Je me suis infligé l'épreuve de visionner ce petit chef d'oeuvre de mauvaise foi signé Marie-Monique Robin. Je parais peut-être un peu péremptoire, mais il faut dire que dès le titre, mon opinion était quasi faite. La rhétorique commence à être connue et ses ficelles un peu voyantes (entre autres balivernes, on avait déjà dans cette inénarrable collection le fameux « Monde selon Bush » de William Karel).
De fait, je n'ai pas été surpris.
Car pour madame Robin, c'est une évidence, Monsanto qui affiche sur son site une ambition louable (« Une agriculture de qualité, compétitive et durable » ), serait en réalité un monstre pervers dont le seul souci serait de nuire. De l'Agent Orange en passant par les PCB et le Round-Up jusqu'aux semences issues du génie génétique, l'entreprise maléfique s'ingénierait à polluer l'environnement et à pervertir les Autorités de contrôle, dans un seul but : s'enrichir. Pas une bonne action selon son analyse, n'est à porter à son crédit.
Pour parvenir à réaliser ses sombres desseins, elle se livrerait à des pressions sur les Pouvoirs Publics. Il paraît même qu'elle serait parvenue à intimider le ministre de l'agriculture de Bill Clinton et à corrompre les experts de la très puissante et très redoutée Food and Drugs Administration !
Pas de doute, la théorie du complot trouve ici un nouveau champ d'application, puisqu'à croire l'investigatrice, les sbires de Monsanto sont infiltrés partout et le Monde est à leur botte, principalement les malheureux pays en voie de développement.
A défaut de faits tangibles sur les OGM, on ressort tout le passé de la firme. Les herbicides, les PCB sont condamnés pêle-mêle et sans nuance. On oublie au passage que les défoliants sont conçus pour tuer les mauvaises herbes, qu'ils sont par nature toxiques et pas faits pour être répandus sur les hommes. Ainsi les méfaits de l'Agent Orange durant la guerre du Vietnam, largement évoqués, furent liés au type d'utilisation qu'on en fit, bien davantage qu'à la nature du produit. On reproche au Round-up de n'être pas vraiment bio-dégradable, mais le paraquat, un des herbicides les plus efficaces l'était totalement (précisons qu'il ne vient pas de chez Monsanto). Dès qu'il touchait la terre ses redoutables radicaux libres étaient totalement inactivés. Il fut pourtant abandonné en raison de sa terrible toxicité lorsqu'il était malencontreusement ingéré ou inhalé...
Quant aux PCB parmi lesquels on compte le tristement fameux pyralène, ils ont été conçus pour servir dans l’industrie en raison de leurs qualités d’isolation électrique, de lubrification et de d’ininflammabilité. Ils se sont hélas révélés toxiques et sont interdits depuis plus de 20 ans. L'amiante, cet autre poison (sans rapport avec Monsanto) a aussi été largement utilisé avant que sa toxicité soit reconnue et que des solutions alternatives soient disponibles. Plus récemment, on se souvient des ravages des farines animales, pourtant approuvées un temps par les Pouvoirs Publics en Europe et notamment en France. A quoi rime donc de ressasser ces errements de la technique et d'en faire la substance d'un procès en sorcellerie visant un seul accusé ? Les responsabilités sont multiples et c'est le défi qui s'impose dorénavant à une société moderne que de savoir avec bon sens peser le pour et le contre, face à toute innovation scientifique.
Les OGM du monde agricole sont issus des techniques de génie génétique. Il faut savoir que ces mêmes techniques permettent à de nombreux laboratoires pharmaceutiques de modifier des bactéries afin de leur faire synthétiser des médicaments. La plupart des diabétiques leur doivent la fabrication de l'insuline qui les soigne. Quantité d'autres médicaments sont issus des mêmes procédés.
De son côté, le Téléthon, chaque année collecte des fonds destinés à la mise au point de thérapies géniques, consistant comme leur nom l'indique à s'interposer avec les gènes naturels. Certains traitements ont déjà été essayés et se sont révélés parfois plus nocifs que bénéfiques (induction de leucémie chez des enfants traités pour déficit immunitaire congénital). Pourtant chaque année les donateurs continuent d'encourager cette recherche et il vient à l'idée de personne de condamner sans appel cette initiative.
Mais lorsqu'elles sont portées à ce niveau de dénigrement, de parti-pris et de désinformation, elles se décrédibilisent bien plus que les prétendus agissements qu'elles condamnent. Ce qui est excessif est insignifiant.
Autre sujet d'étonnement : la naïveté ahurissante d'une grande partie du public, prêt à croire sans discernement et à colporter en les amplifiant, nombre de fariboles et de croyances plus ou moins bien intentionnées. Plus grave encore, dans les établissements scolaires, certains professeurs appuient manifestement leur « enseignement » sur de tels ragots, censés selon eux développer l'esprit critique !
Au XXIè siècle c'est un péché que d'être aussi influençable et crédule. Il est plus urgent que jamais de revenir aux fondements de la critique rationnelle : " Ne rien admettre pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel " conseillait Descartes. De lire ou de relire aussi sans doute la magistrale thèse de Jean-François Revel sur la « Connaissance Inutile »...