimard. 2011

14 mai 2012

Liberté Intérieure


Tandis que le pays s'abandonne avec une délectation morbide aux délices trompeuses de Capoue, et aux saveurs délétères des satisfactions revanchardes, je m'en retourne à mon sillon jouxtant humblement le chemin de la liberté.
La liberté ! Cela semble hélas bien le cadet des soucis de ce peuple chancelant, gavé de l'illusion matérialiste, aveuglé par la fallacieuse nitescence du lupanar égalitaire. Ce peuple qui erre, sans autre foi, sans autre horizon que celui de la tutelle bienveillante de satrapes omnipotents.
 
Sur ce monde crépusculaire, les vapeurs ankylosantes du Big Government se répandent à la faveur de la vacuité spirituelle contemporaine, contaminant mortellement une jeunesse naïve.
Comme une fleur fragile, la liberté doucement se flétrit à force d'être négligée. Trop abondante, on n'y prête plus attention. Incapable d'en mesurer le prix, on en gaspille avec insouciance l'essence. Elle se meurt dans l'indifférence bien intentionnée des fêtes dérisoires qui font mine de la célébrer tout en l'asphyxiant !

En terminant un ouvrage consacré à Montaigne (1533-1592) par Stefan Zweig (1881-1942), ce sentiment au goût un peu amer en sort encore renforcé. L'auteur inscrit en effet le portrait du sage d'Aquitaine, dans cette problématique fondamentale : « Comment rester libre ? ».
Plus précisément, « Comment préserver l'incorruptible clarté de son esprit devant toutes les menaces et les dangers de la frénésie partisane, comment garder intacte l'humanité du coeur au milieu de la bestialité ? »
« Comment échapper aux exigences tyranniques que veulent m'imposer contre ma volonté l'Etat, l'Eglise ou la politique ? »
La philosophie que cette pensée sous-tend est à l'exact opposé des lubies holistiques propagées par nombre de démagogues : « Il [Montaigne] aurait souri à la pensée de vouloir transposer sur d'autres hommes, et plus encore sur les masses, quelque chose d'aussi personnel que la liberté intérieure, et il a détesté au plus profond de son âme, les réformateurs professionnels du monde, les théoriciens, les marchands d'idéologie. »
Car bien davantage qu'une notion collective, la liberté est un concept que chaque individu se doit de porter en lui. Il n'y a aucun mérite à vivre dans un monde libre. C'est juste une chance, dont on mesure le prix souvent trop tard. La vraie force est de pouvoir rester, quelque soit le contexte, un homme libre, car «seul celui qui reste libre de tous et de tout accroît et préserve la liberté sur terre.»

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Il y avait plus qu'une analogie entre l'époque de Montaigne et celle où vivait Zweig. Dans un cas, la Renaissance avait apporté la culture, l'humanisme, une certaine prospérité, et tout cela basculait brutalement dans le fanatisme et la reviviscence d'affreuses guerres de religions. Le début du vingtième siècle avait quant à lui fait souffler sur le monde un vent de modernité, permettant tous les espoirs et une amélioration sans précédent de la qualité de vie. Et tous les rêves étaient en train de se transformer en cauchemars, alimentés par la survenue brutale de crises économiques et le retour d'effroyables idéologies menant à de meurtriers conflits.
Mais comment ne pas voir se prolonger jusqu'à nos jours cette sombre impression de gâchis ? Comment ne pas transposer à la mondialisation « libérale » actuelle, aux bienfaits qu'elle a répandus depuis quelques décennies, et aux convulsions qui la parcourent en ce moment, la description que fait Zweig du temps de Montaigne : « Le monde était soudainement devenu vaste, plein, riche.../... l'humanisme promettait une culture unifiée, cosmopolite.../... Les distances, les frontières entre les peuples disparaissaient, car l'imprimerie, que l'on venait d'inventer, donnait à chaque mot, à chaque pensée, la possibilité de s'élancer, de se répandre.... » « Et autre miracle, comme le monde spirituel, le monde terrestre s'élargissait à des dimensions insoupçonnées... »
« Les artères du commerce avaient des pulsations plus rapides, un flot de richesses se répandit sur la vieille Europe, créant le luxe, et le luxe créait à son tour des édifices, des tableaux, des statues, tout un monde embelli, spiritualisé.../... Un indicible espoir anima l'humanité déjà si souvent déçue et, de milliers d'âmes, jaillit le cri d'allégresse de Ulrich von Hutten : « Quelle joie que la vie ! »
Et comment ne pas être saisi d'effroi à l'idée que tout cela puisse disparaître dans le tourbillon des théories, des idéologies, de la même manière que dans le passé l'obscurantisme et la démagogie eurent raison du progrès, car «toujours, quand la vague monte trop haut et trop vite, elle n'en retombe que plus violemment, comme une cataracte.../...La réforme qui rêvait de donner à l'Europe un nouvel esprit chrétien, provoque la barbarie sans exemple des guerres de religion, l'imprimerie ne diffuse pas la culture, mais le Furor Theologicus, au lieu de l'humanisme, c'est l'intolérance qui triomphe... »
Montaigne, en dépit du style un peu sévère de ses écrits, n'a rien perdu de son actualité. Plus que jamais ses leçons devraient être méditées en ces temps troublés qui envahissent de plus en plus notre quotidien et qui voient pulluler les pseudo-prophètes et les vendeurs de solutions toutes faites.
Plus que jamais, à l'instar de Zweig, on peut voir en Montaigne « l'ancêtre, le protecteur et l'ami de chaque homme libre sur terre, le meilleur maître de cette science nouvelle et pourtant éternelle qui consiste à se préserver soi-même de tous et de tout. »
On peut se pénétrer de cette pensée profonde qui dit « qu'il n'est qu'une erreur et qu'un crime : vouloir enfermer la diversité du monde dans des doctrines et des systèmes. »
Et on peut s'inspirer de la modestie philosophique qu'il incarne, dans une lignée qui va de Socrate aux Pragmatiques, qui ne revendique « ni dogme, ni enseignement, ni loi, ni système, rien qu'un exemple : l'homme qui se cherche en tout et qui cherche tout en soi. »
D'où la fameuse maxime : Que sais-je ?
Stefan Zweig : Montaigne. Quadrige/PUF 2011

