17 octobre 2012

Honni soit Goldman Sachs !

Pour les habitants de notre malheureux pays, vitrifié par la pensée socialiste, et plus que jamais rétif au capitalisme et à l'initiative privée, la banque Goldman Sachs (GS) constitue une sorte de pandémonium effrayant. L'antre infernal de la Finance, sans âme ni cœur !
Songez donc ! Il s'agit d'une banque privée, américaine, de taille gigantesque, et qui parvient, même durant la crise, à engranger de somptueux bénéfices !

Un récent « documentaire » diffusé par la chaîne ARTE a permis de mieux appréhender cette espèce de colique frénétique qui s'est emparée de tout un peuple, à la seule évocation du mot « capitalisme ». Il paraît qu'il a fait un tabac en terme d'audience...
Quelqu'un qui m'est très cher, et qui fut impressionné par les révélations édifiantes qui y sont faites, m'a demandé de le visionner pour en débattre ensuite.
Il me connaît bien, donc il se doute que j'ai quelque a priori sur l'objectivité de ce genre de réalisation, dont la petite chaîne culturelle nous gratifie régulièrement. Chat échaudé craint l'eau froide...

Comment être objectif face à une telle accumulation d'accusations et d'affirmations à sens unique ? Comment seulement croire à la neutralité des auteurs, dont on connaît avant même d'avoir vu la première image, le parti pris.
Jérôme Fritel est journaliste à l'Agence CAPA. Il est difficile de parler à son propos d'impartialité lorsque l'on sait qu'elle fut créée par Hervé Chabalier qui par ailleurs compta parmi les fondateurs de la Ligue Communiste Révolutionnaire, avant de travailler pour des journaux aussi apolitiques que Le Matin de Paris ou le Nouvel Observateur...
Marc Roche, quant à lui est correspondant du Monde. Il s'est fait connaître par des ouvrages ne laissant guère de place à l’ambiguïté, tel « Le Capitalisme Hors La Loi ». Surtout, il fut le co-auteur d'une grotesque enquête sur la mort de la Princesse de Galles, accréditant notamment la thèse d'un complot, et dont le seul titre est plus explicite qu'un long discours: « Diana, une mort annoncée »...

Partant sur de telles bases, la vigilance est plus que jamais requise.
Le générique ouvrant le film donne le ton : images crépusculaires de New York façon Gotham City, sur fond de musique électronique térébrante. Première sentence, surgissant au milieu de scènes de guérilla urbaine, évoquant l'ambiance de crise : « Face aux excès des banques, les peuples manifestent leur colère »
Première contre vérité : réduire d'emblée la crise aux seules banques est une caricature. Quant aux peuples montrés, il ne s'agit que d’énergumènes extrêmement minoritaires, cassant tout sur leur passage : joli symbole !

Hélas, tout est dit ou presque : ce prétendu documentaire n'est en réalité qu'un pamphlet, exclusivement à charge. A aucun moment on n'entendra le moindre propos contradictoire avec la thèse matraquée de bout en bout : à savoir Goldman Sachs est une forteresse « au secret impénétrable », une « pieuvre » maléfique étendant ses redoutables tentacules sur le Monde. Et quiconque commet l'imprudence de lui faire confiance, se place dans la position de « l'agneau dans la gueule du loup », pire, il scelle « un pacte avec le diable. »

La méthode est désormais bien connue, qui permet d'ourdir ce qu'il faut bien appeler un procès en sorcellerie, en lui donnant l'apparence d'un reportage objectif. Elle consiste à monter soigneusement des bouts d'interviews, parfois juste une phrase, la plupart du temps extraites de leur contexte, sans jamais offrir la moindre contradiction, ni même pondération, le tout parsemé d'affirmations « choc ».
Les personnes interrogées sont à peu près toutes démissionnaires ou exclues de l'entreprise, et leur discours est univoque. Les autres sont des personnalités politiques, opposants notoires ou membres, à charge, de commissions d'enquêtes. Pour expliquer l'absence de tout contradicteur, on nous dit gravement qu'aucun n'a accepté de répondre aux questions. Mais doit-on croire ces allégations sur parole ? Quelles furent les conditions dans lesquelles les propositions ont été faites ?
Et selon le bon vieux truc de Michael Moore, on extrapole la preuve de la malfaisance de Goldman Sachs, de réactions embarrassées de personnalités officielles telles Jean-Claude Trichet ou Mario Draghi, prises au dépourvu par des questions abruptes, en forme d'accusation.

Devant tant de mauvaise foi, et d'esprit partisan, la tentation est grande de rejeter en bloc les analyses présentées. Il faut beaucoup d'effort et d'abnégation pour aller jusqu'au bout de ce réquisitoire qui ressemble fort à la fabrication d'un bouc émissaire.
Qu'on en juge par quelques exemples où des faits, publics mais complexes et hypothétiques, sont transformés en certitudes à l'emporte-pièce par les procureurs « journalistes » :
Selon eux, Goldman Sachs, en plus d'avoir une gestion opaque, se livrerait au trafic d'influence, cherchant à circonvenir si ce n'est corrompre les gouvernements et à s'infiltrer dans toutes les administrations, pour mieux les contrôler.
C'est avec une sombre délectation qu'ils rappellent les liens qu'ont eu certains éminents responsables politique. L'incontournable Henry Paulson, qui avant d'être secrétaire au trésor dans l'administration Bush, dirigea le département des investissements de GS. On lui reproche d'avoir abandonné à la faillite Lehman Brothers, concurrent de GS, et dans le même temps d'avoir engagé l'argent des contribuables pour sauver l'assureur AIG, qui avait partie liée avec la banque honnie. Mais il est fait peu de cas des résultats de la commission d'enquête qui sauf erreur ne mit pas en cause de conflit d'intérêt ni de manœuvre frauduleuse. Il est fait peu de cas surtout de l'accueil favorable quasi unanime, au plan qu'il présenta en 2008 pour enrayer les effets dévastateurs de la crise...
En définitive, pour les auteurs, toute personne ayant approché de près ou de loin Goldman Sachs devrait sans doute être considéré comme un pestiféré. Et à ce titre, écarté à vie de toute responsabilité publique. Dans le même temps, ils admettent pourtant que la banque se caractérise par une excellente et durable santé financière et qu'elle est même parfois considérée comme une sorte d'université tant elle imprègne les économistes qui passent par ses officines.
Comment d'ailleurs expliquer que même le président Obama, arrivé en chevalier blanc décidé à nettoyer les écuries d'Augias, ait cédé aux sirènes enjôleuses de GS ? Comment expliquer qu'après avoir mis en garde contre les fameux excès de la finance, il ait faibli et livré son administration à son emprise ? A-t-il de la m... dans les yeux ou bien est-il lui aussi, acheté ?

