30 octobre 2021

Zemmouriana

Il y a peu, on pouvait déplorer la mort du débat politique et l'inanité du vote en France. Tout était en effet aussi morne que la plaine de Waterloo et nulle idée, nul élan ne se faisait plus jour. Mais depuis quelque temps on assisterait plutôt à une renaissance. Non pas hélas que les politiciens aient retrouvé verve et convictions. Mais un homme a débarqué dans le jeu à grand fracas et sa popularité imprévue mais croissante le place sur un petit nuage. Il est partout, on ne parle que de lui et chacun se trouve par la force des choses, contraint de réagir face à ses constats cinglants et ses propositions iconoclastes.
S’il y a un renouveau du débat, il faut bien dire qu’on le doit à une personne et une seule. C'est Eric Zemmour qui fait le job. C’est lui qui crée les sujets et qui donne le La à l’orchestre déconfit qui peine à l’accompagner dans l’ombre. On le savait depuis des lustres positionné sur le thème du chaos migratoire, sur celui de la Nation souveraine, ou bien sur celui de la sécurité intérieure, mais il étend le champ de ses implacables démonstrations à tous les sujets sociétaux, et à l’économie qu’il survole avec aisance et une connaissance aiguë des chiffres.
Bien sûr il n’est pas possible d’être d’accord avec lui sur tout mais son enthousiasme est communicatif et à moins de refuser de manière sectaire la confrontation des idées, il faut bien dire que les échéances électorales redeviennent excitantes à la faveur de cette nouvelle dynamique.
Récemment il abordait le sujet de la sécurité routière, critiquant l’excès des limitations de vitesse sur les routes et la notion même de permis de conduire à points, qui n’a selon lui jamais fait ses preuves. Résultat, tout le ban et l’arrière ban lui emboîta le pas, cherchant vainement à justifier, par principe, des réformes ineptes.

Le 26 octobre dernier il faisait une audacieuse incursion dans la ville de son enfance, Drancy. On peut saluer son courage et le brio avec lequel il mena cette visite dans un contexte plutôt tendu. A force d’argumentation, il parvint à faire se dévoiler une musulmane présentée comme franco-marocaine, en faisant pour un instant d’elle une femme libre. L’instant d’avant elle avait avoué qu’elle ne portait le voile “ que depuis quelques mois”, reconnaissant de manière implicite qu’elle était sous influence et qu’il se passait donc quelque chose de nouveau au plan religieux dans notre pays. Il fit reconnaître à un jeune franco-algérien qualifié d’ancien délinquant, qu’il fallait cesser de “faire des bêtises” s’il voulait faire honneur à la France. Il démontra que les boucheries étaient devenues exclusivement hallal et qu’une des rares associations sportives réputées laïques, était devenue un îlot en perdition dans cette jungle manifestement hostile à tout ce qui représente la France.
Aucune personnalité politique n’avait osé se présenter avec autant de sang froid et de détermination, “face à la rue”, comme titrait l’émission animée par Jean-Luc Morandini. Marine Le Pen, de plus en plus à la traîne, ne fit qu’une pâle imitation de cette prestation quelques jours après à Alençon. Elle se rendit également chez Orban en Hongrie, mais avec un mois de retard sur Zemmour, lui-même accompagné de sa nièce Marion Maréchal...

Faute d’arguments à lui opposer, beaucoup voudraient censurer l’intrus si politiquement incorrect. Il dérange le ronron insipide dans lequel végétait le pays, mais celles et ceux qui se font un devoir de le combattre réagissent à côté, faute de l'avoir vraiment écouté ou bien parce qu’ils font semblant de ne pas comprendre ses gestes et ses propos, pour mieux les déformer. Marlène Schiappa, qui n'est probablement pas une imbécile mais qui fait tout pour qu'on la prenne pour telle, s’est illustrée à ce jeu insignifiant. Après avoir ravalé les propos de Zemmour à ceux qu'on entend dans les bars PMU (affirmant toutefois pour rattraper sa gaffe qu’elle adorait ces endroits), elle monte en épingle de manière ridicule la fameuse séquence du fusil. Comment ces gens peuvent-ils imaginer qu’avec de tels expédients, ils puissent freiner l’ascension de celui qui les fait tant enrager ?
Certains voudraient carrément le faire taire. On a vu les manœuvres comptables minables du CSA. On voit également à l'œuvre les petits censeurs qui sévissent dans le Service public de l’information. C’est une pure ignominie.

La cerise sur le gâteau, c’est quand même lorsque les soi-disant adversaires d’Eric Zemmour poussent la stupidité jusqu'à lui donner raison par leurs raisonnements en forme de sophisme.
Ainsi Christian Estrosi, maire de Nice, appelle la droite à combattre Zemmour « de toutes ses forces » en vue de la Présidentielle 2022, mais dans le même temps, il déplore que la Droite “a déserté le combat”. N’est-ce pas l’aveu que la Droite n’est plus la Droite ? Et où se situe-t-il, lui qui se dit membre des Républicains, mais qui soutient Emmanuel Macron et son parti LREM ? Et où sont Xavier Bertrand et Valérie Pécresse qui ont quitté leur parti en claquant la porte et qui reviennent sans vergogne quérir son investiture ?
M. Larcher, président du Sénat, juge quant à lui, que M. Zemmour “hystérise le débat”. Pour autant il reconnaît qu'il « aborde de vraies questions », et fait des constats pertinents en affirmant que « nos capacités d’intégration et d’assimilation sont saturées ».
Il ajoute “qu’il n'y aurait ni phénomène Le Pen ni phénomène Zemmour si nous avions mieux traité ces questions.” CQFD.
Jusqu’où ira le trublion, c’est difficile à dire. A-t-il l’étoffe d’un homme d’état, c’est à voir. Mais à l’écouter on ne s’ennuie pas, c’est un fait. Et le désordre et la panique qu’il suscite dans les états-majors des vieux partis englués dans les lieux communs lénifiants et les impasses idéologiques est à lui seul jouissif…

27 octobre 2021

Brassens, l'Homme Tranquille

Georges Brassens
(22/10/1921-29/10/1981) n'aimait pas les cérémonies. Il se trouve qu'en octobre on commémore à la fois le centenaire de sa naissance et les quarante ans de sa disparition.
A défaut de grands hommages, c'est le moment de se souvenir quel genre d'homme il fut et d'évoquer l'héritage qu'il nous a laissé.

Après bien des décennies, sa petite musique a gardé toute sa fraîcheur et ses vers tout leur piquant. Je me souviens pour ma part avoir été pénétré définitivement par ses paroles et ses mélodies depuis le plus jeune âge, lorsque mes parents s’en délectaient au cours des mornes dimanches d’hiver. La voix chaude du chanteur, sa façon de rouler les "r" en les caressant, son accent doucement ensoleillé et ses rythmiques subtilement répétitives avaient quelque chose de rassurant.
Depuis, elles ne m’ont plus jamais quitté, comme faisant partie intrinsèquement de ma vie, et plus encore, du monde.
Au fil des années, j’ai appris à mieux connaître le bonhomme dont la rudesse de bois poli m’enchante. Voilà un homme véritablement à part, une sorte de légende à lui tout seul, si simple en apparence et pourtant unique en son genre, absolument inimitable.
D’aucuns ont cherché à récupérer son style et sa manière de suivre “les chemins qui ne mènent pas à Rome”. Jamais ils n’ont réussi à saisir ce tempérament d’acier bien trempé dans leurs griffes idéologiques. Indépendant des modes et des courants de pensées, il fut et il reste à jamais.
 
L’artiste commença sa carrière dans une bohème proche de la misère. Mais durant les quelque 20 ans qu’il passa impasse Florimont à Paris Quatorzième, de 1944 à 1966, au crochet du couple de bons samaritains, Jeanne et Marcel, la pauvreté fut presque joyeuse. Georges n’avait pour ainsi dire besoin que d'amour et d’eau fraîche et rien ne le préoccupait tant que de faire de bonnes chansons.
Il s’était bien essayé à la littérature, poèmes ou romans, mais, de son propre aveu, il dut en rabattre, se contenant de son “chemin de petit bonhomme”, lorsqu’il comprit qu’il n’avait pas suffisamment de génie pour rivaliser avec Baudelaire ou Victor Hugo.

