17 septembre 2014

Le Bal des Hypocrites

Un bal des hypocrites, pour ne pas dire plus, cette tragi-comédie à l’Assemblée Nationale, autour du vote de confiance au nouveau gouvernement Valls de ce 16 septembre.

L'affaire fut tellement mise en scène, qu'elle donna l'impression d'une grotesque manipulation.
Reste la question de savoir qui tirera les marrons du feu : Le premier ministre en quête désespérée de légitimité, qu’il sait quasi disparue 5 mois à peine après son entrée en fonction, et tentant de recoller tant bien que mal les restes de son armée mexicaine ? Ou bien les factions de pseudo-rebelles, de frondeurs, de faux-amis faux-écologistes ou communistes clamant haut et fort leur rejet de la politique du Président de la République pour lequel ils ont appelé à voter et auquel ils donnent aujourd'hui le coup de pied de l'âne, en lui opposant une courageuse abstention qui leur évite de perdre à coup sûr leur précieux siège ?


Une chose est sûre, les dés sont pipés, hélas sur le fond avant tout, c'est bien le plus grave :
Le premier ministre à la tribune n'a pas ménagé ses efforts pour donner un tour dramatique et convaincu à son intervention, mais ses belles déclarations d'intention, engluées dans les contradictions, tournaient à vide en résonnant plus que jamais comme un tambour dans un désert.
Il a refait son numéro de défenseur des entreprises, et la Droite crut bon d’applaudir, mais l’instant d’après il réaffirma qu’il entendait bien les mettre au pas. Non sans forfanterie, il exigea d’elles plus de responsabilité, et un respect des engagements, lui qui trahit régulièrement tous les siens ! En contrepartie du “cadeau fiscal” qu’il leur promet comme à un âne la carotte, il attend que soient gelés les dividendes versés aux actionnaires. D’un côté une illusoire ristourne sur l’écrasante dîme ponctionnée en toute quiétude par l'Etat fainéant, et de l’autre l’interdiction pour les gens qui prennent des risques en investissant, d'espérer tout retour…
Il a chanté l'air des réformes, mais sans rien proposer ou pire en proposant surtout de ne rien faire : pas de remise en cause notamment des 35 heures, ni de la durée du temps de travail. Rien même sur la liberté revendiquée par les commerçants d’ouvrir leurs magasins comme bon leur semble, c’est à dire au moment où les clients sont susceptibles de venir…
Il a roucoulé la chanson de l’amitié et de la collaboration avec l’Allemagne mais en affirmant que la France décide seule de ses choix, diamétralement opposés à ceux de ses partenaires, et en s’attribuant même au passage, le mérite de faire évoluer la zone euro dans le bon sens ! Nul doute que cela soit jugé outrecuidant par ceux qui s'impatientent de plus en plus de la léthargie et de l’incurie françaises qui plombent la reprise européenne....
Il a repris la ritournelle éculée de la fierté d’être français, au moment où l’on fait tout pour diluer et anéantir cette notion dans un nébuleux melting pot au sein duquel chaque culture, chaque communauté est encouragée à marquer sa différence.

Et pour finir il a annoncé de nouvelles dépenses concédées par pure démagogie : une aumône de 40€ versés à titre de prime exceptionnelle aux retraités les plus modestes, un coup de pouce condescendant (8€ par mois !) au minimum vieillesse. Pour amadouer son aile gauche, il promet dans la foulée qu’un million de foyers supplémentaires sortiront de l’impôt sur le revenu, alors qu’il venait de redire que l’effort devait être partagé par tous, et sachant qu'à ce jour, moins d’un foyer sur deux paie cette foutue contribution dont le seul but est de régler les intérêts d’une dette qui ne cesse d’enfler…

Résultat, au terme de cette mascarade, il a obtenu une majorité des plus étriquées, au service d'un programme sans objectif et sans lendemain. Disons pour faire bref, un nouveau sursis, dont on sait par avance qu'il ne fera rien...

09 septembre 2014

Summertime Blues

Tel un grand oiseau pâle aux ailes d'albatros
Il planait au dessus des choses de la vie
Prisonnier d'une chair trop souvent ennemie
Où s'affrontaient sans fin le nègre et l'albinos.

Ce blues qui fait mal, il l'avait jusqu'à l'os
Mais de cette douleur jamais bien assagie
Il sut extraire un chant débordant d'énergie
Qu'il bandait comme un arc en visant le cosmos.

So long Johnny, be good, adieu ami, vieux frère,
On retiendra bien sûr, ton message incendiaire
Qui a déjà franchi les murailles du temps.

Les nuits bleues resteront gravées dans les mémoires
Lorsque montait au ciel contre les pensées noires
Le panache embrasé de tes riffs térébrants...

In memoriam Johnny Winter (1944-2014)

08 septembre 2014

L'homme sans qualités

Si Nicolas Sarkozy pouvait être perçu comme bourré de défauts, son successeur à l'Elysée est bien "l'homme sans qualités", à l'instar du héros équivoque de Robert Musil ...
Vierge de tout sentiment, de toute émotion, de toute conviction, cet homme défie l'entendement. Pour tout dire, la réalité lui semble totalement étrangère. Même la pluie battante ne paraît en rien l'affecter...

Parvenu au pouvoir à la faveur d'un malheureux concours de circonstance, et la faute sans doute à un peuple abruti par des décennies de démagogie, il entraîne le plus tranquillement du monde le pays dans un naufrage. C'est peu dire qu'il ne maîtrise pas la situation, car à l'évidence, elle l'indiffère. Il se moque éperdument de l'avenir de la Nation, comme il se moque des gens. Tout dans son discours n'est que paroles. Il se fiche totalement des conséquences qu’elles peuvent avoir, pourvu qu'elles portent vaille que vaille son dessein égocentré.
On a vu l'incohérence totale de sa politique, ses affirmations à la noix, ses promesses creuses, ses revirements sans lendemain, en un mot son parcours erratique.

On sait désormais de source sûre ce que vaut le bonhomme. Et ce ne sont pas ses ennemis qui le dépeignent avec le plus de férocité, mais ses propres amis et même son entourage intime.
C’est assez simple, n’ayant pas d’affect, il n'aime personne. Ses compagnes en premier lieu, vis à vis desquelles il se garde de tout engagement, et qu'il répudie sans ménagement dès qu’elles l’ennuient, à la manière d'un mufle. En somme, même après lui avoir donné quatre enfants, une femme n'est qu'un individu...
On savait de son propre et stupide aveu, qu'il n'aimait pas les riches, on apprend (tout au moins ceux qui gardaient quelque illusion) qu'il n'aime pas les pauvres non plus ! Et ce ne sont pas les pathétiques dénégations dont il se délesta laborieusement pour faire semblant d'être piqué au vif qui convaincront du contraire. Rarement un discours de politicien aura paru aussi peu sincère. De toute manière, pour nombre de ceux qui le connaissent bien, il ment tout le temps !

Un sommet a été atteint lorsqu'il prétendit à la manière de Saint-François, que la défense des sans-grades (il dit sans-dents en privé) était son unique raison d'être ! Avec cette grotesque boursouflure démagogique, qu’il parvint à articuler sans rire, monsieur "petite blague" s’est surpassé ! Sans doute faut-il comprendre qu’il aime tellement les pauvres, qu'il jubile lorsqu’il voit leur nombre grandir. Une fois n'est pas coutume, en cela les effets de sa politique corroborent ses dires.
Il lui fut probablement difficile également de garder son sérieux lorsqu’il prit un air de tragédien d’opérette pour affirmer gravement qu’à travers lui c’était à la dignité présidentielle que les critiques portaient atteinte. Il l’a tellement tirée vers le bas cette dignité, lui le soi-disant président “normal”, qu’il n’en reste rien ou quasi. Paul Deschanel tombé du train en pleine nuit, et expliquant vainement à un cheminot qu'il était le président de la république en avait assurément bien davantage.
Qu’importe. Les sondages indiquent qu’il est pour l’heure, dans l’esprit des Français, le plus mauvais président de l’histoire assez miteuse de la République. Lui n’en a cure. Faisant preuve d’une indicible opiniâtreté, il continuera
n’en doutons pas, jusqu’au bout “sa mission”...