08 mai 2012

Appel à contre-courant


Derrière les commémorations consensuelles du 8 Mai, se noue un épisode climatérique de la vie de notre pays.
Ce n'est certes pas que le président de la république fraîchement élu manque de perspective ou d'ambition. Au contraire, elle paraissent si présomptueuses, ou bien d'une telle naïveté qu'elles sidèrent : «Le 6 mai doit être une grande date pour notre pays, un nouveau départ pour l'Europe, une nouvelle espérance pour le monde.» (Tulle 6/05/12).
Advienne que pourra ! L'avenir jugera...
Encore abasourdi par ce doux délire, c'est en parcourant le Wall Street Journal que je prends connaissance d'un appel signé par 21 économistes français, paru juste avant le scrutin présidentiel. Il n'y va pas par quatre chemins et a évidemment peu de chance d'inspirer la nouvelle politique française. Mais il y eut tant d'initiatives venant de l'autre bord, dont les médias se sont fait un tel écho, que je me permets modestement ici de lui donner le mien, infime, mais qui sait ? Les petits ruisseaux finissent parfois par donner de grandes rivières... Et l'esprit de liberté ne doit jamais se résigner à l'abandon.

« Le programme de François Hollande et de ses amis socialistes procède de motivations démagogiques, mais qui sont illusoires et destructrices : augmenter le SMIC au lieu de libérer les énergies, punir les riches au lieu d'inciter tout le monde à l'effort productif, dépenser pour stimuler la croissance (en fait pour acheter des clientèles) au lieu d'utiliser au mieux les ressources. Le socialisme n'a jamais réussi, sous sa forme extrême - le communisme - comme sous sa forme plus modérée – la social-démocratie. Il est en effet incontestable que la prospérité est étroitement corrélée au degré de liberté économique.
Comment peut-on encore, au XXIème siècle, après des décennies et des siècles de réflexion et d'expériences, croire à des recettes qui relèvent plus de la magie incantatoire que de la science ? Comment peut-on croire que l'Etat peut manipuler l'économie comme le ferait un conducteur de locomotive en poussant quelques manettes ? Comment peut-on imaginer qu'il suffirait de fabriquer ex nihilo des unités monétaires irréelles pour que les hommes se mettent à produire plus ? Comment croire qu'un État peut promouvoir la croissance par le seul fait qu'il dépense plus, sans se rendre compte qu'il prélève par l'impôt ou par l'emprunt les ressources nécessaires à ses gaspillages et à ses dépenses démagogiques?
La croissance ne se décrète pas, elle est le résultat non planifiable des décisions et des actes innombrables d'individus capables d'efforts et d'imagination. Mais pour cela il est indispensable de ne pas freiner leurs élans par des contraintes réglementaires paralysantes ou des impôts spoliateurs. C'est dire que la politique socialiste qu'un François Hollande ferait si, malheureusement, il accédait au pouvoir suprême, avec le soutien de ses alliés inévitables - communistes et écologistes - ne pourrait produire que la stagnation économique, un chômage et une pauvreté accrus, un endettement public insupportable.
Il est tragique qu'on puisse penser qu'on va améliorer le sort de certains en punissant et en spoliant les autres. Nous sommes tous solidaires dans une société humaine et il est dans l'intérêt de tous d'inciter chacun à donner le meilleur de lui-même. La France souffre depuis des décennies d'une faible croissance, d'un chômage élevé, mais aussi du manque d'espoir qui frappe en particulier les plus jeunes. Malheureusement, nous ne sommes pas sortis du socialisme, des étatistes de droite ayant succédé aux étatistes de gauche. Pour rendre l'espoir aux Français il n'y a qu'une solution : sortir du socialisme. Y rentrer plus profondément ne pourrait être qu'une funeste erreur… »
Les signataires s'engagent en tant qu'économistes professionnels et n'appartiennent à aucun parti politique
Florin Aftalion (ESSEC), Charles Arnoux (Univ. Aix-Marseille), Jacques Bichot (Univ.Lyon-3), Gérard Bramoullé (Univ. Aix-Marseille), Jean Pierre Centi (Univ. Aix-Marseille), Liliane Debroas (Univ. Aix-Marseille), André Foursans (ESSEC), Georges Gallais-Hamonno (Univ. Orléans), Jacques Garello (Univ. Aix-Marseille), Guido Hülsmann (Univ. Angers), Georges Lane (Univ. Paris-Dauphine), Jacques Lecaillon (Univ. Paris-2-Assas), Jean-Didier Lecaillon (Univ. Paris-2-Assas), Bertrand Lemennicier (Univ. Paris-2-Assas), Henri Lepage (Institut Turgot), Jean-Yves Naudet (Univ. Aix-Marseille), Patrice Poncet (ESSEC), Alain Redslob (Univ. Paris-2-Assas) Pascal Salin (Univ. Paris-Dauphine), Anne Tassy (Univ. Aix-Marseille), Alain Wolfelsperger (Science-Po Paris)