Il fut un chanteur engagé, c’est un fait certain, mais inclassable politiquement, grâce à Dieu. S’il fut un temps un peu anarchiste, il revint vite vers un pragmatisme plus réaliste et serein, après avoir fait le constat qu’il n'existe "pas de solution collective" aux maux de l’Humanité.
Son caractère le portait à l’individualisme, ce qui le fit paraître à certains un tantinet bourru. Mais au fond de lui, il n’y avait pas une once de méchanceté comme il le chantait. Et comme il n’aimait pas obéir à quiconque et qu’il n’aimait pas davantage commander les autres, il fut naturellement anti-militariste et rétif à tout ce qui représente l’ordre et la discipline. Mais comme beaucoup de ses engagements, cela n’avait de portée qu’individuelle. Derrière le poète se cachait l’homme de bon sens. “Je pourrais”, affirmait-il, “me passer de loi, mais la plupart des gens ont besoin de lois et ce n’est pas demain la veille qu’on pourra s’en passer…”
A propos de sa magnifique Non-Demande en Mariage, il se plaisait à dire que s’il n’était “pas tellement partisan du mariage” à titre personnel, il n’était pas contre dans l’absolu et qu’il n’empêchait nullement les autres de se marier.
S’il n’eut pas d’enfant, c’est sans doute un peu parce que, disait-il, “le monde tel qu’il est ne me convient pas”. Ce fut surtout parce qu’il avait fait le choix exclusif de consacrer sa vie aux chansons et que cela lui prenait tout le temps dont il disposait. Ni épouse ni enfant donc, pour ne pas courir le risque d’être un mauvais mari et un mauvais père.
Pareillement, il affirmait n’avoir jamais pris de position anti-cléricale très nette, en dépit de ce que tout le monde croyait. “Je fais de la propagande de contrebande”, révélait-il malicieusement, ajoutant qu’il ne fallait pas prendre toutes ses paroles pour argent comptant, et que sa timidité et sa modestie le portaient à “dissimuler ses sentiments sous des blagues et des pierres tombales.” Une de ses plus belles chansons est sans doute la Supplique pour être enterré à Sète. Pourtant lors d’une interview, il confia qu’il se foutait pas mal d’être inhumé à cet endroit ou bien ailleurs…

Au bout du compte, le seul vrai souci de Georges Brassens était que les gens prissent un peu de plaisir à écouter et à fredonner ses ritournelles: “si je peux donner quelques instants de bonheur, je n’aurais pas démérité…”
Sur des rythmiques très jazzy, inspirées par la musique qu’il avait au cœur, il inscrivit quelques-uns des plus beaux textes poétiques de la langue française, pleins de jovialité et d’une tendre dérision. Aujourd’hui encore il m’arrive de découvrir des perles à côté desquelles j’étais passé jusqu’alors. L’Orage, interprété par Benjamin Biolay lors d’une récente soirée Brassens, figure parmi celles-ci. Il résume tout le talent de l’artiste pour associer une mélodie accrocheuse, un rythme délicieusement entêtant, sublimé par la contrebasse de Pierre Nicolas. La thématique inusable de l’amour y est traitée sur un ton facétieux, et last but not least, on y trouve à son sommet, l’art de mettre le bon mot sur la bonne note !

S’il faut retenir quelque chose de l’engagement de Brassens, c'est sans doute que “tous les dogmes sont néfastes”, et qu’il faut avant toute chose préserver la liberté. Le plus grave répétait-il, “serait qu’on perde nos libertés individuelles. l’homme est en train de disparaître en tant qu'individu. Tout le monde se ressemble…”

18 octobre 2021

Plaisirs d'Automne

Je hais cette saison qui annonce des mois de froidure et de frimas et je me prends à envier les animaux qui peuvent se mettre en sommeil prolongé pour ne se réveiller qu’au printemps. J’admire tout autant les oiseaux migrateurs qui entreprennent un long et fatigant voyage pour suivre le soleil et se mettre au chaud pendant ces mois mortels.
Mais il faut bien faire contre mauvaise fortune bon cœur comme on dit…
L’automne réserve quelques douceurs dont il est plaisant de profiter.
Cette année, l’arrière saison est très ensoleillée, notamment dans le Sud Ouest du pays et les promenades dans les bois et les forêts sont particulièrement agréables. Il y règne une ambiance paisible incitant à la rêverie. C'est l'instant idéal pour le promeneur solitaire, tenté de s'abandonner à l'utopie rousseauiste…
Le soleil encore chaud à travers les feuillages qui commencent à roussir, élève l’âme vers le Grand Tout et la console de tous les tracas du quotidien et des misères de l’actualité.
En s’abaissant à chercher parmi la végétation qui croît au pied des arbres, on a parfois la joie de trouver une perle issue de cet univers au parfum d’humus, à savoir un cèpe.
A cette époque de l'année, ce sont parmi les champignons, ceux qui sont les plus appréciés. Quelle joie de découvrir un de ces spécimens, caché derrière une fougère ou au sein d’un buisson épineux. Son dôme velouté aux couleurs de cuir plus ou moins bruni recouvre un stipe ferme et ventru qu’il est excitant de caresser tout en l’extrayant délicatement de la terre. Humer les effluves qu’il dégage fait naître un flot d’émotions et de promesses de festins à venir.

Revenant d’une telle balade forestière, le panier bien rempli, on se sent apaisé, heureux d’avoir profité d’une journée hors du temps.
Il arrive hélas qu'on ramène aussi quelques souvenirs moins agréables. Une tique par exemple, parfois porteuse de la fameuse maladie de Lyme, ou encore une de ces mouches étranges qui tournent autour de vous et vous suivent opiniâtrement. On les appelle tantôt mouches plates, tantôt mouches crabes, ou bien encore hippobosques. Habituels parasites des chevaux, dont elles sucent avidement le sang, elles se rabattent parfois sur les humains. Les piquent elles je l'ignore, toujours est il qu'il est difficile de se débarrasser de ces insectes. Leur vol est lourd et malhabile mais elles résistent si fort à l’écrasement qu’il faut réussir à les coincer sous un objet dur pour en venir à bout en faisant craquer leur thorax caparaçonné.
Après le rêve, les triviales réalités de la vie reviennent vous assaillir...

14 octobre 2021

La Mort du Débat

Cette fois la terre tremble pour de bon sur la planète politique de France.
Ce séisme était prévisible et avait été précédé d’alertes itératives mais elles avaient été minimisées voire négligées.
Notre médiocre république, qui n’a de démocratique que l'illusion, est depuis des décennies parcourue par de sinistres convulsions. Aujourd’hui, c’est à ce qu’il paraît, l’acmé de cette crise.

Pour en arriver là, il a fallu bien des lâchetés, bien des faiblesses, bien des paroles ronflantes mais creuses, et tant de promesses jamais tenues, de la part de la quasi totalité du monde politique. Le désastre actuel leur incombe donc totalement. La plupart des politiciens ont tout fait pour galvauder les mots de république, de constitution, de démocratie. Ils ont laissé pourrir par leur incurie le fameux trépied Liberté Egalité Fraternité qui aujourd’hui ne veut plus rien dire. Enfin, ils ont mis un zèle incroyable à détruire leur propre image, leur fonction, leur idéologie, leur parti…

Sans remonter à Mathusalem, on se souvient comment François Hollande, par ses magouilles à deux balles, son indétermination incurable et son absence de leadership avait fini par réduire en bouillie le Parti Socialiste en même temps que ses ambitions personnelles. Certes avant lui Mitterrand avait dénaturé le socialisme en faisant alliance avec les communistes, et Jospin "l’austère qui se marre", l’avait ringardisé. Mais l’essentiel du mérite revient sans sourciller au plus calamiteux des présidents de la cinquième république !

A droite, la stratégie ne fut guère plus brillante. Jacques Chirac avait mené son camp dans une impasse à force de trahir sans arrêt ses engagements et surtout de rejeter de manière primaire tout ce qui était plus à droite que son RPR, notamment le Front National, vouant une haine féroce et stupide à ses dirigeants, et un mépris définitif pour toutes les thématiques qu’ils agitaient, non sans raison parfois. Pris dans le piège diabolique ourdi par le faquin de Jarnac, il avait fini par zigouiller son propre camp.
Héritier controversé et instable, Nicolas Sarkozy tenta de le remettre debout mais par son inconstance et ses frasques, il ne fit qu'en clouer le cercueil. Son quinquennat entamé en fanfare a fini en eau de boudin et depuis l’échec retentissant de 2012, suivi de la pantalonnade Fillon, on assiste au ballet navrant des petits chefs de cette armée mexicaine en déroute, venant fleurir avec componction la tombe où gît la Droite, chacun réclamant le retour à l'union derrière son petit fanion dérisoire.

