Pour son dernier ouvrage Milan Kundera s’est assurément fendu d’un joli titre. Il est vrai qu'il est orfèvre en la matière, son oeuvre en est parsemée. Mais derrière cet art consommé de l’accroche, y a-t-il matière à penser ?
Sur le sujet, l’époque est évidemment un terreau fertile. Sans doute est-ce le cas de toutes, mais la nôtre a ceci de particulier qu'elle a fait de l’insignifiance un art de vivre. Le règne des médias, le formidable essor des moyens de communication n’y ont pas peu contribué, car ils sont bien plus propices à véhiculer des fadaises que des idées. On objectera certes, que les idées sont hélas parfois mortifères. Mieux vaut en somme ne pas en avoir que de se mettre en devoir d’imposer celles qu’on croit bonnes aux autres...
Toujours est-il qu’on peut vraiment s’interroger sur le sens de certaines manifestations de l’esprit contemporain.
Je tombais récemment sur un article d’un grand quotidien relatant la performance d'une prétendue artiste qui n’avait rien trouvé de mieux, le jour de l’Ascension, que de s’asseoir tranquillement par terre après avoir relevé sa robe, pour poser nue, cuisses écartées devant le fameux tableautin de Courbet "l’Origine du Monde”, exposé lui même en toute impudeur au Musée d’Orsay.
De fil en aiguille et de Charybde en Scylla, je découvrais qu’une autre “performeuse” avait choisi Pâques et le parvis du Musée de Cologne, pour réaliser la sienne, qui consistait à s’introduire en public, et dans le vagin, des oeufs remplis de peinture, qu’elle accouchait, juchée sur deux échelles, afin qu’ils s’éclatassent en se mélangeant sur une toile judicieusement disposée par terre (elle appelle ça un "plopEgg")…
Ces deux prestations aurait pu relever du dérangement mental, ou bien de l’outrage aux bonnes moeurs s’il ne s’était agi parait-il d’art ! Dans ce cas, tout est quasi permis, et les médias accourent pour faire naître le buzz dont ils espèrent tirer quelque avantage.
J’y ai vu pour ma part l’expression de cette envie d’exister par tous les moyens qui caractérise notre époque un peu déboussolée. Et sans doute également une stratégie non dénuée d'arrière pensée lucrative : pas si folle, la guêpe : la fille aux oeufs fait payer la version intégrale, non censurée, de la vidéo de sa prestation sur son site web…
Le monde artistique dans ses dérives pitoyables n'est pas le seul à mettre en scène le spectacle de ses vanités. Où qu'on porte ses regards, on assiste aux mêmes gesticulations oiseuses :
Les exhibitions hystériques des femen, décapitant rageusement la statue de cire de Poutine installée dans l’inoffensif Musée Grévin,
Les combats de coqs auxquels se livrent les petits chefs de l'UMP sur les ruines fumantes de leur parti,
Les travers de langage énormes du père fouettard Le Pen, toujours savamment dosés pour faire prendre immédiatement la mayonnaise moralisatrice des Dames Patronesses du Prêt à Penser politiquement correct.
Les veules objurgations du gouvernement adressées à l’Administration Obama pour tenter d'entraver le cours de la justice américaine dans l'obscure affaire de la BNP, à l’instar des us et coutumes d'une République bananière...
Bref, mille occasions se présentent à celui qui veut les voir au sein de la mascarade contemporaine ! Et face à ces misérables loufoqueries, le livre de Kundera semble bien fade, voire même un peu à côté de la plaque.
A quoi s’attaque-t-il vraiment lorsqu’il relate une lourde blague de Staline, commentée par ses apparatchiks dans les pissotières… A l’horreur trop humaine du socialisme ? A l’insoutenable légèreté avec laquelle il est convenu de considérer le plus grand assassin de tous les temps ? Que nenni ! Il nous alerte sur le fait que personne ne sait plus ce que c’est qu’une blague...
A quelles réflexions nous invite-t-il en évoquant la mode du nombril à l’air ? A celles tournant autour de l’auto-célébration du moi, ou bien au narcissisme des enfants gâtés et irresponsables du progrès ? Non. Il conclut juste qu’il s’agit d’une nouvelle expression de l’érotisme, entre celle portant sur les seins, propre à sanctifier la femme, et celle qui s’attache aux fesses, “qui prend le chemin le plus court vers le but; but d’autant plus excitant qu’il est double…”
Dans cette bizarre chimère en forme de petit roman, tout est faux. Les rapports humains sont faux : on ment sur sa santé, on ment sur son métier et on se parle un langage incompréhensible, tel cet acteur raté qui se fait passer pour un serveur pakistanais, ou encore Staline qui fait des blagues…
Mais dans l’art du cul par dessus tête, et si plus rien n’a de sens, rien ne vaut le bon vieux Bunuel et son fantôme de la liberté...
