
Qu'on en juge sur trois exemples tirés de l'actualité :


C'est une évidence, on attache de plus en plus d'importance à l'informatique. On lui délègue un nombre grandissant de tâches, on tend plus ou moins délibérément à « humaniser » les robots, et on en vient parfois même à leur imputer une certaine responsabilité, notamment lors de la survenue de dysfonctionnements (qui n'a pas entendu un jour devant une défaillance, une expression fataliste du genre : « désolé, c'est l'informatique » ?).
De fait, il devient de moins en moins absurde d'imaginer dans un futur plus ou moins lointain, l'avènement d'ordinateurs doués d'intelligence, voire de conscience. Ce qui revient en définitive à réactualiser la fameuse problématique soulevée autrefois par Turing (1912-1954), et qu'on peut résumer par la question : « une machine peut-elle penser ? ».
Pour ma part, j'ai tendance à répondre par l'affirmative, à condition de réduire la conscience humaine à une simple fonction mathématique ou logique (même s'il s'agit de processus très complexes).
D'une certaine manière, une calculette « pense » les chiffres sur lesquels elle effectue des opérations. Elle n'a pourtant à l'évidence pas de pensée autonome et pas de « moi ». Un computer doté d'un programme permettant de jouer aux échecs « pense » la partie. Son raisonnement peut même souvent se révéler plus efficace que celui de son adversaire humain. Et à en juger par la seule succession des coups, il serait pour un observateur attentif, bien difficile à l'instar de la proposition de Turing, de déterminer s'ils sont élaborés par une machine où par un être fait de chair et d'os.
Ça peut paraître effrayant mais, il n'y a pourtant qu'une différence de degré et pas de nature, entre un ordinateur qui raisonne mieux que le cerveau et un simple marteau, beaucoup plus efficace que la main pour enfoncer un clou...
Car la machine n'est rien sans l'homme (même si elle est possible, la confrontation de deux ordinateurs devant un échiquier n'a pas plus de sens qu'un « marteau sans maître »)
La conscience quant à elle, va manifestement bien au delà des algorithmes aussi élaborés soient-ils. Elle implique des considérations émotionnelles, morales, ontologiques, plus généralement subjectives et irrationnelles, totalement étrangères aux machines. De ce point de vue, Descartes avait donc tort avec son « cogito ergo sum ». Il ne suffit pas de penser pour être...
En définitive, même si elle s'appuie sur des processus logiques, la conscience relève très largement de l'indicible. En dehors de toute connotation spirituelle, elle pourrait bien, pour l'être qui en est doué, faire partie des notions qui lui sont « indécidables », en application du théorème de Gödel (1906-1978) décrivant les systèmes de logique formelle... Le « connais-toi toi-même », objectif louable s'il en fut, est probablement impossible stricto sensu.
Ne connaissant donc pas précisément la nature du principe qui les gouverne, et n'ayant sur ce sujet fait quasi aucun progrès depuis la nuit des temps, comment les êtres humains pourraient-ils le conférer à leurs propres « créatures » ? Il faudrait en ce cas admettre que l'homme devienne en quelque sorte le Dieu des machines... Mais quel Dieu approximatif, mon Dieu (si je puis dire...)
Il semble donc que la conscience artificielle soit un mythe. Ce dernier peut nourrir les histoires de science-fiction mais n'est pas près d'occulter le tragique constat de Socrate : « La seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien »... Et l'Homme reste donc totalement responsable de ses actes et de ses créations. A l'oublier, il risque fort de nier sa propre humanité, tout comme le prédisait Rabelais : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme... »






L'intense battage qui accompagne la libération d'Ingrid Bétancourt fait naître une certaine perplexité. Après la révolte, la compassion, l'émotion, puis enfin le soulagement, un étrange sentiment se fait jour. Ou plutôt une interrogation. Pourquoi un tel débordement médiatique ? Qui l'orchestre vraiment ? La Presse ? Les Politiques ? A quelle fin ? 
Dans deux mois cela fera vingt ans que Roy Buchanan aura quitté ce monde. Aujourd'hui un DVD ressuscite quelques instants de sa vie, filmés le 15 novembre 1976 au cours d'un concert à Austin, Texas. Occasion quasi unique de s'imprégner de la musique de cet extra-terrestre de la guitare de blues.Avec son air d'aimable plouc rêveur, il n'avait pas son pareil pour se délester sans en avoir l'air, d'incroyables lignes mélodiques, mélange de bends montant jusqu'au ciel comme des gémissements idéals, et d'harmoniques stridulantes déchirant avec délectation les tripes, le tout dans un style aérien, foisonnant de frénétiques "chicken pickin" .
Dans sa fabuleuse reprise de Hey Joe, même après avoir entendu Jimi Hendrix, on ne peut qu'être subjugué par les sublimes envolées suraiguës, ponctuées de brutales descentes en vibrato, au sein desquelles il place quelques mots à peine chuchotés, sortis en ruminant de sa barbe nonchalante.
Hélas, il ne resta pas longtemps au meilleur de sa forme. L'alcool, les frustrations, la pression médiatique et commerciale instillèrent progressivement en lui un poison mortel, qui l'usa prématurément.
Il galvauda souvent son talent, erra dans d'obscures et sordides impasses, ternissant parfois même sa nature de gentil garçon.
Au cours d'une soirée trop arrosée, un peu trop d'excitation, et il finit au poste de police, en cellule de dégrisement. C'est là que le 14 août 1988, à l'issue d'un raptus inopiné, profitant d'un moment d'inattention de ses geôliers, il se pendit avec sa chemise... Il avait à peine 49 ans.
A porter à son crédit, il reste quelques bribes du Paradis qu'il crut peut-être entrevoir par instants.
Avec ces images ressurgies du passé, on pourrait presque les palper au bout de ses doigts, le long des cordes torturées de sa guitare : Roy's Bluz, Sweet Dreams, The Messiah...