L'hydre de Goldman Sachs a donc aux dires de M. Roche et Fritel, une tête partout et des fers à tous les feux. Mais bien pire encore, dès qu'elle est dans la place, elle n'hésiterait pas à se livrer aux pires spéculations à l'encontre même de ses clients.
On nous présente ainsi le projet Abacus, dans lequel fut impliqué le trader d'origine française Fabice Tourre, comme « le casse du siècle ». GS aurait en effet parié sur la baisse de titres, pendant qu'elle les vendait à tour de bras à une clientèle naïve en lui faisant miroiter de substantiels bénéfices. Il est pourtant bien difficile de démêler le vrai du faux, et de déterminer la part des responsabilités reposant sur chacun des acteurs impliqués, tant ce genre d'opération est complexe. Elle évoque l'affaire qui toucha la Société Générale et son courtier Jérôme Kerviel, et qui vit cinq milliards d'euros s'évaporer à l'occasion de placements hasardeux. Qu'il y eut des imprudences, un excès d'optimisme, c'est un fait certain. Mais il n'était pas besoin d'être expert pour constater que cette euphorie était largement répandue, touchant les banques, les Etats, mais également les citoyens.
La bulle des subprime fut un autre exemple de cette inconscience collective. Du gouvernement qui les encouragea, aux petits propriétaires qui y crurent, en passant par les banques qui les mirent en œuvre, tout le monde s'aveugla sur ces opérations immobilières insensées. L'ennui pour M. Roche et Fritel, c'est qu'à la fin « GS s'en sort toujours ». Est-ce le signe d'une bonne gestion ou bien celui d'une diabolique malhonnêteté ?
Les auteurs n'ont à l'évidence aucun doute. Pour enfoncer leur clou ils n'hésitent pas à se livrer aux pires insinuations, en affirmant par exemple qu'en septembre 2001, au moment même des attentats, les dirigeants de GS donnaient des directives à leurs subordonnés pour « spéculer en direct ». Sans qu'on nous éclaire d'ailleurs sur la nature de ces machiavéliques tractations...
Enfin, si l'on suit M. Roche et Fritel, GS aurait par ses obscures machinations contribué largement à la faillite de la Grèce. Ici encore, il ne faut pas compter sur le film pour démêler l'écheveau dans lequel s'est perdu cet infortuné pays.
Le scénario ressemble surtout à celui tristement classique du surendettement, où, de déficit en emprunt, on s'enfonce en suivant une spirale infernale. Sans doute y a-t-il une responsabilité des organismes prêteurs, mais sans créance, il n'y aurait pas de créanciers...
Imagine-t-on que les banques soient des institutions philanthropiques ?
Qui en l'occurrence est le plus coupable : le gouvernement grec, qui profita de son adhésion à la zone euro pour vivre au dessus de ses moyens, sans mesurer les conséquences à long terme de ses actes sur la confiance de ses créanciers...? Ou bien ceux qui l'ont aidé, pour passer un cap, à présenter sous un jour favorable mais fallacieux ses comptes, en recourant aux astuces les plus secrètes de la sophistication financière ?
Et surtout, comment imaginer si GS était coupable de toutes les malversations dont on l'accuse, de tous les abus de confiance dont on l'incrimine, qu'elle parvienne encore à trouver des clients acceptant si facilement à être les dindons de la farce ?

Le film ne le dit pas évidemment...

En conclusion, ce documentaire partisan, dans lequel le fantasme occulte largement la réalité, n'apporte aucune vraie réponse. Il sème en revanche un doute mortifère sur tout un système dont le bien fondé, qu'on le veuille ou non, se mesure aisément au niveau de prospérité inégalé que nos sociétés ont atteint.
Il n'en reste pas moins certain qu'il est difficile de vouer une sympathie immodérée aux organismes bancaires, auxquels la plupart des gens sont liés, plus par obligation que par affinité. Il est vrai qu'on peut souvent avoir le désagréable sentiment que leurs courtiers cultivent davantage l'intérêt de leurs employeurs que celui de leurs clients. Il est évident enfin, lorsqu'on est dans la situation d'emprunteur, que le retour régulier des échéances, s'associe en règle, à une contrainte plutôt désagréable, voire angoissante.
Mais qui n'a jamais au moins une fois dans sa vie, été heureux de bénéficier d'un prêt bancaire pour réaliser un projet ?

On pourrait toutefois espérer des débats moins manichéens et plus constructifs. 
Il y aurait beaucoup à dire par exemple sur le gigantisme excessif de certaines entreprises notamment bancaires. Il fait craindre l'inflation de la bureaucratie, et l'installation de monopoles préjudiciables à l'émulation et à la saine concurrence. Et pire, il amène des difficultés croissantes de gestion, rendant celle-ci de plus en plus obscure, voire inintelligible, en faisant in fine, courir le risque de faillite monstrueuse, l'ensemble illustrant l'adage anglo-saxon « Too Big To Fail »; et justifiant les aides massives mais extravagantes que durent fournir in extremis aux banques, des Etats eux-mêmes au bord de la banqueroute.
Une des rares remarques de bon sens pêchées dans ce film vient d'un ancien économiste du FMI, Simon Johnson qui déclare que « ce n'est pas tant sur la banque qu'il faut s'interroger que sur son gigantisme... »

On pourrait enfin réfléchir sur les avantages et inconvéneints respectifs des régulations et des dérégulations. Il n'est pas certain en effet que ce soient ces dernières qui aient occasionné la crise comme on l'entend à tout bout de champ. Un jeu est d'autant mieux pensé que ses règles sont simples et faciles à mettre en œuvre. Un des fléaux de notre époque est l'accumulation hallucinante de textes de lois, d'incitations, d'interdictions, de niches, de dérogations, d'obligations en tous genres. Plus personne ne s'y retrouve.
Si l'anarchie n'est pas souhaitable, un peu de clarté et de bon sens s'impose. En l'occurrence, seul l'Etat a la maîtrise de cela...
Je ne me lasserai jamais de répéter le fameux adage de Tocqueville, qui définit si bien à mes yeux l'essence de l'esprit de liberté : «Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui...»

13 octobre 2012

La liberté a-t-elle un avenir ?

Lorsque je suis tombé par hasard sur le récent ouvrage d'Edouard Balladur, en dépit d'une certaine prévention, j'ai eu envie de l'ouvrir. Le titre ne pouvait que m'émouvoir. Un brin désabusé mais si révélateur de ce sur quoi chaque jour je m'interroge !
Dès les premières pages, ma curiosité fut attisée, notamment par les accents déchirants de l'avant-propos: « ma vie prendra fin au début du XXIè siècle ; de celui-ci je ne connaîtrai pas grand-chose. Ce que j'en vois m'inquiète : années des illusions perdues les unes après les autres, sans rien qui les remplace, comme si renaissaient sans cesse les vieux débats stériles. On l'observe bien aujourd'hui, c'est à qui ira le plus loin dans l'éloge du rôle salvateur de l'Etat. Cela passera... »

Malheureusement la suite ne me parut pas à la hauteur de l'enjeu.
Certes Edouard Balladur mérite de figurer parmi les très rares politiciens en France ayant un tant soit peu la fibre libérale.
Certes, il peut avec quelque raison se vanter d'avoir mené une action inspirée de ces principes, notamment lorsqu'il fut ministre des finances, durant la première cohabitation, entre 1986 et 1988. Songeons que le gouvernement à l'époque osa supprimer l'ISF !
Hélas, deux ans, ce fut un peu court pour livrer tous les effets attendus, et pour de très mauvaises raisons, les Français infligèrent un cuisant désaveu à la politique entreprise à l'époque.
Il y a de quoi refroidir les convictions les mieux ancrées.
Jacques Chirac qui pour sa part n'en eut jamais beaucoup (de convictions) n'hésita pas longtemps à faire machine arrière. Changeant son fusil d'épaule, il contribua à enterrer définitivement toute velléité d'aspiration à la liberté dans notre pays. A partir de 1993, il se mit à verser de belles et démagogiques larmes de crocodile sur la « Fracture Sociale », tout en chantant les pseudo-vertus du mythe de l'Etat-Providence, et finit même par vouer aux gémonies le libéralisme, qu'il jugea aussi délétère que le communisme ! Au passage, il écrabouilla les ambitions de son vieil ami Balladur, lequel s'était monté un vite le bourrichon à propos de sa destinée politique nationale...

Il y a de bons moments dans ce livre, et quelques vérités toujours bonnes à dire. Par exemple sur l'essence du libéralisme: « c'est l'histoire du progrès et de l'émancipation individuelle ; c'est la lutte contre l'autorité exclusive de la tradition qui s'imposerait comme allant de soi, le refus du conformisme ; c'est le libre examen qui conduit à la liberté d'agir. »
Il y a également la volonté de démasquer ses adversaires: « on veut déguiser l'hostilité au libéralisme en soif de justice, en besoin d'organisation, en refus du désordre ». Il y a même le courage de s'attaquer au paradigme consensuel de la social-démocratie : « elle utilise des mécanismes si pesants et complexes qu'elle peine aujourd'hui à s'adapter à l'évolution du monde. Elle n'y parviendra pas ».
Il y a enfin quelques évidences sur lesquelles il paraît opportun d'enfoncer le clou: « la liberté politique sans liberté économique est un leurre », « la démocratie locale constitue l'un des caractères d'une société libérale ».

