André Maurois fut un maître dans l'art de la biographie (Byron, Shelley, Chateaubriand, George Sand, Victor Hugo, Tourgeniev, Disraeli...). En vingt-deux courts chapitres, écrits « allegretto », il dressa un portrait de Voltaire aussi concis que précis.
Le personnage et son oeuvre pourraient pourtant suggérer des flots de littérature.
Il vécut 84 ans (1694-1778) et marqua de son empreinte provocatrice « son » siècle, celui qui s'étend de la fin du règne Louis XIV (mort en 1715) jusqu'au début de celui de Louis XVI. Il traversa une époque qui vit mourir le monde ancien dans un curieux mélange de plaisirs frivoles, de mignardises, d'intolérance et d'obscurantisme religieux.
Il fut homme de lettres, philosophe, romancier, dramaturge, journaliste (« le plus grand que les hommes ont connu », selon Maurois).
On a dit qu'il fut un vulgarisateur parce que ses idées paraissaient trop simples. En réalité il représentait l'archétype du gentilhomme éclairé : « curieux de tout, il savait plus d'histoire que les mathématiciens et plus de physique que les historiens... »
Voltaire, sous des apparences ironiques et sarcastiques, resta fidèle au classicisme français. D'ailleurs comme le souligne son biographe, « tous les romantiques sont antivoltairiens. »
Il fut en tout cas un infatigable travailleur : « Plus j'avance dans la carrière de la vie, et plus je trouve le travail nécessaire. Il devient à la longue le plus grand des plaisirs et tient lieu de toutes les illusions qu'on a perdues. »
Il connut de son vivant à la fois la gloire et l'infamie. Il fut exilé, embastillé à plusieurs reprises (dont un séjour de 18 mois pendant la régence) et nombre de ses oeuvres subirent l'autodafé. En 1734, Les Lettres Philosophiques furent par arrêt du Parlement, condamnées à être « lacérées et brûlées dans la cour du Palais, au pied du grand escalier d'icelui, par l'exécuteur de la haute justice, comme scandaleuses, contraires à la religion, aux bonnes moeurs et au respect dû aux puissances. »
Il fut toutefois élu à l'académie française. Il fut admiré de Frédéric II qui qualifiait ses ouvrages « de trésors d'esprit ». Ce dernier l'éleva à la dignité de chambellan et lui remit la croix du mérite. En 1791,enfin, il entra par la grâce de la Révolution, au Panthéon...
De la vie sentimentale de Voltaire, on retient avant tout ses amours pour Emilie du Châtelet. Elle durèrent 14 ans et furent riches d'autant d'affection que de d'affinité intellectuelle. Elle lui procura un refuge agréable lorsqu'il était pourchassé, dans son domaine de Cirey près de la frontière à deux pas de la Lorraine.
Elle avait 12 ans de moins que lui. Il la partagea par la force des choses tout d'abord avec son mari, mais dut plus tard lui laisser la liberté de fréquenter le capitaine de St-Lambert qui lui fit une fille, alors qu'elle venait d'avoir 44 ans. Elle en mourut. Il en fut extrêmement affecté.
Voltaire fut très proche de l'esprit anglo-saxon. Il séjourna en Angleterre et fut profondément impressionné par la lecture de John Locke. De même, il assistera ému aux funérailles de Newton en 1727.
Un extrait d'un poème écrit au moment de la mort de l'actrice Adrienne Lecouvreur, à qui on refusait à Paris une sépulture religieuse, témoigne de ces sentiments :
Le personnage et son oeuvre pourraient pourtant suggérer des flots de littérature.
Il vécut 84 ans (1694-1778) et marqua de son empreinte provocatrice « son » siècle, celui qui s'étend de la fin du règne Louis XIV (mort en 1715) jusqu'au début de celui de Louis XVI. Il traversa une époque qui vit mourir le monde ancien dans un curieux mélange de plaisirs frivoles, de mignardises, d'intolérance et d'obscurantisme religieux.
Il fut homme de lettres, philosophe, romancier, dramaturge, journaliste (« le plus grand que les hommes ont connu », selon Maurois).