28 août 2014

La mascarade social-démocrate

Il est toujours assez jouissif de voir les Socialistes s'enfoncer dans les contradictions, et sous la contrainte de la réalité, devoir fouler aux pieds leurs grands principes.
Comme leur politique mène invariablement au désastre et à la ruine, il faut bien que tôt ou tard, à moins de basculer dans le fanatisme communiste, ils mettent un peu d'eau "libérale" dans leur affreuse vinasse idéologique. Hélas, cela ne rend pas le breuvage meilleur.
Suite à l'esclandre créé par l'histrion Montebourg, qui l'a obligé à un replâtrage gouvernemental, monsieur Valls s'est livré à une sorte de désopilante palinodie devant un parterre de grands patrons. Il a tenté de leur faire les yeux doux après les avoir copieusement vilipendés depuis des lustres, et taxés jusqu'à la moelle ! Voilà donc qu'emboitant le pas au lénifiant président de la république qui, nous dit le trublion Montebourg, "ment tout le temps", il nous annonce sur l'air de la vie en rose,  l'avènement de la social-démocratie.

Faut il que les représentants du MEDEF soient naïfs pour l'avoir  applaudi paraît-il lors d'une longue standing ovation !
Comment croire en effet le premier ministre lorsqu'il se livre à cet inattendu plaidoyer en faveur des entreprises, agrémenté de quelques, très très très, vagues promesses ?
Le coup est classique mais la ficelle est un peu grosse...
Les journalistes, aussi ballots que les gendarmes de Brassens, reprennent en chœur les nouveaux "éléments de langage", et claironnent une vraie révolution de palais. Pensez donc, on a osé nommer un banquier au poste de ministre des finances !
En fait de banquier, M.Macron, inconnu jusqu'à la veille, est un apparatchik bon teint, passé par le moule de l'ENA, haut fonctionnaire issu de l'Inspection des Finances, et malgré son jeune âge, habitué des salons dorés de la République. Il a simplement enregistré dans son parcours de technocrate, un passage de 4 ans dans la banque Rothschild, ce qui nous vaut ce tintamarre inepte (similairement, Martine Aubry avait passé dans sa jeunesse 3 années chez Pechiney, auprès du patron des patrons Jean Gandois, ce qui comme chacun sait, l'avait convertie au libéralisme...).
M. Valls lui-même a tenu à préciser que le nouveau venu au gouvernement était bel et bien "socialiste". Certes, comme pour beaucoup de hauts dignitaires de l'Etat, il s'agit de la gauche caviar, marquée par une enfance dans la grande bourgeoisie et un beau mariage avec une riche héritière (et quelques millions d'euros engrangés à titre personnel paraît-il, pour avoir piloté une juteuse fusion d'entreprises).

En définitive il n'y a donc rien à attendre de cette tempête dans un verre d'eau. Le soir même, la publication des chiffres du chômage pour le mois de juillet résonnait comme le glas. Un demi million de demandeurs d'emploi en plus depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir ! 
Dans le même temps, une fuite opportune nous apprenait qu'en guise de "virage libéral", le gouvernement planchait sur une nouvelle augmentation de la TVA !
Que la fête social-démocrate continue donc ! La France reste bel et bien livrée à ces pleutres aux convictions couleur caméléon...

27 août 2014

In Memoriam St-Exupéry

Il y a soixante-dix ans, le 31 juillet 1944, disparaissait Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944), au cours d'une ultime mission, au dessus de la Méditerranée.
On connaît bien sûr la vie aventureuse, au sens le plus noble du terme, de cet héroïque pionnier de l'aviation. On connaît la grâce poétique de ses écrits et leur portée philosophique passionnante.
En ces temps de commémorations attachées aux terribles conflits qui ensanglantèrent le Monde lors du siècle dernier, en ces temps troublés où l'on voit vaciller les valeurs et disparaître nombre de repères, en ces temps où la Liberté reste bafouée ou est mise à mal dans tant d'endroits de la planète, qu'il soit permis d'évoquer sa touchante et prémonitoire Lettre à un Américain, qu'il écrivit dans la nuit du 29 mai, quelques semaines avant sa mort.
Sans doute est-ce le dernier témoignage de cet homme si clairvoyant, "avec le coeur" bien plus qu'avec les yeux. Et en peu de mots, il en dit tant sur l'esprit de liberté qui anime, plus qu'aucun autre peuple, les Etats-unis :
"Amis d’Amérique, je voudrais vous rendre pleinement justice. Un jour peut-être des litiges plus ou moins graves s’élèveront entre vous et nous. Toute nation est égoïste. Toute nation considère son égoïsme comme sacré. Il se peut que le sentiment de votre puissance matérielle vous fasse prendre aujourd’hui ou demain des avantages qui nous paraîtront nous léser injustement. Il se peut que s’élèveront un jour entre vous et nous, des discussions plus ou moins graves. Si la guerre est toujours gagnée par les croyants, les traités de paix quelquefois sont dictés par les hommes d’affaires. Eh bien si même un jour je forme dans mon cœur quelques reproches contre les décisions de ceux-là, ces reproches ne me feront jamais oublier la noblesse des buts de guerre de votre peuple. Sur la qualité de votre substance profonde je rendrai toujours le même témoignage. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que les mères des Etats-Unis ont donné leurs fils. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que ces garçons ont accepté le risque de mort."

17 août 2014

Où est l'Amérique ?

Certains dénient aux Etats-Unis le rôle de gendarme du Monde. Nombre d'imbéciles à la vision bornée par les principes et le sectarisme hurlent même à l'impérialisme dès que ces derniers entreprennent une action de portée internationale. En l'occurrence, le raisonnement est tellement primaire que leur anti-américanisme s'apparente à un réflexe conditionnel. Qu'ils entendent seulement parler d'Amérique et ils se mettent à aboyer...

Il est vrai que George Washington au moment où il se retira de la vie politique, avait lui-même recommandé à ses concitoyens d'éviter de se mêler des affaires étrangères au continent américain, et tout particulièrement de celles concernant l'Europe !
Ce fut sans doute une des raisons qui poussèrent ses successeurs à se tenir autant que possible à l'écart des grands conflits qui l'ensanglantèrent au XXè siècle.
Mais eu égard à la stature qu'elle avait acquise dans le concert des nations, l'Amérique ne put éviter de s'engager à maintes reprises. Et dès lors qu'elle décida de jeter ses forces dans ces batailles, le cours des évènements changea radicalement. Pour le plus grand bien des pays au secours desquels elle se porta. Et pour le plus grand bien de la Liberté qui put refleurir dans le sillage des troupes yankees...
En tout premier lieu en Europe :
En 1918, le carnage franco-allemand aurait pu continuer encore longtemps si l'Amérique n'avait pas fini par envoyer deux milions d'hommes sur le sol français pour imposer l'armistice. En 1944, que serait-il advenu de l'Europe sans la fabuleuse aventure du débarquement des Alliés ?

Ces succès éclatants changèrent la face du monde, mais ils ne doivent pas faire oublier toutefois quelques faiblesses, lourdes de conséquences. A la fin de la première guerre mondiale, les Etats-Unis bien qu'ils ne le ratifièrent pas, laissèrent se mettre en place le traité de Versailles et ses clauses humiliantes pour l'Allemagne, et porteuses des ferments d'une nouvelle guerre....
En 1945 les dirigeants américains pour être agréables à leurs pseudo alliés russes, et en dépit de l'avertissement de généraux aussi intrépides que clairvoyants, stoppèrent la progression libératrice au beau milieu de l'Allemagne, abandonnant de fait une bonne partie de l'Europe à l'effroyable dictature soviétique.

Depuis cette date, la faiblesse américaine se manifesta hélas à plusieurs reprises : en Corée où malgré d'importants sacrifices, elle se solda par la déchirure du pays en deux, au Vietnam où tous les efforts faits pour préserver ce pays du communisme furent anéantis par quelques piteuses reculades politiques, au Cambodge où un peuple fut littéralement livré en pâture aux fanatiques khmers rouges. On pourrait ajouter Cuba à laquelle l'Amérique avait procuré l'indépendance et où, non sans une certaine candeur, elle laissa s'implanter l'immonde république castriste. L'Iran enfin, où le régime du Shah fut abandonné au profit de la tyrannie bien pire des ayatollahs...

