Non content de nier la réalité, d'être l'ennemi de la liberté sous toutes ses formes, et de se complaire dans une paresse idéologique, le rendant inapte à tout sauf à berner les gogos, le bolchévisme est selon Chestov une tyrannie des plus bornées et rétrogrades. Il emprunte ce qu'il y a de pire dans tous les fléaux totalitaires qui ont marqué de leur funeste empreinte l'histoire de l'Humanité :
Révolution dans les principes mais conservatisme dans le centralisme étatique
Chestov affirme que si le Bolchévisme se prétend progressiste en idées, c'est “un mouvement profondément réactionnaire qui a décidé de rester fidèle entièrement et complètement aux errements de la vieille bureaucratie russe.”
“Les Bolcheviks sont convaincus que quiconque n’est pas fonctionnaire est dangereux pour l’État et persécutent de toutes façons ceux qui ne sont pas à son service : on les accable de contributions, on les prive de cartes d’alimentation, on les mobilise pour l’armée, etc.”
Un impérialisme dévastateur
Même après la faillite de leur politique, les Bolchéviks idéologues possèdent encore, dit Chestov, un argument : le dernier. « Oui, disent-ils, nous n’avons rien pu donner aux ouvriers et paysans russes, et nous avons ruiné la Russie. Mais il ne pouvait en être autrement. La Russie est un pays trop arriéré, les Russes sont trop incultes pour adopter nos idées. Mais il ne s’agit ni de la Russie ni des Russes. Notre tâche est plus large : nous devons faire sauter l’Occident, détruire l’esprit petit bourgeois de l’Europe et de l’Amérique, et nous entretiendrons l’incendie en Russie jusqu’au moment où le feu aura embrasé nos voisins et de là sera répandu sur l’univers tout entier. C’est là notre plus haute tâche, c’est là notre rêve suprême. Nous donnerons à l’Europe des idées. L’Europe nous donnera sa technique, son savoir-faire, son don d’organisation, etc…”
“En Russie, les hommes très jeunes mais pas très intelligents prédisent avec assurance que le bolchévisme se répandra à travers le monde entier.”
Un totalitarisme fait pour durer
Chestov n'avait guère de doute quant à l'irréversibilité du régime qui se mettait en place sous ses yeux dans la violence. Selon lui, dès le début de la révolution, “pour quiconque était tant soit peu clairvoyant, apparurent d'un seul coup l’essence même du bolchévisme et son avenir.”
"Ceux qui étaient un peu plus âgés ou un peu plus intelligents se trompaient toujours dans leurs prévisions. Ils croyaient que la Russie ne resterait pas longtemps sous la domination des Bolchéviks, que le peuple se soulèverait, qu’à la première apparition d’une armée plus ou moins organisée les armées bolchévistes fondraient comme la neige au soleil. La réalité a démenti les prévisions des hommes intelligents et expérimentés.”
Sans illusion, Chestov achève toutefois son analyse sur des questions, peut-être ouvertes sur une confuse espérance :
“Combien de temps peut-on vivre ainsi ? Combien de temps la Russie peut-elle nourrir les Bolchéviks ? Je ne saurais le dire. Peut-être le degré de patience et la capacité de soumission de notre patrie tromperont-t-ils tous nos calculs…”
Il fallut 70 ans pour que ce cauchemar cesse enfin. Hélas, l'illusion du socialisme n'a pas pour autant quitté les esprits. Après d'innombrables expériences, toutes aussi calamiteuses, causant massacres, servitude et paupérisation, le mythe égalitariste est toujours vivace. Lorsqu'on entend M. Mélenchon et ses acolytes, mais aussi les Écologistes doctrinaires et tous ceux qui osent encore se réclamer du socialisme, on croit entendre les échos lugubres du drame qu'évoquait en Russie il y a plus d'un siècle Léon Chestov…
Le bolchévisme comme expression, parmi d'autres, de la folie des hommes
Évoquant le désastre de la Première Guerre mondiale, Chestov ne cache pas son désespoir : “Il reste devant nous un fait incontestable, à savoir qu’en 1914 les hommes ont perdu la raison. Peut-être le Seigneur en courroux a-t-il confondu les langues ; peut-être y avait-il des causes naturelles, mais, d’une façon ou d'une autre, des hommes, les hommes cultivés du XXe siècle, ont, sans aucun motif, attiré sur eux-mêmes des calamités inouïes. Les monarques ont tué la monarchie, les démocrates ont tué la démocratie ; en Russie, les socialistes et les révolutionnaires tuent, et ont déjà presque tué, et le socialisme et la révolution.”
(suite d'un précédent billet)
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