Force est de constater que de son côté, Marine Le Pen a raté la transition post Jean-Marie. Sa stratégie racoleuse à gauche, erratique au plan économique et de plus en plus floue sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration a fait un flop. Son incapacité à assumer un dessein national et à incarner la fonction présidentielle ont provoqué le déclassement progressif du mouvement dont elle s’est crue obligée de changer le nom, en vain.
Il est inutile de trop s’étendre sur les problèmes des autres formations, surnageant de part et d’autre. Aucune n’émerge vraiment et les rodomontades et dissensions grotesques qui divisent durablement ceux qui font de l’écologie leur étendard, fort minable au demeurant, est à l’image de l’effondrement du débat politique et de la crédibilité de ses acteurs dans notre pays.
Il reste Emmanuel Macron, arrivé par effraction au sommet de l’Etat, mais qui n’a pas réussi à fonder de parti, ni à s'entourer de gens d’envergure significative. Il survit toutefois dans les sondages, sur son îlot à 25%, bien qu’il ne soit parvenu à rien de concret durant son mandat, hormis entretenir une grogne sociale permanente.

Il n'est en somme pas besoin de faire l'éloge d’Eric Zemmour qui est en train de devenir un acteur politique de premier plan et d'enclencher une dynamique populaire inédite. Il est probable qu'il ne souhaitait pas ce rôle mais il lui échoit car il n'y a personne d'autre pour l’assumer. Ce sera donc lui.
Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec toutes ses idées pour éprouver une certaine satisfaction d'entendre enfin quelqu'un parler sans détour ni circonlocution et faire preuve de vraies convictions (cf le problème Zemmour 1 et 2).
Son succès s'explique donc aisément. Jusqu'où ira son ascension, sera-t-il même candidat, ce sont pour l’heure les seules questions qui vaillent.

Le fait est qu’il désarme toute opposition et renvoie sans difficulté dans les cordes celles et ceux qui cherchent à enrayer son ascension, tant leurs arguments paraissent inappropriés, inopérants, voire franchement stupides à force de vouloir systématiquement se démarquer de lui.
Foin des blagues nauséabondes des humoristes du service public, qui tombent à plat, foin des rodomontades de Ruquier qui joue au caïd borné, à la manière d'un petit Beria, en souhaitant qu’on éradique “le virus Zemmour”. Foin enfin des ministres, totalement à court d'inspiration et sentant le sol se dérober sous eux, qui y vont de leurs invectives dont la répétition niaise épuise les esprits : négationnisme, révisionnisme, pétainisme, fascisme, peste brune…
En somme, sans vouloir minimiser son talent de bretteur, Zemmour grandit parce que tout s’effondre autour de lui.
Il ne reste plus grand chose du débat politique. Ni stature, ni idée, ni dessein. C’est vrai de Marine Le Pen qui s’enlise inéluctablement et de plus en plus rapidement dans le déni. C’est vrai des candidats putatifs de droite tels Valérie Pécresse qui s’époumone dans le désert à faire croire qu’elle a pris en considération le problème de l’immigration, ou de Xavier Bertrand, de Michel Barnier qui ont passé tellement de temps à polir leur image de rassembleurs consensuels qu’ils se retrouvent de plus en plus isolés et transparents. C’est vrai enfin de tous les groupuscules plus ou moins insoumis qui patinent dans la semoule faisandée de la révolution.
M. Macron quant à lui conserve un certain potentiel de sympathie en dépit d’une politique toujours plus incohérente, contradictoire et inefficace. Pour combien de temps ? Il est à ce jour la cible des attaques d’Eric Zemmour, qui semble avoir déjà évincé tous les autres adversaires...

08 octobre 2021

Illusion d'Optique

Je fais très rarement allusion dans ce blog à des mésaventures personnelles. J’ai vécu celle qui suit et je me fais un devoir de la relater car je subodore qu'elle concerne sans doute beaucoup de monde.
Souffrant depuis l’enfance de troubles de la vision ennuyeux quoique anodins (myopie et astigmatisme auxquels est venue s’ajouter sur le tard la presbytie), je suis contraint de porter des lunettes correctrices. Ces défauts évoluant avec l’âge, il me faut changer de binocles de temps à autre.
C’est en me rendant chez l’opticien, non sans avoir auparavant consulté un ophtalmologiste, que j’ai découvert la signification de l’innovation dont M. Macron est si fier: le “100% santé optique”.
Supposé couvrir l’intégralité des frais et donc offrir à “l’usager du système de santé” la gratuité des lunettes, ce dispositif ingénieux impose aux fabricants de fournir des produits bon marché, oblige les opticiens à les proposer et même à les promouvoir, en contrepartie de quoi ils sont totalement pris en charge financièrement par notre bonne vieille sécu, associée aux mutuelles de santé. Zéro reste à charge, comme on dit...
La Haute Autorité en Santé (HAS), indépendante comme chacun sait mais payée par le gouvernement, assure que ces lunettes discount sont de qualité optimale pour corriger tous les troubles visuels.
Les opticiens quant à eux, sont loin de partager cette opinion, et le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne vous encouragent guère à vous les procurer.
Ils insistent tout d’abord sur le choix très limité des montures (à peine plus d’une quinzaine), leur fragilité et leur manque flagrant d’esthétique. Plus grave, ils vous affirment que la qualité des verres ne permet pas une adaptation satisfaisante à votre vue, et que leur longévité est des plus médiocres.

Il n’est pas étonnant dès lors que la plupart des gens se tournent vers une offre plus attrayante.
Alors qu’il est offert aux assurés sociaux depuis janvier 2020, seuls 16 % des Français ont bénéficié d’une monture ou de verres du panier 100% santé optique, selon Santé Magazine...
Pour ma part, j’ai fait comme 84% des gens. Résultat le montant du devis que j’ai accepté s’est élevé à 689€ contre 220€ pour celui de l’offre gouvernementale !

Que faut-il penser de tout cela ?
Soit les opticiens sont pour leur grande majorité de fieffés filous, qui cherchent à vous fourguer d’inutiles Rolls Royce alors qu’ils ont en magasin de superbes Trabant tout aussi performantes.
Soit le gouvernement cherche à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et du plomb pour de l’or.
Quoique enclin à penser que les commerçants abusent de leur rente de situation, mon esprit rebelle est tenté de pencher vers la seconde option, surtout après avoir découvert qu’en punition de mon choix somptuaire, la Sécurité Sociale ne me remboursait que 9 centimes d’euros (3 pour la monture et 3 pour chaque verre !). Ce n’était certes pas brillant avant l’ère Macron (à peine une quinzaine d’euros) mais là, c’est vraiment du foutage de gueule, comme dirait un bon ami...

Moralité, ce sont surtout les mutuelles qui sont mises à contribution par la générosité gouvernementale et son offre en trompe-l'oeil.
Sur les 220€ de la formule “basique”, la pingre sécu n’aurait pris en charge que 39,60€. Précisons que pour ce prix, vous n'avez qu'une seule paire de lunettes et non 2 comme le proposent les opticiens dans leur devis, sans augmentation de prix (ou presque). Vous devrez donc payer plein pot la paire de lunettes de secours ou bien solaire correctrice associée.
En attendant, pour combler le trou béant laissé après les 0,09 euros royalement remboursés par la sécurité sociale sur les 689 que j’ai payés à l’opticien, j’espère 450€ de ma mutuelle...

30 septembre 2021

Choses vues en Absurdie

On a vu que le ministère de la culture en est réduit à inaugurer les échafaudages “artistiques”
On sait dorénavant que celui de l’écologie a pour mission d’annoncer les hausses de tarif de l’électricité ! Et pas des moindres: 12% à compter de février prochain !
Les tarifs du gaz viennent de faire quant à eux un nouveau bond de 12,6%, soit 57 % d’augmentation depuis janvier.

Naturellement, selon madame Pompili, ce n’est pas la faute du gouvernement, mais “à cause du fonctionnement du marché de l'énergie européen” qui fait paraît-il, que “les prix du gaz influent mécaniquement sur ceux de l'électricité…” Tout est en tout et réciproquement, au fond.
Jean Castex se croit quand même obligé d’intervenir en catastrophe, à la manière des carabiniers, pour assurer qu’il n’y aura plus de nouvelle augmentation (sous-entendu avant la prochaine) et il promet même un “bouclier tarifaire” et un chèque énergie aux plus modestes. Éternelle démagogie...