Il y eut certes des sursauts plus heureux. La politique habile de surenchère armée menée par l'administration Reagan, qui contribua grandement à faire s'effondrer l'Union Soviétique. Les interventions en Afghanistan et en Irak qui permirent d'installer de fragiles démocraties à la place de régimes sanguinaires. Ces dernières initiatives furent comme on le sait très critiquées, mais elles s'inscrivaient dans une stratégie audacieuse visant à endiguer la progression de dictatures rétrogrades et du fanatisme religieux, dans tout le Proche Orient

Depuis quelques années, force est de constater que cette stratégie est complètement abandonnée. La politique du président Obama s'avère des plus timorées au plan international. Aucune action d'envergure n'est à porter à son crédit. Il n'a guère manifesté d'opposition vis à vis du programme nucléaire iranien. Face à Vladimir Poutine il se limite à quelques exhortations verbales. S'agissant du conflit israélo-palestinien, rien de concluant n'a été entrepris. En Syrie ce fut l'inaction.
Enfin en Afghanistan et en Irak, c'est à une désespérante déconfiture à laquelle on assiste. Les foyers de terreur islamiste se multiplient, faisant craindre un retour prochain de bâton sous forme d'attentats. Il en avait été ainsi lors de la montée en puissance des Talibans et de leurs petits amis d'Al Qaïda en Afghanistan. Des années de négligence avaient fini dans les horribles attentats de 11/09/01

Faudra-t-il attendre d'aussi funestes extrémités pour agir ? Aujourd'hui le président américain se résout à autoriser quelques bombardements sur des positions jihadistes. Sera-ce suffisant ?

A l'heure où l'on voit l'ancien premier ministre pacifiste français Dominique de Villepin réclamer une intervention de la communauté internationale (Le Monde 09/08/14), et même le Pape François la juger "licite" ( Figaro 17/08) l'adage romain n'a jamais été aussi actuel : "si vis pacem, para bellum".

Seul le leadership américain, plus que jamais irremplaçable, peut permettre à ce principe tenant de l'évidence,  de reprendre vigueur. Saura-t-on s'en souvenir à temps pour la paix du monde ?

05 août 2014

Aveux et inconséquence

Pendant que le Président de la République désœuvré promène au gré de l’actualité sa molle silhouette de bourgeois ventripotent, et qu’il joue aux inaugurateurs de chrysanthèmes, en répandant de ci de là avec son air chafouin, solennités creuses et condoléances affligées, le Premier Ministre Manuel Valls s’effondre quant à lui sous le poids des réalités.

Lors d'un séminaire, le 1er août, il s'est ainsi délesté d'aveux douloureux sur l’échec de la politique entreprise par le gouvernement depuis plus de deux ans maintenant.

Elle n'a permis de ramener ni la croissance ni l'emploi comme promis, a-t-il dit en substance. "La rentrée va être difficile en matière de conjoncture économique. Il faut dire la vérité aux Français, affronter la réalité. Ne rien cacher" . ça tranche évidemment avec les discours emphatiques et intrépides du chef de l’Etat sur l’inversion de la courbe du chômage, sur la sortie imminente de crise, et autres retournements enchantés.
"La reprise" tant espérée - qu’il annonçait benoîtement, profite à nombre de pays sauf le nôtre, et force est de constater avec Manuel Valls, le niveau «insupportable» atteint par le chômage en juin, «la vie chère, le mal logement», ainsi que «l'inquiétude» des Français pour «leur avenir». (Figaro).


Hélas cet élan de lucidité n'a pas été jusqu'à reconnaître quelque erreur que ce soit au gouvernement, bien au contraire. Les mauvais élèves se corrigent rarement car ils sont bien souvent incapables de changer leur funestes habitudes et ils ont une fâcheuse tendance à imputer leurs fautes aux autres.

En dépit du constat alarmant, il ne faut, si l’on écoute le premier ministre, surtout pas remettre en cause la stratégie gouvernementale. "Je me refuse à annoncer un effort supplémentaire", pas question de retour en arrière. "Je veux faire la démonstration [...] que la France est engagée dans un mouvement de réformes inédit. Faire demi-tour serait «pire» que tout…
Quant à la responsabilité de cette déroute, c’est bien simple, presque tous les maux qu’il décrit seraient en effet à mettre sur le dos de l'Europe. M. Valls a notamment déploré des "politiques économiques de la zone euro pas efficaces" à cause de "l'absence de politique de change", "d'un euro trop cher", ou de "l'impuissance" de la BCE face à la faible inflation. "Le risque de déflation est réel", s'est-il même inquiété.


Quelques jours plus tard, loin de s’interroger sur la manière dont il gère le pays, François Hollande s’est permis d’en rajouter une couche en faisant carrément la leçon à l’Allemagne ! Il a déclaré notamment, ce lundi 3 août, qu'il attendait d’elle «un soutien plus ferme à la croissance», ajoutant que «ses excédents commerciaux et sa situation financière lui permettent d'investir davantage».

Un peu fort de café tout de même ! Serait-ce un remake de la Cigale et la Fourmi ? En attendant, un sondage récent publié par un magazine de gauche révèle qu’aucun des deux leaders de l’exécutif ne passerait la barre du premier tour d’une élection présidentielle. Bravo à nos héros (avec la liaison svp)...

30 juillet 2014

Bienvenue en Soviétie française !

Dans la République Socialiste de France, l'Etat tentaculaire a encore frappé. Par le biais d'une de ses innombrables officines soi-disant indépendantes, il vient d'imposer un de ces ubuesques ukases dont il est si friand. Cette fois c'est le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) qui s'arroge le droit d'interdire à trois chaînes de télévision, de changer les modalités de leur propre gestion financière, au nom de la pluralité d'expression dont il est paraît-il garant !
Elles ne pourront donc pas offrir un accès gratuit à leurs téléspectateurs, et compte tenu de l'obsolescence du modèle sur lequel elles reposent, elles sont quasi condamnées à disparaître.

Ainsi vont les réglementations dans notre pays, au gré du plaisir ou des lubies de satrapes totalement irresponsables. L'échec de cette politique ubuesque guidée par les principes de la centralisation administrative et du planisme est patent, mais cela n'empêche ces gens de continuer à imposer en toute impunité leur idéologie désastreuse.
Jamais on ne juge les politiciens à l’efficacité de leur travail. Ils peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles.
Au surplus, en France, la démocratie est tellement galvaudée qu'un seul parti peut disposer d'à peu près tous les pouvoirs, même s'il ne rassemble que 18% d’opinions favorables sous la bannière mitée de son leader, actuellement président de la république.
Il peut donc aux yeux du monde interloqué poursuivre sa politique partisane, rétrograde, de dénégation de la réalité.

Ainsi le CSA décide de l'avenir de la télévision sur des critères nébuleux. Mais on ne compte plus les immixtions de l'Etat dans le fonctionnement de la société. Sous prétexte de réguler ce dernier, ou bien de garantir la justice sociale, il peut aussi bien empêcher les gens de travailler le week end, ou bien à certaines heures de la journée. En matière économique il croit pouvoir modifier la loi de l'offre et de la demande, et s'imagine capable de décréter "le redressement productif", la croissance et l'emploi !
Il met l'ensemble de la santé sous tutelle étroite. Il planifie les soins à coup de plans quinquennaux (SROS), le nombre de médecins nécessaires, spécialité par spécialité, en imposant à l'entrée des facultés un numerus clausus absurde, et il confie le financement de l'ensemble du système à un monopole à ses ordres, auquel les citoyens sont obligés de se soumettre.

Comme le docteur Coué, ils sont persuadés qu'il suffit de croire au remède pour qu'il soit efficace. Moins les choses évoluent comme prévu, plus il renforcent donc le traitement... Bienvenue en Soviétie Française !

25 juillet 2014

A défaut d'agir, ils pérorent

Peut-on encore vraiment s'émouvoir de cette interminable guerre qui meurtrit le Proche-Orient, comme un poignard retournant sans cesse sa lame dans une plaie jamais cicatrisée? Peut-on raisonnablement prendre encore parti pour le Hamas dans ce conflit insensé qui semble n'avoir ni début ni fin et dont les tenants et les aboutissants se perdent dans le sable et la poussière d'une terre décidément maudite ? Peut-on nourrir encore quelque sympathie pour cette Palestine où rien ne semble pouvoir pousser hormis la haine ?
Faut-il enfin s'étonner que faisant suite à une lancinante pluie de roquettes, tirées sans répit par pure et insensée provocation, Israël finisse une fois encore par lancer la grosse artillerie à l'assaut de ces têtes brûlées, définitivement enragées contre lui ?
Tout cela est si tragiquement déterminé, si fatalement et mécaniquement inscrit sur l'infernale partition de la guerre, qu'il paraît difficile d'éprouver autre chose qu'un sentiment désespérément fataliste.

