- Saddam Hussein au terme d'un long procès a fini sa vie au bout d'une corde.
- Aussi incroyable que cela paraisse, dans notre bonne ville de Rouen, un détenu après avoir tué son voisin de cellule s'est livré sur lui à des actes de cannibalisme !
- Enfin, le président de la République s'est donné parmi ses dernières missions régaliennes, celle d'inscrire dans le marbre de la constitution française l'abolition « définitive » de la peine capitale.
N'est-ce pas elle qui scella il y a deux siècles à peine, avec le « sang impur » de gens trop bien nés, les fondations de sa grotesque première république ?
N'est-ce pas elle qui en 1793, fit de la terreur un système de gouvernement, et qui en abandonna la responsabilité à une bande d'abrutis « barbouilleurs de lois » avides avant tout d'ordonner « l'interruption de vie » de tous les malheureux dont le seul crime était de penser différemment d'eux. Les colonnes infernales de Vendée, les ignobles mariages républicains de Carrier à Nantes, les tribunaux expéditifs de Fouquier-Tainville, la folie purificatrice des Robespierre, Saint-Just et autres Marat, tout cela n'est pas si loin.
Pour paraphraser l'infortunée madame Rolland, combien de crimes l'Etat a-t-il commis au nom de la Liberté chérie ?
L'Amérique a cru bon de rétablir ce châtiment en 1976. Encore faut-il préciser que l'application de cette décision résulte d'un processus parfaitement démocratique, qu'elle ne concerne que 38 états et qu'elle est toujours susceptible d'être revue en fonction des circonstances. Ce qui fait en effet la particularité des Etats-Unis, c'est qu'ils évitent d'ériger en loi de simples préjugés, et surtout qu'ils respectent autant que faire se peut, la volonté populaire.
L'arrogance de nos dirigeants actuels apparaît bien éloignée de l'humilité de ceux qui envoyèrent Tocqueville en Amérique en 1830 pour analyser sans a priori son système pénitentiaire et qui virent revenir un sage, heureux d'avoir découvert... la Démocratie !
Chacun sait qu'en France la peine de mort a été abolie contre l'opinion majoritaire des Français.
Et bien que les choses soient donc en passe d'être entérinées sans retour par un Pouvoir imbu de ses certitudes, il est permis de continuer à s'interroger sur cette problématique qui confine au fait de société.
Le terrain est plutôt miné si je puis dire, tant il contient de pseudo-évidences qui constituent autant de chausses-trappes sur le chemin d'un raisonnement serein.
Soyons clair : il est a peu près aussi facile d'être contre la peine de mort que d'être contre la guerre et aussi difficile de proposer dans les deux cas des solutions de rechange crédibles. Au surplus, que l'on soit pour ou contre, dans tous les cas, l'horreur est souvent au bout du chemin. Le choix n'est donc pas manichéen et personne ne peut en la circonstance s'accorder par avance de brevet de bonne moralité.
Si l'on adopte ce point de vue, il ne reste plus guère d'alternative pour empêcher les meurtriers de nuire ! Sans compter que c'est avec de tels principes, pour le moins hypocrites, qu'on aboutit au surpeuplement et à la dégradation des conditions de vie en milieu pénitentiaire, dont notre pays affiche la triste réalité.
Tant qu'il est impossible de parvenir à changer le comportement de ces derniers sans pour autant dégrader leur personnalité donc l'essence de leur individu, il faut bien se résoudre à les tenir à l'écart de leurs victimes potentielles. La récidive apparaît en effet comme un échec cuisant pour tout système de justice digne de ce nom.
Et lorsqu'on est convaincu que ce risque est majeur, il ne reste qu'une alternative : soit les emprisonner à vie, soit les condamner à mort.
Vu le caractère aléatoire des expertises psychologiques, et compte tenu des données de l'expérience, la moins mauvaise méthode pour jauger ce risque est de l'évaluer en proportion de l'énormité et du degré de préméditation des crimes commis.
-le risque de condamner à tort un innocent
-la cruauté du châtiment
-La valeur sacrée de la vie
Ce risque est toutefois à mettre en balance avec son opposé, sans doute plus grand, qui consiste à relâcher un criminel, faute d'avoir pu collecter assez de preuves contre lui. Dans les deux cas, il s'agit d'une grave défaillance de la justice. Bizarrement – probablement parce que les effets désastreux sont directement palpables – elle s'avère beaucoup plus troublante dans le premier cas que dans le second. Pourtant la gravité est la même et surtout les conclusions à en tirer sont similaires : ce n'est pas parce qu'on risque de relâcher un assassin qu'il faut garder emprisonnés tous les suspects, et ce n'est pas davantage parce qu'on craint de condamner un innocent qu'il faut cesser de châtier les coupables.
De toute manière, l'abolition de la peine de mort ne prémunit aucunement contre l'erreur judiciaire. On objectera qu'elle a un caractère moins irréversible. Mais sachant la difficulté qu'il y a de remettre en cause un verdict, la perspective d'emprisonner à vie un innocent n'est-elle pas effroyable ? Il suffit d'imaginer le tourment incessant dans la tête du malheureux pour supposer qu'il puisse en venir à souhaiter plutôt mourir...
On se souvient de Gary Gilmore qui en 1976, au moment où la peine de mort était rétablie aux Etats-Unis, refusa tout recours après son jugement et demanda à être exécuté plutôt que de croupir le restant de ses jours en prison.
En France, en janvier 2006, le journal Le Monde publia la pétition de prisonniers condamnés à de longues détentions, qui demandaient le rétablissement de la peine capitale, qualifiant l'emprisonnement de « cruel et hypocrite »...
On pourrait enfin évoquer le choix de Socrate, qui bien qu'injustement condamné, préféra la mort à l'exil.
Mais en vérité, lorsque la culpabilité ne fait aucun doute, le respect de la vie peut sembler un piètre argument s'il s'agit de celle de brutes inqualifiables qui méprisent généralement jusqu'à la leur, à la manière des kamikazes.
Il paraît d'ailleurs assez incongru dans la bouche d'abolitionnistes qui affirment dans le même temps qu'ils seraient prêts à se faire meurtriers eux-mêmes si on touchait à l'un de leurs enfants... Ou bien lorsqu'ils en font si peu de cas à propos de l'avortement pour convenances personnelles et de l'euthanasie des personnes âgées ou handicapées au motif que ces dernières auraient donné leur accord...
Ces dérives bien intentionnées font froid dans le dos dans une société qui paraît s'enfoncer dans un hédonisme et un matérialisme croissants.
L'affaire du détenu cannibale incite elle à se poser des questions sur les conditions de détention en France. La survenue d'un tel évènement est une honte pour notre système pénitentiaire. Par la même occasion on peut s'interroger sur le devenir d'un monstre capable de tels actes...
En définitive, devant un monde aussi brutal et chaotique, il semble bien téméraire et présomptueux de décréter qu'on puisse définitivement abolir la peine de mort. Il faut sans nul doute tendre vers ce but comme il faut tendre vers la paix perpétuelle, mais il est hélas illusoire d'en faire dès à présent un acquis.