05 février 2007

Les miradors de la pensée


L'exclusion récente de Georges Frèche du Parti Socialiste pour deux phrases provocatrices montre à quel point s'exerce désormais le zèle des gardiens de la correction politique.
Je n'ai aucune sympathie pour le pontife « septimaniaque » qui vient de subir les foudres des caciques de son clan. Je m'interroge même sur l'indulgence de ces derniers vis à vis d'un homme, qui depuis si longtemps piétine avec délectation les soi-disant idéaux socialistes. Qui se comporte comme un pacha méprisant, faisant comme l'a révélé l'émission Capital, transporter son auguste personne par un luxueux véhicule de fonction 4x4 acquis aux frais du contribuable, et qui va jusqu'à orner ses chiottes présidentielles de balais signés Philippe Starck !
Ses propos sont à la mesure de son comportement, grossiers et vulgaires.
Mais lorsqu'on les met en balance avec ceux que tient parfois Ségolène Royal, candidate à la présidence de la République, on peut s'interroger sur la gravité relative des choses.
Au plan sémantique, quand Frèche affirme qu'il y a trop de Noirs dans l'équipe de France de football, c'est idiot sans nul doute, mais est-ce vraiment plus choquant au pays de la parité, que d'entendre madame Royal affirmer qu'elle partage l'opinion du Hezbollah sur les Etats-Unis, ou vanter les mérites du système économique et de la justice chinoises ?
Il y a manifestement deux poids deux mesures, dans l'appréciation de l'excès, et force est de constater qu'une curieuse censure du langage s'exerce dans notre pays.
Les exemples de cette myopie de l'esprit critique sont légions.
Il m'est arrivé déjà de flétrir les lâches complaisances de nos dirigeants face aux déclarations d'intentions monstrueuses du président iranien, alors qu'ils ne cessent de rappeler les méfaits passés de l'antisémitisme, qu'ils multiplient les théâtrales mais assez vaines commémorations, tout en promulguant des lois sur le négationisme, qui pourraient évoquer le royaume d'Ubu si le sujet n'était si grave.
A force de chercher à prévenir après coup les dangers, on finit par ne pas voir les criantes évidences qui menacent l'avenir. A force de crier au loup à tout bout de champ, on endort la vigilance.
Comment ne pas comparer la virulence extrême avec laquelle est condamnée a posteriori la désormais bien sage église catholique, et la mansuétude dont on fait usage pour parler de l'islam et de son intolérance très actuelle. Les reculades récentes au sujet d'expositions, de spectacles, ou d'écrits susceptibles d'offusquer les musulmans sont de ce point de vue très inquiétantes. D'autant plus que les faux jetons de la bien-pensance, qui s'aplatissent devant les diatribes anti-occidentales, ont tendance à rejetter avec mépris les rares ouvertures faites par le monde islamique au motif que la culture et l'enseignement ne seraient pas des marchandises qu'on peut délocaliser : le projet d'un Louvre et d'une Sorbonne dans l'émirat d'Abu Dhabi par exemple...
Dans les salons évolués on rigole grassement de pesantes et répétitives caricatures d'hommes politiques ou de vedettes du showbiz, basées quasi exclusivement sur leur apparence physique, leur maladie, leur âge ou leur supposé quotient intellectuel, mais les coqs moqueurs, qu'on aurait pu croire très larges d'esprit, se dressent sur les ergots de leur petite vertu lorsqu'ils entendent Sarkozy parler de racailles pour qualifier des voyous de la pire espèce. Ils poussent des cris d'orfraie à la seule évocation du nom de Pascal Sevran. Ces apôtres de la nouvelle morale sulpicienne, ne paraissent aucunement gênés par le mépris ordurier dans lequel ils tournent en rond car les oeillères qui bornent leur esprit malingre réduit dramatiquement le champ de leur pensée.
Le plus grave toutefois est quand ces censeurs intransigeants érigent en certitudes des croyances médiévales. Quand séduits par des théories aussi clinquantes que superficielles, ils se mettent à suivre tels les enfants derrière le joueur de flûte de Hamelin de douteux mentors maniant habilement le mensonge et les fallacieuses assimilations.
Ils finissent par perdre alors tout sens critique et en viennent à justifier des actes violents au nom de la « désobéissance civique », ou même à trouver des vertus aux dictateurs ou aux terroristes pourvu qu'il soient anti-américains.
N'est pas Thoreau, Gandhi, ou Martin Luther King qui veut et quand on se prend un peu trop pour un ange, il se trouve bien souvent qu'on fasse sans même en avoir conscience, la bête.
L'esprit de système est une plaie parce qu'il a l'apparence de la logique, mais d'une logique dans laquelle abonde les syllogismes pernicieux. Eugéne Ionesco l'avait fort bien montré dans une des ses pièces particulièrement percutante : la rhinocérite est une maladie qui se propage dans un enfer... pavé de bonnes intentions !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"les lâches complaisances de nos dirigeants face aux déclarations d'intentions monstrueuses du président iranien, alors qu'ils ne cessent de rappeler les méfaits passés de l'antisémitisme, qu'ils multiplient les théâtrales mais assez vaines commémorations, tout en promulguant des lois sur le négationisme"

Tout à fait d'accord avec votre analyse.

Votre blog est intéressant.

Bravo et bonne continuation!