A chaque fois, les grands de ce monde font semblant de redécouvrir ce conflit ou feignent de n'en voir que les apparences trompeuses. Est-ce par lâcheté ? Est-ce parce qu'ils jugent prudent de ménager la chèvre et le chou face à des opinions publiques si promptes à croire ceux qui crient le plus ?
A l'instar de François Hollande qui invite un jour Israël "à prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces", et qui le lendemain fait mine de s'apitoyer sur le sort des Palestiniens en déclarant "qu'il faut mettre un terme immédiat à la souffrance des populations à Gaza" (l'Express).
Même indécision du côté des ministres qui fustigent les violences et les actes racistes anti-juifs qui se multiplient et qui ont émaillé les manifestations paraît-il interdites de Barbès et de Sarcelles. Dans le même temps ils affirment comprendre et partager l'émotion des insurgés pro-palestiniens... 
Pour justifier les fluctuations d'une politique incertaine, le ministre de l'intérieur M. Cazeneuve va même jusqu'à sortir cette banalité en forme de tautologie : «La France n'a choisi qu'un camp, celui de la paix» (Le Figaro 21/07)
Il est vrai que dans les rangs de l'opposition, ce qu'on entend ne vaut guère mieux. M. Juppé par exemple, ancien ministre des Affaires Etrangères, “ne comprend pas” la stratégie du gouvernement israélien et s'interroge gravement sur son blog : "Que peut-il attendre de plus d’une telle opération que de celles qui l’ont précédées, sinon l’accumulation des morts, l’exaspération de la haine, la radicalisation des terroristes qui ne rêvent que de guerre ? ». Mais a-t-il vraiment pris dans ses douillets salons bordelais, la mesure de la situation à laquelle l'Etat juif est confronté ? Imagine-t-il qu'il ait tant de choix ? Que faudrait-il donc faire selon lui ? Laisser tomber les roquettes comme si de rien n'était ?

En vérité, tous ces gens bien intentionnés semblent vraiment avoir de la m.... dans les yeux. Ne voient-ils donc pas cette montée du fanatisme, cette détestation permanente d'une bonne partie du monde islamique pour Israël, et au delà pour les valeurs occidentales ? Sont-ils sourds aux vociférations haineuses qui nous vrillent les tympans à longueur d'actualité ? Sont-ils indifférents aux exactions commises par tous ces fous d'Allah ? Ignorent-ils donc l'intolérance manifestée à chaque fois que ces gens agissent ou s'expriment ?
Même Mahmoud Abbas qui a la réputation d'être modéré, rappelait encore récemment son objectif de "purifier la Palestine de toute présence juive..."
Manuel Valls a sans doute eu raison de clamer bien fort que “Ce qui s'est passé à Sarcelles est intolérable” (Le Point). Mais ce sont de vains mots, puisqu’en toute connaissance de cause, il a laissé une poignée de vandales déverser sur la voie publique des torrents de haine raciste, et saccager des quartiers entiers, piller, démolir les biens dont il est supposé garantir la sécurité.

Il faudrait un vrai prolongement dans l’action...
Les ignominies infligées aux derniers Chrétiens d’Irak par une secte d’horribles fanatiques n’est-elle pas intolérable également ? La fatwa ahurissante ordonnant l’excision de toute la population féminine soumise au diktat de ces imbéciles furieux s’érigeant en califat, n’est-elle pas pareillement intolérable ?
Jusqu’où nos pays prétendus civilisés, si prompts à juger des exactions du passé, et à distribuer à tous vents des leçons de morale, toléreront-ils l’intolérable ?

17 juillet 2014

Up and down

Cette fois, l’évidence n’est que trop évidente et la coupe du monde de football en fut le révélateur éclatant : tout semble réussir à l’Allemagne ! 
Bien qu’il ne s’agisse que d’un jeu, comment ne pas voir derrière le succès de cette équipe à la fois robuste, élégante et déterminée, celui du pays qu’elle a représenté pendant ce tournoi mémorable ?
Comment ne pas faire le parallèle entre l'entraînement acharné de ces joueurs des années durant, et les efforts opiniâtres de tout un peuple depuis des décennies pour vaincre l’adversité et parvenir à l’excellence ? Comment ne pas ressentir un brin d’admiration pour cette nation, qui sans tapage ni forfanterie, a su relever le défi prodigieux de sa réunification, qui a si bien pansé ses plaies et ses déchirures, et qui réussit malgré tout à surmonter si efficacement la crise actuelle, dont elle est victime comme tant d’autres ?

Aujourd’hui, c’est clair, l’Allemagne domine l’Europe de la tête et des épaules, et son triomphe est d’autant plus impressionnant qu’il détone avec celui d’autres pays dont le parcours fut pourtant moins semé d’embûches et d’épreuves. La France n’a qu’à bien se tenir, elle qui avait tant d’atouts, et qui en toute logique aurait pu occuper cette place de leader… Hélas, pendant que les uns s’élèvent, les autres dégringolent !

La comparaison de quelques indicateurs suffit à se faire une idée de la situation. 

L'Allemagne affiche un bilan financier des plus sains, et se trouve plus que jamais en position de pouvoir donner des leçons (contrairement à certains...) Elle affiche par exemple un excédent budgétaire depuis 2012, et au moins jusqu'en 2018, tandis que notre pays flirte durablement avec les déficits, et pas qu’un peu : plus de 4% du PIB en 2014 (en dépit d'une pression fiscale record) !
Alors que la dette publique diminue régulièrement chez nos voisins germaniques, elle continue de flamber chez nous : elle sera inférieure à 75% du PIB outre-Rhin en 2015, alors qu'elle aura franchi les 100% ici (soit plus de 2000 milliards d’euros).

Ce n’est pas tout. L’Allemagne s'enrichit pendant que que nous nous appauvrissons. Avec bientôt 2% d'augmentation de son PIB, elle a renoué avec la croissance, au moment où nous plafonnons victorieusement à zéro. Elle a quasi retrouvé le plein emploi avec un taux de chômage à peine supérieur à 5%, pendant que le nombre de demandeurs d’emploi poursuit en France sa désespérante progression (10,4% à ce jour). Enfin, reflet de la vitalité des entreprises, la balance commerciale affiche un excédent de 200 milliards d’euros en Allemagne et un déficit de 60 en France…

On pourrait égrener longtemps la litanie des statistiques. Elles ne parlent qu’à ceux qui acceptent de voir la réalité en face. Ce n’est pas le cas manifestement de nos dirigeants et notamment de notre Président qui se complaît dans une molle auto-satisfaction. Non seulement il est insensible aux chiffres, mais il semble se moquer comme de l’an quarante du désastre social qui ne cesse de s’étendre autour de lui. Sans doute, son indécision, son absence de conviction, sa paresse démagogique et sa morgue revancharde sont-elles pour beaucoup dans le pourrissement de l’état d’esprit et de l’opinion dans notre pays, dans l’incohérence de la politique gouvernementale, et dans la multiplication d’affaires irrésolues, si ce n’est laissées en jachère : SNCF, SNCM, Intermittents du spectacle, dérives judiciaires, délinquance, communautarismes, famille…

Même les sifflets et huées qui accompagnent la moindre de ses sorties publiques paraissent l’indifférer. La Presse semble d’ailleurs à l’unisson de cette indolence et de ce néant dans lequel s'enfonce doucement le pays. C’est bien simple, les journaux ont tellement peu de choses à dire ou à commenter, que la nouvelle paire de lunettes du chef de l’état devient un évènement ! On a les changements qu'on peut...

13 juillet 2014

Deux poids, deux mesures

Au pays du système métrique on n'a pas toujours le sens de la mesure.
Lorsque l’on évalue certains gouffres financiers notamment, et qu’on juge de leurs causes et de leurs conséquences...

