13 mai 2009

Un printemps américain (5)


9 Avril. Début d'une seconde journée à New York. L'hôtel est agréable et confortable mais assez bruyant la nuit. La rue n'est pas très passante mais les fenêtres à guillotine ne procurent qu'une isolation phonique assez médiocre. Il faut dire qu'à part l'obscurité, pas grand chose ne différencie la nuit du jour à New York. La vie est aussi trépidante.
Notre sommeil fut donc des plus légers et au petit matin nous avons envie d'un bon café pour nous revigorer. L'hôtel ne servant pas de petit déjeuner il va nous falloir dénicher un endroit approprié. Mais c'est une des particularités un peu déroutantes ici, en dehors des Starbucks, on trouve peu de cafés du genre de ceux qui pullulent à Paris.
Faute de mieux, nous entrons dans un Cosi où nous achevons de nous réveiller autour de grands cafés servis en gobelets plastiques et de Scones en guise de baguette fraiche et de croissants.
Dehors le temps est frais mais magnifique. Pas un nuage dans le ciel qui se découpe entre les gratte-ciels J'ai l'idée de prendre le Ferry pour Staten Island. J'ai vu dans un guide qu'il s'agit d'un service municipal gratuit.
Nous décidons donc de descendre droit vers l'extrémité sud de Manhattan, direction Battery Park. Pour cela le plus simple est le métro, ligne 1 Même système qu'à Washington. La metrocard rechargeable est un substitut pratique aux traditionnels tickets.

L'embarcadère est une immense salle. La foule s'y presse déjà mais durant le bon quart d'heure d'attente, elle va continuer de grossir nous faisant craindre quelques difficultés d'embarquement. Heureusement le ferry est très vaste et tout le monde trouvera aisément sa place.
Au moment de pénétrer sur le navire, je vois avec amusement son nom : Spirit of America ! Le titre même de mon bouquin, écrit il y a quelques années déjà...
Alors que le ferry quitte le rivage, la majorité des passagers semblent partis vers la proue. Tant mieux, nous restons quant à nous à l'arrière ce qui nous permet de voir au bout du sillage, la ville peu à peu s'éloigner. Derrière les buildings apparaît à l'Est, le Brooklyn Bridge. Puis c'est l'ensemble de la pointe de Manhattan qui se dégage sur l'horizon. On devine en arrière plan le sommet de l'Empire State. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque deux géants à l'Ouest pour faire contrepoids à cette imposante muraille d'immeubles ultra-modernes, qui semblent en ce matin ensoleillé, se baigner les pieds dans les eaux tranquilles de l'Hudson.

Très vite apparaît à tribord la Statue of Liberty.

A ses pieds, on devine une foule d'êtres lilliputiens. Cette œuvre si connue, si mythique, si galvaudée aussi sans doute, m'inspire un flot de réflexions confuses. Je suis profondément ému de me trouver si près de ce Titan d'airain dont la pose olympienne n'est pas sans évoquer l'antique géant de Rhodes. New York n'est-elle pas en définitive la Nouvelle Athènes ?
Tant de gens sont passés ici avec un rêve fabuleux en tête... Et elle symbolise si bien l'idéal dont elle tire son nom, auquel elle confère modernité, puissance et lyrisme. Elle est aussi un vibrant témoignage de l'amitié franco-américaine, si profonde, bien trop souvent brocardée sans vraie raison.
Plus d'un siècle après son érection elle est là impassible mais toujours vaillante, et elle est toujours porteuse d'espoir.

Il y a quelques jours à peine, à l'occasion des 120 ans de la Tour Eiffel, je voyais un reportage télévisé rappelant précisément l'histoire de ce colosse de cuivre, dessiné par Bartholdi mais dont l'audacieuse charpente métallique est due au génie de Gustave Eiffel et de Maurice Koechlin. La statue elle-même est haute de 46m mais grâce au piédestal, sa célèbre torche s'élève à plus de 100 m au dessus de la mer. Hélas, depuis le 11 septembre 2001, il n'est plus possible d'en visiter les entrailles métalliques.

La traversée s'achève déjà. Manhattan est estompé au loin par un léger brouillard. Staten Island n'a d'île que le nom. Cette langue de terre est certes entourée d'eau mais à l'Ouest ce n'est qu'un bras de mer qui la sépare du New Jersey et de toute manière elle est reliée au continent par plusieurs ponts dont le Verrazano Bridge vers Brooklyn. Ce secteur résidentiel est surtout l'un des 5 boroughs constitutifs de New York avec Manhattan, Brooklyn, Le Bronx et le Queens.
Nous ne nous attardons pas et comme la majorité des touristes, nous reprenons le premier ferry en sens inverse pour regagner l'endroit d'où nous venons...
Sitôt revenus sur la terre ferme, nous partons à la découverte du Financial District. La Quartier est plutôt calme et rien n'évoque la crise dans laquelle est plongé ce petit monde. Le fameux taureau de bronze du Bowling Green, qui semble se ruer à l'assaut de Broadway n'est pas si imposant que ça. Surtout, il est assailli en permanence par une nuée de touristes se faisant prendre en photo devant lui. Il paraît que passer sa main sur ses parties génitales porte chance aux traders...
Un peu plus loin, c'est Wall Street et surtout, donnant sur Broad Street, la belle façade à colonnes et chapiteau orné de bas-reliefs du Stock Exchange, barrée d'une gigantesque bannière étoilée. Il n'y a pas à dire, le temple du lucre a quand même de la gueule...

Nous bifurquons ensuite pour gagner South Street Seaport à l'embouchure de l'East River. Il s'agit d'un des plus vieux quartiers de New York qui n'est pas sans rappeler Fell's Point à Baltimore, avec ses vieux gréements, remorqueurs et diverses antiquités marines amarrées à demeure. Une grande esplanade en bois riches de bars à terrasses fait office de trait d'union entre cette joyeuse ouverture maritime faisant face à Brooklyn, et de l'autre côté, les immeubles ultra-modernes du quartier financier et les ruelles pittoresques où alternent boutiques et pubs. A un carrefour, un petit monument en forme de phare miniature rappelle la tragédie du Titanic.


En poursuivant notre route nous rencontrons le parc abritant le monumental City Hall qui héberge une bonne partie de l'administration municipale et le gouvernement de l'Etat. Il s'agit d'un bâtiment datant du tout début du XIXè siécle, construit dans le plus pur american federal style, intégrant notamment des clichés architecturaux évoquant la renaissance, le style néoclassique italien de Palladio et des proportions vertigineuses surtout pour l'époque. L'élégance troublante de cet édifice est magnifiée par les branches fleuries des arbres balançant leurs légers pompons roses devant la façade éblouissante de blancheur.

Plus loin nous gagnons des quartiers populaires très animés et bariolés jouxtant China Town et Little Italy. Ici les immeubles sont de taille plus classique. Tous arborent les traditionnelles échelles extérieures de sécurité qui dessinent de grands Z sombres sur les façades le plus souvent rouge brique ou fuchsia. Partout des banderoles multicolores, des guirlandes et des enseignes bigarrées tentent manifestement de rameuter les chalands.

Chemin faisant nous faisons une incursion dans Soho, par Lafayette street, puis dans Greenwich Village que nous abordons au niveau du campus de l'université de New York (NYU). Nous longeons un massif cube rouge, l'Elmer Holmes Bobst Library avant de déboucher sur Washington Square Park.
Lorsqu'un qu'un édifice porte un nom propre aux Etats-unis, c'est bien souvent pour honorer la mémoire d'un donateur privé qui contribua à sa réalisation. J'apprendrai par la suite qu'il s'agit ici d'un magnat de l'industrie pharmaceutique qui légua plus de 11 millions de dollars au début des années 70 pour permettre la construction de cette imposante bibliothèque universitaire, œuvre des architectes Philip Johnson et Richard Foster.

Après nous être restaurés dans un petit restaurant italien, nous passons la fin de l'après midi autour de Columbus Circle et du Lincoln Center, à l'angle sud est de Central Park que nous gagnons en métro. Je souhaitais rendre visite à la grande librairie Barnes & Noble. J'avoue avoir été un peu déçu. Ni au rayon DVD, ni aux livres je n'ai déniché d'objet attrayant, en dehors d'un petit casse-tête chinois acheté à titre de souvenir ! Je me demande vraiment comment ces commerces pourront longtemps tenir tête à leurs concurrents immatériels établis sur Internet (parfois eux-mêmes...). Ce constat est assez triste, mais l'évolution semble inéluctable. Au mieux ils sont condamnés à vendre les blockbusters et best-sellers pour les gens pressés ou peu exigeants. Pour les fouineurs rien n'égale désormais la puissance des vendeurs en ligne.