Réfléchissons. Donc la fermeture de centrales nucléaires, les investissements massifs dans l'éolien, la gestion à fonds perdus d'EDF ne seraient pour rien dans la hausse des prix ? Et s'agissant du gaz, qui dépend pour 40% des approvisionnments Russes, les mauvaises relations de l'Europe avec Poutine et les sanctions idiotes qu'on lui inflige, non plus ?

C’est peu de dire que les écologistes ont raté à peu près tous leurs objectifs (marées noires, ferroutage, énergies renouvelables, recyclage des déchets, propreté des villes…), mais ils continuent de plus belle à faire la leçon selon le bon vieux principe du “faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais…”
Ils ont chamboulé avec leurs réglementations ubuesques le marché automobile, condamnant sans appel tout d’abord le diesel, puis poussant frénétiquement les constructeurs à produire des véhicules électriques (pour lesquels on ne sait pas trop comment on va produire l'électricité, ni comment on va fabriquer les batteries, et encore moins comment on va les recycler...). 

Anticipant les menaces d’interdiction des voitures diesel dans les grandes villes, j’ai eu la faiblesse de troquer mon auto contre un modèle essence, et je me suis aperçu que je consommais à puissance égale, deux litres de carburant de plus aux cent kilomètres ! Et bien qu’arborant fièrement une vignette crit’air de niveau 1, je dus m’acquitter d’un malus punitif. Allez comprendre….

En matière de chauffage individuel, on ne compte plus les foyers qui, faisant confiance aux recommandations gouvernementales, ont opté pour les pompes à chaleur air-eau, et qui se retrouvent avec des factures d’électricité dépassant les 200€/mois. Ils avaient souvent été alléchés par les mirifiques primes, mais avaient vite déchanté en voyant le reste à charge, s’élever à plusieurs milliers d’euros (c'est à dire bien plus que les plus modernes chaudières à gaz ou bien à fioul). Au bout de quelques mois, ils comprennent vraiment leur douleur lorsque leur appareillage très complexe tombe en panne. La plupart des pièces sont d’origine étrangère, souvent chinoise, et en rupture de stock, paraît-il à cause du COVID...
Quant à ceux qui vendent leur logement, il doivent passer sous les fourches caudines de la procédure diagnostique supposée éclairer de futurs acquéreurs. Passons sur la recherche de plomb dans les peintures, qui occupe les experts pendant plusieurs heures, à passer leurs détecteurs dans tous les recoins. Tout le monde se moque du résultat…
Le plus sympathique est le fameux DPE (diagnostic de performance énergétique) dont les critères répondent à de mystérieux algorithmes, et dont les modes calculs changent tout le temps. Autrefois basés avant tout sur la consommation énergétique, ils font, depuis la mouture de juillet dernier, la part belle (si l’on peut dire) à la production de CO2. Mais le résultat est tellement délirant que le gouvernement vient de décréter un moratoire pour les logements antérieurs à 1975. Merci pour ceux qui viennent de payer un diagnostic totalement inutile...
Enfin, ceux qui ont le malheur d’habiter à la campagne et qui ne disposent pas d’un assainissement par le tout-à-l’égout, ont bien souvent la désagréable surprise d’apprendre que leur installation, quoique fonctionnant très bien, est non conforme aux canons normatifs et se voient contraints de la refaire en totalité, sous un délai d’un an s’il s’agit d’une acquisition !
Le mieux étant l’ennemi du bien, nombre de Français sont ainsi sommés de tendre à la perfection par un État inconséquent et négligent quant à l’entretien de ses biens.

Edouard Philippe, ancien Premier Ministre, propose d’augmenter l’âge de départ en retraite pour réduire un peu la dette (dont il a largement contribué à creuser le trou…)

Enfin, Nicolas Hulot, chantre de la correction politique, et généreux dispensateur de moraline a été pris à partie par des féministes. Juste retour de balancier….

21 septembre 2021

L'art de l'emballage

L'Arc de Triomphe est empaqueté ! Succulent symbole d'une société en manque d'inspiration, blasée, lassée de tout, prête à toutes les folies pourvu qu'elles soient originales, et peu importe qu’elles soient vaines, et dispendieuses !
Pour réaliser ce chef-d'œuvre de l’absurdité triomphante, on a fait appel, avec la bénédiction des Pouvoirs Publics, à pas moins de mille ouvriers dont une brigade d’alpinistes, qui ont déployé 2500 m2 de toile synthétique et 3 kilomètres de cordes ! Tout ceci a coûté la bagatelle de 14 millions d’euros, sans débours paraît-il d’un seul centime d’argent public...
L’installation gigantesque pourra être admirée par les badauds du 18 septembre au 3 octobre.
On cherche vainement une symbolique artistique à ce gros chantier.
Faut-il voir dans cette monstruosité, une allusion aux pratiques sadomasochistes qui consistent à se faire ligoter et bâillonner pour éprouver du plaisir ? Est-ce la célébration du voile qui sert à cacher tant de vérités et qu’on voit à l'œuvre dans certaines contrées rétrogrades pour asservir si ce n’est nier la condition féminine ? Est-ce tout simplement le signe qu’on attache désormais plus d’importance au contenant qu’au contenu, à la forme qu’au fond, au flacon qu’à l’ivresse ?

Nos dirigeants sont quant à eux tout simplement emballés par l’initiative.
Il se sont empressés de rendre hommage à ce qui incarne si bien l’inanité de leurs promesses et beaux discours (car de conviction et d’action, chacun sait qu’il n’y a plus…). 
L’inénarrable Roselyne Bachelot planait dans un état second. Elle déclara avec un sérieux pontifical, “qu’il s’agissait d’un formidable présent aux Parisiens, aux Français et au-delà, à tous les amateurs de l'art”. L'empaquetage de l'Arc de Triomphe, ajouta-t-elle, “introduit dans notre espace des métamorphoses douces pendant quelques jours”. Plus fort encore: “Je reçois ce geste monumental comme un appel à la liberté!”
Comment peut-on parvenir à ce niveau de sottise quand on occupe une fonction comme la sienne, that is the question. Sans doute est-ce la preuve irréfragable que le ministère de la culture ne sert vraiment à rien...
M. Macron était sur le même petit nuage lorsqu’il déclama son extase: “c'était un rêve fou et vous l'avez accompli !”, un projet “qui ne coûte rien au contribuable et qui participe du rayonnement de la France!”
On l’a vu plus sévère avec les malheureux athlètes de retour du Japon, couverts de médailles, qui se sont pourtant vus sermonner au motif que la moisson était, aux yeux du guide de la Nation, insuffisante ! Il reste beaucoup plus discret en revanche pour commenter le colossal fiasco de notre politique internationale, dont il est pourtant pleinement responsable, à l'occasion de la rupture, en apparence inattendue, du “contrat du siècle” avec l’Australie, qui fait prendre conscience une fois encore, que la France s’est enfermée dans un orgueil suranné, pendant que le monde se fait autour d’elle...

