08 juin 2009

Un printemps américain (9)


Lundi 13 Avril. Grâce à la gentillesse de Jeff, nous embarquons aujourd'hui en voiture pour Philadelphie, Philly pour les intimes.. Nous partons donc une fois encore à l'assaut de l'Interstate 95, qui longe la côte Est, de la Floride jusqu'au Canada.
Le soleil est un peu voilé. Après avoir avalé quelques 100 miles de bitume, nous arrivons à l'orée de cette cité chargée d'histoire. Nous enjambons le fleuve Schuylkill (prononcer Skoo-kull) en nous enfonçant à l'intérieur du long treillis métallique du Girard Point Bridge. Au travers, nous commençons à entrevoir au loin une grande cité comme nous en avons l'habitude, avec de vastes stades en périphérie (Wachovia Center), de grands axes routiers, et de hauts buildings tendus vers le ciel. Nous entrons dans la ville à hauteur du pont suspendu, qui porte le nom d'un des plus célèbres habitants de la ville, Benjamin Franklin (1706-1790).
Mais en ce lundi de Pâques, c'est Jésus qui nous accueille sur une gigantesque affiche. Il est curieusement vêtu à la manière d'un cheikh d'Arabie. Au dessous de lui cette inscription : « Jesus, healer of broken hearts », et un numéro de téléphone...
C'est aussi William Penn (1644-1718) qui nous salue, par l'intermédiaire de sa statue juchée tout en haut de la coupole pointue du City Hall (à 167m, il resta le plus haut jusqu'à l'arrivée des gratte-ciels...). Ce Quaker émigré anglais contemple ainsi la ville qu'il fonda il y a plus de trois siècles sur les principes d'une société libérale idéale. Il fit notamment en sorte , ce qui constituait une vraie révolution à l'orée du XVIIIè siècle, que les citoyens puissent participer à l'élaboration des lois et qu'ils soient libres de choisir et pratiquer leur religion.
Et c'est sans doute un peu ce parfum de liberté qu'on ressent d'emblée en visitant cette cité originale, mélange détonant de modernisme et d'ancienneté, de religion et de philosophie, de culture classique et de fantaisie déjantée.

Nous garons la voiture à proximité de Chestnut Street et arpentons le quartier alentour fait de petites rues au charme très Old England. Nous passons devant les restes de la maison de Franklin. Il s'agit en fait d'une simple armature métallique blanche qui dessine le contour du bâtiment, lequel a disparu depuis belle lurette...
Nos pas nous amènent assez rapidement au pied de l'ancien Capitole, devenu musée sous le nom d'Independance Hall. Naturellement nous rendons tout d'abord visite au Liberty Bell Center, qui protège la fameuse cloche. Elle est souvent associée à l'indépendance des Etats-Unis mais en réalité fut fondue en 1752 pour célébrer l'avènement de la société libre établie par William Penn en Pennsylvanie.
En dépit de sa fêlure congénitale, elle sonna peut-être la signature de la déclaration d'Indépendance le 4 juillet 1776... Toujours est-il qu'aujourd'hui elle trône sagement dans une grande salle s'ouvrant par une baie vitrée sur l'élégante façade de l'Independance Hall. Dans le clocher on devine sa remplaçante...
Pour découvrir le musée il faut retirer des tickets qui donnent droit à une visite commentée obéissant à un horaire strict. Par chance, grâce au désistement d'une famille devant nous, nous obtenons le sésame pour le tout début d'après-midi. Ça nous laisse tout juste de le temps d'avaler un lunch.


Nous faisons une halte dans le Society Hill Hotel que notre ami connaît bien. Il lui servit de cantine il y a quelques années lorsqu'il travaillait à Philadelphie. Il s'agit d'un des plus anciens bed and breakfeast de la ville. L'atmosphère qui sent la patine, est très typée, mi pub mi auberge, et le bar semble surtout bien fourni en bières. Le serveur n'est pas antipathique en dépit de son débardeur assez négligé et de gros tatouages sur les bras, mais il semble plus préoccupé par la lecture de son journal que par la clientèle... Il mettra longtemps pour apporter nos grands sandwiches et salades mais au bout du compte, l'attente est récompensée, c'est délicieux.
Nous retournons en toute hâte vers l'Independance Hall. Ouf, la visite n'a pas commencé. Nous sommes même en avance et tentons de nous infiltrer dans le groupe censé nous précéder. Mais la jeune Park Ranger qui aime manifestement l'ordre et la discipline repère la manœuvre et nous arrête. Pas question de passer devant les autres. Elle accepte tout de même de nous laisser intégrer la fin du peloton, les effectifs étant en définitive incomplets.
A l'intérieur nous avons droit au speech emphatique d'un autre jeune guide en uniforme sur les évènements historiques qui se déroulèrent en ces lieux autrefois. Nous voyons tout d'abord la première Cour Suprême des Etats-Unis, et surtout la salle où fut réunie en 1787 la Convention qui élabora et entérina la Constitution régissant les 13 premiers Etats fédérés. Elle est plutôt simple : des tables recouvertes de nappes en feutre vert et des chaises rustiques en bois, sans même un coussin. Seul luxe, quelques lustres qu'on pourrait croire en cristal au plafond. En regardant la chaise où fut assis George Washington, et notamment le demi soleil sculpté sur le dossier, je ne peux m'empêcher de me remémorer la fameuse réflexion de Franklin. Durant tous les débats, il se demanda s'il s'agissait d'un astre levant ou bien couchant, redoutant bien souvent la seconde hypothèse. Lorsque le texte fut entériné, il put conclure avec soulagement que c'était bien le Soleil qui se levait sur ces tous nouveaux Etats-Unis...