Le jour tombe déjà. Après avoir diné de spécialités tex-mex et sea-food, dans un sympathique restaurant en contre-bas de la 51è rue, face à notre hotel, le Sweet Emily's, nous terminons la soirée en flânant à nouveau dans Times Square dont nous ne nous lassons pas de l'animation. Je pense aux films 8 mm noir et blanc pris par mon père au début des années 50, qui faisaient mon ébahissement lors j'étais tout gosse. En somme, toutes ces lumières sont consubstantielles au quartier depuis de décennies. Tout change et rien ne change vraiment.
Les commerces ne sont certes pas très variés. Beaucoup de vendeurs de souvenirs, de tee-shirts, de gadgets électroniques en tout genre, mais surtout répétitif.. Une place de choix pour le fabricant de bonbons chocolatés M&M's et dans un genre plus raffiné un superbe magasin Hershey's. Ici le cacao se décline sous toutes les formes et produits dérivés. Et sur les trottoirs d'innombrables hommes-sandwiches cherchent à alpaguer les passants pour leur vendre qui des spectacles, qui des promenades sur l'Hudson...

07 mai 2009

Un printemps américain (4)


8 Avril. Aujourd'hui, voyage dans le voyage, nous entreprenons une virée de trois petits jours à New York. Ce n'est pas vraiment la porte à côté (189 miles soit environ 300 kms). J'imaginais y aller en train. Hélas, une seule compagnie dessert cette destination à partir de Baltimore : Amtrak. Les tarifs sont assez élevés et le trajet n'a rien de particulièrement attrayant.
Heureusement nos amis qui ont déjà été confrontés au problème, nous proposent une solution beaucoup plus économique et de surcroît plus originale : le bus !
Pas les fameux GreyHound, mais une entreprise moins connue, jouissant ici d'une meilleure réputation en terme de confort et d'agrément : megabus.com.

Nous avons pu ainsi trouver le meilleur horaire et réserver nos billets sur le net, ce qui s'est avéré des plus faciles. Le plus délicat est de se rendre à l'arrêt de bus, curieusement situé à plus de 20 km du centre de Baltimore, dans le parking d'un grand centre commercial, le White Marsh Park and Ride. Grâce à l'inlassable dévouement de nos hôtes, nous nous y rendons avec armes et bagages en profitant une fois encore du standing douillet de leur Mercury Grand Marquis.
Le bus n'est pas vraiment à l'heure. Il arrive avec près d'une demi-heure de retard. Mais il va s'avérer très confortable, disposant de toutes les commodités et même d'une connexion internet wifi !

Le trajet est un peu monotone. Nous longeons dans un premier temps la rive ouest de la baie de Chesapeake. De l'autre côté de l'eau, s'étend la péninsule Delmarva qui comme son nom le suggère, appartient à trois états différents. La moitié occidentale est dans le Maryland, l'autre moitié faisant face à l'Atlantique, constitue la plus grande partie du Delaware, enfin la pointe au sud est en Virginie.
Juste avant d'abandonner la baie, au moment où elle se termine en donnant naissance au fleuve Susquehanna, nous apercevons une pancarte au nom évocateur : Havre de Grace. Nous ne verrons pas plus hélas de ce petit bourg prometteur...
Nous traversons un petit bout du Delaware, en croisant notamment Wilmington, port industriel que nous apercevons au loin. Le Delaware est un minuscule état sans beaucoup de charme. Il est surtout réputé pour ses élevages de poulets et pour sa fiscalité très avantageuse qui lui vaut d'attirer un grand nombre d'entreprises offshore.
Nous abordons brièvement la Pennsylvanie, en passant non loin de Philadelphie, et enfin le New Jersey.
Le but n'est pas loin. Tout à coup nous voyons surgir au loin la ligne crénelée des buildings de New York ! Encore quelques grands noeuds routiers puis le Lincoln tunnel, et nous arrivons à Manhattan après 3 bonnes heures de route.

Le bus nous dépose auprès du Madison Square Garden.
On a beau être prévenu et quelque peu déniaisé par les photos, films et séries télévisées, la fameuse grosse pomme s'impose à nous dans toute sa splendeur. Première impression, les immeubles gigantesques ne sont ni écrasants, ni rebutants. Ils s'inscrivent dans une perspective majestueuse. De l'endroit où nous débarquons, c'est à dire le carrefour entre Seventh Avenue et West 33rd st, nous apercevons d'emblée l'Empire State Building sans même y prêter vraiment attention. C'est en regardant le plan que j'en fait le constat. Cette flèche élancée qui perce le ciel me disait bien quelque chose mais je la trouve presque petite par rapport à l'idée que je m'en faisais.
Nous faisons une halte dans un McDonald's pour étancher une petite faim et faire un peu le point. Nous devons paraître vraiment empotés devant le panneau du comptoir, à ne pas trop savoir quoi choisir. Nous nous excusons en baragouinant que nous sommes Français. Le gars de l'autre côté très patient, sourit : « you're welcome ». Double sens peut-être...
Mon fils cherche désespérément les énormes Big Mac qu'il était sûr de trouver ici en pagaille. Quant à moi, ce doit être la seconde fois que je pénètre dans cet antre de la prétendue malbouffe américaine. Non décidément, il n'y a guère de différence avec les hamburgers trouvés chez nous, et ils se laissent bien manger ma foi...

Une fois rassasiés, nous nous dirigeons vers Broadway, que nous allons remonter ébahis, jusqu'à Times Square. Je dois dire que c'est un véritable enchantement. J'aime le contraste des arbres fleuris qui détachent délicatement leurs contours graciles sur les façades en se reflétant dans les vitres. J'aime les drapeaux et longues banderoles accrochés un peu partout qui apportent de subtiles touches colorées à ces grandes masses grises. La rue et les trottoirs vibrionnent d'une foule débonnaire. Encore une fois je suis naïvement, spontanément, indiciblement heureux...
Plus nous remontons, plus l'ambiance s'égaie. Les enseignes multicolores, même en plein jour sont éblouissantes. Dans la rue, taxi jaunes et bus rouges se fondent avec les affiches, les néons, les diodes colorées, dessinant des images en perpétuel renouvellement et nous nous abandonnons à ce délicieux tourbillon.
Nous rejoignons notre hôtel, le Washington Jefferson dans West 51st st. D'apparence discrète, il s'avère de très bon standing. Hélas nous ne comprenons pas tout ce que nous dit l'hôtesse en nous accueillant. Il paraît qu'une chambre ne serait pas tout à fait prête et qu'on nous en aurait donné une autre.... Je me lamente sur mon si médiocre niveau en anglais.
Nous découvrons les chambres avec plaisir. Elles sont très belles et confortables. Celle des enfants comporte deux lits jumeaux et s'avère un meilleur choix que la nôtre, plus petite...

Après avoir pris connaissance des lieux, nous redescendons bien vite pour profiter de la fin de l'après-midi. Direction Fifth Avenue. Nous croisons le Rockefeller Center et sa fameuse patinoire, surplombée par une représentation dorée de Prométhée attaché à sa montagne. De l'autre côté, une colossale statue d'Atlas portant le Monde fait face à travers l'avenue, à la cathédrale Saint-Patrick. Cette église, érigée il y a un siècle et demi dans le style gothique flamboyant, la plus grande de tous les Etats-Unis, paraît en dépit de sa taille , un peu à l'étroit entre les immenses buildings qui l'entourent.
Plus loin c'est la Trump Tower qui attire notre attention. Sa base est découpée en terrasses carrées dont chaque niveau est planté d'arbustes fragiles qui semblent monter à l'assaut de la sombre façade vitrée.

En remontant l'avenue, les belles vitrines se succèdent : Celles de Colehaan et de Kenneth Cole, avec leurs lourdes portes couvertes de dorures et de bas-reliefs, puis Vuitton, Cartier, Rolex, Alfred Dunhill, Gucci, Abercrombie et Fitch, Prada...

Puis nous débouchons sur Central Park, au pied du Plazza Hotel. Le long du parc les taxis voisinent avec une nuée de vélos triporteurs cherchant à alpaguer d'éventuels clients, tandis que de rutilantes calèches colorées, menées par des chevaux placides, se fraient tranquillement leur chemin ponctué du son sec et régulier des sabots heurtant la chaussée.
Nous passons devant une grande statue représentant un homme à cheval. A ma grande surprise, il s'agit du poète et homme politique cubain José Marti (1953-1898), héros de l'indépendance de son pays. Il ne parvint toutefois pas à l'obtenir de son vivant par l'insurrection.
Ironie de l'Histoire, ce cavalier représenté dans un style quelque peu emphatique, rappelle indirectement que les Etats-Unis furent en définitive les artisans de cette libération, obtenue par les armes contre l'Espagne en 1898...
Nous descendons dans le parc et flânons autour de l'étang d'où nous pouvons jouir d'un magnifique spectacle Les immeubles vus en contre plongée affirment leur puissance et leur modernité dans les rayons obliques du soleil. On dirait une armée de géants bienveillants autour de ce grand parc qui s'assoupit dans les derniers feux du jour. Nous repérons ça et là quelques oiseaux inhabituels : notamment quelques red-wing blackbird que je retrouverai plus tard dans Google sous la référence française de carouge à épaulettes et un joli cardinal bariolé.
Mais le jour qui tombe assez rapidement ne nous donne pas l'occasion de poursuivre plus avant la découverte de cette agréable « campagne » new yorkaise. Nous remontons vers les lumières et empruntons la 6è avenue ou Avenue of the Americas. Nous passons devant le célèbre Radio City Music Hall qui occupe une partie du Rockefeller Center.