14 septembre 2021

Comités de Censure

L’époque est à la déraison réglementaire, le constat n’est pas nouveau. Aujourd’hui c’est le domaine de l’information qui est touché par la manie ubuesque de tout contrôler, de quadriller l’espace de la réflexion et du débat, et de décréter ex cathedra ce qu’il est loisible d’exprimer ou de penser.
Eric Zemmour en fait les frais. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), nouveau ministère de l'information en quelque sorte, a décidé d’encadrer autoritairement son temps de parole dans les médias, actant donc le fait qu’il est devenu un homme politique, et non plus un simple journaliste, éditorialiste, commentateur, observateur, historien...
Peu importe qu’il ne se soit déclaré d’aucun parti politique et candidat à aucune élection, pour les auto-prétendus sages “supérieurs” tout se passe comme s’il l’avait fait. Qui parmi les vertueux défenseurs des libertés va s’insurger contre cette oukase délirant ?
Le polémiste tombe dans la nasse qui le guettait depuis longtemps. Il a été contraint de quitter illico son siège de chroniqueur sur la chaîne CNews, laquelle est également dans le collimateur du CSA en raison de ses plateaux paraît-il politiquement pas assez équilibrés. On dira qu’il l’a sans doute un peu cherché à force de narguer les bien pensants, mais la décision de le museler n’en apparaît pas moins sectaire, absurde et inique.
A l’heure où les canaux d’information foisonnent, qui peut encore prendre au sérieux cette assemblée de censeurs au petit pied, payés par le Trésor Public pour décortiquer à la minute près l’expression de chaque personne politique. Trois cents fonctionnaires attelés à une tâche stupide et totalement inefficace,  qu'ils exercent avec un zèle sinistre, voilà ce que notre pauvre pays est toujours capable de financer, malgré ses dettes astronomiques.
Le CSA n’en est pas à son coup d’essai. On sait qu’il surveillait de près Thierry Ardisson, Cyril Hanouna et consorts, lesquels ont eu droit à de nombreux avertissements. Le Comité avait interdit, sans aucune raison compréhensible, la diffusion en clair de la petite chaîne Paris Première (Tiens, Zemmour intervient également sur ses plateaux…).
Y aurait-il des pressions politiques dans les décisions du CSA, on voudrait ne pas y croire, mais la révélation tout récente faite par Christine Kelly, aujourd’hui animatrice sur CNews, mais ex-membre de l’assemblée, est bien troublante. Elle affirme que le CSA a, il y a quelques années, été l’objet de pressions “venant de gauche”, pour censurer Eric Brunet, autre journaliste politiquement incorrect
Tout cela commence à faire beaucoup, surtout quand on connaît la mansuétude des chronométreurs de temps de parole vis-à-vis des chaînes publiques, outrancièrement partisanes… 
Bref, c’est décidément un sale temps pour la liberté d’expression. Les réseaux, qu’il est convenu d’appeler “sociaux”, tels Twitter, ou Facebook, eux-mêmes se croient obligés de censurer et d’excommunier en fonction de critères pour le moins discutables. On réduit au silence le président de la plus grande et ancienne démocratie au monde mais on laisse pérorer les agités du turban qui font régner la terreur en Afghanistan et ailleurs. Après avoir mis au pas le débat d’idées contemporain, au nom de la Cancel Culture, on fait table rase du passé. On abat les statues, on débaptise les rues, les établissements publics… Au Canada, on brûle les livres jugés déviants, comme au Moyen-Age. Ce monde est décidément fou !

08 septembre 2021

Lettre de Lord Chandos

Stefan Zweig fit beaucoup pour populariser  Hugo von Hofmannstahl (1874-1929) qui fut son contemporain et dont les poèmes juvéniles relevaient selon lui “d’un des grands miracles de précoce perfection.”
Le hasard m’a fait aborder l’écrivain par un petit ouvrage bouleversant, d’une trentaine de pages à peine, en forme de lettre* - imaginaire naturellement - “que Philipp lord Chandos, fils cadet du comte de Bath, écrivit à son ami Francis Bacon, pour s’excuser d’avoir renoncé à toute activité littéraire...”

Lorsque Hofmannstahl publie ce texte en 1902, à 28 ans, son œuvre poétique est achevée pour sa plus grande partie. Heureusement, il ne cessera pas pour autant d’écrire, mais quelque chose s’est passé dans son esprit qui lui fait prendre conscience de la vanité du langage, et pour une moindre part, de l’existence.
L’auteur relate ainsi “les tourments intellectuels” qui l’assaillent et réduisent son inspiration à l’impuissance. Il se désole de “ces branches chargées de fruits qui remontent brusquement chaque fois que je tends les mains, cette eau murmurante qui se retire devant mes lèvres assoiffées…”
Il constate que malgré tous ses efforts, aucun mot ne semble exprimer la réalité objective. Pire, autour de lui, tout semble “dépourvu de preuves, mensonger, fuyant de partout”.
Comment dès lors exprimer ce sur quoi, on n’a pas de prise ? Et dans quelle langue, sachant que celle “dans laquelle il m’aurait peut-être été donné non seulement d’écrire, mais aussi de penser, n’est ni latine, ni l’anglaise, ni l’italienne, ni l’espagnole, mais une langue dont aucun des mots ne m’est connu ?”

Etrangement, cette missive aux accents désespérés, n’est pas dépourvue d’une certaine quiétude. L’auteur manifeste même un tranquille détachement devant la fatalité qui lui fait perdre “la faculté de penser ou de parler de façon cohérente, sur quoi que ce soit.” Il est en effet envahi par “une sorte de pensée fébrile, faite d’un matériau qui est plus immédiat, plus fluide, plus incandescent que les mots”. Ce sont ajoute-t-il “des tourbillons, mais à la différence de ceux de la langue, ils n’ouvrent pas, semble-t-il, sur le néant mais conduisent d’une certaine façon en moi-même et au cœur de la paix…”
En définitive, lui qui avait des projets pleins la tête et qui dévorait toute littérature avec un appétit d’ogre se résigne à ne plus rien lire, ni dire, ni écrire.

Cette étonnante confession recèle une symbolique foisonnante. Elle rejoint notamment celle de Rimbaud, qui parvenu au plus loin de ses “Illuminations” et après avoir relaté de manière visionnaire sa “Saison en Enfer”, mit un terme brutal et irrémédiable à son œuvre littéraire.
Faut-il comprendre qu'après avoir exploré le monde des mots et de la poésie jusqu’aux confins du langage, se profile le vide incommensurable de l’inexprimable ?
On pourrait également faire le rapprochement avec d’autres formes d’expression artistique. La musique par exemple qui dans son acception classique a tout à coup basculé dans l'abîme stérile des délires sériels ou dodécaphoniques. La peinture également, qui au terme du vertige impressionniste, puis symbolique, sombra corps et biens dans l’abstraction la plus confuse, voire l’anéantissement monochrome de Klein, ou achromique de Soulages.

On pourrait enfin faire un parrallèle avec l'absurdité des rhétoriques idéologiques dans lesquelles se fracassa le vingtième siècle, et avec l'inanité de la jargonomanie qui est la marque de notre époque, et dans laquelle se délite en douceur la liberté et le bon sens. On pourrait percevoir le drame de nos sociétés, tentant de conjurer par une pléthore de lois et de normes leur impuissance à résoudre avec pragmatisme les problèmes qui se posent à elles, et qui se perdent dans une vaine logorrhée bureaucratique, stupidement bien intentionnée. L'avènement du parler pour ne rien dire, en quelque sorte...

Mais on pourrait aussi, si l’on est optimiste, penser à Baudelaire, qui dans son splendide poème Elévation, invoqua lui aussi, à sa manière si limpide, l’ivresse de l’indicible :
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins
Celui dont les pensées comme des alouettes
Vers les cieux le matin prennent un libre essor
Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes...
 
* lettre de Lord Chandos Hugo von Hofmannstahl. Edition Bilingue. Rivages poche éditeur/Petite Bibliothèque

30 août 2021

Let It Roll, Charlie

Dire qu’il faut parfois que les gens disparaissent pour qu’on découvre l’essentiel de leur personnalité et la profondeur de leur âme...

On ne présente pas Charlie Watts, batteur en titre et membre fondateur des Rolling Stones.
ll était toutefois si discret, si modeste, qu'on remarquait à peine,
derrière le trio déchainé de rock stars embrasant l'avant scène, celui qui tenait de main de maitre les baguettes de la section rythmique. 
Pourtant, sans ce gentleman, toujours tiré à quatre épingles, toujours courtois, et aussi solide qu'un pilier de cathédrale, les Stones n'auraient sans doute pas eu la même présence, la même pérennité, la même puissance, le même panache…

Je savais que ce fameux groupe de Pop Music qui décoiffe et enchante la planète Rock depuis presque 60 ans, avait ses racines profondément ancrées dans le blues, mais j'ignorais tout de la carrière parallèle de son batteur, au service du jazz et du Boogie Woogie. Je découvre donc un peu tard mais avec beaucoup de plaisir et un brin de nostalgie les sessions endiablées auxquelles Charlie avait participé avec les pianistes Axel Zwingenberger, Ben Waters, et le bassiste Dave Green (The A,B,C & D of Boogie Woogie).
Marquées par un swing étincelant, elles s'inscrivent sans démériter auprès des légendaires et décapantes prestations du célébrissime quatuor britannique. A côté du déluge de watts célébrant avec fougue le Rock ‘N’ Roll, on trouve un Watts jazzy, tout simple, gai et rafraîchissant.

“Je suis béni”, disait Keith Richards, “le batteur avec qui j’ai commencé est l’un des meilleurs du monde. Avec un bon batteur, on est libre de faire tout ce qu’on veut !”
C'est donc un grand seigneur du Rock, du Blues, du Jazz et de la musique tout court qui s'en va...