06 mai 2012

Hollande : 1, France : 0


Et bien ça y est !
Les distillateurs de haine ont gagné (d'une très courte tête). A leur instigation, les Français ont choisi de courir le risque du glissement vers l'abîme, plutôt que de réélire un homme que la propagande n'a cessé par pur principe, cinq années durant, et à tout propos, de présenter sous un jour odieux (qu'on me pardonne ce soir quelques outrances et un titre à la mesure de mon dépit; c'est peu de chose à côté de tout qui fut déversé ces derniers temps pour tenter de salir la réputation du chef de l’État sortant...)
Le « peuple de gauche », qui a démontré lors de cette campagne, qu'il incarnait plus que jamais l'intolérance, l'esprit de clan, et la morale étriquée de petit-bourgeois a donc réussi à rallier quelques crédules désorientés pour porter au pouvoir le bureaucrate, l'énarque, le politicard. Celui qui représente mieux que quiconque tout ce qu'on nous présente habituellement comme détestable, qui plus est, au service d'une idéologie autrefois mortifère, aujourd'hui simplement faisandée. Celui qui n'a aucune expérience en dehors des grenouillages de parti, celui-là même dont l'ancienne épouse affirmait qu'il n'avait jamais rien fait, et que ses « chers amis » qualifiaient de « problème », quand ils n'évoquaient pas à son sujet la mollesse d'un flan ou le charme microscopique d'une fraise des bois !
Aujourd'hui, tout ce petit monde, rassemblé aux basques du grand homme par la force des choses, se transforme en une nuée de courtisans zélés. Le discours a bien changé. Il est passé du quolibet à la flagornerie. Chacun y va de son compliment. La distribution des portefeuilles et des prébendes va commencer... Il faut voir accourir tous ces gens sans vergogne, comme un seul homme !

Mais, puisqu'il est difficile d'attribuer à François Hollande le talent de galvaniser les foules, puisqu'il ne déclenche guère l'enthousiasme, et pas vraiment d'espérance, force est de reconnaître que Nicolas Sarkozy doit sa défaite au moins autant à ses propres faiblesses qu'aux mérites de son adversaire.
Car pour le coup, il a vraiment déçu une bonne partie de ceux qui lui ont fait confiance. Passons sur ses erreurs de communication, qu'il lui eut pourtant été si facile d'éviter. Positionné au vu de ses propositions comme un libéral (au sens français du terme), il aura une fois encore trahi cette cause et cédé aux sirènes keynésiennes ou socialisantes. En pure perte. 
A une ou deux exceptions près, sa politique et restée enfermée dans les dogmes étatistes les plus classiques. Face à la crise, les résultats ne furent guère convaincants, même si le spectre de la faillite du pays a été temporairement repoussé.
Dans la même veine, sa stratégie audacieuse d'ouverture à la gauche se révéla un échec cuisant. Quel intérêt avait-il donc à tenter de rallier des gens qui n'ont eu de cesse de le haïr quoiqu'il dise et quoiqu'il fasse ? Non seulement ce fut inefficace, mais personne ne lui en sut gré, bien au contraire. Moralité : on ne traite pas avec la gauche. Sectaire elle est, sectaire elle reste.
Vis à vis du Front National et des problématiques qu'il soulève, la stratégie sarkozienne fut totalement incohérente. Lui ou ses proches ont souvent parlé comme Marine Le Pen, ont fait des œillades appuyées à ses électeurs, et dans le même temps, ont continué de traiter le FN lui-même comme un parti infréquentable. C'est peu dire que l'ouverture en ce sens n'a pas fonctionné non plus ! Tandis qu'au PS on se vautre dans les compromissions avec les enragés du drapeau rouge et les nostalgiques de 93, et qu'on ose appeler cela « désistement républicain », à droite on croit bon, par je ne sais quelle pudibonderie, de s'enfermer dans un stupide rejet d'un parti qui représente peu ou prou 15% des électeurs !