Mais l'ensemble est trop répétitif, et surtout trop amorti, trop pusillanime pour emporter la conviction.
Pire, pour tempérer un propos pourtant guère audacieux, M. Balladur se croit à maintes reprises, obligé d'affaiblir sa propre thèse. A l'instar de la quasi totalité de la classe politique française, il se démarque par exemple de l'Amérique dont il juge «qu'il n'est pas évident qu'il faille imiter sans précaution l'exemple » ou d'une manière générale des pratiques anglo-saxonnes dont il juge dangereux de se « rapprocher »...
A d'autres moment il semble étrangement vouloir éreinter l'idée libérale elle-même :« le libéralisme s'accompagne de désordres de toutes natures, d'inégalités, d'injustices, d'une concentration excessive des revenus, d'entraves aux lois de la concurrence. Il doit se réformer », « le libéralisme n'a su ni organiser, ni harmoniser le fonctionnement du marché.. », « l'égoïsme est la tentation permanente du nationalisme comme du libéralisme... », « notre société est-elle trop libérale ? Elle en donne des signes multiples ; à peu près tout est dit, justifié, loué... »
Le comble est atteint lorsqu'après avoir chanté « l'efficacité de la liberté », il avertit que « l'ultralibéralisme met en danger la liberté », et qu'il se met à vanter le mérite de l'Etat, sans lequel « il n'y aurait eu ni industrie nucléaire, ni industrie pétrolière de rang international. Le libre jeu du marché ne conduisait ni à l'existence d'Elf, et de Total, ni à celle d'AREVA et d'EDF »

Tous ces atermoiements nuisent singulièrement à la clarté et à la force du propos, même s'ils sont bien à l'image de rondeur molle et prudente du personnage. Il y a peu de chances hélas que cette démonstration soit de nature à convaincre quiconque...
Sur les problèmes de société, ces faiblesses deviennent criantes. Dans le bouillon de périphrases et de concessions à la pensée unique, rien ne surnage vraiment. Exemple édifiant, le fameux PACS, contre lequel il avoue avoir voté, non par conviction, mais parce qu'en raison « de l'état d'esprit d'une partie de l'opinion et des contraintes de la vie politique », il s'est « laissé circonvenir !»
Aujourd'hui il est hostile au mariage homosexuel. Mais s'agit-il de ce qu'il pense ou bien de ce qu'il croit bon de penser ?

Au chapitre de la mondialisation, on retrouve les mêmes contradictions.
Le titre du chapitre résonne même comme un oxymore : « Contrairement à l'idée courante, la mondialisation menace la liberté des nations. » M. Balladur n'oublierait-il pas des temps pourtant pas bien reculés, lorsque le monde était cloisonné par d'épaisses murailles qui étouffaient la liberté de dizaines de pays !
Lui qui chante la liberté, rêve aujourd'hui d'une « autorité mondiale s'imposant aux Etats, encadrant leurs comportements, proscrivant les excès de leur indépendance, limitant le champ dans lequel ils peuvent agir à leur guise », « un pouvoir de décision s'imposant à tous ».
Si l'on peut admettre que l'absence de coordination pourrait faire craindre une mondialisation trop anarchique, il y a au moins autant à appréhender d'une centralisation extrême du pouvoir. En tout cas l'argumentation plaidant pour cette dernière paraît bien faible, rejoignant presque l'antienne des alter-mondialistes qui prétendant que «la mondialisation ne profitera qu'aux plus forts ». C'est tout l'inverse que l'on voit se produire sous nos yeux : grâce à la liberté, les pays émergents, même petits, se développent à toute vitesse, tandis que les nations dites puissantes s'essoufflent...

A propos de l'Europe enfin, dont on ne peut douter qu'il souhaite l'édification, il se borne hélas à constater l'incapacité chronique et s'interroge sur sa représentation concrète : « quel organisme, quelle personnalité, avec quels pouvoirs ? »
Il déplore la dispersion des énergies, et des modes d'expression, notamment le fait qu'au niveau des instances, l'usage officiel de plus de vingt langues soit autorisé. Mais à aucun moment il ne propose l'emploi de l'anglais qui s'imposerait pourtant à l'évidence, mais qui répugne aux Français. A aucun moment, il n'évoque le mot même de Fédération, et on le sent en définitive beaucoup plus proche de l'idéal assez répandu mais vain, d'un concert « d'Etats-Nations », que d'une véritable union...

Au total, ce livre est un peu le chant du cygne de quelqu'un sans doute pétri de bon sens, mais qui n'osa jamais vraiment aller jusqu'au bout de ses idées. Ça nous vaut un un plaidoyer un peu tiède, rempli de bons sentiments, mais aussi de redondances, voire de contradictions, au service d'une thèse qui jamais ne se dessine clairement.
Sur tout ce qui fait l'essence de l'esprit de liberté, M. Balladur se prononce du bout des lèvres. Et on en vient parfois à se demander ce qu'il pense vraiment. Et malheureusement, si avec de tels défenseurs, la liberté peut encore avoir un avenir...

La liberté a-t-elle un avenir ? Edouard Balladur. Fayard 2012

08 octobre 2012

Sommes-nous égaux en matière de santé ?

Un billet récent du professeur Flahault, directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), attire l'attention sur une controverse passionnante en matière de santé publique. Une de celles en tout cas que j'affectionne...
A partir d'un travail réalisé récemment par le professeur Johan Mackenbach, titulaire de la chaire de Santé Publique à l'Université Erasmus de Rotterdam, elle se focalise sur l'incapacité des pays à haut niveau de protection sociale, à réduire significativement et durablement les inégalités en matière de santé.


*****

La santé est-elle conditionnée avant tout par la facilité de l'accès aux soins ? C'est la question cruciale qui se pose en l'occurrence.
Oui, serait-on tenté de répondre, si l'on suit l'idée communément répandue, qui sous-tend à peu près toutes les politiques de tous les gouvernants dans notre pays depuis des années.
Non, selon la conception libérale qui m'est chère, et que je défends dans ce blog. Qui fait de la liberté une valeur plus haute que l'égalité, et de la responsabilité un concept préférable à celui d'assistance. Et qui distingue l'égalité des droits et celle des conditions, en faisant de la première un objectif, et de la seconde une chimère.

En lisant l'analyse du Pr Flahault, je me suis réjoui car elle apporte de l'eau semble-t-il au moulin libéral, en diagnostiquant l'échec, au moins relatif, des systèmes de santé des pays à haut niveau de protection sociale, dans leur efforts pour réduire les fameuses inégalités de santé.
Un des constats majeurs faits par le Pr Mackenbach est en effet qu'« il n’y a pas de corrélation entre le niveau de protection sociale et les inégalités ».
Le paradoxe n'est qu'apparent. Et s'il répond sans doute à des raisons multiples, une d'entre elles paraît relever de l'évidence : parmi les facteurs qui concourent à une bonne santé, figurent avant tout les habitudes de vie individuelles, lesquelles ne se répartissent pas de manière égalitaire. D'où il découle que, même si toute la population jouit de la même « assurance maladie universelle obligatoire », cela n'empêche pas certains d'être plus malades que d'autres. De la même manière, bien que tous les automobilistes soient assurés, on observe que certains ont plus d'accidents que d'autres...
Il est même tentant d'aller plus loin en évoquant le caractère déresponsabilisant d'un système qui procure une couverture automatique, en apparence gratuite puisque prélevée à la source, sur les salaires. N'incite-t-elle pas à prendre des risques ? N'encourage-t-elle pas à abuser des bienfaits dudit système ?