En croisant la 42è rue au niveau de Bryant Park, nous apercevons au loin le Chrysler Building et son élégante flèche faites d'écailles lumineuses. La crise est là, Chrysler est en quasi faillite mais la tour brille encore et à ses pieds les New Yorkais s'affairent comme si de rien n'était. Juste devant nous l'étoile rouge géante de Macy's, « le plus grand magasin du monde », celui qui ne ferme jamais ses portes, est comme un étonnant pied de nez à la morosité et aux idéologies.
Nous entrons. Une foule s'y presse mais l'ambiance est feutrée, parfumée. Partout des fleurs. En bouquets, en pots, en arbustes savamment arrangés, c'est une féerie marchande. Combien d'étages y a-t-il, je ne me souviens plus bien mais nous ne verrons qu'une petite partie de cet empire qui s'étend sur tout un quartier.
Avant de rentrer fourbus à l'hôtel il nous reste encore à découvrir Times Square by night. Deux soirées ne seront pas de trop pour s'emplir de cette fête permanente...

04 mai 2009

Un printemps américain (3)


Le 7 avril, nous retournons à Washington DC !

Cette fois-ci par le train. Deux compagnies se partagent la ligne : Amtrak et Marc Train. Bizarrement les tarifs vont du simple à plus du double. Le calcul est vite fait, ce sera le Marc (14$ aller et retour par personne) pour faire les 38,5 miles soit 60 kms environ, qui séparent Washington de Baltimore.

Le trajet est sans grand intérêt, le train n'est pas de toute jeunesse et le paysage est répétitif, faisant alterner sur le bas côté des forêts de troncs maigres et dégarnis. Je suis frappé par le nombre d'arbres tombés, gisant à terre sans ordre ni entretien apparent. De ci de là, à l'occasion de trouées sur la campagne, on aperçoit de belles maisons en bois peint, sur de grandes propriétés impeccablement entretenues. La crise immobilière ne semble pas avoir trop fait de ravages par ici.

Arrivée à la gare de Washington: l'Union Station. Splendide édifice datant du tout début du XXè siècle. Elle fut un temps la plus grande gare du monde. J'apprends qu'elle faillit être détruite il y a près de trente ans, avant d'être en définitive entièrement rénovée en 1981.
Aujourd'hui encore elle paraît vaste, mais surtout affiche un luxe inhabituel pour un tel endroit. Le plafond est tout en voutes alvéolées soulignées de dorures, et largement ajourées par de lumineuses verrières. Les grandes arcades sont barrées par des linteaux sur lesquels trônent d'augustes statues en pied, de divinités antiques. Le hall immense, au sol marbré et carrelé, compte de nombreuses boutiques, et sa monotonie est interrompue par la présence d'un étonnant stand où siège un café restaurant sur deux niveaux, faits de boiseries vernies et de cuivre qui participent à la richesse du lieu. Un vrai petit village cozy. Il paraît qu'on trouve même une morgue, une salle de bowling, une crèche, des bains turcs...
Le tout est éclatant de propreté, et ce jusqu'aux toilettes, qui sont d'ailleurs aux USA d'après ce qu'on a pu en juger, toujours impeccables quelque soit l'endroit.


Nous prenons à pied Massachusett Avenue, et passons devant le Postal Museum, puis empruntons quelques belles artères, larges et dégagées, avant de tomber sur la Maison Blanche dont nous découvrons la façade nord avec son majestueux péristyle reposant sur dix colonnes.
Aucune présence policière apparente. L'endroit dégage à la fois quiétude et majesté.
Posté dans Lafayette square, on jouit d'une belle perspective, avec au premier plan la statue équestre d'Andrew Jackson (7è président), entouré de canons datant de la guerre de sécession (ou peut-être même de 1812). Au second plan, le bâtiment présidentiel et au fond, légèrement décalé, l'obélisque de Washington.
En longeant la Pennsylvania Avenue on tombe sur une statue de Rochambeau qui rappelle le rôle de la France dans l'Histoire américaine.
Enfin, la façade sud apparaît au loin, au fond de l'immense parc, masquée par de vénérables magnolias et un bassin centré par un jet d'eau. Au bord de la clôture des écureuils vont et viennent, attirés par les enfants. Contraste saisissant : la demeure du personnage le plus puissant du monde héberge ces hôtes lilliputiens qui se jouent des barrières, des frontières et du temps...

En nous dirigeant maintenant vers le memorial de Lincoln, nous rencontrons celui qui rend hommage aux morts du Vietnam. Il s'agit d'une simple excavation formant un angle descendant dans le sol en pente douce, et structurée par un mur de marbre anthracite sur lequel sont gravés par ordre chronologique les noms des quelques 50.000 gars tombés entre 1959 et 1975. Le brillant de la pierre renvoie le reflet fantomatique des visiteurs parcourant ce poignant sanctuaire. Aucun mot ne saurait vraiment rendre la tragique et humble beauté de ce miroir empli de tant de vains sacrifices...

Nous arrivons enfin au pied du Lincoln Memorial.

Autant celui de Jefferson était gracile et tout en rondeurs, autant ici on est frappé par l'aspect massif, intangible de la pierre blanche, traitée à la manière d'une acropole. Comme si sa vocation était avant tout de suggérer le caractère invincible et irréversible de l'Union.
Du haut des marches, on découvre un panorama magnifique. Le regard vole au dessus de longs bassins, est arrêté par l'obélisque et cherche à deviner au loin la silhouette du Capitole. J'ai l'impression d'avoir sous les yeux tout ce qui fait la grandeur de l'esprit de l'Amérique et je ressens une sorte d'exaltation magique.

Nous retournons sur nos pas et faisons un halte dans un fast food où nous apprécions les roboratifs sandwiches assaisonnés d'épices qu'on y sert quasi à toute heure. En Amérique on mange bien, mais sans vraie discipline de repas. En réalité on s'arrête lorsqu'on a faim. Pas de protocole, pas de succession définie de plats. On se poste simplement devant un panneau descriptif des menus pour choisir sa commande. En deux temps trois mouvements elle est exécutée sous vos yeux et après avoir réglé l'addition, vous n'avez plus qu'à trouver une table libre, les bras chargés de victuailles appétissantes, de cornets de frites et de larges gobelets remplis de soda. La nourriture n'est pas si déséquilibrée qu'on le dit à condition de savoir faire des choix raisonnables; les salades sont délicieuses et la viande – souvent du poulet – est servie avec des légumes, des sauces épicées et divers pains des plus sympathiques. Rien de mieux pour faire une pause agréable sans se ruiner.

L'après-midi, nos pas nous mènent vers le Capitole. Comme tous les bâtiments officiels, il est d'une blancheur éclatante et dévoile ses proportions impressionnantes à mesure que l'on s'approche. Depuis le 11 septembre 2001, il est hélas devenu plus difficile de visiter ce temple du pouvoir législatif. Seuls les parcours guidés à heure programmée, sont désormais autorisés. Dans ce parlement bicaméral, les élus se répartissent en deux groupes, celui des représentants qui compte 435 élus (au prorata de la population de chaque état) et le Sénat qui n'en totalise que 100 (2 par états). Les premiers ne jouissent que d'un mandat de deux ans tandis que les seconds disposent de 6 ans et sont renouvelés par tiers tous les 2 ans.

Enfin, la visite ne serait pas complète si l'on ne poussait jusqu'à la Cour Suprême située quelques centaines de mètres derrière. Elle aussi est bâtie dans le style néoclassique qu'on affectionne ici. Neuf juges nommés à vie veillent au strict respect de la Constitution.

30 avril 2009

Un printemps américain (2)


Le 6 Avril. Le temps est à la pluie aujourd'hui sur Baltimore malheureusement. Un vrai crachin breton. La matinée est quasi exclusivement consacrée à la recherche d'un adaptateur électrique permettant de connecter un appareil aux normes françaises, sur une prise de courant américaine. Bêtement je croyais posséder un cordon ad hoc mais il apparaît clairement que l'engin volumineux n'a rien à voir avec les minuscules fiches utilisées ici. Sans doute s'agit-il d'un modèle anglais...

Nous nous rendons, mon ami et moi chez le détaillant le plus proche, à savoir Radio Shack. C'est l'occasion d'une petite promenade à pied à travers le Patterson Park qui domine la ville et descend doucement sur plusieurs hectares vers le port. Une curieuse pagode attire l'attention au beau milieu de cette vaste étendue herbeuse toute simple, ponctuée de ci de là de cerisiers et de magnolias fleuris. Je n'ai pas bien compris ce qu'elle signifiait. Devant, deux enfants statufiés commémorent le centenaire de la résistance héroïque des soldats face aux attaques anglaises de 1814. Plus bas, nous contournons un étang peuplé de canards, de foulques et paraît-il de hérons et d'aigrettes. Je photographie quelques-uns de ces volatiles.
Autour, la skyline de Baltimore se découpe sur le ciel plombé. On y voit au loin la cime des buildings de la ville moderne et plus près, les dômes et clochers de plusieurs églises dont les coupoles dorées, rutilantes de l'église orthodoxe St-Michaels toute proche.