En définitive, au cours de son mandat, Nicolas Sarkozy n'aura fait qu'appliquer à la marge, ce qu'il avait annoncé. Suffisamment pour continuer d'être qualifié de laquais du Grand Capital, mais pas assez pour décrasser le pays de ses funestes lubies. Plus que jamais, une question taraude : A quoi bon mettre en avant des idées si ce n'est pas pour les mettre en pratique ? Curieux paradoxe en France, qui veut que les élus fassent si souvent le contraire de ce qu'on attend d'eux...
Faudra-t-il à l'instar de Tony Blair en Angleterre, que la vraie révolution libérale vienne de la gauche, puisqu'elle ne peut venir de là où on l'espère ? On risque d'attendre longtemps hélas, vu l'archaïsme du socialisme français, attaché qu'il est au boulet de l'Etat-Providence et toujours sous l'emprise de l'aliénation communiste.

Il y a au moins une chose qui porte à la consolation lorsqu'on est affligé par le résultat de cette élection : il n'y a plus guère de risque d'être déçu désormais ! Le petit père Hollande, au regard si soyeux sous ses paupières en capotes de fiacre, ne peut désillusionner que ses propres partisans. Soit par un sursaut de pragmatisme mitterrandien, il va les tromper en faisant l'inverse de ce qu'ils attendent, et il sera même jouissif pour ceux qui n'ont jamais cru à ses promesses, de le voir manger son chapeau dans les instances internationales, soit il appliquera comme prévu son calamiteux programme et c'en est fait de ce qu'il restait de prospérité et d'importance pour notre pays. Ce sera l'appauvrissement généralisé, la déchéance pour tous, la médiocrité à tous les étages. Le socialisme quoi...
Une chose est sûre, si le changement annoncé était évidemment un leurre, l'avenir c'est maintenant. Il n'y aura pas d'état de grâce...

30 avril 2012

Printemps Socialiste


Un vrai temps de socialiste ! Pluie, vent, froid, tous les frimas sont au rendez-vous pour ce qu'on annonce déjà comme le printemps socialiste de la France !
Ça n'empêche en tout cas pas le candidat putativement "entrant", fardé, coloré, lustré comme une cocotte et sapé comme un banquier, de se préparer, et de son sourire un peu niais, distribué à tous vents, se féliciter à l'avance du triomphe romain que sa cour lui promet.
C'est peu dire qu'à part les aficionados, l'impétrant (comme dirait Montebourg) ne déchaîne pas l'enthousiasme dans le pays. Rarement on aura vu un programme à la fois si à côté du contexte et si creux et flou en substance. Aussi attractif qu'un vide grenier en fin de journée ! Rarement on aura vu une campagne basée de manière aussi primaire sur la haine d'un homme plutôt que sur le contenu des projets ou l'adhésion à une dynamique personnelle.

Alors évidemment, il faut jusqu'au bout tenter par tous les moyens, de discréditer l'adversaire. A ce jeu les Socialistes sont très forts. Ils ont hérité de la bonne vieille dialectique marxiste léniniste. En dépit des remugles peu ragoûtants venant de gauche depuis des décennies, en dépit des fortunes sur lesquelles roulent avec indécence la plupart de leurs apparatchiks, ils continuent de chanter que le bien et la solidarité sont de leur côté. Vieille rengaine !

Mais tout ça n'est rien en définitive comparé aux torves tentatives de disqualification que la Gauche réunie croit bon d'utiliser pour emporter la conviction ce 6 mai prochain.
Dans le genre, l'affaire Médiapart-Khadafi est un sommet de bouffonnerie. A peu près du niveau des théoriciens du complot qui prétendaient que les attentats du 11 septembre 2001 avait été fomentés par George Bush ! L'énormité et l'invraisemblance de l'accusation est à la mesure de la fureur revancharde de ces paparazzi de latrines.
La relance de l'affaire DSK, par une prétendue interview de ce dernier au Guardian (aussi vite démentie) est du même tonneau. Mais tant va la cruche à l'eau qu'un jour elle casse. L'histoire pourrait aisément se retourner. Qui avait donc le plus intérêt à voir chuter DSK, sinon M. Hollande ? Ils étaient ennemis jurés et on sait que DSK avait annoncé que lui candidat (et a priori élu comme on l'affirmait déjà), il n'y aurait rien pour l'autre....
Il y a aussi ces pelletées d'abominations charriées par une presse dont l'esprit partisan est hallucinant : rappeler sur le nom de Nicolas Sarkozy le souvenir de Pétain (Le Monde, L'humanité, Libération...), titrer avec rage en couverture de Marianne, à propos de l'actuel chef de l'Etat, qu'il serait la honte de la Vè république...
Que feront donc tous ces cireurs de pompes gauches, ces accusateurs zélés soumis jusqu'à l'os à l'idéologie socialiste lorsque leurs thuriféraires auront fait main basse sur à peu près tous les leviers de commande que le pays compte ? Pour l'heure, leur pudibonderie démocratique ne semble absolument pas effarouchée par cette perspective lamentable. Comme ils n'ont jamais été gênés par les odeurs d'égouts qui transpirent des soupiraux soit-disant "progressistes" depuis si longtemps.
La curée fait rage. Même les juges s'y mettent ! Le Syndicat de la magistrature qu'on sait par nature si indépendant, n'éprouve aucune honte à prendre parti sans ambiguïté pour "son" candidat...
N'en déplaise aux distributeurs agréés de petite vertu, il existe des Français dégoûtés par cette arrogance. Peut-être finiront-ils par le dire au moment où on ne les attend plus...

