23 février 2025

Donald Trump est-il illuminé ?

Pas un jour sans qu’on parle de lui. Le Monde semble graviter autour de son imposante silhouette de commandeur et chacune de ses paroles devient sujet d’actualité. Dire qu’il fait la pluie et le beau temps serait excessif, mais il est évident que la Maison Blanche est devenue the place to be.
Le parler rude et provocateur de Donald Trump hérisse beaucoup d’âmes sensibles. Ce n’est pourtant ni nouveau ni surprenant et cela ne semble guère le perturber. Depuis longtemps, il a pris l’habitude d’être “l’homme que les médias adorent détester”. Il ne s’en émeut pas et se fait un devoir de prendre le contre-pied des a priori haineux qui se déversent sur lui. On se souvient notamment des révélations qu’il fit dans un ouvrage publié avant 2016 :“Je n’hésite jamais à faire parler de moi en étant polémique ou en contre attaquant.../… Il m’arrive de faire des commentaires choquants, leur donnant ainsi ce qu’ils attendent…./…. Ils savent ce que j’ai dit, ils savent ce que j’ai voulu dire, mais ils en font des citations tronquées ou bien les interprètent de manière à en donner un sens différent.../… J’ai toujours attiré une foule de journalistes qui attendaient comme des requins que je fasse couler le sang… J’essaie d’honorer cette attente !”

Après un instant de calme relatif dû au choc de sa réélection magistrale, voilà les anti-Trump primaires qui reviennent à la charge.
Pour beaucoup de ces gens, le nouveau président américain serait un fou dangereux.
Les plateaux télévisés sont remplis d’experts qui se targuent de décrypter sa pensée, sa politique et ses objectifs en soulignant systématiquement leur caractère néfaste si ce n’est délirant. Cela ne les empêche nullement d’affirmer dans le même temps qu’il est imprévisible. On n’est plus à un paradoxe près !
A y regarder de plus près et à considérer ce que Trump fait plutôt que prendre au pied de la lettre tout ce qu’il dit, on n’est pas si loin des fameuses Lumières d’autrefois, qu’il est convenu de vénérer sans toujours bien comprendre leur enseignement. On pourrait en somme dire qu’il est illuminé au bon sens du terme.
Deux exemples pour s’en convaincre :
Son fameux art du deal, ne s’inscrit-il pas dans l’esprit du doux commerce vanté par Montesquieu ?
Ce dernier posait dans l’Esprit des Lois, que «L'effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l'une à intérêt à acheter, l'autre a intérêt à vendre, et toutes les unions sont fondées sur des besoins naturels...».
On accuse régulièrement le tycoon devenu homme d’État d’être resté avant tout un affairiste, âpre au profit. Si c’est vrai, n’est-il pas tout simplement dans la lignée de beaucoup de ses prédécesseurs ? On se souvient notamment du président Coolidge qui affirmait en 1925 que « L’affaire de l’Amérique c’est de faire des affaires ».
On lui reproche son slogan America First et plus récemment son fameux MAGA. On lui en veut d’être protectionniste. Il suffit pourtant de lire ses écrits pour savoir que s’il l’est, ce n’est que par pur pragmatisme et non par conviction idéologique. S’il brandit souvent la menace des droits de douane, il la met rarement à exécution, préférant de loin la négociation au conflit, tout en cherchant ce qui semble bien naturel, à préserver les intérêts de son pays. Les dirigeants français sont mal placés pour lui en faire reproche, eux qui après avoir tout fait pour pousser les entreprises à délocaliser, se gargarisent du made in France et cherchent par tous les moyens à bloquer le traité de libre échange avec l’Amérique du Sud du MERCOSUR.


D’une manière générale, Trump répugne à la guerre. Sa stratégie, parfaitement résumée dans l’ouvrage cité plus haut consiste à “user de douceur et brandir un gros bâton…” “Nous avons besoin”, dit-il, “d’une armée si forte que nous n’aurions pas besoin de nous en servir”. Quoi de scandaleux ? Ce n’est jamais que le bon vieux principe romain si vis pacem, para bellum
On a fait des gorges chaudes de sa proposition d’associer le Canada aux États-Unis et de trouver un compromis associatif avec le Groenland. Pourtant, objectivement, ce n’est rien d’autre qu’une nouvelle formulation du projet kantien de paix perpétuelle « Si par bonheur un peuple puissant et éclairé en vient à former une république (qui par nature doit tendre vers la paix perpétuelle), alors celle-ci constituera le centre d’une association fédérale pour d’autres états, les invitant à se rallier à lui afin d’assurer de la sorte l’état de liberté des Etats conforme à l’idée du droit des gens. »
On pourrait s’étonner que l’Europe, mère patrie de Kant et des Lumières, ne s’inscrive pas dans cette perspective excitante dans laquelle il y aurait beaucoup à gagner. Il suffit d’imaginer la puissance qu’aurait une alliance de fédérations de part et d’autre de l’Atlantique pour se désoler de voir toujours ramenées au niveau de l’antagonisme les relations entre le vieux continent et le nouveau.


En à peine plus d’un mois de gouvernement, l'application de ces principes assez simples a fait bouger les lignes. Naturellement, on ne saurait tirer de conclusions hâtives à propos de l'action du président fraîchement réélu. Mais le bilan de son premier mandat plaide en sa faveur et certaines avancées sont réelles.
Le Hamas se voit enfin contraint de libérer les otages israéliens et un projet ambitieux pour la région se dessine à l’horizon.
La fin du conflit entre la Russie et l’Ukraine apparaît comme possible, même s’il faut regretter la défaite de cette dernière, contrainte de céder du terrain. C'était hêlas prévisible dès le début du conflit, faute d’engagement direct des puissances occidentales. Il faut en la circonstance déplorer l’impuissance chronique de l’Europe, généreuse en paroles mais incapable d’articuler la moindre stratégie concrète. Certains semblent nourrir encore des pensées bellicistes. C’est pure vanité car à moins de provoquer une conflagration mondiale insensée, l’heure est venue de faire cesser ces vaines atrocités et de réamorcer des relations avec la Russie. C’est ce que veut faire Trump. Hélas, dans cette négociation, nous ne pouvons espérer qu’un petit strapontin, à la mesure du poids et de la faiblesse de l’Europe

Il faut souhaiter que le grand bouleversement qui s’annonce ne soit pas gâché par les a priori et les outrances qui fusent de toute part.
Dans ce contexte, il paraît dérisoire d’accuser Donald Trump d’être fautif d’un état de fait dû à l'incurie des gouvernants qui l’ont précédé.
Pour ces raisons, même si cela peut sembler choquant, il faut espérer que l’Administration Trump obtienne des résultats positifs durables et qu’elle ouvre la voie au retour du bon sens de la raison.

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