Dans le magasin nous expliquons notre problème, non sans quelque difficulté. Le vendeur semble avoir du mal à comprendre qu'on veuille brancher ici un appareil européen. Il finit par dénicher un adaptateur qui semble convenir à première vue. J'y enfiche sans problème la prise du câble de mon chargeur pour l'appareil photo.
Nous remontons par le même chemin, mais sitôt parvenus à la maison nous nous apercevons avec horreur que l'adaptateur lui-même ne rentre pas dans la prise murale !
Très gentiment mon ami me propose de repartir illico, cette fois-ci avec sa Jeep, qu'il est fier de me montrer et avec laquelle il semble s'amuser follement.
Enfin, nous trouvons le système adéquat. J'avais peur de ne plus pouvoir faire de photos lorsque que la batterie serait à plat...

L'après midi nous partons à la découverte des vieux quartiers de Baltimore, autour de l'Inner Harbor et Fell's Point. Quasi nés avec la ville au tout début du XVIIIè siècle ces endroits dégagent un charme original tout en contraste avec les architectures de verre et d'acier qui leur servent de toile de fond. Nous profitons d'une éclaircie pour nous promener sur le front de mer. Plusieurs bateaux historiques séjournent ici à demeure et sont plus ou moins transformés en musée. Avant tout la magnifique corvette 3 mâts USS Constellation qui date de la guerre de sécession (civil war) et a été rénovée entièrement il y a une dizaine d'années. Un sous marin l'USS Torsk, ayant servi pendant la seconde guerre mondiale et jusqu'à la crise cubaine du début des années 60, un bateau phare baptisé du nom de la baie Chesapeake, inscrit en grandes lettres blanches sur toute la longueur de sa coque rouge, enfin un antique garde côte, l'USCGC Taney.

Toujours en bord de mer, Baltimore s'est dotée d'un magnifique aquarium. Hélas nous n'avons pas le temps de le visiter et sommes un peu rebutés par le tarif d'entrée assez prohibitif (25 $).

Nous flânons sur la belle esplanade maritime, siège de pas mal d'animations notamment celles du Hard Rock Café qui permet à des musiciens amateurs de jouer en plein air. Puis, jouxtant cette enseigne bruyante, le majestueux immeuble baroque qui héberge la grande librairie Barnes et Noble. L'ensemble architectural en briques rouges, évoquant une vieille usine reconvertie a un petit côté « factory » assez plaisant. N'était la survenue d'une violente averse qui nous force à battre en retraite sous le porche du World Trade Center (eh oui...), nous aurions vraiment prolongé cette balade très agréable.

Heureusement quelques instants plus tard nous pouvons à nouveau battre le pavé de Fells Point, juste à deux pas du port. Là ce sont de charmantes petites rues qui nous séduisent, peuplées de pubs accueillants et d'adorables petites boutiques, le tout en briques comme la plupart de bâtiments un peu anciens de la ville. L'ambiance y est paisible, imprégnée d'un subtil parfum passéiste...

Puis nous rentrons chez nos amis dont nous apprécions le confort feutré de la maison. Belle demeure cossue en briques sur trois niveaux, dans une rue résidentielle. L'intérieur est à la fois élégant et cozy. La moquette épaisse est très agréable. On a l'impression d'être comme doucement portés par un sol fait de moelleux ressorts. Tout est fait ici avec goût et un sens aigu du bien être. Les murs vibrent des belles vues en noir et blanc de Paris que mon ami fixe avec amour sur la pellicule depuis des années. Cette passion croisée, lui pour la France, moi pour les Etats-Unis est à l'origine de notre improbable rencontre, rendue possible grâce à la magie d'internet.

29 avril 2009

Un printemps américain (1)


4 Avril 2009. L'Amérique nous accueille comme des rois.
Aéroport de Washington Dulles, un samedi ensoleillé saluant joyeusement le début du printemps, à la tombée du soir. Nous débarquons en force, ma petite famille et moi. Quatre Français un peu gauches, découvrant le nouveau Monde...
En sortant de l'avion, comme un citadin trop longtemps confiné dans les pestilences du quotidien, qui gonfle avec délectation ses poumons de la vivifiante brise marine retrouvée, je cherche tout de suite à m'emplir de l'air de ce pays si cher, et dont j'approche dès le premier jour le coeur battant.

Washington ! Ville au nom si sonore, véhiculant encore tant d'idéals : le bruit de la belle révolution, la soif d''indépendance et l'ivresse de la liberté. Washington, je touche ton sol avec une terrible émotion.
Ce voyage, je l'espérais, le rêvais, l'appréhendais depuis tant d'années. Qu'allait-il advenir de ces songes emphatiques, de cet amour platonique, maintenant que j'abordais la réalité triviale de cet univers gigantesque au mode de vie réputé si brutal ?

Nous n'arrivons pas en terre totalement inconnue. De bons amis autochtones nous attendent derrière les arides barrières de la douane aéroportuaire. Mais avant d'espérer les revoir, il faut s'affranchir de formalités plutôt procédurières. C'est vrai qu'il faut montrer patte blanche avant d'entrer sur le territoire américain. J'avais déjà rempli des formulaires fastidieux (ESTA) par l'intermédiaire d'internet mais il a fallu tout recommencer dans l'avion, sans rature, sans surcharge, sans erreur (j'ai dû m'y reprendra 3 fois...). Non je ne n'ai jamais eu maille à partir avec la justice, non je me suis jamais livré à des actes terroristes, non je n'ai jamais eu d'accointances d'aucune sorte avec le régime nazi...
Après l'attente sage derrière une ligne jaune, la famille rencontre enfin l'officier d'immigration. Il nous pose un tas de questions. Contrôle méticuleux du passeport. Prise électronique des empreintes digitales des cinq doigts des deux mains. Photo, sans lunettes please.
Puis enfin, le sas s'ouvre : « Welcome in America !». C'est écrit en toutes lettres sur des chartes affichées un peu partout. L'Amérique est heureuse de vous accueillir. Elle fera tout pour rendre votre séjour agréable et vous faciliter la vie...

Nos bons amis sont là et nous tombons dans leurs bras ouverts, un peu abasourdis et fatigués, mais heureux.
En route pour Baltimore, dans leur confortable Mercury qui nous accueille sans peine à six. Découverte des autoroutes américaines. Circulation dense mais tranquille (75 mph maxi), sur plusieurs voies. Les voitures passent de l'une à l'autre sans contrainte apparente. On double aussi bien sur la gauche que sur la droite et le téléphone au volant paraît ici assez courant. Les autos ne sont plus si grosses qu'autrefois semble-t-il. Il y a des pick-up larges comme des baignoires à bestiaux, de nombreux quatre-quatre massifs, mais dans l'ensemble pas d'énorme différence avec les routes européennes. Pas de trucks ni de trailers aujourd'hui, c'est samedi. Outre les autos made in America, il y a des japonaises, des allemandes, quelques italiennes,et même anglaises, mais je ne vois pas une française...
La nuit tombe déjà. Pourtant pour nous le jour s'était levé il y a près de vingt heures...

***

Après une bonne nuit dans un lit queen size moelleux, nos hôtes ont prévu après un solide breakfast, de nous emmener... à Washington !
Le soleil est radieux. Le long de la route les nombreux bois et forêts sont encore dénudés au sortir de l'hiver. Nous passons devant le Goddard Space Flight Center de la NASA. Mais pas de fusée ici, juste de la matière grise. réfléchissant inlassablement aux moyens de toujours dépasser les limites de la Nouvelle Frontière. De toute manière la conquête spatiale n'est plus ce qu'elle était. Il n'y a pour l'heure plus guère de grande aventure humaine vers les mondes éloignés. On travaille dans le cosmos de manière pragmatique pour améliorer les télécommunications, affiner les prévisions météo, mieux connaître la planète, ou bien approfondir la recherche de matières premières. Les galaxies sont disséquées par le bout affûté des télescopes, jusqu'à des millions d'années-lumière mais l'homme quant à lui n'a pas dépassé et sans doute pour encore un bon bout de temps, la distance de 400.000 km, séparant la Terre de la Lune

.Arrivée à la station New Carrollton, au bord de la rocade de Washington. Nous pénétrons à l'intérieur du premier cercle ! Celui formé par les interstate 495 et 95 qui constituent l'emblématique Capital Beltway. A l'intérieur de ce périmètre, sont situées à peu près toutes les institutions importantes du pays : Maison Blanche, Capitole, Cour Suprême, Pentagone, ministères, administrations... « Inside the beltway » disent les Américains pour parler du centre névralgique de leur pays.

Nous prenons le métro. Moderne – il n'a qu'une trentaine d'années – il baigne dans une curieuse ambiance. Tout en voutes alvéolées, il est plongé dans une étrange semi-obscurité, à peine percée de faisceaux issus de néons blanchâtres. Le système de la SmartTrip Card est pratique. Il permet de circuler sans ticket en rechargeant périodiquement la carte aux bornes de paiement. Curieusement ma carte de crédit est rejetée après l'acquisition de deux smartrip card. Il faut acheter les deux autres avec du cash...
Au sortir du sous-sol, nous arrivons à proximité des Smithsonians, vaste enfilade de musées jouxtant le National Mall.
Notre promenade va consister à sillonner cette immense esplanade, joignant le Capitol au Lincoln Memorial. Il y a moins de trois mois, elle était noire de monde au moment de l'investiture de Barack Obama. Aujourd'hui malgré les touristes venus pour le National Cherry Blossom Festival, elle paraît presque vide.
Première étape de ce parcours initiatique, le gigantesque obélisque dédié à la mémoire de George Washington. Haut de près de cent-soixante-dix mètres et entouré d'une nuée de dérisoires mâts blancs sur lesquels flotte la bannière étoilée, il semble percer l'azur de son cône aigu. Sa pointe est faite d'aluminium, métal rare et presque aussi précieux que l'or à l'époque où il fut érigé. On peut y accéder paraît-il par un escalier, que nous n'essaierons pas d'emprunter...