Au sortir de ces lieux magiques, d'une sereine et rustique beauté, et qui symbolisent si merveilleusement pour moi l'Esprit de l'Amérique, nous passons devant le fronton marmoréen de la Second Bank of the United-States, à l'allure de temple antique. Due au même architecte helléniste, William Strickland (1788-1844) on trouve un peu plus bas le Merchants Exchange, avec sa charmante rotonde ceinte de colonnes corinthiennes.
Dans un style très différent, s'élève à proximité, le colossal US Custom House. Cet étonnant bâtiment cruciforme, mélange de briques et de pierres blanches (limestone) écrase de sa masse tout le quartier. Il fut conçu pour centraliser la gestion des taxes et droits de douanes, lorsque la seconde banque s'avéra insuffisante. Sise sur le fleuve Delaware, Philadelphie n'est en effet pas très éloignée de l'océan et fut un lieu prospère d'échanges maritimes avec le monde extérieur. Le Custom House fut inauguré 1934, en pleine crise économique, et témoigne du formidable effort de relance par la construction (pas moins de 4000 personnes furent employées à sa construction durant 2 ans). Nous n'entrons pas à l'intérieur mais il en vaut paraît-il la peine, car il constitue un bel exemple d'art déco.


La balade se poursuit dans les quartiers de Society Hill et Old City, à travers de délicieuses petites ruelles pavées, bordées de maisons caractérisées par le contraste des briques rouges et des boiseries blanches. Il y règne une atmosphère tranquille, un indéfinissable parfum de pérennité. On imaginerait presque pouvoir croiser Franklin avec ses lorgnons à double foyer au détour d'un croisement, en train de philosopher sur les malheurs du pauvre Richard...
Nous arrivons enfin dans South Street, qui nous donne tout à coup l'impression de faire irruption dans un autre monde. Cette longue artère très animée, est peuplée de quantité de magasins aux vitrines bariolées : boutiques de gadgets sexy, fripes baba cool, galeries d'art plus ou moins avant-gardistes, gargotes. et pubs.. Une telle fantaisie de façades colorées, de graffitis, et de pancartes racoleuses évoque certains quartiers de San Francisco et l'ambiance hippie des années soixante. Une magnifique boutique de fournitures pour artistes attire notre attention : Pearl Art and Craft. J'ai rarement vu aussi grande variété de pinceaux, tubes de couleur, chevalets, toiles et papiers pour dessiner.

Mais le temps passe. Il est temps de reprendre la route. Je suis heureux d'avoir à l'occasion de cette escapade, découvert une ville très attachante. J'ai conscience de ne l'avoir approchée que de manière superficielle, mais je me souviendrai de son atmosphère très particulière, très prenante, qui suggère une belle qualité de vie, entre traditions et modernité.
Juste avant de regagner la voiture, nous avons le temps d'enjamber à hauteur de Walnut Street la voie express qui longe la ville. Nous emportons ainsi une vue panoramique du port où est amarré un beau quatre-mâts en acier datant du tout début du siècle dernier, le Moshulu, aujourd'hui transformé en restaurant. A côté de lui l'USS Olympia, un croiseur blanc en cours de rénovation. Lancé en 1892, c'est le plus ancien navire de guerre encore à l'eau. Il participa entre autre à la guerre contre l'Espagne aux Philippines. Au loin le Benjamin Franklin Bridge semble nous saluer et nous inviter à d'autres découvertes ...

1 commentaire:

MC a dit…

Entyre les huitres et les coquilles St Jacques de Baltimore, le CrabCake de Annapolis et les super sandwich de Philadelphie, je vais finir par croire que les américains savent faire à manger !!!
Je plaisante, bien sûr !!
MC