05 décembre 2025

Extinction des Lumières

Incapable de mener à bien en 10 ans une seule réforme utile digne de ce nom, impuissant à acquérir une envergure internationale à la hauteur du pays qu’il représente, apathique face la fracture sociale qui ronge le pays, Emmanuel Macron restera-t-il comme le promoteur de l’obscurantisme ?

On savait le chef de l’Etat menteur, notamment lorsque lui et son gouvernement répandaient durant le COVID nombre d’affirmations non fondées, voire de contre-vérités flagrantes (sur la propagation du virus, l’inutilité des masques, les dangers de l’ibuprofène ou les bénéfices supposés du très toxique remdesevir).
On l’a vu duper le peuple lorsqu’il affirmait en 2019 qu’un président de la république désavoué devrait s’en aller…

Non content de tromper son monde, il entend tuer à petit feu les libertés individuelles déjà bien contraintes par nombre de réglementations ubuesques. Il se fait fort en effet de «tout faire pour que soit mis en place un label» réglementant l’information. Sans doute nostalgique du peu regretté ministère du même nom, et non content d’avoir le pouvoir de nommer les censeurs de l’ARCOM, soi-disant indépendante, il entend donc encadrer plus étroitement encore l’expression publique. Selon lui, l'information serait “une matière dangereuse”. On croit rêver…
Il se défend bien sûr de faire de cette censure une prérogative étatique, évoquant nébuleusement un contrôle opéré “par des professionnels”. La ficelle est un peu grosse, d’autant qu’il cible nommément par avance les médias diffuseurs selon lui de fake news. A l’unisson de leur maître, les relais étatiques que sont les chaînes de radio et de télévision publiques et la presse auto-proclamée bien pensante, s’en donnent à cœur joie pour dénoncer les déviants, répandant sans vergogne, mensonges, enquêtes partisanes, comme l’a relevé l’ARCOM elle-même !

Dans un pays qui fit la révolution au nom de la liberté, dans une Europe qui s’enorgueillit d’avoir vu naître le mouvement des Lumières, il y a de quoi être frappé de stupeur.
Le pauvre Immanuel Kant (1704-1824) doit être transformé en turbine dans sa tombe. Dans son très bref mais capital texte intitulé “Qu’est-ce que les lumières ?”, il exhortait avec son fameux “sapere aude” chacun à avoir le courage de se servir de sa propre intelligence.
Dans le même temps, il flétrissait “la paresse et la lâcheté” qui selon lui conduisent les gens “à s’en remettre à d’autres pour leur indiquer quoi penser”.
Il n’était pas moins sévère avec les dirigeants plus ou moins bien intentionnés sous-estimant les citoyens, qui “après les avoir d'abord abêtis en les traitant comme des animaux domestiques, et avoir pris toutes leurs précautions pour que ces paisibles créatures ne puissent tenter un seul pas hors de la charrette où ils les tiennent enfermés, leur montrent ensuite le danger qui les menace, s'ils essayent de marcher seuls.
Pour Kant, il apparaissait logique, naturel et même inévitable “que le public s'éclaire lui-même…/… pourvu qu'on lui laisse la liberté”. Et dans cet ordre d’idées, la critique et l’expression d’opinions est un droit fondamental, quel qu'en soit le sujet. A titre d’exemple, si “un citoyen ne peut refuser de payer les impôts dont il est frappé…/… il ne manque pas à son devoir en publiant, à titre de savant, sa façon de penser sur l'inconvenance ou même l'iniquité de ces impositions”. Pareillement, “il n'y a [pour le Pouvoir] aucun danger à permettre à ses sujets de faire publiquement usage de leur propre raison …/… pour faire librement la critique des lois déjà promulguées”.
Dans le même ordre d’idées, pour le philosophe, interdire aux gens d’accéder à l’information de leur choix, c’est leur imposer une tutelle infantilisante et c’est les maintenir dans “l’état de minorité” (entendu comme immaturité), ce qui est “non seulement le plus funeste, mais encore le plus avilissant de tous”.

Avant Kant, Baruch Spinoza (1632-1677) avait déjà mis en garde contre la tentation de trop contraindre les citoyens, car à agir de la sorte “ l’Etat fera qu’ils finiront par penser d’une façon, parler d’une autre que par conséquent la bonne foi, vertu si nécessaire à l’Etat, se corrompra, que l’adulation, si détestable, et la perfidie seront en honneur, entraînant la fraude avec elles et par suite la décadence de toutes les bonnes et saines habitudes.”
A l’instar de Montaigne ou de Montesquieu, Spinoza recommandait à l’Etat d’être économe en législations, car “vouloir tout soumettre à l’action des lois, c’est irriter le vice plutôt que de le corriger.” De manière prémonitoire, il précisait que “les lois qui concernent les opinions s’adressent non pas à des coupables mais à des hommes libres; qu’au lieu de punir et de réprimer les méchants, elles ne font qu’irriter d’honnêtes gens. On ne saurait donc prendre leur défense sans mettre en danger de ruine l’Etat…”

On ne saurait trop insister également sur la critique faite par Alexis Tocqueville (1805-1859) il y a près de deux siècles de l’Etat Providence, mais qui semble s’adresser à notre époque. Si ce dernier travaille volontiers au bonheur des citoyens, “il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages. Il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.”
A contrario, en une seule phrase, Tocqueville a défini l’essence de toute démocratie éclairée, dans laquelle, “le premier souci d’un bon gouvernement est d’apprendre au peuple à se passer de lui”. C’est hélas tout le contraire de ce à quoi on assiste de nos jours…

Plus près de nous, Paul Janet (1823-1899) dans son ouvrage “la liberté de penser” s’en est pris lui aussi à l’excès de zèle de l’Etat, notamment lorsque ses représentants manifestent la volonté d’imposer au peuple ce qu’ils croient vrai, oubliant “qu’une vérité dont on n’a pas douté est une vérité problématique…” Il se désolait également “qu’il se trouve encore des esprits qui, même dans l’ordre de la foi, voudraient que l’Etat intervint pour fixer ce qu’il faut croire et ce qu’il est permis de ne pas croire...”

M. Macron ferait bien de relire ces textes qu’il paraît ignorer ou qu’il a oubliés, plutôt que de s’inspirer des méthodes médiévales de l’Inquisition… Mais quoi qu'il fasse désormais, son mandat restera entaché par la fermeture de 2 chaînes télévisées très populaires, censurées arbitrairement par un comité dont il avait nommé les membres.

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