La suite de la promenade est un véritable enchantement sous les innombrables voutes des cerisiers en fleurs. Nous avons la chance d'arriver au moment idéal pour visiter ce site et le soleil donne un air estival à cette journée. L'ambiance est détendue et la foule très débonnaire.
Nous cheminons le long du Tidal Basin d'où nous voyons progressivement se rapprocher le Jefferson Memorial. Sorte de rotonde blanche reposant sur des colonnes au style antique, elle abrite la statue en pied du troisième président américain dont on devine la silhouette sombre qui se détache en ombre chinoise sur le ciel.
En gravissant les marches marmoréennes du monument, j'avoue être parcouru par de délicieux frissons. Le souvenir des Pères Fondateurs est bien vivace sous mes yeux. Ce que j'ai imaginé est en somme conforme à la réalité. Ces temples modernes ne sont pas un vain mot. Ils impriment leur marque à la société dont ils sont encore les références, les symboles vivants. Je relis avec une indicible joie les fortes paroles gravées dans le marbre, qui ont entouré la naissance de cette nation et l'avènement de la liberté sur le monde.
Jefferson est un des hommes d'état auquel je voue la plus grande admiration. Il incarne à merveille à mon sens l'idéal démocratique moderne, exigeant pour l'individu l'indépendance d'esprit, la liberté d'opinion, mais aussi la responsabilité, et pour l'Etat l'organisation fédérale, la décentralisation, autant que la modestie administrative.
Hélas en ces temps troublés, la sagesse libérale est mise à mal et ces repères rassurants sont quelque peu perdus de vue par certains, un peu trop prompts à lâcher la proie pour l'ombre ou trop enclins à suivre de faux prophètes agitant leurs vieilles crécelles.

Nous passons devant le curieux monument édifié pendant le mandat de Bill Clinton, à la mémoire de Franklin Delano Roosevelt. Le président qui ne pouvait se tenir debout est représenté assis, couvert d'une lourde cape de bronze, et son chien à ses pieds, dans un style réaliste manquant singulièrement d'emphase. Non loin de lui son épouse se tient figée dans une alcôve. Le monument est constitué de blocs de granit sombre aux connotations symboliques. Au détour de l'un d'eux apparaît une funèbre procession de statues, évoquant les chômeurs des années noires. Seule note un peu légère, une cascade s'écoulant de ces stèles est censée signifier la paix retrouvée.

Nous n'aurons pas le temps d'en faire beaucoup plus en cette journée radieuse, fatigante pour les jambes, mais qui restera toutefois dans nos esprits comme une merveilleuse introduction à l'Amérique.

Revenus à Baltimore nous passons le début de soirée attablés à la terrasse d'un restaurant de spécialités italiennes. En face le Safeway, le supermarché local, est animé d'un ballet incessant de clients qui entrent et sortent. « A quelle heure ferme-t-il ?»,demande-je à mon ami.
« Jamais », me répond-t-il amusé. C'est ouvert 24h sur 24 et 7 jours sur 7. On y fait un petit tour par curiosité. On y trouve vraiment de tout y compris les médicaments. Quant aux fromages, réputés rares aux USA, on les voit à peu près tous à l'étalage, mais pas vraiment bon marché...

26 mars 2009

L'Esprit du Blues










Au cœur de la nuit bleue monte l'esprit du Blues
Comme une longue plainte à la puissance douze.
Plainte mélancolique avançant d'un pas lourd
Elle écorche en douceur le silence alentour.
Sa stridence cuisante avive les blessures,
Mais le feu jaillissant de ces pures morsures
Emplit l'âme ébahie d'une onde ivre d'amour
Qui s'imprègne du noir pour monter vers le jour...
Mimant d'un vieux Delta le cours des eaux trainantes
Elle descend amère au bord de tristes pentes
Et sa chanson suave engloutit dans son flux,
Des diables ténébreux gavés d'espoirs déçus.
Mais en elle le spleen se mélange à la joie,
Jamais elle ne trahit celui qu'elle côtoie.
Sa caresse brûlante en traversant le corps
Fait monter le chagrin tout en rendant plus fort.

Les malheurs de la vie, l'échec, l'humeur jalouse
Ou bien les trahisons d'une infidèle épouse
Toutes ces vilénies, ce cafard, ce remords
Sont peu de chose en somme en face de la mort.
Et lorsque fatigué de penser au tragique
L'esprit se livre entier à cette âpre musique
Il comprend par magie son sens en un éclair
Et pour lui dans la nuit, tout enfin devient clair.

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Hommage à l'esprit vivace du Blues, deux disques récents :


The Mannish Boys, Lowdown Feelin' superbe compilation de standards peu connus mais interprétés par une joyeuse bande, sous la houlette inspirée de Randy Chortkoff qui ne contribue pas peu au chant et à l'harmonica (une très belle et puissante composition à son actif Rude Groove). Tout ce petit monde est absolument excellent et produit un Blues aux intonations incroyablement authentiques, variées et savoureuses : du vrai Delta Groove comme dit la pochette. Au chant on retient Bobby Jones, Finis Tasby et Johnny Dyer. A la guitare le remarquable Kid Ramos. Parmi les invités Little Sammy Davis notamment dans une ballade très émouvante : When I leave. Une fontaine de Jouvence pour surmonter la morosité ambiante.

Alain Bashung : Bleu Pétrole. Après que soient envolées les dernières fleurs tombées par milliers sur l'artiste au moment où un destin cruel l'arrachait à la vie, reste pour l'éternité ce superbe album. On y compte bon nombre de compositions originales envoûtantes auxquelles la patte de Gaétan Roussel n'est pas pour rien (Je t'ai manqué, Résidents de la République, Hier à Sousse, Sur un trapèze). Elles sont magnifiées par la voix de stentor, plus belle et profonde que jamais, du desperado chanteur un peu ténébreux, et pour parfaire l'ouvrage par des arrangements musicaux touchant au sublime, à la fois puissants et intimes (dans le poignant Tant de nuits, par exemple). L'hommage à Gérard Manset est également de toute beauté (comme un lego, Il voyage en solitaire), ainsi que celui à Léonard Cohen (Suzanne). La maladie était hélas déjà dans sa chair mais Alain Bashung lui donne une vraie gifle avec cet enregistrement parfait qui lui procure une stature de commandeur bien méritée.

23 mars 2009

Le Pape et les Préservatistes


Époque délicieuse ou seuls les propos du Pape sont encore susceptibles de choquer les Bourgeois (et bien d'autres pense-petits d'ailleurs...). L'inversion des valeurs est telle, l'abrutissement des esprits est si avancé que ce sont maintenant les concepts les plus naturels et les plus évidents qui paraissent les plus provocateurs. Stéphane Guillon et autres pitres amidonnés dans les ersatz de contre-culture n'y peuvent rien. Les horreurs dont ils font une surenchère très lucrative sont bien insignifiantes face à deux mots de Benoît XVI. Eux n'émeuvent pour tout dire que les victimes de leur humour pachydermique, et le président de la République (qui a sans doute encore du temps à perdre pour se faire leur agent publicitaire).
Deux phrases suffisent en revanche au Pape pour provoquer un tollé gigantesque qui remue tout le Landerneau. Chapeau l'artiste ! Qui n'y verrait le secours de la main de Dieu ?
Qu'on ne se méprenne pas. Loin de moi l'intention de sous-estimer le drame du SIDA, et tout aussi loin de moi l'idée d'une quelconque vénération du Pape. Je n'ai aucun d'état d'âme vis à vis de l'un et de l'autre. L'un est une maladie relevant de la Santé Publique, l'autre est le chef de certains Croyants, point. Quant au préservatif il est évident qu'il s'agit d'un moyen technique efficace pour lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, mais j'ai beau me creuser les méninges, je ne vois vraiment pas son rapport avec la religion.
Car tout de même qu'y a-t-il de plus incongru que de demander au Souverain Pontife son avis sur ce capuchon de latex ? Autant interroger le poinçonneur des Lilas sur la direction des Upanishads, un garçon boucher sur l'intérêt du découpage moléculaire, ou même un socialiste sur la vraie nature de l'économie...
Ça faisait quelque temps que les mirlitons de la pensée unique cherchaient Benoit XVI. Avec ces propos sur le SIDA, arrachés par des journalistes au cours d'un voyage en avion, ils ont trouvé l'occasion rêvée : en plein charity-business du Sidaction, tandis que les nouveaux dévots rassemblés en messes médiatiques, arborent rituellement le fameux petit ruban rouge en se battant la coulpe pour répudier le VIH comme s'il s'agissait de Satan !
Qu'a donc dit Benoît XVI de si choquant ? Rien de fondamentalement différent de ce que disaient ses prédécesseurs jusqu'à Jean-Paul II : que pour l'Eglise, l'activité sexuelle se conçoit comme l'expression charnelle de l'amour et qu'en tant que tel l'amour vaut plus que le coït animal auquel une société matérialiste et jouisseuse cherche à le réduire. Autrement dit, dans sa sphère spirituelle ou la sexualité suppose relation durable et fidélité, le problème du SIDA ne se pose pas vraiment. On peut ajouter qu'en dehors même de toute considération religieuse, si la distribution de préservatifs était réellement efficace, les contaminations par le VIH auraient cessé depuis longtemps. Le préservatif est vieux comme le monde mais pour le SIDA comme pour la syphilis, il a surtout fallu attendre les médicaments. Ils n'ont pas empêché hélas la maladie mais en ont spectaculairement renversé le pronostic...
En définitive, cette polémique est une sorte de tempête dans un verre d'eau. Qui peut vraiment croire que tous ces petits Chrétiens offusqués seraient mieux aise si le Pape se mettait tout à trac à distribuer Urbi et Orbi les préservatifs en même temps que les bénédictions ? Et qui serait assez stupide pour comprendre son message de la seule manière qui soit vraiment dangereuse, à savoir suivre à la lettre sa consigne recommandant d'éviter l'usage de la capote, mais se soucier comme d'une guigne de son appel à l'amour fidèle et raisonné, et baiser comme un lapin tout ce qui passe à sa portée....