Chacun se souvient du scandale impliquant en 2008 la Société Générale, dite affaire Kerviel du nom du courtier maudit qui aurait fait perdre à la banque qui l’employait, la somme astronomique de 4,82 milliards d’euros
Quel tohu bohu ! Près de 7 ans après on en parle encore…. L’occasion était trop belle. On vit évidemment dans cette histoire le symbole des méfaits du capitalisme débridé, de l’ultra-libéralisme et tutti quanti…

Il serait intéressant de connaître la quantité d’encre déversée à ce sujet, le nombre exact d’émissions, de débats détaillant férocement par le menu les malversations ayant abouti à une telle faillite. Transformé en bouc émissaire le trader fou fut jugé, non sans raison sans doute, coupable. Mais on lui fit endosser sans beaucoup d’états d’âme la quasi intégralité de la responsabilité écrasante de ce désastre, et on voulut même lui faire rembourser personnellement les milliards évaporés ! Après maints rebondissements, il a finalement été condamné à 5 ans de prison, dont 4 fermes, tandis qu’aucune charge n’était retenue contre la banque et qu’un simple constat de carence fut adressé par Bercy aux autorités de contrôle qui n’avaient rien vu venir...

Tout autre est le traitement de l’affaire de la BNP qui a éclaté il y a quelques mois. Cette banque a été épinglée par la justice américaine pour avoir négocié en dollars de juteux contrats avec le Soudan, l’Iran et Cuba, violant ainsi l’embargo qui frappait ces pays “voyous”. Là encore l’énormité des sommes en jeu donne le vertige. Aujourd’hui même on apprend que la banque, qui reconnaît les faits, est condamnée à une amende de 8,9 Milliards de dollars, soit environ 6,5 milliards d’euros ! La banque française est aussi interdite de paiements en dollars pendant un an, de janvier 2015 à décembre 2015 et devra obtenir une dérogation pour continuer à exercer l’activité très lucrative de gestion d’actifs aux Etats-Unis.

Mais qui Cloue-t-on au pilori en l’occurrence ? Personne…
Pourtant si dans l’affaire de la Société Générale il ne s’agissait en somme que de placements hasardeux (pour lesquels il n’y avait rien à redire tant qu’ils rapportaient…), avec la BNP c’est une fraude caractérisée qui est en jeu.
Non seulement personne n’est nommément inquiété, mais c’est une vraie mansuétude qui entoure la BNP, face à l’ogre américain. Le gouvernement français,si prompt d’habitude à flétrir les banques, a même fait mine de voler à son secours. François Hollande en tête a tenté, en vain, de négocier un arrangement avec le président Obama, venu en France pour commémorer le débarquement allié ! Le chef de l’état commentant alors les sanctions envisagées, les avait qualifiées de « totalement disproportionnées ». Plus fort, Michel Sapin, ministre des Finances, se livrant à un chantage à peine déguisé, souligna que l'affaire risquait d’affecter les négociations en cours sur le traité transatlantique (Trans-Atlantic FreeTrade Agreement, Tafta).
La réponse du président américain fut claire ne cachant pas un certain mépris pour les coutumes de notre pays : "la tradition aux Etats-Unis est que le président ne se mêle pas des affaires de justice".
Pan dans l’amour propre ! ça tombe bien, en France on n’en a pas, ou si peu... Quelques semaines plus tard, M. Sapin essayant sans doute de faire rire un parterre d’économistes distingués, proclama benoîtement à contre-pied des discours vengeurs du candidat Hollande, que “ La bonne finance était l’amie du gouvernement”. Faut-il donc comprendre qu’à ses yeux, il y a de bonnes fraudes ?

07 juillet 2014

La santé, enfin soviétisée ?

Il faut dire qu’on tournait autour du pot depuis déjà un bon petit bout de temps…
Dans cette France, où tout ou presque passe par l’Etat et où comme le disait si bien Frédéric Bastiat, "l'Etat est cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre au dépens de tout le monde...", dans cette France au doux parfum d’administration colbertiste, (mâtiné de vieux relents révolutionnaires), il n’est pas étonnant que le domaine de la santé ait depuis des lustres, mobilisé le zèle tutélaire des Pouvoirs Publics.
Il faudrait d'ailleurs avoir la patience d’un archéologue pour parvenir à mettre à jour toutes les strates plus ou moins enfouies, de l’incroyable mille-feuilles réglementant notre système médico-social ! De la création du monopole de la Sécurité Sociale en 1945, jusqu’à la loi Bachelot dite “Hopitaux Patients Santé Territoires” qui a renforcé, par la création des Agences Régionales de Santé (ARS), le bras armé régional de l’Etat, l’emprise de ce dernier n’a cessé de s’affermir tous azimuts et les réformes de s'additionner à la manière de papiers peints, masquant par leurs couches successives, le délabrement des murs qu'ils recouvrent...
Quasi tout est désormais sous contrôle, et tout est planifié... ou presque : des études médicales jusqu’aux plans quinquennaux représentés par les Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire (SROS), en passant par le parcours de soins coordonné, les autorisations d’activité, la démarche d’accréditation et le filet réglementaire tendu par les innombrables agences nationales dévolues à la santé : HAS, ANAP, ATIH, ASIP, ANSM...

Il reste toutefois quelques étapes encore pour parvenir à l’étatisation totale du monde de la santé et l’actuelle ministre, fidèle en cela aux politiques de tous ses prédécesseurs, ambitionne manifestement de les franchir. Le nouveau projet de loi qu’elle a récemment dévoilé publiquement, en atteste clairement.
Passons rapidement sur l’encadrement renforcé des rémunérations des médecins. Il s’inscrit dans une logique déjà fort avancée liant les praticiens à l’Assurance Maladie. Les derniers espaces de liberté que constituent les dépassements d’honoraires seront bientôt supprimés, mais les médecins conventionnés n’étaient-ils pas déjà de fait, fonctionnarisés ?
Passons sur la généralisation du tiers payant qui portera à son comble le leurre de la gratuité des soins et devrait contribuer à déresponsabiliser encore un peu plus les assujettis bon gré mal gré, au Système...
Passons sur une multitude de dispositions légales dégoulinantes de bonnes intentions, se faisant fort de prévenir les fâcheuses tendances addictives auxquelles s'abandonne une fraction grandissante de la jeunesse, ou bien sur les vertueuses incitations à s'alimenter de manière équilibrée en affectant tout aliment d’un joli logo coloré, ou enfin sur les gadgets illusoires, tel ce numéro de téléphone à 3 chiffres promettant de donner accès à tout moment et en tout lieu à un médecin…

Passons sur ces babioles démagogiques pour s’appesantir sur le sort réservé aux hôpitaux.
De nombreuses réformes “structurantes” se sont déjà succédé depuis des années, aboutissant à une centralisation progressive des établissements. Les règles de plus en plus contraignantes ont en effet cassé la logique de déconcentration qui était pourtant le leitmotiv des années 80. A coup de normes de fonctionnement et de seuils d’activité on a fermé des maternités, des blocs opératoires, des services de soins intensifs. Résultat, quantité de structures sont en voie d’effondrement après le retrait de ces briques essentielles. Condamnées sur des a priori arbitraires, elles ont successivement perdu leur attractivité, leurs praticiens, et in fine leur équilibre budgétaire.
Aujourd’hui s’amorce la phase terminale de ce grand tourbillon centripète. Après avoir défini artificiellement des territoires de santé, transcendant curieusement tous les découpages géographiques existants tels que régions, départements ou cantons, on a incité les établissements à se regrouper en Communautés Hospitalières, autour du plus gros d’entre eux.
Mais désormais l’incitation se transforme en obligation, et les communautés à peine ébauchées par la loi précédente, sont renommées “Groupements Hospitaliers de Territoires” ou GHT. Dernière étape peut-être avant le Kolkhoze, le nouveau mastodonte tentaculaire engendré par la réforme sera tenu d’adopter une système informatique unique, et de mettre en commun pharmacie, laboratoire et quantité d’autres fonctions cruciales telles que la gestion des achats, l’organisation de la permanence de soins…

Il ne manque en somme que le mot “fusion” pour faire d’un tel conglomérat un seul établissement. Mais il y a des mots qui fâchent. Et les Pouvoirs Publics dont le courage et la détermination ne sont pas les qualités les plus éminentes, se gardent bien, ne serait-ce que de les évoquer !
Résultat, chaque hôpital livré à cette machinerie bancale perdra l’essentiel de son autonomie mais conservera jusqu’à nouvel ordre son budget et restera une entité juridique à part entière. Il ne reste plus qu’à imaginer la confusion dans laquelle risque d’évoluer les gestionnaires, les administrations, les soignants et tous les personnels de ces nouvelles structures baroques, issues de l’ineffable génie bureaucratique.