Au surplus, il y a un corollaire : rien n'indique qu'un système égalitaire rime nécessairement avec la qualité des soins qu'il dispense. On eut une illustration de ce fait lors de la publication retentissante par l'OMS d'un classement des systèmes de santé, fondé non pas sur la qualité mais sur la facilité d'accès aux soins. Il relégua ainsi les USA dans le bataillon des pays sous-développés, alors que chacun connaît le rayonnement et la capacité à innover des établissements de santé et des universités outre atlantique. Certes il existe là bas des inégalités en terme de santé, qu'on se plaît en Europe et particulièrement en France, à monter en épingle, parfois jusqu'à la caricature. On oublie généralement de préciser qu'une des causes de cet état de fait réside dans l'absence de couverture maladie obligatoire. Les Américains qui jusqu'à présent ont privilégié la liberté à l'égalité considèrent qu'il relève de la responsabilité individuelle de souscrire un contrat d'assurance pour se protéger soi-même. Ont-ils tort, ont-ils raison ? Vaste débat, que le président Obama s'efforce d'éteindre en instituant un système à l'européenne, duquel il sera sans doute quasi impossible de sortir, et qui soulève une question fondamentale. Sur le long chemin qui mène à la démocratie éclairée, est-il préférable pour améliorer la maturité des citoyens, de recourir à la contrainte ou plutôt à la persuasion ?

Au total, partant du constat navrant que « nos sociétés contemporaines très développées ont failli à éliminer – ou même seulement de réduire – les inégalités sociales de santé », M. Flahault aboutit logiquement à une interrogation : «Faut-il une redistribution encore plus radicale que celle réalisée par les pays considérés aujourd’hui comme parmi les plus avancés de la planète dans ce domaine ? »
Il y répond de manière pragmatique en proposant une « évaluation rigoureuse plutôt qu’idéologique ».
Sur ce point, comment ne pas le suivre totalement, même si force hélas est de déplorer qu'en France, nous sommes plus que jamais sur la mauvaise voie, puisque le choix suivi par les Pouvoirs Publics est manifestement celui de l'idéologie...

04 octobre 2012

Ratages Scientifiques

La récente publication d'un article arguant de la toxicité des organismes génétiquement modifiés (OGM) a permis une fois encore, de mesurer l'incroyable pression médiatique dirigée à sens unique contre les fabricants de tels produits, et en particulier contre le groupe industriel américain Monsanto qui en a fait l'essentiel de son fonds de commerce. Elle a démontré une fois encore la crédulité effarante de la presse, et a mis en évidence la facilité qu'il y a de nos jours de colporter de très douteuses controverses en leur donnant les apparences de l'objectivité.
Rarement on aura vu autant d'a priori et de mauvaise foi servis à l'appui d'une thèse. A tel point que ce qui se présentait comme un travail scientifique rigoureux a tourné au véritable procès en sorcellerie, si ce n'est à la pantalonnade, ne faisant guère honneur à ses auteurs, au premier rang desquels figure Gilles-Eric Seralini, chercheur en microbiologie à Caen.

Avant même de s'intéresser au contenu de l'article, l'orchestration insensée qui a entouré sa publication plaidait contre lui.
Dans la presse Grand Public, ce fut en effet un déluge de titres aussi définitifs que partisans, pour saluer ce travail de manière unanime. Dès le 18/09/12, jour même de la parution de l'article dans le journal Food And Chemical Toxicology, alors que personne n'avait pu raisonnablement en faire une lecture un peu approfondie, le ton fut donné par le Nouvel Observateur, toujours prompt à promouvoir des supercheries, qui s'exclamait victorieusement : « Oui les OGM sont des poisons ».

Le plus élémentaire bon sens aurait pourtant incité à la retenue face à une étude portant non sur l'homme mais sur le rat. La prudence aurait conseillé d'y regarder à deux fois eu égard au petit nombre d'animaux étudiés (200 parmi lesquels seuls 20 étaient considérés comme groupe « témoin », c'est à dire non soumis à une alimentation à base d'OGM). Le questionnement aurait du s'imposer devant le caractère spectaculaire pour ne pas dire la monstruosité des tumeurs atteignant les animaux, exhibées comme preuves absolues de la nocivité du maïs transgénique NK603.
Comment expliquer en effet une telle toxicité, alors que jamais on n'entendit parler de surmortalité chez les millions animaux de laboratoire ni le bétail, couramment nourris depuis plus de 20 ans par ce type de produits. Et comment expliquer que les Américains qui eux-mêmes les consomment au quotidien depuis plus de 10 ans ne présentent pas plus de maladies cancéreuses que les Européens qui n'y touchent pratiquement pas ?
En bref, comment peut on être aussi affirmatif sur la foi d'une seule étude ? C'est un tel non sens scientifique, qu'il paraît à peine croyable qu'on ait pu lui accorder si vite autant de crédit.

Ce qui devait arriver arriva. Il ne fallut que quelques jours pour que les critiques fusent de toute part à travers le monde. Ce fut bientôt évident : l'étude était entachée de biais méthodologiques en si grand nombre qu'il était impossible d'en accepter les conclusions, sauf à en être convaincu d'avance ! Le seul choix des animaux inspire la suspicion : la littérature scientifique montre en effet qu'au bout de deux ans, 90 % des rongeurs de la variété dite "Sprague-Dawley" attrapent un cancer. Qu'ils aient mangé ou non des OGM !
L'opinion publique étant par nature versatile, le revirement fut brutal. Les mêmes qui avaient tambouriné haut et fort les conclusions alarmantes de l'essai, se firent du jour au lendemain l'écho du scepticisme montant.
En revanche, la réaction des auteurs face à cette bronca, aggrava leur cas. Non seulement ils ne firent pas amende honorable mais ils se braquèrent en se prétendant "attaqués de manière extrêmement malhonnête par des lobbies" et en refusant toute contre-expertise, même par des organismes aussi officiels et indépendants que l'Agence Européenne Chargée de la Sécurité des Aliments (EFSA).
S'agissant de l'indépendance revendiquée des auteurs, elle pourrait quant à elle prêter à sourire si l'enjeu n'était pas aussi sérieux. M. Seralini est le président du Comité Scientifique du CRIIGEN, qui se consacre exclusivement à la recherche des effets toxiques des organismes transgéniques. Et il n'est entouré que de gens qui ne font pas mystère de leur militantisme: entre autres, Joël Spiroux de Vendemois, médecin homéopathe et acupuncteur, Corinne Lepage, figure bien connue d'une écologie qui ne fait pas dans la nuance....

A quelque chose malheur est bon. Cette pitoyable controverse pourrait se révéler utile. Puisque l'expérimentation animale s'avère capable de produire des résultats inadéquats au but qu'elle se fixe et, plus grave encore, puisque ceux-ci sont manipulables, il s'avère délicat d'en tirer des extrapolations trop affirmatives. Aussi bien à l'appui d'une thèse qu'à son discrédit.
On mesure par là même, la difficulté qu'il y a de mener des expérimentations crédibles, pourtant indispensables au progrès. 
Si après plusieurs décennies d'utilisation, la toxicité des OGM fait toujours débat, leurs bénéfices sont légions. Les retombées de ces techniques s'étendent d'ailleurs largement au delà de l'alimentation. Nombre de médicaments sont obtenus à partir de bactéries transgéniques, et les essais de thérapies géniques modifiant les gènes de l'homme ne choquent personne. Ils sont même régulièrement présentés comme une source d'espoir et donnent lieu à de vibrants appels à la charité publique (téléthon).
Il n'en reste pas moins que la vigilance doit rester de mise. La fable de l'apprenti sorcier doit toujours hanter l'esprit des scientifiques. Mais sans paralyser leur génie inventif, et sans prendre le masque sectaire de l'idéologie. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » disait en son temps le bon Rabelais. Science livrée à la passion n'est que perdition, pourrait-on renchérir...
Aujourd'hui même, on apprenait, après l'incroyable tohu-bohu déclenché par l'affaire dite du Mediator, que 85% des demandes d'indemnisation avaient jusqu'à présent été retoquées faute de preuve. Alors que certains accusateurs, sans disposer de données objectives suffisantes, n'avaient pas hésité à évoquer 500, puis1000 voire 2000 morts....