26 avril 2012

Un petit tour de pédalo ?


Nicolas Sarkozy, le « candidat sortant » paie lourdement et assez injustement ses erreurs de communications, mais bien plus grave à mes yeux, un certain manque de convictions. Son quinquennat aura été marqué par trop de revirements et d'inconséquences pour qu'on en retienne une ligne directrice claire. Il y eut des choses sympathiques sans nul doute, mais quel brouillamini en définitive ! L'étatisme n'a en rien été entamé, et pas davantage la bureaucratie planificatrice, centralisatrice et déresponsabilisante. En dépit de velléités, il n'a pas vraiment réussi à placer la France dans une perspective nouvelle pour affronter les défis du monde contemporain. Résultat, ses adversaires n'ont pas changé d'opinion et il est probable qu'il a déçu un certain nombre de ceux qui espéraient en lui. Pourtant, et cela montre le niveau du débat politique, il reste le candidat le plus crédible, celui qui a – et de loin – la meilleure stature internationale, ce qui est un atout majeur. Mais ses contradictions et ses tergiversations au sujet du modèle de société vont peser très lourdement dans la décision. Est-il possible que s'inverse le cours annoncé des événements ? Peu probable, ou bien cela relèvera de l'exploit...

En face, François Hollande, en dépit d'une formidable pression médiatique en sa faveur (et au discrédit de Nicolas Sarkozy), ne déclenche aucun enthousiasme, aucun élan populaire. Son discours évoque irrémédiablement le vieux radis (vaguement rose à l'extérieur, blanc à l'intérieur et si désespérément creux...) Il n'a certes pas eu besoin de forcer son talent, ni même à trop gauchir son discours. Le changement, mon œil ! Quelques grosses ficelles et attrape-nigauds démagogiques et le tour semble joué. Il a soigné sa ligne, changé de costume, surfe mollement sur le mécontentement, et cela pourrait suffire tant l'anti-sarkozysme est devenu fort.

Après nous avoir joué le rôle de la gauche dure, robespierriste sinon bolchevique, après s'être gargarisé d'appels à la révolution, Jean-Luc Mélenchon s'aplatit comme une limande devant le candidat PS qu'il accusait d'être l'incarnation du conformisme petit bourgeois et de la veulerie vis à vis de la mondialisation et du capitalisme honnis. Étrange retournement de situation. Tout n'était que manœuvre. Après avoir ratissé les résidus des gauches les plus archaïques du monde, l'objectif était donc simplement de ramener le butin sur un plateau au capitaine de pédalo. Ce dernier savoure cette reddition sans sourciller, avec condescendance, mais les gogos seront-ils gogos à ce point pour croire à de telles simagrées ? Peut-être hélas...

Le Front National reste le problème incontournable de la vie politique française. L'espoir d'avoir enrayé la machine infernale en 2007 est cruellement démenti. Force est de constater que le piège ourdi par Mitterrand fonctionne encore ! Et plus que jamais Marine Le Pen espère la victoire du camp socialiste, qui fera fructifier son pré-carré et risque de lui ouvrir de belles perspectives pour dans cinq ans et sans doute même avant. Surtout si le retour de la proportionnelle permet à son parti d'accéder aux tribunes représentatives. La preuve semble faite qu'on ne résoudra pas le problème en ignorant, en ostracisant, ou pire en insultant le Front National ou ses électeurs. Seule la dédiabolisation peut laisser espérer le retour d'un climat politique plus serein. Madame Le Pen paraît prête à cette éventualité, et décidée à briser l'isolement forcé dans lequel reste enfermé son parti. Si le chef de l'Etat perd cette élection, la recomposition de la droite sera-t-elle à l'ordre du jour ?

Quant à François Bayrou, il passe sans doute définitivement à côté de son destin à cause d'un entêtement morbide et d'un égocentrisme invétéré. A force de pratiquer la logique circulaire jusqu'à l'absurde, il est certes au centre, mais celui-ci devient une vraie singularité. Un point microscopique autour duquel tourne avec une superbe indifférence pour lui le microcosme politique. A contrario du Front National le MODEM est totalement isolé par la seule volonté de son leader. Par voie de conséquence il est en passe de s'effondrer sur lui-même, comme un trou noir. Belle satisfaction !

S'agissant des autres, après qu'on a beaucoup trop entendu parler d'eux, les voilà ramenés brutalement à l'importance qu'ils méritent, celle de roupie de sansonnet...

A l'image du calme précédent les cyclones, il règne dans le pays un étrange flottement. La crise est bien là, toute proche et tout se passe comme si personne ne la voyait vraiment. On l'évoque par allusion, mais aucune stratégie pragmatique ne paraît vouloir s'y opposer.
A l'approche de terribles turbulences, les Français vont-ils succomber à l'envie d'essayer un petit tour de pédalo ? Hélas, ça semble bien possible...