A l’heure où les télécommunications permettent de transmettre à la vitesse de la lumière informations et expertises, ou la technique simplifie considérablement les procédures de soins, ou dans certains pays proches, plus d’un tiers des accouchements sont réalisés à domicile, la France persiste donc à vouloir mettre sur pied à marche forcée un système hyper-centralisé, hyper-médicalisé.
On en voit pourtant déjà un certain nombre d’effets néfastes régulièrement pointés par divers organismes de contrôle au premier rang desquels figurent la Cour des Comptes ou l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). Merveilleux système où une partie des institutions relevant de l’Etat se consacre à l’analyse critique du fonctionnement des autres, sans que la moindre conséquence en soit tirée, tant on a du mal dans notre pays à passer de la théorie à la pratique...
Le Gouvernement qui n’est plus à une contradiction près, appelle de ses voeux “un choc de simplification”, tout en favorisant par son feu roulant de directives, cette gestion complexe, contradictoire et concentrationnaire. Envers et contre tout, il continue de sécréter des textes de lois, des réglementations et toujours de nouvelles administrations à l’instar de ce nouveau “comité interministériel pour la santé”, ou de cet “Institut pour la prévention, la veille et l’intervention en santé publique”, annoncés dans le projet. Par un étrange hasard, le jour même où le premier ministre déplorait les blocages d'un pays "entravé, coincé, tétanisé", et annonçait sa volonté de "le remettre en marche", des experts mandatés par la justice pour élucider les causes de la catastrophe ferroviaire de Bretigny dénonçaient "un état de délabrement jamais vu du réseau de la SNCF". Faut-il attendre que le grand mécano de la santé atteigne de telles extrémités pour envisager de remettre en cause les tabous doctrinaires ?

Cet article peut être également lu sur le site de la revue Hôpital & Territoires

30 juin 2014

Ernst Jünger, une destinée séculaire 2

Si dans les années qui suivent la défaite allemande, Jünger s’enflamme pour les thèses nationalistes, il ne perd pas pour autant l’imperturbable sang-froid qu’il manifesta pendant la guerre. Il saura ainsi garder ses distances avec le mouvement national-socialiste et ses dirigeants qui manifestent pourtant pour lui plus que de la sympathie. Eprouvant très tôt une répulsion pour leur comportement qu'il jugeait quelque peu caricatural si ce n'est brutal, il fera en sorte de n'être jamais compromis avec l’un d’entre eux, et la seule occasion où il eut pu rencontrer Hitler fut heureusement pour lui annulée pour des aléas d'agenda...

Impossible toutefois de ne pas reconnaître que l’ouvrage intitulé "le Travailleur", qu’il fait paraître en 1932 conserve une proximité certaine avec l’idéologie montante. Il y développe une violente satire du rationalisme issu des Lumières, et une critique de la société démocratique d’inspiration bourgeoise qui en aurait selon lui découlé. Il vante en revanche un modèle social rigide, centré sur un État fort et sur l’armée, et fait de la figure du Travailleur un archétype évoquant quelque peu le surhomme nietzschéen. Il y fait également une véritable apologie du planisme, qui fit dire au philosophe Oswald Spengler qu’il s’agissait en définitive d’un ouvrage national-bolchévique…

Assurément, ce pavé un peu confus et daté ne constitue pas un sommet dans l’oeuvre jungérienne. Il reviendra pourtant plusieurs fois par la suite à ce genre littéraire, maniant le symbole, la métaphore et l’imaginaire, au service de fresques romanesques grandioses mais souvent sibyllines. Ce faisant, il infléchit progressivement son discours. Parti d’une position radicale, il évolue dans un premier temps, notamment avec "Sur Les Falaises de Marbre" paru en 1939, vers une critique des régimes dictatoriaux et de la barbarie qu'ils engendrent. Même si le personnage du Grand Forestier relève de la chimère, on peut déceler à travers lui une charge contre Hitler, ce qui dédouane l’auteur de toute collusion avec ce dernier.

Avec Heliopolis en 1949, Abeilles de verre en 1957 puis Eumeswil en 1977, il dessine les contours d’un Etat Universel dont il juge l’avènement inexorable, et autour de lui d’une société inquiétante, dominée par la technique, désincarnée, déspiritualisée, voire robotisée. Cela l’amène peu à peu à adopter une posture fataliste, quelque peu détachée, ni tout à fait rebelle, ni révolutionnaire, ni progressiste, mais tout à la fois. Sous les traits de l’Anarque, il se drape dans une attitude teintée de dédain pour le monde dans lequel il vit, ce qui lui vaudra en retour pas mal d’incompréhension voire de réticence de la part des ses contemporains. Certains ne le trouvent pas assez engagé à une époque où c’est devenu presque une nécessité pour tout intellectuel. D’autres ne pourront s’empêcher de lui coller jusqu’à la fin de sa vie, l’étiquette de réactionnaire eu égard à ses écrits de jeunesse.
Beaucoup passeront assez largement à côté de la dimension humaniste de l’homme…

Car Ernst Jünger est avant tout un infatigable voyageur, un curieux insatiable, un observateur éclairé d’un siècle à nul autre pareil. Le tumulte idéologique et les catastrophes qui s’ensuivent expliquent largement son apparent retrait du monde. En réalité, il est attentif à tout.
A commencer bien sûr par l’univers des insectes pour lequel il manifeste une passion dévorante. La poursuite des phasmes, carabes et autres cicindèles, qu’il nomme “chasses subtiles”, lui fait parcourir la planète et lui suggère quantité de réflexions. Son oeuvre littéraire est avant tout un journal continu, qu’il tiendra quasi jusqu’à la mort. Il le dit lui-même, il n’est pas jour où il n’écrive.

Au gré de ses innombrables annotations, on peut se faire une idée plus précise et surtout plus attachante de cet homme étonnant. Bien qu’il ne soit pas à proprement parler libéral, on serait parfois tenté de le situer à mi-chemin entre Tocqueville et Thoreau, tant il paraît proche de l’idée du self-governement et tant il met d’ardeur à fuir les villes pour gagner la campagne et les forêts.
On comprend mieux sa grande indépendance d’esprit. C’est simple, pour lui, “la liberté a un prix et celui qui veut en jouir gratuitement ne la mérite pas.”
On comprend mieux que ce qu’il cherche avant tout c’est l’indépendance d’esprit, la liberté intérieure. Il gardera toute sa vie une répugnance pour la démocratie de masse. A Frédéric Towarnicki, il confie sa "crainte qu’un jour le type d’hommes peuplant le monde soit une sorte d’insecte intelligent, progressivement privé d’esprit critique…"

On ne sait trop si l’Etat Universel qu’il évoque à maintes reprises relève pour lui plus de la fatalité que de l’espérance. C’est un fait, il ne semble pas vraiment partager l’aspiration kantienne à “une fédération de fédérations”, mais penche pour une entité centrale nébuleuse, autour de laquelle graviterait un cortège de nations dont la définition n’est guère plus évidente. A certain moment il évoque des régions plutôt que des pays, mais l’instant d’après, il révèle qu’il préfère aussi les empires aux nations… Cela ne l’empêche pas d’oeuvre à sa manière pour une Europe unie, en participant notamment à la célébration de la réconciliation franco-allemande avec Helmut Kohl et François Mitterrand.

Parmi les multiples sujets aiguisant sa curiosité, figurent les drogues auxquelles il consacre l’essai “Approches drogues et ivresses.” Durant sa vie, il les a presque tout essayées, notamment le LSD qu’il expérimente avec son inventeur le professeur Albert Hofmann. Il s’essaie même à l’écriture sous influence de la mescaline avec le petit récit initiatique “Visite à Godenholm.”
Ce n’est pas tant les sensations qu’il recherche, que la maîtrise du temps qui l’obsède. Il voudrait en quelque sorte le diluer, l’étirer pour mieux profiter des aventures spirituelles. Le sablier qui représente si bien cette sensation de recommencement perpétuel que donne le temps est pour lui un objet fétiche, dont il fait collection.