08 mars 2009

Julien Green, un messager


Julien Green occupe une place originale dans le panthéon des écrivains de langue française. Né à Paris en 1900 de parents américains, il ne put jamais vraiment choisir un pays ou l'autre. Consacré par l'élection à l'Académie française en 1971, il resta citoyen américain jusqu'à sa mort à 98 ans. En définitive, il incarna parfaitement l'archétype de l'Américain à Paris...
Dans un curieux petit livre édité récemment, intitulé affectueusement Mon Amérique, il avait rassemblé durant les années quarante, la quintessence de sa fibre américaine.
Comme à l'accoutumé, c'est léger, fluide, amical et distingué, tout dans la manière du personnage. De la bonne et belle littérature en somme.
Un double destin caractérise donc cet écrivain. Un solide enracinement dans la culture française au terme d'études primaires au lycée Janson de Sailly, puis un ancrage outre-atlantique acquis par la fréquentation quelques années plus tard, de l'Université de Virginie.
Cette dernière lui inspira un indicible et constant attachement pour le Deep South que sa mère lui avait dépeint tant de fois durant l'enfance : « si j'avais des racines elles poussaient là, de ce côté de l'Atlantique... ». Devenu écrivain, il choisit pourtant de vivre en France le plus clair de son temps, écrivant l'essentiel de son oeuvre en français. Étrange paradoxe ; il fut selon son propre aveu, un Parisien rêvant d'Amérique : « pas un jour ne se passe que je ne pense à elle.. »
A Charlottesville en Virginie où il débarqua au sortir de l'enfance, une seule image dès le premier jour lui dit ce qu'était le Sud, en lui « coupant le souffle » : « une petite place, un canon de bronze rêvant à Manassas veillait devant un bâtiment de style néoclassique. Rien n'y manquait ; le fronton triangulaire et deux colonnes doriques d'une blancheur parfaite et qui paraissaient d'autant plus blanches qu'elles se détachaient sur un fond de brique sombre. C'était le Palais de justice flanqué de magnifiques sycomores dont le feuillage doré était comme un coup de soleil. »
Au delà de l'imprégnation familiale, le Sud était à ses yeux, le lieu de transition entre le vieux et le nouveau monde : « On ne comprend pas grand chose à l'origine de la guerre entre le Nord et le Sud si l'on en se rend pas compte que dans une certaine mesure le Sud était l'Europe. » En réalité, la guerre de sécession ne fut pas autre chose que « le divorce sanglant avec le passé... »
Il y a une pointe de nostalgie dans cette évocation. Parlant de Savanah par exemple, il évoque cette « tristesse d'autant plus difficile à décrire qu'elle semble à chaque instant contredite par la gaité charmante des habitants... »
Bien sûr Julien Green n'est pas insensible non plus à l'esprit qui souffle sur la Nouvelle-Angleterre. Il ne manque pas d'évoquer Concord dans le Massachusetts, d'où fut « tiré un coup de fusil dont l'écho fut perçu dans tous les coins du globe. » Il dépeint également non sans une certaine délectation les racines victoriennes de New-Salem en Pennsylvanie : « Petites maisons de bois peint ou brille le heurtoir de cuivre au milieu de la porte, toutes un peu prudes, un peu trop soucieuses de bonnes façons, semblent rêver à leur soeurs lointaines du Kent, ou du Devonshire.../.. C'est la Nouvelle-Angleterre qui se souvient de la vieille.../... Peut-être vais-je voir au tournant d'un chemin des soldats anglais en tunique rouge...»
Il manifeste une tendresse également pour les Indiens auxquels il consacre un chapitre joliment intitulé « Nous avons tous un coeur d'indien » : « Regardons de plus près cette race incapable de se résigner à son sort. Les documents sans nombre nous font voir des visages d'une noblesse qu'aucune aristocratie n'a pu dépasser, si même elle l'égalait. »
Au cours de cette sorte de périple initiatique, Green évoque aussi le souvenir de quelques grande figures tutélaires. Edgar Allan Poe avant tout, non pas tant par le pèlerinage à Baltimore sur la tombe, qu'à Charlottesville encore, où l'ami de Baudelaire vécut longtemps.
Nathaniel Hawthorne, fascinant pas ses aptitudes à l'observation : « il restait parfois plus d'une heure à suivre le trajet d'un rayon de soleil sur le clocher d'une église .../... Ces grands contemplatifs savent que si l'on regarde les choses assez longtemps elles finissent par regarder l'observateur et lui parler. »
Gertrude Stein enfin, autre franco-américaine, dont il était l'ami et qu'il décrit en la comparant à « une montagne, un menhir, quelque chose d'inébranlable qui tenait à sa race autant qu'à son génie... » Il admirait cette femme étonnante chez qui il n'y avait « pas de place pour la tristesse ou l'amertume », et que « le doute semblait n'avoir jamais atteinte », mais plus encore, il était envoûté par « les yeux très grands et très profonds qui retenaient par la vigueur de l'intelligence... »
Naturellement la confrontation tantôt fraternelle, tantôt fratricide entre l'Europe et l'Amérique, tient une large place dans ces réflexions à bâtons rompus. Durant ces heures sombres, au seuil d'un nouveau conflit mondial, cette Europe apparaît décidément incompréhensible aux yeux des Américains : « Pourquoi donc ne peuvent-ils pas vivre en paix ? .../... Est-il possible que tout cela recommence, .../... Que de nouveau des garçons d'Amérique traversent l'océan pour servir là bas ? »
Mais même s'il grogne, « L'Américain est avant tout un être sentimental, avec des colères et des raisonnements de sentimental. » Et l'Amérique, loin de répondre comme d'aucuns semblent parfois le penser à une mécanique cupide et simpliste, reste par sentiment, fidèle envers et contre tout. Même si la situation lui paraît absurde, énervante, elle fera son devoir : « Crois-tu donc qu'on nous ait changé le coeur de place ? » Lui demande son ami Chapman. S'ensuit une série de chapitres sur le formidable effort de guerre entrepris, dont les titres claquent comme des étendards au vent : Soldats d'Amérique, Au secours de la Liberté, L'Amérique en guerre...
En toutes circonstances, et particulièrement les plus terribles, les plus difficiles, l'Amérique est « comme quelqu'un qui perpétuellement lutte et se débat, non pour se maintenir dans une situation qu'il aurait acquise tant bien que mal, non pour demeurer, mais pour devenir. »
En définitive, l'Amérique et l'Europe à travers l'écrivain, ont destins liés. En 1944 (comme peut-être aujourd'hui ?), la relation ambivalente entre l'Amérique et la France est quoi qu'on y fasse celle « d'excellents amis qui s'écrivent trop peu. Dans les circonstances actuelles, c'est à la France à écrire; elle doit à l'Amérique une de ces lettres copieuses et bavardes comme on aime tant à en lire chez nous. Sans doute l'amitié subsiste si la lettre n'arrive pas mais est-ce tout à fait la même chose ? »
Julien Green, nouveau Janus, regardant avec la même affection l'est et l'ouest de l'Atlantique, n'est-il pas un des mieux placés pour porter ce message ?