22 avril 2012

Printemps


Le blé en herbe monte à l'assaut d'horizons
Qu'il défroisse gaiement des gangues hivernales
Et dans l'éclat mouvant des clartés matinales
Sa verdeur conquérante ébranle les saisons.

Des arbres nus déploient d'intenses floraisons
On dirait dans l'air frais, des hampes virginales
Attendant des pollens les ondées séminales
Et du soleil tout neuf l'or des inclinaisons.

Pourtant cette impression de premier jour du monde
N'est au vrai qu'un reflet, bien qu'il soit enivrant,
Du recommencement. Comme une horloge ronde

Qui ramène sans cesse au début du cadran
Ses aiguilles sans âme, et méchamment rappelle
Au rêveur hors du temps que la vie est mortelle...

Illustration : Van Gogh, le blé en herbe (détail)

16 avril 2012

Epître aux rêveurs de gauche


En entrant chez Mollat il y a quelques jours à peine, et en parcourant distraitement le rayon où s'accumulaient une pléthore de livres politiques de circonstance, je tombai sur un opuscule au titre accrocheur : "Rêverie de gauche". 
Venant de Régis Debray, je ne me fis en la circonstance, aucune illusion. Certains le disaient rangé des voitures, ayant abandonné tous ses engagements politiques calamiteux du passé. Tu parles !
Le voici qui participe à sa manière au festival de lubies préélectorales en essayant in extremis, de redorer le blason poussiéreux d'une idéologie fort décatie. Y croit-il encore lui-même ? Y a-t-il une chose réelle à laquelle il a cru ? Ou bien fait-il semblant de croire à tous les avatars de la frivolité bien pensante, qu'il a fait mine d'épouser à la manière d'un rebelle des beaux quartiers ? Difficile à dire tant cet homme s'est trompé sur à peu près tous ses engouements, et tant il change de teinte comme les caméléons, pour mieux être en harmonie avec l'environnement médiatique. Force est de constater en tout cas, qu'il a troqué le rouge sang des révolutions pour le le rose bonbon des rêveries sucrées du socialisme à l'eau tiède.
 
Aujourd'hui, celui qui fit ami-ami avec tout ce que l'Amérique du Sud compta de révolutionnaires communistes, pontifie tranquillement dans les salons parisiens, et comme sa pensée s'avère prolifique, chaque nouveau livre est l'occasion pour lui de débiter sa morale poussive, aux vagues relents marxiens, avec la molle onctuosité d'un chanoine pansu. Lui qui dans un élan lyrique inconsidéré qualifia le gangster mystificateur mexicain, auto-proclamé « Sous-Commandant Marcos », de « meilleur écrivain latino-américain de nos jours ». Lui qui fut un des zélés courtisans de François Mitterrand, et ne fut en aucun cas choqué des fastes et de l'argent facile, dans lesquels « le dernier grand homme à la symbolique républicaine » (sic dixit wikipedia) se plaisait à évoluer. Lui qui ferme depuis si longtemps pudiquement les yeux sur toutes les turpitudes pourrissant jusqu'à la moelle l'idéal « de gauche » (cf l'édifiant aperçu qu'en donne Tippel à la suite du billet précédent). Le voilà qui commence son dernier ouvrage en évoquant depuis 2007, « les cinq ans de vulgarité friquée qui nous ont tant fait honte » !
Décidément, la gauche m'étonnera toujours par son inconséquence hallucinante et sa propension incroyable à se croire d'une essence supérieure... Un peu plus loin, un passage confirme cette indécrottable vanité qui confine au manichéisme, ou plus simplement à la grandiloquence stupide : "La gauche (...) a dans son ADN un pacte avec la durée, parce qu'elle est transmission, transport d'une information rare le long du temps. La droite matérialiste et frétillante a partie liée avec le jour-le-jour, parce qu'elle est communication, information emplissant l'espace. L'une au risque d'être un peu chiante ne peut s'empêcher de penser "éducation"; l'autre est à l'aise dans le volatil, rien à craindre des paillettes, elle est chez elle en culture de communication".
Évidemment, ces quelques phrases artificieuse me dégoûtèrent d'en lire davantage. Je laissai la pile de bouquins en l'état, en y ajoutant au dessus, un livre à la gloire de Nicolas Sarkozy, rien que pour le plaisir...

06 avril 2012

Les nouveaux habits rouges de M. Mélenchon


Dopé par les sondages qui flambent, et les médias qui s'ébaudissent à ses diatribes ébouriffantes, Jean-Luc Mélenchon ne se sent plus. Le bateleur s'enivre de ses propres paroles. Il éructe ses imprécations avec une hargne féroce qui va crescendo. Accroché à une idéologie moribonde, qui s'effiloche pourtant même à Cuba, il déploie une énergie insensée à raviver les braises encore fumantes. Eh oui ! Avec la Corée du Nord, force est de constater qu'il est un autre pays où l'on peut encore prendre au sérieux ces sornettes lamentables, imprégnées d'une démagogie nauséabonde.

A l'occasion de ce grand ménage de printemps, Mélenchon le « tribun », parade, flanqué de sbires patibulaires, ressortis du sinistre musée de cire du communisme. Les têtes contorsionnées rappellent la vieille époque où le PC encensait le Petit Père des Peuples. Encore sous l'effet de la naphtaline, elles ne semblent pas vraiment croire à ce retour en grâce si improbable...