Au plan philosophique Jünger n’a pas de chapelle si l’on peut dire. Il vénère Nietszche qui décrit si bien selon lui le nihilisme de l’homme moderne et son éloignement progressif de Dieu. Paraphrasant ce dernier, il a cette formule dans “Le Mur Du temps” : “Dieu se retire…”
Il aime le fatalisme sarcastique de Schopenhauer, l’idéalisme de Platon, et les théories existentielles de Martin Heidegger qui est son ami, et qu’il considère comme “un des grands piliers de la pensée occidentale, allant même jusqu’à affirmer que “Depuis les Grecs rien ne lui est comparable !”
En matière de religion, Jünger est tout aussi circonspect. De culture protestante, il se comporte toute sa vie en agnostique, mais il éprouvera curieusement le besoin de se convertir officiellement au catholicisme deux ans avant sa disparition !

A la vérité le personnage a tant de facettes qu’il serait illusoire de tenter de le cerner de manière trop univoque. On peut reprocher au portrait qu’en fait Julien Hervier, d’être un peu technique, mais il donne envie de mieux connaître l’écrivain, car il aborde sans tabou les multiples facettes de cette personnalité complexe.
S’il n’occulte rien de certains errements de jeunesse, il livre également des révélations inattendues. Par exemple celle-ci, intéressante à méditer, à propos de Pierre Laval, président du conseil des ministres du gouvernement de Vichy : “Laval a rendu de grands services aux Français. Sans lui Hitler se serait déchainé sur votre pays avec une extrême cruauté.”

Une certitude, lui qui n'écrivit guère de poèmes, fut un vrai poète, hypersensible à la magie de la nature et en quête de spiritualité. La poésie s’exclama-t-il, “fait partie de la nature de l’homme.” De cette nature comme de la poésie il fut un vrai amoureux et défenseur des plus sincères, mais en bisbille avec les "Verts" qu’il trouvait trop “politiques”, trop “idéologues”. 

A Gnoli et Volpi qui l’interrogeaient en 1997, alors qu’il avait passé le cap des cent ans, lui qui eut une vie si remplie, si éprouvante, il livra cette réflexion simple, apaisée : “Parfois, les jours de soleil, je m’amuse à faire des bulles de savon que le vent pousse entre les plantes et les fleurs. C’est pour moi une image symbolique de la fugacité, de son insaisissable beauté…”

29 juin 2014

Ernst Jünger, une destinée séculaire 1

La publication récente d’une bibliographie qui lui est consacrée*, est l’occasion de s’arrêter un peu sur l’extraordinaire destin de l’écrivain allemand Ernst Jünger. Né en 1895, il ne quittera ce monde que 103 ans après, ayant couvert la quasi totalité du XXè siècle, un des plus terribles qui fut.
Il eut ainsi le privilège de voir passer à deux reprises la comète de Halley qui ne nous rend visite que tous les 76 ans ! Et pour sa seconde rencontre avec l’astre en 1986, il n’hésita pas, à 91 ans, à faire le déplacement à Singapour et Sumatra…

Il aura connu également les deux guerres mondiales dont il vécut les horreurs comme soldat, sous l’uniforme de son pays.
Après un bref passage dans la Légion Etrangère, qui resta pour lui une erreur de jeunesse due à un tempérament aventurier, il est mobilisé en 1914 à l’âge de19 ans. Comme pour beaucoup de ses contemporains, la perspective de combattre n’était pas effrayante, bien au contraire. Comme il l’écrira plus tard, “La guerre nous avait saisi comme une ivresse. C’est sous une pluie de fleurs que nous étions partis, grisés de roses et de sang.”

Il déchantera toutefois vite et racontera dans un de ses ouvrages les plus célèbres, “Orages d’aciers”, la terrifiante expérience qu’il fit alors.
Peu d’ouvrages ont décrit de manière aussi saisissante l'atrocité et parfois l’absurdité des combats qui durèrent 4 longues années. La seule bataille de la Somme, commencée en juin 1916 fit plus d’un million de morts parmi les combattants (420.000 anglais, 200.000 Français, 450.000 Allemands) ! Soixante mille Britanniques tombèrent dès le premier jour et 1,5 million d’obus furent tirés sur un rectangle de 25 km sur 2 ! On dit qu’il s’agit d’une des batailles les plus meurtrières de tous les temps, marquée notamment par un usage intensif des gaz, une des premières armes de destruction massive.

Pendant tout le conflit, le jeune Ernst, qui fut blessé quatorze fois, garde
pourtant un moral inoxydable, dénué d’état d’âme, tant il a chevillés au corps le caractère intangible de son devoir et la fierté d’être allemand. Les horreurs ne semblent pas l’émouvoir. Ni cruauté, ni sentimentalisme n’affectent la volonté du jeune homme qui n’a qu’un objectif, remplir au mieux sa mission, et qui se forge au feu des balles, des grenades et des bombes, l’idée que la guerre est une fatalité consubstantielle à la nature humaine ("La guerre, notre mère" ira-t-il jusqu'à écrire).
La dureté de cette épreuve et l’humiliation subie par son pays vaincu, expliquent sans doute le fort sentiment nationaliste qui s’empare de lui, une fois la paix revenue. Ce qui devient rapidement une véritable exaltation, va s’accompagner d’une haine croissante pour la démocratie, représentée par la molle république de Weimar, dans laquelle il voit se déliter les derniers restes de l’honneur de la nation allemande.

Alors qu’il n'avait jamais manifesté d'opinion politique, que les causes même du conflit semblaient l'indifférer, il s’essaie au journalisme, et son propos devient brutalement polémique, appelant même sans détour à une révolution violente. En 1925, il écrit ainsi que : “le jour où l’Etat parlementaire s’effondrera sous notre impulsion et où nous proclamerons la dictature nationale sera notre plus beau jour de fête.”
Nul doute qu’à l’époque, ainsi que le relève son biographe Julien Hervier, il a quelque sympathie pour le national-socialisme en train de prendre forme. Il revendique même la croix gammée comme bannière de cette aspiration nouvelle, populaire, "qui remplacera la parole par l'acte, l'encre par le sang, le verbiage par le sacrifice, la plume par l'épée..."
Doit-on lui tenir rigueur définitivement comme certains le firent, pour cet engagement aussi fougueux que fugace ? A chacun de juger. En tout cas, il mérite au moins des circonstances atténuantes car il s'inscrivait dans une conjoncture si troublée que beaucoup perdirent bien plus que lui la raison. Surtout, et se garda sagement de tout enrôlement
dans les légions hitlériennes, vis à vis desquelles il déchanta d'ailleurs très vite. Jamais d'ailleurs durant sa vie, il ne fut inféodé à quelque parti ou à quelque idéologie. Avec son oeuvre littéraire monumentale, et sa culture éclectique, c'est précisément ce qui fait l'intérêt du personnage...
A suivre sous ce lien : Ernst Jünger, une destinée séculaire 2

* Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle. Julien Hervier. Fayard 2014

28 juin 2014

Retours de flammes

C’est toujours un grand sujet d’étonnement que de voir l’émergence d’avis radicalement opposés au sujet d’une même réalité. Entendre ou lire tout et son contraire témoigne de la subjectivité des raisonnements, et laisse parfois rêveur tant chacun est persuadé d’avoir raison et tant les divergences sont parfois tranchées.
La situation actuelle inquiétante en Irak et par extension au Proche Orient, est une illustration édifiante de ces contradictions.