26 août 2021

Un été pourri

D'abord, début mai, on annonça un été “chaud et sec”, plus que de nature, favorisé comme il se doit, par le réchauffement climatique. Puis, la réalité s’avérant un peu différente des prévisions, ce fut le constat d'un “été pourri”, considéré même comme un des deux les plus arrosés de pluie depuis 1959 !
Début août, à l’occasion de quelques jours de grosses chaleurs, c’est à nouveau l’alerte canicule qui fit les gros titres. Il n’en fallut pas plus pour relancer le catastrophisme climatique, alimenté entre autres par la prolifération des feux de forêts et le rapport du GIEC annonçant peu ou prou la fin du monde pour 2050, la faute incombant paraît-il exclusivement et sans aucun doute à l’activité humaine, au capitalisme et à la croissance industrielle. Forts de leurs certitudes, ces gens dont le pragmatisme n’est manifestement pas le fort, intiment, le plus sérieusement du monde, aux gouvernements concernés, de tout faire pour inverser le climat, plutôt que de s’adapter aux caprices météorologiques sans cesse évolutifs, par nature. On est ainsi bassiné en permanence par une doctrine à sens unique selon laquelle il faudrait s’arrêter de vivre pour survivre, et qui désigne des boucs émissaires illusoires pour occulter le fait qu’elle repose largement sur l’ignorance. Ce serait donc le réchauffement climatique qui allumerait des incendies, et non des imbéciles, des négligents ou des pyromanes. Avec ce parti pris, il est plus facile de se répandre en sermons universalistes et de prôner une décroissance irresponsable que de sanctionner des agissements criminels ou de préconiser un meilleur aménagement territorial pour limiter l’étendue des sinistres.

Mais le climat n’est hélas pas le seul aléa pourrissant le bel été qui était attendu par chacune et chacun.
La quatrième resucée de COVID a douché les espérances d’immunité collective et commence à faire naître un doute sérieux sur une sortie prochaine de crise. Les courbes de tendances des pays où la vaccination a été précoce et très largement pratiquée, montrent un nouveau pic de contaminations assez déconcertant. Certes l’épidémie cause moins de morts et moins d'hospitalisations, mais elle est toujours là. La crainte de voir émerger à tout moment de nouveaux variants et les dernières études tendant à démontrer que l’immunité contre ce foutu virus se perd assez vite ne sont guère rassurantes...

A l'international, la situation n’est pas beaucoup plus réjouissante. Passons sur les malheurs répétés qui frappent Haïti. Ce pays semble maudit et toute l’aide extérieure s’avère impuissante pour l’aider à affronter, autrement que par le fatalisme, les catastrophes dont il est victime. En est-il de même pour l’Afghanistan ? La réponse est à l’évidence oui. Mais derrière l’incapacité d’un peuple, supposé auto-déterminé, à faire face à son destin et à ses mauvais démons, il y a aussi la faillite de la Communauté Internationale et une grande lâcheté dont les conséquences pourraient peser lourdement sur l’avenir. L'ancien premier ministre britannique Tony Blair s’est exprimé sur le sujet sans détour ni circonlocutions. Selon lui, “le monde ne sait plus ce que défend l’Occident, tant il est évident que la décision de se retirer d’Afghanistan de cette manière était motivée non pas par la stratégie mais par la politique.“
Dans la même déclaration, il fustige “l’abandon de l’Afghanistan au même groupe que celui d’où est parti le carnage du 11 septembre, d’une manière telle qu’on semble mettre en scène notre humiliation…” C’est terrible, mais hélas trop vrai.

Bref, après cette saison vraiment pourrie, il ne reste donc plus qu’à espérer que survienne un bel été indien pour mettre un peu de baume au cœur...

14 août 2021

Adieu Kaboul, adieu Liberté

La capitale afghane n’est pas encore tombée aux mains des Talibans, mais le sort de cette ville et de tout le pays paraît d’ores et déjà scellé. La progression fulgurante des fous de Dieu ne laisse guère de doute quant à leur retour, favorisé par le désengagement américain et l’abandon de tout un peuple par la Communauté Internationale, beaucoup plus préoccupée par le COVID ou le réchauffement climatique...
La faute incombe évidemment également aux Afghans eux-mêmes et à leurs dirigeants, qui se sont montrés incapables de mettre à profit l’aide internationale colossale qui leur a été apportée durant deux décennies pour organiser une société libre, pacifique et démocratique. Tragique constat, hélas prévisible depuis déjà quelques années, et responsabilités multiples...
Ironie du sort, 2021 marque le vingtième anniversaire de l’intervention internationale entreprise à la suite des horribles attentats du World Trade Center.

Malheureusement, vingt années n’ont pas suffi pour éradiquer la vermine obscurantiste qui, telle une armée de termites opiniâtres, revient plus forte et déterminée que jamais. Tous les efforts, toute l'énergie, toutes les vies humaines consacrés à la reconstruction d’un pays en proie à la barbarie ont donc été vains. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il y a fort à craindre que l’Afghanistan retourne à la triste situation qu’il a connue lorsque la charia faisait régner une terreur moyenâgeuse. Il est également probable que ce chaos fasse le lit de nouveaux groupes terroristes.
Dans cette triste histoire, le cortège des nations montre une fois de plus son impuissance désespérante, si ce n'est une vaste indifférence. Pas un mot, pas une résolution, pas un casque bleu en provenance de l'ONU...
Chacun se bat la coulpe au souvenir des horreurs du passé en clamant “qu’on ne verra plus jamais ça”, mais l’histoire a une fâcheuse tendance à se répéter et il s’avère plus que jamais difficile de passer des paroles aux actes. Les plus audacieux se bornent à informer les rebelles qu’ils ne reconnaîtront pas un régime imposé de manière non démocratique ! Le chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Josep Borrel prévient les Talibans : “S’ils prennent le pouvoir par la force et rétablissent un émirat islamique.../… ils subiront l’isolement, un manque de soutien international et la perspective d’un conflit continu et d’une instabilité prolongée en Afghanistan.”
Autant pisser dans un violon, face à cette horde conquérante qui n’a que faire de ces veules leçons de morale !

En attendant, on rapatrie avant la catastrophe annoncée, les ressortissants et le personnel diplomatique, à l’instar de ce qui s’était passé dans les années soixante-dix avant la chute de Saïgon, puis de Phnom Penh, puis de Téhéran, etc...
Et l’on plaint par avance avec des larmes de crocodile les populations sacrifiées sur l’autel de la couardise et de l'hypocrisie réunies. On s’attend déjà à voir errer les myriades de réfugiés, les malheureux qui n’auront d’autre espoir que de fuir et d’émigrer. Quant à ceux qui avaient déjà fait le pas et qui se trouvaient en situation irrégulière, la France généreuse annonce “avoir suspendu les expulsions de migrants vers l’Afghanistan”. Belle perspective, et beau résultat…
Comme le déplore avec amertume l’historien Jean-Charles Jauffret "Nous assistons au naufrage d'un pays en nous croisant les bras..."

10 août 2021

Et toujours le COVID...

Une fois encore le coronavirus se joue des prévisions et semble se moquer des politiques bien intentionnées que le gouvernement met en œuvre pour l’empêcher de nuire. Une fois encore le dit gouvernement, plombé par une inertie consubstantielle à sa nature, agit avec retard, lenteur et indétermination. Pire, à force de chercher à communiquer de manière la plus lénifiante possible, il s'englue dans les contradictions et ne cesse de commettre des bourdes monumentales.

Alors qu’on croyait enfin l’embellie en vue et que nos dirigeants pouvaient se réjouir d’avoir réussi à fournir en quantité suffisante à la population les vaccins, ils retombent dans leurs vieux démons à cause du nouveau variant dit delta qui chamboule tous leurs plans.
Les retrouvailles avec la liberté claironnées depuis quelques mois à grand renfort de clips télévisés, le “retour des jours heureux” annoncé dès le début de l’été 2020 par le président Macron, toutes ces belles perspectives se terminent en eau de boudin.

L’été 2021 s’avère pire que celui de 2020. L’année dernière, le virus avait attendu la fin de l’automne pour repasser à l'offensive. Cette fois, c’est dès le mois de juillet que la pandémie repart de plus belle.
Pris de court une fois de plus, le chef de l’État, seul maître  à bord (après Dieu naturellement...) du paquebot France, improvise une stratégie hasardeuse dans laquelle on retrouve tous les travers habituels du dirigisme bureaucratique et de la pléthore administrative.
Après avoir affirmé qu’il n’y aurait pas d’obligation vaccinale, le chef de l’État impose un “pass sanitaire” qui y ressemble fort, en dépit de ses dénégations. Et le machin s’avère tellement alambiqué qu’on peut douter dès à présent de son efficacité.
 