L'horloge de l'histoire semble s'être arrêtée il y a longtemps pour ces gens. Pour l'heure, ce sont les mânes de 1789 auxquelles ils adressent leurs incantations. Et au sein de ce délire anachronique, rarement on aura vu porté à ce point l'art de faire prendre des vessies pour des lanternes.

Avec un mélange incroyable d'imbécillité irresponsable et d'épaisse mauvaise foi, l'histrion du Front de Gauche annonce que «le torrent révolutionnaire a quitté son lit ».
Il y a donc encore des gogos capable de se laisser séduire par « l'insurrection citoyenne », des benêts qui rêvent qu'ils pourraient tirer parti d'un programme rédigé à la diable, prétendant entre autres fariboles, opposer au réalisme des normes comptables, celles du « droit de vivre » (Toulouse, le 5 avril).
Sont-ils ignorants au point de ne pas savoir que jamais un régime socialiste n'a accru le bonheur du peuple ? Que si cette idéologie a certes réussi à ruiner les fortunes privées, et à museler l'esprit de liberté et d'initiative, elle a toujours amené plus de misère et de désolation aux plus démunis (en ruinant l'Etat par la même occasion).
Et plus généralement, faut-il croire a contrario le magazine The Economist, lorsqu'il prétend que la France est en plein déni de réalité ? Qu'elle se réserve des lendemains pitoyables, quelque soit le vainqueur de la prochaine élection. Faut-il croire les récents reportages diffusés par France 2, qui montrent que tous les pays ayant retrouvé une certaine prospérité, l'ont fait en tournant le dos aux recettes que les politiciens français nous proposent tous peu ou prou, à l'instar de ce sectateur enragé autant qu'attardé, de la révolution socialiste ?

25 mars 2012

Cirque barbare



Le drame qui a tenu en haleine la France entière durant ces derniers jours porte en lui bien des symptômes dont souffre notre monde, tout en révélant une fois encore sa propension au spectacle de mauvais goût (qui ne date pas d'hier).
Survenu au cœur d'une campagne électorale dans l'ensemble assez démagogique et superficielle, contrastant avec la gravité de la situation, il exacerbe les travers d'une société décidément engluée dans le culte de l'apparence et les poncifs intellectuels.
Dans ces circonstances, chacun affirma se retenir d'instrumentaliser les actes diaboliques qui ensanglantèrent la région de Toulouse. Mais des médias aux politiciens, toute action, tout propos s'est efforcé d'entourer avec théâtralisme les tragiques événements.
Passons sur les images et commentaires assénés en boucle, même lorsqu'il n'y avait rien à dire, tant c'est devenu une habitude. Avant même de savoir de quoi il retournait, les interprétations ont fusé avec le manichéisme dérisoire de l'idéologie dominante. Tout ce qui porte à gauche et incline à la bonne conscience, y vit par avance les effets du racisme et de la « stigmatisation », dernier mot à la mode. A l'inverse, les autres dénoncèrent le laxisme face à la délinquance, à l'immigration et au fanatisme religieux.
En bref, chacun soigna sa posture avec pompe et componction. Les candidats prirent des mines compassées, tout en laissant échapper par la force des choses, quelques torves allusions. La polémique sur les failles supposées dans le suivi de l'apprenti terroriste fut une des plus grotesques : car faite par ceux-là mêmes qui sont choqués par un simple contrôle d'identité... Il faudrait selon eux maintenant, marquer à la culotte tous les djihadistes supposés et tous les petits malfrats qui pullulent en toute liberté, faute d'éducation, faute de réelles sanctions, faute de prisons, tout cela résultant des politiques qu'ils encouragèrent sans faiblir depuis des décennies !
La question qui se pose, véritablement angoissante est celle-ci : combien de têtes brûlées se baladent à l'heure actuelle, avec des idées proches de celles de Merah ; et  si ce n'est la volonté de déclencher d'aussi ignobles carnages, celle d'errer de délits en délits, jusqu'à je ne sais quelle extrémité…

Cette triste affaire devrait également donner à réfléchir au sujet de ceux qui appellent quotidiennement à « l'insurrection », à « l'indignation », à la « révolution »... Ceux dont le langage haineux, servi au nom de la fraternité et de l'égalité, n'a d'autre but que de mettre à bas tout ce qui tient encore debout dans le monde contemporain. Et qui donnent de celui qu'ils voudraient mettre à la place, une vision bornée par leurs œillères idéologiques, une caricature monstrueuse, dont les expériences du passé auraient dû nous vacciner définitivement !

De ce point de vue les mesures proposées dans l'urgence, par le Chef de l'Etat, pour lutter contre le terrorisme font figure d'insipides cataplasmes. Punir pénalement «  toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence » : Est-il vraiment sérieux lorsqu'il fait une telle proposition ?