28 février 2009

L'écume des jours

Le Monde me fait parfois penser à une mer énorme dont l'actualité serait l'écume. Reflet de turbulences parfois lointaines, parfois toutes proches, elle est constamment agitée par le souffle de la Presse et des Médias. Charriant beaucoup de mousse en s'évanouissant et en se reconstituant sans cesse, elle fait hélas souvent perdre le sens des indicibles profondeurs au bord desquelles elle voltige. Un rien l'affole, un rien la fait retomber, mais elle est rarement proportionnée à ce dont elle est censée témoigner, révéler ou annoncer. Pire, en créant l'illusion, en masquant l'horizon et parfois les vrais écueils, n'est-elle pas à même de provoquer des réactions intempestives ?
A-t-on tenté de mesurer par exemple, l'effet amplificateur des médias sur l'actualité ?
Qui sait si la Crise n'est pas aggravée par l'effet des annonces lugubres émanant avec grand fracas des journaux, radios et télévisions réunis ? A force de répéter quotidiennement que les choses vont mal et qu'elles vont même empirer, combien instille-t-on de poison sournois dans les humeurs ?
A l'autre bout du spectre médiatique, certains évènements dérisoires sont montés en épingle avec un affreux sens de l'opportunisme et un cynisme franchement écœurant. Révèlent-ils de vrais problèmes de société ou bien s'en sert-on pour les provoquer ? A moins qu'ils ne soient la marque d'une attirance morbide pour les phénomènes de foire ...
Que n'a-t-on dit sur l'obscur évêque anglais négationniste Williamson. Personne n'en avait pourtant entendu parler jusqu'à ce que le pape entreprenne une action visant à lever l'excommunication dont il avait fait l'objet pour avoir été consacré par Mgr Lefebvre. Pas un jour depuis, qu'on ne nous bassine avec le moindre de ses propos insensés sur la Shoah ou bien sur les évènements du 11 septembre. Rengaine trop connue et inintéressante au possible. A qui profite le battage de ces tuyaux creux ?
Dans un autre genre, qu'en est-il vraiment du petit anglais Alfie, âgé de 13 ans, père paraît-il d'un bébé conçu avec sa copine Chantelle qui en a 15 ? L'information semble effrayante, fantasmagorique. Pourtant, il y a de fortes chances qu'elle soit fausse ou tout simplement sordide. Pas moins de 4 bambins de 12 à 16 ans revendiquent en définitive l'engrossement de Chantelle... Le milieu familial est quant à lui un vrai poème. Le père d'Alfie, qui a quitté le foyer familial il y a deux ans, a neuf enfants au total, nés de trois mères différentes (Le Point 19/02/09). Quant aux parents de Chantelle, ils en ont de leur côté 6 ce qui leur permet de vivre gentiment des allocations et d'ouvrir grande la porte de la chambre à coucher de leur fille, probablement dans l'espoir de grossir la manne... Rien qu'en photos et reportages, ce petit monde aurait déjà touché plus de 100.000 euros...
Du même tonneau, on apprenait hier qu'aux USA, la mère de six enfants qui avait donné naissance à des octuplés grâce aux techniques de procréation médicalement assistée, était sollicitée à hauteur d'un million de dollars pour jouer dans un film pornographique ! De quoi nourrir les 14 bouches que cette femme seule et sans travail a mis délibérément au monde...
A d'autres moments au contraire, l'information, parfaitement objective et rationnelle est tenue pour quasi négligeable. Le Figaro révélait ainsi le 12 février dernier que dans un rapport « tenu secret », l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait conclu à l'innocuité pour la santé du fameux maïs OGM MON 810 de Monsanto.
La belle affaire ! On pourrait penser que les jugements de cet organisme « indépendant », financé par l'Etat soient souverains et que l'affaire soit enfin entendue... Pensez-donc. Pas le moins du monde. L'importation des OGM reste jusqu'à nouvel ordre interdite en France et rien ne bouge au royaume du principe de Précaution. On cache même les conclusions des instances officielles...
Est-ce de la couardise face aux altermondialistes ? Est-ce de la bêtise tout simplement ? Ou bien s'agit-il au fond d'une mesure protectionniste non avouée ? Quant à l'AFSSA, est-elle plus utile que tous les machins bureaucratiques mis sur pied à grands frais pour réglementer notre univers quotidien ? Et saura-t-on un jour, alors que s'ouvre enfin le procès, ce qui s'est vraiment passé en septembre 2001 à Toulouse sur le site de l'usine AZF ?
De ci de là, on apprend aussi que le nouveau président américain Obama envoie pas moins de 17.000 hommes en Afghanistan et qu'il demande un effort identique à l'Europe. Personne ne semble s'en offusquer. En Irak, il suit scrupuleusement le programme de Bush, en retirant de manière graduée les troupes encore présentes, tandis que le pays qu'on disait livré sans espoir au chaos, vient à nouveau de passer avec succès, l'épreuve des élections. Il faut bien chercher pour trouver parfois un entrefilet commentant la nouvelle...
Pour son pays, contrairement à l'image gauchisante qu'on a voulu lui donner, il se défend de tout protectionnisme en bannissant le slogan « Achetez Américain ! ». Enfin il propose pour sortir du marasme économique, un plan digne de celui de Paulson (plus de 700 milliards de $ votés en sept 08 pour racheter les actifs toxiques et soutenir les banques).
Dans la tourmente, un homme reste serein et plus déterminé que jamais : José Aznar (Figaro 23/01/09) . Certes son pays traverse comme tant d'autres une période difficile. Mais cette crise signifie-elle à ses yeux la mort du capitalisme ? : « Ce n'est certainement pas l'échec du libéralisme, mais l'échec des mécanismes actuels de régulation et d'intervention de l'État dans un secteur qui est pourtant déjà très régulé, le système bancaire. C'est comme en politique. Lorsqu'on élit un mauvais gouvernement, cela ne remet pas pour autant en cause la démocratie. » Et s'il avait raison, lui l'artisan du miracle espagnol ? « Plus de flexibilité et de liberté dans l'économie, moins de taxes, moins de dépenses, plus de stabilité budgétaire, moins d'intervention de l'État. » Etonnant, non ?
Enfin, au moment où l'on se lamente sur la misère qui gagne du terrain, où l'on agonit les actionnaires, les banquiers et chefs d'entreprise, la spéculation artistique elle, ne s'est jamais si bien portée sans choquer personne. L'incroyable vente d'objets d'art organisée par Pierre Bergé vient de rapporter 379 millions d'euros en trois jours d'enchères ! Certes elle dispose d'un alibi politiquement correct puisque les profits seront parait-il versés à des oeuvres caritatives. Certes il y a d'authentiques chefs-d'oeuvres dans cette bimbeloterie (notamment une superbe nature morte de Derain), mais on croit rêver par les temps qui courent, en lisant qu'un monochrome gris « avec grille », de Mondrian a trouvé preneur pour 14 millions d'euros ! Et le clou assurément : le détournement « humoristique » à la manière « Dada », par Marcel Duchamp, d'un petit flacon de parfum « Un Air Embaumé » de la « Maison Rigaud Paris en 1915» (subtilement rebaptisé « Belle Haleine, Eau de Voilette »). Il est parti faire le bonheur d'un gogo assez fortuné pour débourser près de 9 millions d'euros (belle opération spéculative soit dit en passant, car il avait été acheté 1,7 M€ en 2002) !
Non décidément, ce n'est pas la crise pour tout le monde...

23 février 2009

La crise de la crise...


C'est curieux cette crise tout de même. Ce qu'elle peut susciter de tohu bohu médiatique et d'explications contradictoires.

Pas un jour sans qu'un expert ne vienne ajouter de nouvelles théories et prévisions au fatras monumental déjà déversé sur nos têtes affligées. Une chose est sûre, la crise a du bon assurément, pour ceux à qui elle donne l'occasion de pérorer sous l'oeil complaisant des caméras, tout en faisant la promotion de leurs petits bouquins bricolés à la hâte pour profiter de l'aubaine...

Mais pour le reste, quelle pagaille ! Les politiciens incorrigibles ressortent les rodomontades idéologiques les plus éculées, les économistes s'emberlificotent dans des théories de plus en plus fumeuses, et les historiens et philosophes s'efforcent, envers et contre toute nécessité, et au prix de raccourcis grossiers ou d'assimilations hasardeuses, d'expliquer le présent par le passé... Même dans les plus hautes sphères, le cours erratique des évènements tend à faire manger son chapeau.

Pour le Président de la République, qui chantait pourtant les louanges du modèle capitaliste anglo-saxon il y a quelques mois à peine, c'est sa faillite à laquelle on assiste, et il faut d'urgence le refonder en le moralisant. Mais la France est-elle la mieux placée pour l'exercice, elle qui est en crise structurelle depuis des décennies ?
J'entendais il y a quelques jours M. Strauss-Kahn, président du FMI, livrer de son côté son analyse. Reprenant une antienne largement utilisée par d'autres, il expliquait l'origine de la crise actuelle par l'excès de crédit : « Trop de crédits distribués sans faire assez attention... » D'où selon lui, une «accumulation de dettes devant laquelle tout le monde a eu peur ».
Pourquoi pas, mais dans ce cas, pourquoi dénoncer dans le même temps, la pusillanimité actuelle des banques qui rechignent à prêter ? Il faudrait savoir si elles font trop ou pas assez crédit tout de même... Et surtout, pourquoi préconiser comme la plupart des tenants de cette théorie, de gigantesques plans de relance, faisant appel précisément… au Crédit ! Qui plus est, mis en oeuvre par des Etats le plus souvent déjà lourdement débiteurs... Redécouvrirait-on les vertus de la méthode consistant à soigner le mal par le mal ?
Peu de jours auparavant, c'était le soi disant « politologue, démographe, historien, sociologue et essayiste » Emmanuel Todd qui incriminait le libre échange. L'accusant d'avoir mené le monde là où il est, il préconisait doctement de renverser la vapeur et réclamait d'urgence des mesures protectionnistes, seules capables de « doper la demande » asphyxiée selon lui par le libéralisme.
Mais comment diable le protectionnisme pourrait-il augmenter la demande, lui qui commence invariablement par raréfier l'offre, tout en provoquant à coup sûr une hausse des prix ?