Plutôt que de se cantonner à un simple certificat vaccinal ouvrant les portes et facilitant la vie, on a préféré un dispositif confus et complexe dont on ne retient en somme que le caractère contraignant.
Il répond à une définition amphigourique, prenant en considération non seulement la vaccination, mais également quantité d’autres cas de figure, plus ou moins flous, et changeants au gré de l’humeur ambiante, notamment l’attestation de guérison et/ou de “rétablissement” ou celle certifiant la négativité d’un test diagnostique datant de moins de 48 heures (délai d’ailleurs rapidement porté à 72 heures). La directive précise au surplus que le test peut être réalisé selon plusieurs modalités (PCR, test antigénique, voire autotest effectué “sous la supervision” d’une personne compétente…). Parmi les effets pervers attendus de ces dispositions, on présume avec effarement du creusement du déficit de la Sécurité Sociale, sommée de rembourser sans fin cette monstrueuse gabegie (chiffrée autour de 100 à 120 millions d’euros par semaine).

C‘est donc une vraie usine à gaz dont l’application risque d’être aléatoire puisque les contrôles ne seront pas, sauf exception, assortis de la vérification de l’identité du porteur du pass et alors que plane plus qu’un doute s’agissant des circonstances dans lesquelles il est exigible.
Si les malheureux bars et restaurants sont contraints, à peine rouverts,  de ne servir que les clients munis du précieux sésame, l’incertitude concerne quantité d'autres situations, par exemple celle des établissements de santé à l’entrée desquels les visiteurs et les patients, doivent montrer patte blanche, sous réserve que cela ne fasse “pas obstacle à l’accès aux soins”. Comprenne qui pourra ces nuances sémantiques…
Avec la même hypocrisie on distingue les transports où le pass est impératif (autocars, grandes lignes de chemin de fer) des autres dans lesquels on peut s’entasser librement (métro, bus, TER…)
Notons que dans sa stratégie erratique, le gouvernement en est encore à s’interroger sur l’obligation vaccinale, notamment pour les professions exposées ou potentiellement contaminantes. Ainsi, on apprend qu’à partir du 15 septembre, les soignants non-vaccinés s'exposeront à une "suspension du contrat de travail", et ne seront donc plus rémunérés. Une fois encore c’est bien tardif comme décision, et probablement difficile à mettre en pratique vu la pénurie desdits personnels (la problématique des hôpitaux n'a toujours pas été résolue...). Au surplus, le Conseil Constitutionnel a stipulé que le refus de la vaccination ne pouvait en aucun cas être une cause de licenciement ni entraîner la rupture d’un cdd ou d’un contrat en intérim !

Toutes ces oukases obéissant à une logique digne de la pataphysique de Père Ubu induisent un sentiment de lassitude voire d’exaspération dans l’Opinion Publique. On finit même par douter de l’intérêt d'être vacciné puisque les contraintes ne cessent de s’accumuler et qu’on laisse entendre que même immunisé, on peut être contagieux, voire malade. Les infortunés vacanciers qui avaient cru bon de choisir les départements d’outre-mer se retrouvent pris au piège du confinement. Quant à ceux restés en métropole, ils sont plus que jamais soumis aux fameux gestes barrières et désormais au pass sanitaire, en attendant pire...

Pendant ce temps, en Grande Bretagne, qui n’a pas l’habitude de s'embarrasser de lois inutiles, qui a probablement un sens plus aigu de la liberté, et un peu plus d'audace, les dernières restrictions ont totalement été levées en juillet en dépit de l’assaut du royaume par le variant delta. Pour l’heure, si les nouvelles contaminations restent nombreuses, elles n'entraînent guère d’hospitalisations et peu de mortalité. L’avenir dira si la voie choisie est la bonne.
Le fait est qu'en France, on assiste à une nouvelle montée des mécontentements. Les manifestations d’opposants au pass sanitaire rassemblent un nombre croissant de personnes. A défaut d’être parvenu à endiguer la pandémie, le gouvernement aura-t-il réussi à générer un nouvel épisode gilet jaunes ?

29 juillet 2021

Bêtes à Bon Dieu...

En regardant quelques bestioles minuscules s’affairant au sein des plantes et des fleurs, une foule de pensées m’assaillent.
Comment éviter de se poser des questions existentielles en contemplant l’incroyable richesse inventive déployée par la Nature, qui s’exprime dans cet étonnant spectacle microscopique ?
La première, la plus immédiate, la seule pourrait-on dire est de savoir si tout cela a un sens ?
 

Comme il s’avère impossible de répondre objectivement à cette interrogation relevant de la métaphysique, la seule alternative est de choisir une option. A la manière du fameux pari de Pascal, il faut s’engager sur une voie, en misant sur les perspectives qu’elle est susceptible d’offrir.

Si l’on décide que le monde n’a pas de sens, le chemin tourne vite court. Pour tout dire, c’est une impasse. Dans ce cul de sac, on peut certes profiter du temps qui passe, mais ce carpe diem est vain puisqu’il est sans vrai lendemain, sans espérance. Au jeu du hasard et de la nécessité tout est permis mais tout se vaut et tout se rejoint dans une finitude désespérément fermée. A quoi bon aimer, à quoi bon chercher à s’améliorer, à quoi bon penser même, puisque rien n’a de signification. La beauté elle-même est une illusion, et la conscience est un leurre. Ces insectes ne sont rien d’autre qu’un mirage en somme...

Sans avoir besoin d’évoquer l’existence de Dieu ou bien d’une hypothétique vie après la mort, on peut toutefois imaginer un monde répondant à une explication ultime, transcendant la réalité triviale des choses. Le seul fait de penser que l’univers dans lequel nous vivons exprime un dessein, une direction, un sens, ouvre tout à coup l’horizon. Et dans ce contexte tout rentre en harmonie. L’être et la Nature participent de la même entité. Pour paraphraser Schelling, “la Nature doit être l’Esprit visible, et l’Esprit la Nature invisible…”
Du coup, tout questionnement est légitime et passionnant, même s'il ne trouve pas de réponse immédiate. Mieux, tout devient possible, au-delà même de l’imagination humaine, et les petites bêtes qui gravitent à nos pieds sont un peu plus que de vulgaires insectes sans importance. Ils recèlent une partie de l’indicible beauté du monde...


21 juillet 2021

La Liberté et ses fantômes

Consternant spectacle que celui où l’on voit dans notre pays des excités hurler à la dictature au motif que le gouvernement envisage de mettre en œuvre le fameux pass sanitaire, pour lutter contre la progression du COVID-19 et encourager les réfractaires à se faire vacciner. L’excès des mots atteint en la circonstance des sommets hallucinants.
Même si l’on peut contester la manière très technocratique et hasardeuse de mettre en œuvre ce dispositif, la seule certitude qui s’impose est que ces gens ne savent vraiment pas ce qu’est la Liberté pour en galvauder à ce point la signification. Ils ne mesurent pas les efforts de ceux qui ont tant donné pour qu’elle devienne réalité et ils manifestent une ignorance coupable vis-à-vis de celles et ceux qui n’ont pas la chance comme eux, de vivre dans un monde ouvert.

Au moment même où les médias braquent leurs projecteurs sur ces imbéciles - heureux sans le savoir -, des événements autrement plus graves se déroulent dans le monde, sans qu’on entende beaucoup de voix s’élever contre ces vrais totalitarismes.
Dimanche 11 juillet, des milliers de Cubains ont déferlé aux cris de « Liberté ! », « Nous avons faim » et « A bas la dictature » (Le Monde). On peut les comprendre et éprouver quelque compassion. Cela fait plus de soixante ans qu’ils subissent les effets désastreux de la tyrannie castriste. Pourtant, dès le mardi suivant, quelque 130 personnes étaient emprisonnées ou signalées comme disparues, et l’attention se détourna rapidement du sort de ces malheureux, abandonnés depuis si longtemps à leur triste sort.
A la Havane, force est de constater que le socialisme règne toujours en maître et sa rhétorique odieusement mensongère est plus que jamais à l’œuvre, qualifiant par la bouche de l’actuel président Miguel Diaz-Canel, ces manifestations de “provocations orchestrées par des éléments contre-révolutionnaires, organisés et financés depuis les USA avec des objectifs de déstabilisation..” Au boniment s'ajoute l'ingratitude pour le tandem Biden-Obama qui avait preuve de tant de mansuétude pour les satrapes de La Havane...