On a dit qu'il fut un vulgarisateur parce que ses idées paraissaient trop simples. En réalité il représentait l'archétype du gentilhomme éclairé : « curieux de tout, il savait plus d'histoire que les mathématiciens et plus de physique que les historiens... »
Voltaire, sous des apparences ironiques et sarcastiques, resta fidèle au classicisme français. D'ailleurs comme le souligne son biographe, « tous les romantiques sont antivoltairiens. »
Il fut en tout cas un infatigable travailleur : « Plus j'avance dans la carrière de la vie, et plus je trouve le travail nécessaire. Il devient à la longue le plus grand des plaisirs et tient lieu de toutes les illusions qu'on a perdues. »
Il connut de son vivant à la fois la gloire et l'infamie. Il fut exilé, embastillé à plusieurs reprises (dont un séjour de 18 mois pendant la régence) et nombre de ses oeuvres subirent l'autodafé. En 1734, Les Lettres Philosophiques furent par arrêt du Parlement, condamnées à être « lacérées et brûlées dans la cour du Palais, au pied du grand escalier d'icelui, par l'exécuteur de la haute justice, comme scandaleuses, contraires à la religion, aux bonnes moeurs et au respect dû aux puissances. »
Il fut toutefois élu à l'académie française. Il fut admiré de Frédéric II qui qualifiait ses ouvrages « de trésors d'esprit ». Ce dernier l'éleva à la dignité de chambellan et lui remit la croix du mérite. En 1791,enfin, il entra par la grâce de la Révolution, au Panthéon...
De la vie sentimentale de Voltaire, on retient avant tout ses amours pour Emilie du Châtelet. Elle durèrent 14 ans et furent riches d'autant d'affection que de d'affinité intellectuelle. Elle lui procura un refuge agréable lorsqu'il était pourchassé, dans son domaine de Cirey près de la frontière à deux pas de la Lorraine.
Elle avait 12 ans de moins que lui. Il la partagea par la force des choses tout d'abord avec son mari, mais dut plus tard lui laisser la liberté de fréquenter le capitaine de St-Lambert qui lui fit une fille, alors qu'elle venait d'avoir 44 ans. Elle en mourut. Il en fut extrêmement affecté.
Voltaire fut très proche de l'esprit anglo-saxon. Il séjourna en Angleterre et fut profondément impressionné par la lecture de John Locke. De même, il assistera ému aux funérailles de Newton en 1727.
Un extrait d'un poème écrit au moment de la mort de l'actrice Adrienne Lecouvreur, à qui on refusait à Paris une sépulture religieuse, témoigne de ces sentiments :
« Ah verrai-je toujours ma faible nation,
Incertaine en ses voeux, flétrir ce qu'elle admire,
Nos moeurs avec nos lois toujours se contredire,
Et le Français volage endormi sous l'empire
De la superstition ?
Quoi ! N'est-ce donc qu'en Angleterre
Que les mortels osent penser ? »
Incertaine en ses voeux, flétrir ce qu'elle admire,
Nos moeurs avec nos lois toujours se contredire,
Et le Français volage endormi sous l'empire
De la superstition ?
Quoi ! N'est-ce donc qu'en Angleterre
Que les mortels osent penser ? »
Deux ans avant sa mort, les Etats-Unis d'Amérique accédèrent à l'indépendance (1776). Il avait rencontré peu de temps auparavant Benjamin Franklin qui avait conçu pour le vieux patriarche une véritable admiration.
Révolté par l'injustice, il prit la défense de nombreuses personnes accusées à tort. La plus célèbre fut Jean Calas dont il parvint à réhabiliter la mémoire. Le malheureux avait été condamné, sur la foi de témoignages douteux (des « quarts de preuve » additionnés...), à être roué vif pour avoir étranglé son fils, lequel s'était en réalité suicidé.
Trente années après ce drame, en 1793, la Convention Nationale fit ériger à Toulouse sur la place du supplice, une colonne de marbre où fut gravée l'inscription suivante : « La Convention Nationale à l'amour paternel, à la nature, à Calas, victime du fanatisme. » Au même moment, la même assemblée envoyait à l'échafaud des milliers de Français qui ne pensaient pas comme elle...
Voltaire fut horrifié par le sort réservé au Chevalier de la Barre, décapité pour avoir négligé d'ôter son chapeau au passage d'une procession.
Enfin, il défendit la mémoire de Lally-Tollendal, décapité pour avoir « trahi les intérêts du roi », lors de la perte des Indes.
Les rapports de Voltaire avec la religion furent plus complexes qu'on ne pourrait le croire.
L'existence de Dieu lui semblait relever de l'évidence : « Il est naturel de reconnaître un dieu dès qu'on ouvre les yeux... L'ouvrage annonce l'ouvrier. »
Parlant des oeuvres humaines inspirées de la nature : « Se pourrait-il que les copies fussent d'une intelligence et que les originaux n'en fussent pas ? »
Sa religion était des plus simples : « Le seul évangile qu'on doive lire c'est le grand livre de la nature. Il est impossible que cette religion pure et éternelle produise du mal.» ou encore : « Si vous voulez ressembler à Jésus Christ, soyez martyrs et non pas bourreaux. »
Mais il resta dubitatif tout au long de sa vie. Dans le domaine qu'il acheta à Ferney, où il vécut les vingt dernières années de sa vie, il avait fait construire une église et un tombeau qui se trouvait moitié à l'intérieur, moitié en dehors : « Les malins diront que je ne suis ni dedans, ni dehors. »
Quant à son enseignement, il fut tout entier contenu dans ses petits romans, Zadig, Micromégas, Memnon, Candide, « toujours imaginés pour prouver quelque vérité morale; dans un style allègre et ravissant. » Les esprits pédants ne s'en accommodèrent pas : « Le pauvre homme ne savait pas être ennuyeux, comment l'eut-on jugé sérieux ? » mais nombre de ses maximes aujourd'hui encore font mouche : « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité. »
« Jouissez de la vie qui est peu de chose, en attendant la mort qui n'est rien... »
Voltaire fut mal compris. Bien que monarchiste et conservateur, il ne contribua pas peu à tordre et à briser l'armature du monde ancien s'appuyant sur la monarchie et la religion. Provocateur né, ses mots dépassèrent souvent sa pensée, mais il était sincèrement bouleversé par les abus commis au nom de principes immanents, ou de croyances. Curieux de toute chose, il eut souhaité sans doute un progrès paisible, plutôt que des révolutions.