28 septembre 2012

Tendre Agonie




































Il fait doux encore en Septembre
Lorsque les chaleurs de l'été
Se diluent dans la volupté
D'une lumière aux reflets d'ambre

Il fait doux lorsque le vieil astre
Inclinant ses derniers rayons
Illumine les horizons
Noyés dans un radieux désastre

Il fait doux lorsque la nuit
Répand ses suaves essences
Sur les âmes et les consciences
Qu'elle engloutit sans un bruit

Il fait doux dans la coque ronde
Moelleuse et chaude d'un cocon
Qui protège et rassure, et qu'on
Chérit par peur de voir le monde.

Il fait doux dans l'obscurité
Spumeuse des idées reçues
Où sans se soucier des issues
On entre avec naïveté

Il ferait pourtant bien meilleur
Si ce songe de crépuscule
Où tout s'abandonne et bascule
N'était le signe qu'on se meurt...

26 septembre 2012

Qui a peur de Charlie Hebo ?

On n'est pas forcé d'apprécier l'humour de Charlie Hebdo pour lui reconnaître le droit d'exister et de se livrer à son exercice de prédilection : la provocation systématique. C'est souvent très gras, très laid et en général peu contributif au débat, tant le trait est outrancier, voire grotesque, indécrottablement ancré dans le parti-pris gauchisant. Mais hormis les remugles du mauvais goût, il n'y a franchement pas de quoi fouetter un chat.
L'effet n'est de toute manière plus très souvent à la hauteur des ambitions. Qui s'émeut de nos jours de voir le pape représenté en train de sodomiser une taupe (hormis quelques grenouilles survivant encore dans les bénitiers asséchés), ou bien le Front National symbolisé par un étron fumant (sauf pour en rire bêtement chez Ruquier) ?

Mais lorsque le magazine satirique se risque à marcher sur les plates bandes de l'Islam, dans ce qu'il a pourtant de plus radical et rétrograde, on dirait au vu des réactions que cela suscite, qu'il ne met rien moins que la République en péril !

Les politiciens qui nous dirigent, d'habitude plus prompts à se faire les champions de la liberté d'expression et les ennemis de la censure, font profil bas et semblent même gagnés par la panique. Évoquant la publication récente des fameux dessins, le premier ministre se crut obligé d'exprimer « sa désapprobation face à tout excès », et d'en appeler « à l'esprit de responsabilité de chacun ». Le ministre des Affaires Etrangères a martelé de son côté qu'il était « opposé à toute provocation », et le gouvernement a procédé dans la foulée de la publication, à l'interdiction de manifestations, et au renforcement tous azimuts des mesures de sécurité. On se serait cru à la veille d'une guerre civile...

Les autres médias réunis ont joué quant à eux les hypocrites : tout en se faisant les relais complaisants des dessins incriminés, ils ont fait mine de s'interroger gravement sur « les limites du genre bête et méchant » (l'Express).
Le pire fut de lire certains éditoriaux renvoyant dos à dos sur un pied d'égalité, la satire, la caricature, et la provocation d'un côté, et de l'autre, l'intolérance, les appels au meurtre, l'obscurantisme. Ne pas voir la différence est un signe navrant de la dérive des mentalités.
Parmi les exemples les plus frappants de ce dévoiement intellectuel, figure l'opinion de Christian Makarian parue dans l'Express, reprochant à Charlie Hebdo d'avoir surenchéri sur le fameux mais anodin bout de film circulant sur le web, tournant en dérision les musulmans. Il accuse le magazine « d’emboîter le pas d'une vidéo qui est bien plus proche d'un manifeste politique extrémiste », alors même que les réactions délirantes de foules haineuses un peu partout dans le monde (même à Paris) ont semblé donner raison aux mystérieux auteurs du film incendiaire!
Plus forts encore furent les propos de Laurent Joffrin publiés dans le Nouvel Obs du 20/09 affirmant « qu'en caricaturant Mahomet, nos confrères se retrouvent aux côtés de fanatiques islamophobes. Et font des islamistes les premiers défenseurs de l'Islam. »

On pense à l'incroyable mauvaise foi (à moins que ce ne soit courte vue) des gens qui accusaient d'anti-communisme primaire, tous ceux qui osaient il y a quelques décennies s'attaquer à l'idéologie asservissant tant de malheureuses populations derrière le rideau de fer. Tandis que des peuples étaient opprimés aux portes du monde libre, et qu'un effroyable totalitarisme se faisait de jour en jour plus menaçant, il fallait selon ces culs bénis d'inspiration munichoise, pratiquer la coexistence pacifique, jouer la détente pour apaiser le monstre...

L'histoire paraît se répéter. Ce qui est effrayant, en la circonstance, c'est l'inversion des valeurs à laquelle on assiste. Est-ce lâcheté ? Est-ce myopie ? Est-ce naïveté ? La question mérite d'être posée. C'est le mérite de Charlie Hebdo de la provoquer.
Au moins ses journalistes font leur métier ni plus ni moins, et on peut au moins leur reconnaître le courage de ne pas faiblir lorsque tant d'autres se défilent...

17 septembre 2012

Bonnets d'ânes

Il est bien difficile de trouver dans les actuelles mesures gouvernementales, sujet de réjouissance. Le flottement, la démagogie et les renoncements constituent le substratum de ce programme invertébré qui enferre le pays toujours plus profondément dans le marasme. Nucléaire ou pas nucléaire, gaz de schiste ou pas gaz de schiste, "j'aime pas les riches" mais je ne comprends pas qu'ils fuient quand j'entreprends de les plumer, je veux augmenter le pouvoir d'achat, et la croissance, mais je les étrangle par les impôts, je crie "vivent les Roms" mais je veux qu'ils déguerpissent, je veux davantage de sécurité mais j'ouvre les prisons, je dis vouloir plus d'Europe mais je promets à mes amis écolos et cocos d'en faire moins, je m'engage à restaurer le tissu social et à solidifier les familles mais je casse toujours plus les repères, et je les éparpille par une panoplie d'ersatz sociaux «pour tous »... En bref, c'est un déluge d'ordres et de contre-ordres, d'atermoiements et de contradictions. On dirait Ubu, dans ses oeuvres...

Les bonnes intentions du ministre de l'Education, Vincent Peillon, ne déparent pas ce spectacle à la fois absurde et tragi-comique.
Figurez-vous qu'il tente à son tour de mettre en branle le mammouth dont il est désormais le cornac. Mais il y a peu de chance que le fameux « changement » se traduise par une révolution, en dépit de la fascination qu'a le ministre pour Robespierre et ses petits copains de la terreur.
Parmi les mesures envisagées, deux sont en tout cas emblématiques d'un conservatisme au goût de renfermé.
Passons sans trop s'attarder sur le concept foireux de morale laïque : il s'agit à l'évidence d'une babiole programmatique, souvent évoquée par maints de ses prédécesseurs, mais ne ressemblant pas en pratique à grand chose. Au mieux, pourrait-on évoquer une resucée de la fameuse et désuète instruction civique, tant de fois réclamée ou promise et dont la réalité est un fiasco.
Et lorsqu'on s'élève un peu, l'inanité de la rhétorique est alors flagrante. La Morale, M. Peillon ne peut l'ignorer, est une discipline de la philosophie, jusqu'à présent enseignée dans les lycées, avec le succès qu'on connaît...
La Morale est un vaste sujet. Dans la plupart des acceptions, elle se conçoit dotée d'une dimension spirituelle, dont les prolongements amènent inévitablement aux religions ou à la métaphysique.
Il est certes une conception de la morale dénuée de ce fondement : c'est celle qui en fait un concept utilitariste. Mais cette dernière, qui veut que les actions soient bonnes en proportion du bonheur qu'elles donnent, n'a pas grand chose à voir avec le fait laïque (dont la définition est elle-même équivoque). Ce genre de principes débouchent sur une philosophie hédoniste ou pragmatique, selon le point de vue qu'on adopte, qui ne correspondent pas selon toute probabilité, à l'idée néo-constructiviste qu'a le ministre derrière la tête.
Alors, s'agit-il de la morale telle que nous l'enseigne Kant ? Pas davantage car elle ne saurait se passer de la spiritualité dont le mystère déborde largement l'idée même de laïcité.
La morale kantienne est d'ailleurs si éthérée, qu'elle fut raillée par Peguy : "Kant a les mains pures, mais il n'a pas de mains". Le concept promu par Vincent Peillon est quant à lui doté sans doute de bras et de jambes « républicains », mais il n'a pas de tête et donc pas d'intelligence ! Ça peut faire illusion, comme un canard décapité qui court encore, mais ça n'a pas de direction...