La naïveté enfin, des Pouvoirs Publics, qui espéraient pouvoir capturer la bête fauve vivante, et qui ont déployé des moyens considérables pour tenter de parvenir à cette fin, contraste avec la détermination hallucinante du tueur.
Dans sa folie sanguinaire, menée jusqu'au bout de l'absurdité, il a eu au moins le cran de contraindre la police à faire ce que la justice compatissante, veule, et irénique aurait quant à elle, été incapable de mener à bien : à savoir, l'empêcher définitivement de nuire...

21 mars 2012

Mortelles Chimères

Dans une liesse rouge un rhéteur grimaçant
Veut réveiller l'infâme esprit de la Bastille
Il réclame en levant poing, marteau et faucille,
Le retour d'un passé dégoulinant de sang.

Mais pour quelle utopie, quel stupide idéal
Pendant ce temps, non loin, on tue on assassine ?
Quel mystère insensé ensorcelle et fascine
Les fous qui font du rêve un délire bestial ?

Devant l'absurdité la sagesse titube
Et les morts innocents qui errent par légions,
Immolés pour plaire à d'affreuses religions,
Conchient la Liberté transformée en succube.

***
Un silence opaque descend
Sur les âmes rongées de tristesse
Il aspire espoir et jeunesse
Mais luit sur ce monde angoissant,
Comme une simple pierre blanche
Empreinte de fatalité,
Qui reçoit des fleurs d'une branche
Un doux parfum d'éternité...

16 mars 2012

Matisse, pour les yeux, et pour le coeur


Deux choses définissent à mes yeux l'art de Henri Matisse (1869-1954): la couleur et les formes.
En peinture, c'est bien là l'essentiel. C'est même, pourrait-on dire, la quintessence de l'expression picturale.
De là sans doute ce pouvoir étrange d'attraction qu'ont ces paysages, ces portraits et ces natures mortes, en apparence si simples et pourtant si difficiles à imiter ou à égaler. En dépit de leur désarmant dépouillement, on a le sentiment qu'on n'avait rien vu de tel avant, et qu'après, il n'y a plus rien à ajouter...
D'emblée l'artiste manifesta une audace et une force sauvages. Révélées en premier lieu dans l'effervescence du courant fauviste, elles évoluèrent au gré de puissantes compositions dans lesquelles le jaillissement des couleurs semble écraser les canons classiques du dessin, abolissant notamment la profondeur de champ et la gravité.
Pour aboutir aux silhouettes monochromes, aux épures délicatement contrastées, produites durant les dernières années de sa vie, l'artiste parcourut un long chemin. Mais le fait est que Matisse qui vécut 85 ans, fut un créateur inspiré jusqu'au bout. Et d'une étonnante fraîcheur. D'une vitalité inépuisable.

Il suffit pour s'en convaincre, de s'arrêter devant une de ses dernières œuvres : La Tristesse Du Roi. Quelle merveilleuse simplicité ! Quelle grâce, quelle élégance et paradoxalement, quelle magnifique joie dans l'affliction !
Dans ce qui est qualifié d'autoportrait, l'artiste, réduit à l'état de symbole, n'est plus qu'une ombre obscure, une sorte de trou noir central d'où s'échappent des mains blanches et une guitare. Autour, vibrionnent des taches de couleurs avec légèreté et apparente insouciance. Une silhouette probablement féminine semble saluer celui qui s'engloutit dans la nuit. Tandis que de l'autre côté, une forme galbée paraît danser avec des bras s'élevant vers les cieux comme des oiseaux. Le tout baigne dans une ambiance peuplée d'étoiles et de fleurs.

A ce doux adieu à la vie, à cette entrée sereine dans l'au delà, les vitraux de la Chapelle du Rosaire de Vence donnent un écho mystique. Les arabesques bleues découpent la lumière en douces flaques, qui créent une atmosphère mêlant une intense modernité à un ineffable mysticisme.

Le vrai mystère est qu'avec un art aussi humble, aussi simple, Matisse parle autant aux yeux qu'au cœur. Dans chaque tableau il y a quelque chose qui vous interpelle. Un mur se confond avec le ciel, dans leur bocal, des poissons rouges semblent jouir d'une étrange liberté, dans un arrière plan, un jardin sans perspective se dissout en délicieuses volutes végétales, et dans de merveilleux décors, fusionnent doucement les lumières, les odalisques et les moucharabiehs de l'Orient, avec les impulsions lumineuses de l'Occident moderne, inspirées par les trépidations du jazz et même les bariolages publicitaires...
A l'inventivité d'un Picasso, à l'intense symbolique d'un Braque, Matisse ajoute une incandescence spirituelle qui vibre même dans les plus schématiques découpages.
Comme pour mieux extraire la quintessence de ses sujets, il revenait souvent sur des thèmes déjà travaillés, pour les traiter différemment, pour en apurer les contours ou bien en styliser toujours plus les formes.
Le Musée Beaubourg lui consacre une intéressante exposition, explorant la manière récurrente qu'avait l'artiste d'exprimer ses points de vues picturaux. Intitulée Paires et Séries, elle rapproche de manière saisissante des tableaux réalisés parfois à plusieurs années d'écart, mais centrés sur des motifs communs. Une entreprise fascinante qui tente de percer le mystère de la genèse artistique. Et un envoûtement garanti autour de ce thème et variations...