Il écrivit Candide - pour Maurois, « l'un des chefs d'oeuvre de l'esprit humain » - à l'âge de 65 ans. La morale en est limpide et humble : « Le monde est fou et cruel, la terre tremble et le ciel foudroie; les rois se battent et les églises se déchirent. Limitons notre activité et essayons de faire aussi bien que nous pourrons notre petite tâche. », autrement dit : « Il faut cultiver notre jardin »
Révolté par l'injustice, il prit la défense de nombreuses personnes accusées à tort. La plus célèbre fut Jean Calas dont il parvint à réhabiliter la mémoire. Le malheureux avait été condamné, sur la foi de témoignages douteux (des « quarts de preuve » additionnés...), à être roué vif pour avoir étranglé son fils, lequel s'était en réalité suicidé.
Trente années après ce drame, en 1793, la Convention Nationale fit ériger à Toulouse sur la place du supplice, une colonne de marbre où fut gravée l'inscription suivante : « La Convention Nationale à l'amour paternel, à la nature, à Calas, victime du fanatisme. » Au même moment, la même assemblée envoyait à l'échafaud des milliers de Français qui ne pensaient pas comme elle...
Voltaire fut horrifié par le sort réservé au Chevalier de la Barre, décapité pour avoir négligé d'ôter son chapeau au passage d'une procession.
Enfin, il défendit la mémoire de Lally-Tollendal, décapité pour avoir « trahi les intérêts du roi », lors de la perte des Indes.
Les rapports de Voltaire avec la religion furent plus complexes qu'on ne pourrait le croire.
L'existence de Dieu lui semblait relever de l'évidence : « Il est naturel de reconnaître un dieu dès qu'on ouvre les yeux... L'ouvrage annonce l'ouvrier. »
Parlant des oeuvres humaines inspirées de la nature : « Se pourrait-il que les copies fussent d'une intelligence et que les originaux n'en fussent pas ? »
Sa religion était des plus simples : « Le seul évangile qu'on doive lire c'est le grand livre de la nature. Il est impossible que cette religion pure et éternelle produise du mal.» ou encore : « Si vous voulez ressembler à Jésus Christ, soyez martyrs et non pas bourreaux. »
Mais il resta dubitatif tout au long de sa vie. Dans le domaine qu'il acheta à Ferney, où il vécut les vingt dernières années de sa vie, il avait fait construire une église et un tombeau qui se trouvait moitié à l'intérieur, moitié en dehors : « Les malins diront que je ne suis ni dedans, ni dehors. »
Quant à son enseignement, il fut tout entier contenu dans ses petits romans, Zadig, Micromégas, Memnon, Candide, « toujours imaginés pour prouver quelque vérité morale; dans un style allègre et ravissant. » Les esprits pédants ne s'en accommodèrent pas : « Le pauvre homme ne savait pas être ennuyeux, comment l'eut-on jugé sérieux ? » mais nombre de ses maximes aujourd'hui encore font mouche : « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité. »
« Jouissez de la vie qui est peu de chose, en attendant la mort qui n'est rien... »
Voltaire fut mal compris. Bien que monarchiste et conservateur, il ne contribua pas peu à tordre et à briser l'armature du monde ancien s'appuyant sur la monarchie et la religion. Provocateur né, ses mots dépassèrent souvent sa pensée, mais il était sincèrement bouleversé par les abus commis au nom de principes immanents, ou de croyances. Curieux de toute chose, il eut souhaité sans doute un progrès paisible, plutôt que des révolutions.
Il écrivit Candide - pour Maurois, « l'un des chefs d'oeuvre de l'esprit humain » - à l'âge de 65 ans. La morale en est limpide et humble : « Le monde est fou et cruel, la terre tremble et le ciel foudroie; les rois se battent et les églises se déchirent. Limitons notre activité et essayons de faire aussi bien que nous pourrons notre petite tâche. », autrement dit : « Il faut cultiver notre jardin »
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