Autre volet emblématique du « changement » en matière éducative, le rétablissement de la carte scolaire, est bien pire encore, s'il est analysé à la lumière de ses conséquences.
Il paraît que Nicolas Sarkozy avait osé la supprimer. En tout cas, il s'était vanté de vouloir le faire, mais concrètement, il est bien difficile de mesurer l'impact de sa réforme.
En faire un impératif de la réorganisation scolaire est pour le coup sûr, une calamité, relevant de l'idéologie socialiste égalitaire la plus ringarde. On peut même affirmer qu'il s'agit d'un des verrous stupides, enfermant le système français dans sa logique pernicieuse et désastreuse
 
Depuis les temps les plus reculés jusqu'au futur le plus lointain, il y eut et il y aura de bons et de moins bons établissements. Sont-ce ces derniers qui fabriquent les mauvais élèves ou bien est-ce l'inverse ? Vaste question, sans plus de réponse que celle de la poule et de l'oeuf...
A quoi mène invariablement l'obligation pour les parents d'inscrire leurs enfants dans l'établissement le plus proche de leur domicile ? Non pas assurément au métissage social cher aux bien pensants néo-marxisants, ni à l'égalité des chances, mais tout simplement à la flambée des prix de l'immobilier autour des établissements bien cotés, ou tout au moins, bien fréquentés ! Ceci traduisant le désir légitime des parents un peu exigeants (même "de gauche") de faire bénéficier leur progéniture des meilleures conditions d'études. Résultat, seules les familles aisées peuvent s'offrir ce luxe, les autres étant renvoyées aux ghettos incultes. Et c'est ainsi que s'installe un cercle vicieux.
Malgré des tombereaux d'aides et de subventions, il devient quasi impossible pour un établissement « zonard » de s'en sortir. Offrant un niveau médiocre au départ, il se transforme par la force des choses, en fabrique de cancres et de délinquants, fait fuir ou décourage ses quelques bons professeurs et s'enfonce dans une spirale infernale, paralysé qu'il est par l'interdiction de trier au mérite ses élèves, et même de sanctionner les éléments les plus turbulents.
Ce système diabolique accroit mécaniquement les inégalités en tirant vers le bas des pans entiers de l'enseignement public, tout en provoquant l'exode de ceux qui le peuvent vers les établissements privés. Tout le contraire du but recherché en somme...

Combien faudra-t-il de temps en France, pour qu'enfin soit admise cette évidence, et qu'on tende vers l'objectif que les enfants puissent accéder aux études, en fonction de leurs aptitudes et de leurs mérites, et non de l'adresse de leurs parents ou de leur rang social ? Et qu'on accepte l'idée qu'une saine émulation fondée sur ce principe, permet à tout établissement de prétendre, par ses efforts et ses initiatives, à l'excellence ?

14 septembre 2012

Montée des périls

Les événements violents qui embrasent le Proche-Orient pourraient bien constituer le révélateur d'une grave faiblesse du contre-pouvoir légitime et nécessaire de la Communauté Internationale.
L'ONU est aux abonnés absents. Rarement son inutilité n'a été aussi manifeste. Si la démission au cours de l'été de Kofi Annan, l'envoyé spécial conjoint pour la Syrie est un symptôme en apparence banal de cette navrante impuissance, les raisons invoquées par le secrétaire général de l'Organisation ne laissent pas d'inquiéter : il a en effet qualifié à cette occasion, « les divisions persistantes au sein du Conseil de Sécurité, d'obstacle à la diplomatie ».
On ne saurait mieux rendre compte de la faillite désespérante d'un système...
L'attitude de la Chine et de la Russie explique certes une partie de l'inertie, mais elle n'empêcha pas des actions par le passé, et tout porte à croire que l'opposition « de principe » pourrait être contournée si le reste du monde était suffisamment déterminé. Mais de détermination, il n'y a point, tant ces nations manquent de dessein commun.

L'Europe, qui peine à réunir ses forces décaties pour surmonter la crise économique, est bien loin de représenter un ensemble cohérent sur la scène internationale. On se souvient que disposant de 2 sièges au Conseil de Sécurité, elle trouva le moyen en 2003, d'émettre deux avis contradictoires lors du problème irakien... La France qui par les initiatives de son leader dynamique s'efforçait d'apporter un peu de punch à cette communauté hétéroclite, a décidé un jour de pluie de mai 2012, de s'arrêter au bord de la route pour contempler le paysage...

Mais plus grave encore que tout cela, est l'apparente léthargie américaine.
Si la politique du président américain n'est - même pour ses fans - guère convaincante dans son aspect « domestique », son versant tourné sur l'extérieur semble tout simplement inexistant.
Hormis l'élimination de Ben Laden, dont pouvait penser qu'elle couronna des efforts entrepris bien avant son accession au pouvoir, aucun fait marquant n'est à porter à son crédit. La démilitarisation de l'Afghanistan dont il avait fait un argument de campagne, s'avère assez désastreuse. Plus lente que promis, elle n'en donne pas moins l'impression d'ouvrir progressivement un boulevard aux extrémistes. L'Iran dont on parle assez peu par les temps qui courent, représente un péril plus que jamais imminent. Or ni dans les actes, ni même dans les discours dont il est pourtant friand, le président américain n'a tenté grand chose pour enrayer l'implacable montée de la menace.

Face à tous les foyers qui s'allument un peu partout, L'Amérique paraît en panne. Elle fut absente des révolutions dont elle avait tout lieu d'espérer une tournure avantageuse pour la démocratie. De nouveaux chaudrons propices à l'éclosion du terrorisme et de l'intolérance sont en ébullition un peu partout. Or ni au Mali, ni en Libye, ni en Syrie, les Etats-Unis ne font preuve d'une réelle détermination, ni même d'un quelconque intérêt. Bilan affligeant, comme on pouvait le craindre, en dépit de son attitude lénifiante, voire complaisante, Barack Obama n'a en rien diminué la haine anti-américaine des foules fanatisées.
Tout se passe comme si la flamme de la liberté venue de l'Ouest était en voie d'extinction.
Or, lorsque l'Amérique s'éteint, le destin du monde s'assombrit...
Elle vient d'être frappée durement par l'ignoble attentat de Benghazi, qui a coûté la vie à l'ambassadeur et à une partie de son équipe. En la circonstance, la montée en épingle par les médias, d'un bout de film parodique sur Mahomet, est vraiment grotesque. Comme si des musulmans dignes de ce nom pouvaient justifier des crimes aussi ignobles et un tel déchaînement de malveillance par un pamphlet aussi dérisoire ! A l'heure où en Occident, on range au niveau de l'art la photo d'un crucifix plongé dans l'urine, le contraste est saisissant en même temps qu'effrayant.

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour faire le constat que la montée des violences vient de loin, et que, même si elle ne répond qu'aux menées d'une minorité de gens, ceux-ci sont diablement bien organisés. Sans police, ce désordre a toutes les chances de croître.
Y aura-t-il un sursaut ? That is the question...