Le nombre important de réformes entreprises par le gouvernement rend parfois difficile la compréhension de la logique qui les sous-tend. C'est peut-être pourquoi, tantôt on accuse le Président de la République de mettre en oeuvre une politique ultra-libérale, tantôt au contraire de s'en tenir à un conservatisme pusillanime.
Tout de même, certaines prises de position officielles ne laissent pas de surprendre. Deux exemples tirés de l'actualité sont particulièrement révélateurs de ce malaise.
La proposition de suppression de la publicité sur les chaines de télévision publique est de ce point de vue édifiante. Réclamée à grand cris depuis longtemps par des gens qui estiment qu'elle met sous la pression de l'audimat les programmes, et contribue à en détériorer la qualité, elle est aujourd'hui qualifiée par les mêmes de cadeau fait aux chaines privées et de coup de poignard assassin pour les chaines d'Etat.
En dehors de tout parti pris idéologique, le fait est qu'on se demande l'intérêt d'une telle mesure. D'ailleurs la raison pratique n'a toujours pas été donnée. En tout cas, le prétendu cadeau paraît bien galvaudé tant la publicité est déjà devenue envahissante dans les médias. L'overdose est proche et chacun s'est habitué grâce à la télécommande, à zapper les « réclames ». On voit mal comment on pourrait encore en augmenter la quantité. Trop de publicité tue la publicité. Reste la possibilité de faire payer plus cher les prestations du fait que les annonceurs auront désormais des débouchés plus réduits. C'est pour le moins hypothétique. Surtout si les Pouvoirs Publics décident de surtaxer ces profits...
En l'occurrence, sauf à vouloir délibérément les asphyxier, le problème le plus grave est de trouver des financements de substitution pour les chaines publiques. Rien ne paraît satisfaisant. L'augmentation de la redevance paraît vraiment anachronique avec notre époque et serait vécue comme un nouvel alourdissement des charges fiscales pesant sur les malheureux contribuables. Faire jouer le principe des vases communicants grâce à des taxes ponctionnées à d'autres sources (fournisseurs de téléphonie, d'internet, ou TV privées) serait complètement absurde. D'un côté on aurait des prestataires privés obligés de faire feu de tout bois pour assurer l'audience, de l'autre une télévision publique vivant en parasite, et définitivement à l'abri de toute émulation. Au total, on assisterait sans doute à une détérioration générale de la qualité : racolage et médiocrité d'un côté, nombrilisme et confidentialité de l'autre.
Non vraiment il s'avère impossible de suivre le fil du raisonnement du Chef de l'Etat en la circonstance. Et on ne peut que se lamenter du temps perdu par les commissions spécialement nommées pour réfléchir à la mise en oeuvre de telles mesures, qui tournent en rond tant l'argumentation s'apparente à une casuistique stérile.
Et si le problème de fond n'était pas la pléthore de chaines publiques ? Est-il vraiment nécessaire de maintenir plus de 5 chaines généralistes, sans compter leurs nombreux pseudopodes régionaux ou internationaux ?
Second sujet de perplexité, l'affaire retentissante du mariage annulé pour non virginité de l'épouse. La première réaction est la stupéfaction. A notre époque, un tribunal de la République peut donc déclarer nulle une union sur de tels critères ! C'est bien la meilleure !
A l'écoute de madame Dati, bien que surprenantes, de telles décisions de justice répondent en fait à un souci de pragmatisme, permettant de protéger certaines personnes embarquées contre leur gré dans des mariages arrangés. De fait en l'occurrence les deux époux souhaitent l'annulation de leur mariage. Soit, mais alors, pourquoi saisit-elle le Parquet dès le lendemain, pour casser la décision du Tribunal ?
Et surtout, comment se fait-il que deux conjoints, d'accord sur la nécessité de se séparer, ne recourent pas tout simplement au divorce à l'amiable ?
De toute manière, dans les deux cas, il n'y avait manifestement pas là de raison pour déclencher un tel tohu-bohu, dans lequel s'emmêlent, selon une fâcheuse habitude, toutes sortes de considérations religieuses, idéologiques, partisanes, et pour tout dire bien futiles...

Mais ce monde est sans vie. Lorsque le jour se lève, le doute n'est plus permis. C'est un désert rocailleux qui surgit sous l’œil extraordinairement précis de la caméra. Tout au plus un peu de glace sous la poussière qui recouvre le sol, et de profondes entailles dans la roche, confluant vers des vallées désertiques, qui témoignent qu'il y a très longtemps, de l'eau a probablement coulé en torrent sur la planète rouge.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare... Et dans le silence de la nuit profonde, les notes s'égrènent en chantant avec une douceur veloutée.