Sur le sujet, l’époque est évidemment un terreau fertile. Sans doute est-ce le cas de toutes, mais la nôtre a ceci de particulier qu'elle a fait de l’insignifiance un art de vivre. Le règne des médias, le formidable essor des moyens de communication n’y ont pas peu contribué, car ils sont bien plus propices à véhiculer des fadaises que des idées. On objectera certes, que les idées sont hélas parfois mortifères. Mieux vaut en somme ne pas en avoir que de se mettre en devoir d’imposer celles qu’on croit bonnes aux autres...
Toujours est-il qu’on peut vraiment s’interroger sur le sens de certaines manifestations de l’esprit contemporain.
Je tombais récemment sur un article d’un grand quotidien relatant la performance d'une prétendue artiste qui n’avait rien trouvé de mieux, le jour de l’Ascension, que de s’asseoir tranquillement par terre après avoir relevé sa robe, pour poser nue, cuisses écartées devant le fameux tableautin de Courbet "l’Origine du Monde”, exposé lui même en toute impudeur au Musée d’Orsay.
De fil en aiguille et de Charybde en Scylla, je découvrais qu’une autre “performeuse” avait choisi Pâques et le parvis du Musée de Cologne, pour réaliser la sienne, qui consistait à s’introduire en public, et dans le vagin, des oeufs remplis de peinture, qu’elle accouchait, juchée sur deux échelles, afin qu’ils s’éclatassent en se mélangeant sur une toile judicieusement disposée par terre (elle appelle ça un "plopEgg")…
Ces deux prestations aurait pu relever du dérangement mental, ou bien de l’outrage aux bonnes moeurs s’il ne s’était agi parait-il d’art ! Dans ce cas, tout est quasi permis, et les médias accourent pour faire naître le buzz dont ils espèrent tirer quelque avantage.
J’y ai vu pour ma part l’expression de cette envie d’exister par tous les moyens qui caractérise notre époque un peu déboussolée. Et sans doute également une stratégie non dénuée d'arrière pensée lucrative : pas si folle, la guêpe : la fille aux oeufs fait payer la version intégrale, non censurée, de la vidéo de sa prestation sur son site web…
Le monde artistique dans ses dérives pitoyables n'est pas le seul à mettre en scène le spectacle de ses vanités. Où qu'on porte ses regards, on assiste aux mêmes gesticulations oiseuses :
Les exhibitions hystériques des femen, décapitant rageusement la statue de cire de Poutine installée dans l’inoffensif Musée Grévin,
Les combats de coqs auxquels se livrent les petits chefs de l'UMP sur les ruines fumantes de leur parti,
Les travers de langage énormes du père fouettard Le Pen, toujours savamment dosés pour faire prendre immédiatement la mayonnaise moralisatrice des Dames Patronesses du Prêt à Penser politiquement correct.
Les veules objurgations du gouvernement adressées à l’Administration Obama pour tenter d'entraver le cours de la justice américaine dans l'obscure affaire de la BNP, à l’instar des us et coutumes d'une République bananière...
Bref, mille occasions se présentent à celui qui veut les voir au sein de la mascarade contemporaine ! Et face à ces misérables loufoqueries, le livre de Kundera semble bien fade, voire même un peu à côté de la plaque.
A quoi s’attaque-t-il vraiment lorsqu’il relate une lourde blague de Staline, commentée par ses apparatchiks dans les pissotières… A l’horreur trop humaine du socialisme ? A l’insoutenable légèreté avec laquelle il est convenu de considérer le plus grand assassin de tous les temps ? Que nenni ! Il nous alerte sur le fait que personne ne sait plus ce que c’est qu’une blague...
A quelles réflexions nous invite-t-il en évoquant la mode du nombril à l’air ? A celles tournant autour de l’auto-célébration du moi, ou bien au narcissisme des enfants gâtés et irresponsables du progrès ? Non. Il conclut juste qu’il s’agit d’une nouvelle expression de l’érotisme, entre celle portant sur les seins, propre à sanctifier la femme, et celle qui s’attache aux fesses, “qui prend le chemin le plus court vers le but; but d’autant plus excitant qu’il est double…”
Dans cette bizarre chimère en forme de petit roman, tout est faux. Les rapports humains sont faux : on ment sur sa santé, on ment sur son métier et on se parle un langage incompréhensible, tel cet acteur raté qui se fait passer pour un serveur pakistanais, ou encore Staline qui fait des blagues…
Mais dans l’art du cul par dessus tête, et si plus rien n’a de sens, rien ne vaut le bon vieux Bunuel et son fantôme de la liberté...
La fête de l'insignifiance. Milan Kundera. Gallimard 2014.
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