12 septembre 2012

Ouragan Sentimental

Au dessus des tempêtes, des drames mais aussi des lubies et des billevesées d'un monde plus grégaire et versatile que jamais, Bob Dylan en grand seigneur impassible, continue de peaufiner ses cantilènes intemporelles et ensorcelantes.
Quelle voix sublime à force d'avoir été comme un très vieux cuir, tannée, usée, écorchée, par les orages, les saintes colères et les désillusions de l'existence. Quelle force dans l'indicible parfum d'expectative qui sourd avec une infinie douceur de cette complainte gutturale !

Peu importent les marques de l'âge sur le visage du poète, il n'a cure des jouvences artificielles. Son indépendance, sa liberté, son humilité, sont des signes autrement plus convaincants de sa jeunesse.
D'ailleurs, on dirait qu'il n'y a ni début ni fin dans l'égrenage subtil de ses mélodies succulentes. Seulement une atmosphère extatique, exquisément poignante, comme les mystères qui vous élèvent, en vous interrogeant, avec la dureté de la finitude et la tendresse de l'espérance.

Ça commence avec une sorte de pépite aussi brillante qu'inattendue. Duquesne Whistle. Un train à la manière d'autrefois, passe en sifflant. Comme en sifflotant, plutôt... Dans cet univers pimpant, les riffs guillerets saisissent l'auditeur qui ne peut qu'en redemander. Pas grand chose à voir, sauf erreur de ma part, avec l'illustration glauque à laquelle on eut droit sous forme d'un clip abscons, en prélude à la sortie du disque. Les images sont pauvres lorsqu'il s'agit de représenter l'imaginaire...

La suite est un peu plus sombre. Soon After Midnight. La nuit nous entoure...
Mi Blues, mi mélopée, Dylan emmène ses affidés sur une voie étroite mais au charme hypnotique : Narrow Way. Ne pas s'abandonner à la facilité, recommande-t-il en termes voilés. Ne pas gâcher les années d'une vie que l'ennui fait paraître longue alors qu'elle est si courte (Long And Wasted Years). Dès lors tout s’enchaîne : Les folies qu'on paie au prix fort du sang (Pay In Blood). La légende d'une ville nappée d'un rouge écarlate (Scarlet Town): du crépuscule, ou bien de la honte, ou des déchirements ? Pourquoi ne pas évoquer tant qu'on y est, les mirages funestes de l'histoire, de la gloire, du pouvoir et de l'argent (Early Roman Kings), voire le mythe de l'ange déchu (Tin Angel). Le triste balancement d'une longue, très longue et tragique traversée maritime, sur un océan glacial qui ressemble au destin (Tempest). Et pour finir, l'adieu déchirant à l'ami autrefois arraché abruptement à la vie (Roll On John)...
Il paraît que Bob Dylan voulait faire un recueil religieux. C'est peu dire que l'Esprit affleure à chaque moment sous les détours un peu énigmatiques de sa poésie assagie. ..
Quant à la musique elle-même, précisons qu'elle est servie par un accompagnement idyllique. Des artistes sous le charme, distillant avec volupté un son splendide, merveille d'équilibre, de fantaisie et délicatement feutré comme les velours les plus soyeux... 


Tempest, Bob Dylan. Columbia 2012

04 septembre 2012

Socialisme, que de crimes on commet en ton nom !

Ce livre est terrible. Hélas il n'apprend pas grand chose à ceux qui depuis longtemps ont compris que le Socialisme était une effroyable calamité, probablement la pire que l'humanité ait engendrée.  
Sera-t-il une révélation pour les autres, rien n'est moins sûr...

Ce témoignage en forme de réquisitoire s'ajoute à tellement d'autres bouleversants, tellement d'expériences calamiteuses, tant de massacres, tant d'horreurs en tous genres, qu'il paraît impossible à tout être doué de raison, de croire encore un tant soit peu à cette idéologie mortifère.

Puisse le parcours incroyable de ce jeune homme, Shin Dong-Hyuk, sacrifié dès sa naissance à l'implacable Moloch collectiviste, inspirer quelques doutes ici ou là. Au terme d'incroyables mésaventures, recueillies et racontées par le journaliste Blaine Harden, il est aujourd'hui libre. Mais au moins 200.000 de ses concitoyens croupissent encore, dans d'odieux camps de concentration. Les autres plus chanceux, bien qu'ils vivent hors les murs de ces sinistres prisons, n'ont qu'une vie de misère, souffrent de privations inacceptables à notre époque, n'ont aucune espèce de liberté, surtout pas celle de penser et de s'exprimer.
Au terme d'une guerre effroyable, opposant le monde libre au bloc communiste, leur infortuné pays a été divisé en deux. Une partie vit à l'heure socialiste, dans l'acception la plus pure (l'idéologie juche). L'autre a adopté le système capitaliste, si honni, si vilipendé.
De part et d'autre du 38è parallèle, dans le pays dit du « matin calme », ce sont les mêmes gens. Mêmes origines ethniques, mêmes religions, même histoire, même culture. Seuls les systèmes régissant la société, les différencie. Et de quelle manière !
Hélas, cette aveuglante évidence, que nul ne peut ignorer, n'a toujours pas dessillé les yeux de certains, qui continuent de croire aux bonnes intentions et à la nature fondamentalement bonne du socialisme...

Malgré l'effarante accumulation de preuves, toutes plus accablantes les unes que les autres, on trouve encore de nos jours suffisamment de gens assez crédules pour élire un président de la république, se réclamant sans vergogne de ces fumeuses et funestes théories.
La vérité est que jamais, au grand jamais, le socialisme n'a réussi à améliorer ne fut-ce que d'un iota le sort des pauvres et des « masses laborieuses », bien au contraire. A les juger objectivement, tous les prétendus acquis sociaux obtenus en son nom n'apparaissent que comme des leurres, retardant la vraie émancipation des citoyens, et l'épanouissement d'une société libre et éclairée.

Au plan intellectuel, le socialisme est une véritable aliénation. Au plan politique il est au mieux un carcan bureaucratique, inféodé à des principes et à des a priori, et indifférent à la réalité pratique. Au pire, il est une tyrannie qui martyrise dans leur tête et dans leur chair ses victimes, qu'il va jusqu'à forcer à devenir les acteurs de leur propre calvaire.
Même à dose homéopathique le socialisme est néfaste. Comme un poison létal, il agit à dose infinitésimale, pour pervertir le raisonnement en jouant sur les bons sentiments, pour dresser les gens les uns contre les autres en prétendant prôner la solidarité, pour étouffer toutes les initiatives en se faisant le champion du progrès, pour mystifier les cervelles dès l'enfance au nom de l'éducation d'Etat, pour assécher toutes les ressources au titre de la générosité...

Les moins fanatiques de ses zélateurs, se démarquent certes du modèle communiste qui étrangla nombre de populations durant les années de plomb, derrière le rideau de fer (non sans avoir pour certains d'entre eux, chanté longtemps ses louanges).
Mais c'est pour mieux vanter la « social-démocratie » qui constitue en définitive à leurs yeux, l'incarnation d'un socialisme à « visage humain », porteur de succès.
Et tout en admettant que les expériences passées furent des échecs, ils maintiennent mordicus que le vrai socialisme reste à construire, et que son avènement est plus que jamais souhaitable.
Tout cela est fallacieux. Les quelques modèles socialistes ayant surnagé dans la monstrueuse histoire de ce courant de pensée, n'ont pu le faire qu'en se raccrochant peu ou prou au modèle libéral. En diluant l'idéologie, en édulcorant le paradigme, en y incorporant un peu de liberté et une dose d'initiative privée, ils parviennent encore à entretenir l'illusion.
Et grâce à ces concessions plus ou moins avouées, le mirage aux alouettes continue de fasciner, le Parti a toujours pignon sur rue, la dialectique est encore vivace...