Un peu de bon sens suffit pourtant pour s'accorder avec nombre de constats faits par ces brillants spécialistes, tout en rejetant les extrapolations qu'ils en font. Il n'est pas besoin d'être grand clerc par exemple pour comprendre les méfaits engendrés par la surabondance du crédit, depuis des lustres, ou encore pour voir l'inadéquation actuelle entre l'offre et la demande.
Le plus difficile à réaliser toutefois, est que l'endettement ait été si largement encouragé (et pratiqué) par les Pouvoirs Publics, pour permettre notamment au cycle offre/demande de tourner à plein. Car force est de constater hélas qu'à force de tourner si fort, ce moteur a épuisé tout son carburant et usé ses ressorts.
Le crédit n'est propice que s'il répond à un objectif pragmatique, s'il fait espérer un vrai retour sur investissement et s'il est gagé par des risques raisonnables. La surconsommation et le productivisme auxquels on a assisté ces derniers temps étaient de plus en plus dépourvus de ces qualités. Ce fut une vraie fuite en avant, poussant à aller de plus en plus vite et de plus en plus fort, attisée d'un côté par l'exigence de tout avoir et de tout payer au moindre prix, et de l'autre par une productivité effrénée assurant une offre sans cesse renouvelée et une rentabilité maximale. Lequel entraîna l'autre c'est bien difficile à dire, toujours est-il qu'aujourd'hui, si la balance est cassée c'est au moins autant par excès d'offre que par défaut de demande et les responsabilités paraissent à tout le moins très largement partagées.
Et l'impression qu'on retire avant tout à la vue des accumulations considérables de biens de consommation attendant en vain une clientèle, est que le fameux marché est parvenu au moins temporairement à saturation.

Le plus fort est que ce résultat devrait plutôt satisfaire les anti-libéraux, alter-mondialistes, écologistes et Malthusiens de tout poil. Aujourd'hui le règne de la bagnole semble sérieusement mis à mal, on consomme moins de pétrole et de matières premières, la société paraît mettre un frein à sa frénésie compulsive de consommation, et la croissance tend vers zéro. Au surplus, par la force des choses, les patrons sont contraints de faire profil bas, et les maudits actionnaires boivent le bouillon...
Pourtant, par un paradoxe étonnant ce sont les plus acharnés anti-capitalistes qu'on entend le plus crier au scandale et réclamer une relance « par la consommation », pour revenir au bon vieux temps en somme...
Evidemment, ils n'avaient sans doute pas pensé que le coup de frein sur l'économie se traduirait aussi par quelques turbulences sur le marché de l'emploi...


En définitive, cette crise est peut-être le séisme annonçant l'entrée dans un nouveau monde, plus sage, plus raisonnable, plus équitable et en définitive, plus intelligent. A condition que chacun prenne ses responsabilités, qu'on n'attende pas tout de l'Etat, et qu'on ne bride surtout pas la Liberté d'entreprendre... Ce n'est pas vraiment le chemin qu'on prend...

12 février 2009

The Union must be preserved...


Un prénom de prophète pour un destin de patriarche.
Abraham Lincoln (1809-1865) dont on fête le 12 février l'anniversaire, et cette année le bicentenaire de la naissance, fut en quelque sorte le père de la Nation Américaine. Il fut celui qui parvint à vraiment sceller, au prix d'une guerre civile et de sa propre vie, ce projet titanesque, élaboré par quelques colonies anglaises en mal d'indépendance, 20 ans avant sa naissance (George Washington fut élu premier président le 4 mars 1789), et qui faillit s'effondrer faute de fondations suffisamment cohérentes.
Élu en 1861, avec 40% des voix seulement, à la faveur des divisions régnant dans le Parti Démocrate, il avait acquis une stature nationale quoique nettement minoritaire, avec des positions clairement anti-esclavagistes. En 1858, il se désolait en effet : «Une maison divisée contre elle-même ne peut rester debout. Je crois que ce régime ne peut se prolonger de façon permanente, mi-esclavage, mi-liberté.»
Précisons que jusqu'à cette date, le délicat problème de l'esclavage avait été solutionné de manière plutôt hypocrite : le compromis étonnant du Missouri en 1820, avait en effet circonscrit à la latitude de 36°30, la limite des états autorisés à le pratiquer !
A l'époque, les USA en pleine expansion, voyaient régulièrement leur territoire s'agrandir grâce à de nouveaux états gagnés vers l'Ouest. Tant qu'ils rentraient dans la Fédération par couple, l’un au dessus, l’autre au dessous de la ligne ainsi définie, l’accord, bien que boiteux, fonctionnait tant bien que mal. Mais l’acquisition de nouvelles terres en Floride, puis surtout de celles achetées au Mexique, principalement situées au dessous du tracé fatidique, entraîna un déséquilibre croissant et fit craindre que s’affirma tôt ou tard la suprématie d’un modèle sur l’autre.
L'élection de Lincoln précipita quasi instantanément le cours tragique du destin. Avant même la prise de fonctions du nouveau président, la Caroline faisait sécession, le 20 décembre 1860. Ce furent bientôt 12 Etats confédérés qui affirmèrent leur volonté de divorce, se regroupant sous la houlette d'un président élu par leurs soins, Jefferson Davis, et avec une nouvelle capitale, Richmond en Virginie.
La quasi totalité du mandat de Lincoln fut consacrée à ses efforts pour gagner l'effroyable guerre civile qui s'ensuivit. Il y mit tant d'énergie qu'il est bien difficile de trouver la trace de quelque autre action significative dans les diverses biographies et récits historiques de cette époque. Même l'abolition de l'esclavage passa au second plan, puisqu'il ne l'entérina qu'en 1863, quelques mois avant la bataille de Gettysburg qui marqua le tournant décisif du conflit.
Il faut dire que l'affaire semblait de prime abord mal engagée pour les Etats loyalistes. L'intrépidité des troupes sudistes et leur détermination faillit vraiment mettre à mal l'Union, et les Yankees ne parvinrent à s'imposer qu'au terme d'effroyables combats faisant plus 600.000 morts (sur une population de quelques trente millions d'âmes).
Le premier mérite de Lincoln fut d'avoir poursuivi contre vents et marées un seul et même but : préserver l'Union à tout prix. Le second fut d'adopter lors de la victoire, une attitude magnanime, refusant notamment de juger pour trahison le général sudiste Lee et accordant aux vaincus meurtris la même attention qu'aux vainqueurs harassés : « Sans malveillance envers personne ; avec compassion pour tous ; avec fermeté dans la poursuite du bien, tel que Dieu nous donne de le voir, efforçons-nous de mener à terme l’œuvre que nous avons entreprise ; de panser les plaies de la nation ; de veiller sur celui qui a porté le poids de la bataille, sur sa veuve et sur son orphelin… de faire tout pour défendre une paix juste et durable, parmi nous et avec toutes les nations. »
Hélas cette grandeur d'âme n'empêcha pas le Sudiste aigri John Wilkes Booth de l'assassiner lâchement d'une balle dans la nuque, alors qu'il assistait à une représentation théâtrale, quelques jours après le début de son second mandat, le 14 avril 1865.
En quatre petites mais terribles années, Lincoln avait toutefois atteint son but : sceller solidement l'Union Américaine. Sa mort tragique ne fit que renforcer cet acquis en illuminant l'homme d'une aura quasi surnaturelle.

10 février 2009

The Paul Butterfield Era


Comment ai-je pu passer si longtemps à côté du Paul Butterfield Blues Band ? C'est une question que je me pose tout à coup en écoutant un disque déniché au petit bonheur : The Elektra Years.

Une vraie claque tellement ce blues urbain me va droit au coeur et avec lui tout le parfum capiteux des années soixante. Un genre de Chicago Blues mâtiné d'accents rock et d'une lampée de langueur hippie. Où des petits blancs rêveurs s'emparent indécemment du beat souverain des cueilleurs de coton, et lui donnent des prolongements inattendus en extrayant de son jus, d'acides saveurs électriques. Des complaintes poignantes noyées dans les riffs stridulants des guitares, mais adoucies par le baume ensorcelant de l'harmonica. Un bonheur indicible. Walkin' by myself...

Une sorte de modernité teintée de solitude erratique, dans un monde à peine sorti des affres des grandes guerres et saisi du vertige enivrant mais un peu vain du progrès technique. De nouveaux Musset en proie à un nouveau mal du siècle en quelques sorte; le pendant musical des pérégrinations éblouies et un peu désespérées des Beatniks.


Hélas, ce désordre de l'âme a été payé très cher. Combien de ces bluesmen échevelés furent emportés au cours de leur quête trompeuse des paradis artificiels ? Après une carrière météorique, Paul Butterfield est mort d'overdose en pleine décrépitude à 45 ans en 1987, Mike Bloomfield en 81 avant même la quarantaine... Reste encore le bon vieux Elvin Bishop qui perpétue ces instants magiques.

Rêvons encore un peu, c'est si bon.