L’état de ce pays est en train de se dégrader brutalement sous la pression croissante de hordes furieuses détruisant tout sur leur passage, notamment les libertés, au nom d’Allah. Personne ne nie la réalité de cette évolution dramatique, mais l’interprétation qu’on en fait est pour le moins contrastée !
L’opinion qui semble la plus répandue, notamment en France, reprend comme par réflexe conditionnel, la rhétorique manichéenne de 2003, faisant de l’intervention pilotée par les Etats-Unis pour renverser Saddam Hussein, la cause de cette explosion de violence. Figure de proue emblématique de ce courant de pensée, Dominique de Villepin s’est empressé de livrer un article au Figaro, rappelant que les Etats-Unis ont échoué en Irak, et voyant dans les évènements actuels la preuve qu’on ne peut imposer par les armes la démocratie. Au passage et implicitement, il s’envoie quelques lauriers pour avoir été si visionnaire à l’époque en prônant l’inaction…

Le choix qu’il fit n’était certes pas sans fondement même s’il était permis de ne pas le partager. Qu’importe, plus de dix ans ont passé, le contexte a changé, et aujourd’hui, il convient d’en tenir compte. M. Villepin semble oublier que l’Irak avait acquis, certes fragilement, le statut d’une démocratie, avec des élections libres. Il occulte également le désengagement américain, et par voie de conséquence international, voulu par le président Obama, qui a laissé l’Irak en position vulnérable, eu égard aux tensions alentour. Il ne fait d’ailleurs des révolutions qui agitent les pays voisins depuis quelques années qu’une analyse très sommaire et fait preuve d’une certaine légèreté en laissant entendre que si Saddam Hussein était resté en place, de tels troubles n’auraient pu éclater en Irak… Au surplus, considérer comme il le fait que ce dernier représentait un facteur de stabilité dans la région est plus qu’abusif quand on songe aux exactions, aux violences, aux crimes et aux guerres, dont il fut responsable et qui firent au bas mot 2 millions de mort en quelques 25 ans de pouvoir socialiste autocratique.
Enfin et surtout, M. Villepin s’exonère un peu facilement de sa propre resonsabilité et des efforts qu’il fit en 2003 et après, pour faire obstacle à l’intervention américaine, pour la décrédibiliser aux yeux du monde (on se souvient de son discours à l’ONU), et in fine pour la faire échouer...

Il est évidemment légitime de s’interroger sur la stratégie qui prévalut lors de la réorganisation du pays, qui a abouti à faire table rase de toutes les infrastructures de l’ancien régime baassiste sitôt l’intervention militaire achevée. Il est non moins logique de se poser des questions sur ce que la Communauté Internationale aurait du ou pu faire pour éviter que certains pays voisins ne sombrent dans la guerre civile ouvrant la voie à l’avènement d’un horrible obscurantisme religieux.
Avec Myriam Benraad qui en fit une description terrifiante (C dans l’Air du 17/06/14), on peut s’inquiéter de la progression d’un arc islamiste aux portes de l’Europe, au sein duquel émergent des factions de plus en plus radicales dont le déjà tristement célèbre EIIL.
On peut s’inquiéter de l’absence de toute stratégie occidentale notamment européenne, face à cette nouvelle montée des périls. Car l’incapacité de la Communauté Internationale en Syrie, en Lybie et à nouveau en Irak n’augure rien de bon.
On risque de payer très cher ces atermoiements. Jusqu’au 11 Septembre 2001, on a gravement sous estimé l’emprise des Talibans en Afghanistan dont les camps d’entraînement et les actes barbares étaient pourtant connus du monde entier. Il a fallu des années de négligence pour que se constitue cette machine infernale qui a conduit aux attentats du WTC.

C’est pourquoi le refrain lénifiant répété par ceux qui prétendent que ces troubles ne nous concernent pas, et qu’il n’existe de menace que dans les esprits, ce refrain relève de la politique de l’autruche. Et c’est pourquoi on ne peut balayer du revers de la main les dénégations et les avertissements récents de Tony Blair. L’ancien premier ministre britannique, assure “qu’il n’essaie de persuader personne sur les décisions prises en 2003”, mais rejette fermement l’assimilation qui est faite entre celles-ci et la montée en puissance des islamistes. Il maintient qu’il est impossible de s’abstraire de ces désordres et qu’aujourd’hui comme hier, “ne pas intervenir est aussi une décision qui a des conséquences”.
En dépit de la pondération de ses arguments, certains n’hésitent pourtant pas à le traiter de fou, comme le maire de Londres Boris Johnson : est-ce bien raisonnable ?

17 juin 2014

La fête de l'insignifiance

Pour son dernier ouvrage Milan Kundera s’est assurément fendu d’un joli titre. Il est vrai qu'il est orfèvre en la matière, son oeuvre en est parsemée. Mais derrière cet art consommé de l’accroche, y a-t-il matière à penser ?
Sur le sujet, l’époque est évidemment un terreau fertile. Sans doute est-ce le cas de toutes, mais la nôtre a ceci de particulier qu'elle a fait de l’insignifiance un art de vivre. Le règne des médias, le formidable essor des moyens de communication n’y ont pas peu contribué, car ils sont bien plus propices à véhiculer des fadaises que des idées. On objectera certes, que les idées sont hélas parfois mortifères. Mieux vaut en somme ne pas en avoir que de se mettre en devoir d’imposer celles qu’on croit bonnes aux autres...

Toujours est-il qu’on peut vraiment s’interroger sur le sens de certaines manifestations de l’esprit contemporain.
Je tombais récemment sur un article d’un grand quotidien relatant la performance d'une prétendue artiste qui n’avait rien trouvé de mieux, le jour de l’Ascension, que de s’asseoir tranquillement par terre après avoir relevé sa robe, pour poser nue, cuisses écartées devant le fameux tableautin de Courbet "l’Origine du Monde”, exposé lui même en toute impudeur au Musée d’Orsay.
De fil en aiguille et de Charybde en Scylla, je découvrais qu’une autre “performeuse” avait choisi Pâques et le parvis du Musée de Cologne, pour réaliser la sienne, qui consistait à s’introduire en public, et dans le vagin, des oeufs remplis de peinture, qu’elle accouchait, juchée sur deux échelles, afin qu’ils s’éclatassent en se mélangeant sur une toile judicieusement disposée par terre (elle appelle ça un "plopEgg")…

Ces deux prestations aurait pu relever du dérangement mental, ou bien de l’outrage aux bonnes moeurs s’il ne s’était agi parait-il d’art ! Dans ce cas, tout est quasi permis, et les médias accourent pour faire naître le buzz dont ils espèrent tirer quelque avantage.
J’y ai vu pour ma part l’expression de cette envie d’exister par tous les moyens qui caractérise notre époque un peu déboussolée. Et sans doute également une stratégie non dénuée d'arrière pensée lucrative : pas si folle, la guêpe : la fille aux oeufs fait payer la version intégrale, non censurée, de la vidéo de sa prestation sur son site web

Le monde artistique dans ses dérives pitoyables n'est pas le seul à mettre en scène le spectacle de ses vanités. Où qu'on porte ses regards, on assiste aux mêmes gesticulations oiseuses :
Les exhibitions hystériques des femen, décapitant rageusement la statue de cire de Poutine installée dans l’inoffensif Musée Grévin,
Les combats de coqs auxquels se livrent les petits chefs de l'UMP sur les ruines fumantes de leur parti,
Les travers de langage énormes du père fouettard Le Pen, toujours savamment dosés pour faire prendre immédiatement la mayonnaise moralisatrice des Dames Patronesses du Prêt à Penser politiquement correct.
Les veules objurgations du gouvernement adressées à l’Administration Obama pour tenter d'entraver le cours de la justice américaine dans l'obscure affaire de la BNP, à l’instar des us et coutumes d'une République bananière...

Bref, mille occasions se présentent à celui qui veut les voir au sein de la mascarade contemporaine ! Et face à ces misérables loufoqueries, le livre de Kundera semble bien fade, voire même un peu à côté de la plaque.
A quoi s’attaque-t-il vraiment lorsqu’il relate une lourde blague de Staline, commentée par ses apparatchiks dans les pissotières… A l’horreur trop humaine du socialisme ? A l’insoutenable légèreté avec laquelle il est convenu de considérer le plus grand assassin de tous les temps ? Que nenni ! Il nous alerte sur le fait que personne ne sait plus ce que c’est qu’une blague...
A quelles réflexions nous invite-t-il en évoquant la mode du nombril à l’air ? A celles tournant autour de l’auto-célébration du moi, ou bien au narcissisme des enfants gâtés et irresponsables du progrès ? Non. Il conclut juste qu’il s’agit d’une nouvelle expression de l’érotisme, entre celle portant sur les seins, propre à sanctifier la femme, et celle qui s’attache aux fesses, “qui prend le chemin le plus court vers le but; but d’autant plus excitant qu’il est double…”

Dans cette bizarre chimère en forme de petit roman, tout est faux. Les rapports humains sont faux : on ment sur sa santé, on ment sur son métier et on se parle un langage incompréhensible, tel cet acteur raté qui se fait passer pour un serveur pakistanais, ou encore Staline qui fait des blagues…
Mais dans l’art du cul par dessus tête, et si plus rien n’a de sens, rien ne vaut le bon vieux Bunuel et son fantôme de la liberté...
La fête de l'insignifiance. Milan Kundera. Gallimard 2014.