Fasse le ciel qu'un jour enfin, les foules égarées par ce mythe savamment entretenu, retrouvent le chemin de la raison. Qu'elles suivent la recommandation du vénérable Kant, exhortant les hommes et les femmes à devenir intellectuellement et spirituellement « majeurs ». Autrement dit à sortir de la minorité confortable dans laquelle ils ont une tendance naturelle à se complaire. A avoir le courage de « se servir de leur intelligence sans être dirigés par autrui », à voir les choses par eux mêmes et non par l'intermédiaire de maîtres à penser qui « après les avoir d'abord abêtis en les traitant comme des animaux domestiques, et avoir pris toutes leurs précautions pour que ces paisibles créatures ne puissent tenter un seul pas hors de la charrette où ils les tiennent enfermés, leur montrent ensuite le danger qui les menace, s'ils essayent de marcher seuls. »
La vraie Liberté s'acquiert en marchant seul, en sachant se gouverner soi-même. Tout le reste n'est que tromperie.

Blaine Harden. Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté. Belfond 2012
Immanuel Kant : Qu'est-ce que les Lumières ? 1784

29 août 2012

Une politique de Gribouille

La récente initiative gouvernementale visant à diminuer à la pompe le prix des carburants, révèle une fois de plus l'incroyable naïveté des Socialistes et apparentés vis à vis des rouages élémentaires de l'économie.
Entre autres lubies, leur soumission intellectuelle à l'idéologie leur fait refuser obstinément d'admettre la loi qui régit en matière d'échanges commerciaux, l'offre et la demande.
Celle-ci conditionne pourtant comme une évidence, les prix des denrées : plus le rapport offre/demande croit, plus les prix baissent et réciproquement.

La perversion du raisonnement en la circonstance, n'est pas tant de vouloir contrecarrer les effets d'une loi naturelle, que d'en nier tout simplement les effets.
Il faut rappeler que la volonté affichée de François Hollande, lorsqu'il n'était que candidat à l'élection présidentielle, était de bloquer purement et simplement les prix des carburants !
Autant décréter le calendrier des jours de pluie, tant qu'on imagine avoir de l'influence sur la cause d'un phénomène, en agissant sur ses conséquences...

Le prix du pétrole augmente à mesure que la demande mondiale s'intensifie, et personne n'y peut rien puisque la ressource est comme chacun sait, comptée.
En période de pénurie relative, s'il était possible d'imposer la stabilité des prix, on ne parviendrait qu'à accélérer le mécanisme conduisant à la carence de la ressource, en supprimant l'auto-régulation naturelle.
La suggestion que vient de faire M. Moscovici, consistant à augmenter la production, donc l'offre, est tout aussi fallacieuse puisqu'elle ne peut qu'aboutir au même résultat : épuiser plus vite la ressource.

La valeur d'un bien, c'est à dire de quelque chose pour lequel on éprouve un besoin, ne vient que de la conjonction de sa rareté ressentie et du travail nécessaire à sa production. Ainsi la lumière du soleil, si précieuse en soi, n'a aucune valeur marchande dans la mesure ou chacun peut en bénéficier sans effort et sans limite. Il en est de même de l'air qu'on respire, indispensable à la vie.
Frédéric Bastiat (1801-1850) s'amusait en son temps de la concurrence qu'imposait l'astre solaire aux fabricants de lampes, bougies et autres luminaires, et proposait par une pétition hilarante, de décréter durant le jour, la fermeture obligatoire de toutes les portes, fenêtres et ouvertures afin de relancer le commerce...
A l'inverse, on attache à l'or, dont l'utilité pratique au quotidien est quasi nulle, un prix considérable car le désir d'en posséder est fort, alors que le métal à l'éclat si envoûtant est rare et demande des efforts pour être extrait de la roche dans laquelle il sommeille...

Lorsqu'il faut prendre des décisions, la réalité s'impose tôt ou tard à soi et conduit souvent à des révisions déchirantes. La promesse du candidat devenu chef de l'Etat, évidemment s'est évanouie, au grand dam des dadais qui la prenaient pour argent comptant. Il ne reste plus qu'une misérable pondération des taxes de 3 petits centimes cherchant à faire croire qu'on agit malgré tout (plus une contribution équivalente imposée aux distributeurs).
Outre son efficacité homéopathique, le ridicule de cette mesure réside avant tout dans le fait qu'elle n'affiche aucun objectif pragmatique. Elle aurait pu s'inscrire, à condition d'être un peu plus volontariste, dans un programme visant à favoriser l'industrie automobile, ou bien dans celui tendant à redonner du pouvoir d'achat au peuple ou de la croissance au PIB. Mais que nenni, connaissant la propension de ce gouvernement à augmenter par ailleurs les impôts, taxes et prélèvements.
Comment fera-t-il donc si la flambée des prix se poursuit ? Va-t-il poursuivre la baisse des taxes sur les produits pétroliers, au risque d’accroître le déficit, donc de devoir lever de nouveaux impôts compensatoires ? Le résultat risque de ressembler à la tête à Toto...

25 août 2012

La France en pente douce

Les chaleurs léthargiques du mois d'août ont accentué cette impression de mol affalement du pays.
Rien, à peu près rien de significatif n'émerge dans la tiède pétaudière socialiste qui recouvre désormais l'ensemble du pays de sa gangue visqueuse et accapare en les asphyxiant, tous les pouvoirs. Alors que la crise fait rage et que le monde est dans les turbulences, c'est le calme plat en France. Le changement patine dans la semoule. Les mornes Universités du Parti Socialiste pataugent dans l'ennui et l'auto-congratulation : « On est dans les préliminaires. La période est comme suspendue… » constate Marie-Noelle Lienemann. « il y a des temps morts en politique », ajoute le député de l'Essonne Malek Boutih.
Pas un petit bout d'idée, pas le début d'une inspiration. Même le camarade Mélenchon, qui s'était docilement et « sans condition » aplati devant son faux frère socialiste, la trouve saumâtre : «cent jours pour presque rien » glapit-il dans les oreilles de qui veut l'entendre!
Jamais le discours du nouveau président ne fut plus creux et évasif. Parti en vacances dans un grand tintamarre médiatique, après à peine trois mois de taf, le voici qui revient benoîtement avec son éternel sourire satisfait et sa rhétorique crémeuse : « La rentrée, c'est maintenant... ».
A la nuée de journalistes complaisants qui lui demandent s'il peut préciser, il anone gentiment : «le changement se poursuit à son rythme», «Il y a du travail qui nous attend, les Français veulent que les problèmes soient réglés».
On est bien avancés !
Cette vigueur de mollusque est assez effrayante, eu égard à la gravité de la situation et aux défis que doit relever le pays. Pour l'heure, on en reste à l'alourdissement tous azimuts promis de la fiscalité, à une palanquée de vœux pieux, et à de torves tartarinades supposées s'opposer bravement, en tous lieux et en toutes circonstances, à tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin, la méthode Sarkozy. En bref, de jolis coups d'épée dans l'eau dont le ridicule commence peut-être à se faire sentir ici ou là...
Le fait est que la cote du nouveau président de la république, très fragile et artificiellement montée en neige au départ, s'effrite déjà. Les naïfs qui imaginaient qu'il suffirait d'attaquer les riches au portefeuille et de faire des incantations pour que les choses aillent mieux commencent à avoir des doutes. M'est avis qu'ils n'ont pas fini de déchanter. Les recettes de gauche sont inapplicables ou, chacun le subodore, calamiteuses, et le pragmatisme libéral est honni. Que faire ?
Cet atermoiement général est bien illustré par le ministre « du redressement productif ». Il n'avait, comme on s'en souvient, pas de mots assez durs pour fustiger la mondialisation, le traité européen, les licenciements boursiers et tout le toutim dont se nourrit la dialectique altermondialiste... Lui, le chevalier blanc à la rose, le grand pourfendeur du capitalisme, est en train de tourner casaque, en se faisant le chantre de la croissance et en flattant les entrepreneurs, qu'il exhorte pathétiquement à se comporter en "capitaines d'industries", après les avoir quasi traités d'incapables, et les avoir plombés de nouvelles contraintes bureaucratiques.
Mieux vaut en rire...