En Afghanistan, on assiste au retour massif et brutal des Talibans, à la faveur du désengagement des États-Unis. Ils étaient les derniers à tenter de faire encore rempart aux révolutionnaires islamistes sanguinaires et à protéger les fragiles progrès démocratiques que l’intervention de la Communauté Internationale avait permis de faire.
Ces tristes événements ne suscitent hélas guère plus d’émotion que la mise au pas des dissidents cubains. Face à cette nouvelle déferlante de barbarie, le gouvernement français appelle, sans état d’âme, ses ressortissants à quitter au plus vite le pays. Éternel recommencement. Comment ne pas se remémorer l’abandon tragique du Vietnam, puis du Cambodge, de l’Iran et de tant de pays, devant l’imminence des périls. On se souvient des ambassades prises d’assaut par les réfugiés, les drapeaux amenés en catastrophe, et l’effacement chaotique de tous les symboles de la Liberté...

L’évolution de la situation au Mali procède de la même mécanique. Aujourd’hui le président Macron menace de “stopper Barkhane si le pays s'enfonce dans l'islamisme radical”. N’était-ce pas précisément le motif de l’intervention initiale ?
On se retrouve en définitive prisonniers d’un tragique imbroglio. Pendant qu’on accueillait au titre de l’asile politique, nombre de jeunes gens, qui auraient pu combattre auprès de nos troupes pour offrir à leur pays l’espoir d’une liberté durable, l’hydre totalitaire reconstituait sans cesse ses bras mutilés pour mieux renaître le jour où nous baisserions les nôtres...

Une fois encore, l’absence de consensus et de détermination de la part des instances de régulation internationales, fait la part belle à l’horreur tyrannique. Et pendant que dans le Monde Libre, des minorités vociférantes voient ressurgir à la moindre contrariété le spectre de la Shoah, des peuples entiers continuent de souffrir en silence de la vraie privation de liberté et de toutes sortes d’atrocités infligées par les despotes qui les asservissent en toute impunité...

13 juillet 2021

Voyage autour de ma chambre

Voltaire soutenait que la vraie sagesse consistait à savoir tout simplement cultiver son jardin. Xavier de Maistre (1763-1852) inventa quant à lui le voyage autour de sa chambre comme source quasi inépuisable de bonheur.
Natif de Savoie, et frère du célèbre penseur conservateur Joseph, il ne sera jamais français ce qui lui valut lors des guerre entreprises au nom de la Révolution et de l’Empire, de s’engager dans les armées russes, en soutien au Tsar. Bien qu’intrépide combattant, il lui arriva toutefois de contrevenir à la discipline militaire, ce qui lui occasionna un arrêt de rigueur avec obligation de rester confiné chez lui durant 42 jours.
Il transforma cette peine en expérience initiatique originale, mettant à profit cette claustration forcée pour donner libre cours à son imagination et pour se livrer à une exploration de son environnement immédiat afin d'en tirer matière à réflexions et anecdotes.
Il fit en effet contre mauvaise fortune bon cœur, comme on dit et trouva bien des avantages à ce périple intérieur forcé affirmant en substance qu’il "ne coûte rien", qu’on n’a "point à craindre l'intempérie de l’air et des saisons", qu’on ne rencontre "ni précipices, ni fondrières", et enfin, qu’on y est "à l’abri des voleurs…” Au surplus, le lit, chaud et douillet, dont on n’est plus obligé de sortir dès la sonnerie du réveil, devient “un théâtre qui prête plus à l’imagination, qui réveille de plus tendres idées…”

Le prisonnier de sa propre chambre peut alors se livrer à toutes sortes de pensées. Parmi celles-ci, il a la révélation soudaine que “l’homme est composé d’une âme et d’une bête” et que ces deux êtres “sont absolument distincts, mais tellement emboîtés l’un dans l’autre, ou l’un sur l’autre, qu’il faut que l'âme ait une certaine supériorité sur la bête pour être en état d’en faire la distinction.” De facto, la situation d’aventurier immobile offre l’occasion inespérée de “faire voyager son âme toute seule”, ce qui procure la jouissance “d’étendre son existence, d’occuper à la fois la terre et les cieux, et de doubler, pour ainsi dire, son être.”

Passant le plus clair de ses journées à méditer sur la disposition des pièces, sur les objets qui les meublent, sur leur histoire réelle ou supposée, Xavier de Maistre s’abandonne aux fantasmes spatio-temporels: Il convoque ainsi au gré de sa volonté Hippocrate, Platon, Périclès, et l’épouse de ce dernier, Aspasie...
Avec le premier, il relativise l’intérêt de la médecine, incapable d’abolir le destin funeste qui finit par tous nous emporter, quoiqu’on fasse.
Avec Périclès il disserte sur la décadence des arts et des sciences, égratignant au passage le mythe fondateur de la Révolution française dans laquelle on voit “des savants illustres quitter leurs sublimes spéculations pour inventer de nouveaux crimes”, et dans le tumulte de laquelle on entend “une horde de cannibales se comparer aux héros de la généreuse Grèce, en faisant périr sur l’échafaud, sans honte et sans remords, des vieillards vénérables, des femmes et des enfants, et commettant de sang froid les crimes les plus atroces et les plus inutiles…”
Avec Platon il se réjouit a contrario “des découvertes de Locke sur la nature de l’esprit humain, de l’invention de l’imprimerie, des observations tirées de l’histoire, qui auront contribué à rendre les hommes meilleurs et tendre vers une république heureuse.”
Avec Aspasie, enfin, il discute plus légèrement “des gravures de mode, des vêtements et des coiffures qu’elle n’aurait pu imaginer, et qu’elle trouvait trop couvrants, laissant supposer plus de vertu qu’à son époque…”

Nombreuses sont les idées plus ou moins saugrenues qui passent par l’esprit. Un jour le Robinson en pantoufle, soliloquant sur les mérites comparés des arts, fait le constat que la peinture est évidemment supérieure à la musique, car si “on voit des enfants toucher du clavecin en grands maîtres, on n’a jamais vu un bon peintre de douze ans.” Le lendemain, il se met à souhaiter “l’invention d’un miroir moral, où tous les hommes pourraient se voir avec leurs vices et leurs vertus”, à l’instar de la glace qui renvoie à celui qui passe devant, sa propre image, de manière toujours impartiale et vraie. Mais l’instant d’après, il convient que cela serait inutile car il ne suffit pas de voir pour prendre conscience. “Il est si rare que la laideur se reconnaisse et casse le miroir…”
A propos de la visite inopinée d’un mendiant, il prend même une leçon cocasse de philosophie et d’humanité de son domestique et de son chien

Mais hélas tout a une fin. La peine infligée par les autorités arrive un jour à son terme et il faut quitter le “charmant pays de l’imagination, que l'Être bienfaisant par excellence a livré aux hommes pour les consoler de la réalité.”
Le jour de la libération devient paradoxalement celui où il faut “rentrer dans les fers”! "Le joug des affaires" va de nouveau peser et il n’y aura plus un pas “qui ne soit mesuré par la bienséance et le devoir.”
Cette microscopique mais originale odyssée valut à son auteur une gloire littéraire qui ne faiblit pas avec le temps. La pandémie due au COVID-19 lui donne même un écho saisissant. Le confinement donne en effet à ceux qui ont eu la chance de ne pas trop en souffrir, l’occasion de vérifier nombre de constats, de relativiser l’importance de certaines priorités et impératifs qu’ils imaginaient incontournables, et de réfléchir sur la condition humaine et la vanité de quantité d’exigences.
Après cette confrontation prolongée avec lui-même, Xavier de Maistre s'exclame: “jamais, je ne me suis aperçu plus clairement que je suis double.” Et alors que le corps retrouve sa liberté d’aller et venir, l'esprit le sermonne, non sans inquiétude : “O ma bête, ma pauvre bête, prends garde à toi !”
A chacun d’en tirer les enseignements opportuns....

03 juillet 2021

Lord Jim


In memoriam Jim Morrison (1943-1971)

Dans un morne Paris nocturne
L’ombre énamourée de la Mort
Enlace la ville qui dort
Tel un fantôme autour d’une urne

La fin du héros taciturne
S’inscrit dans un étrange sort
Qui le prive de tout ressort
Et l’offre au sommeil de Saturne

Déjà il erre entre deux eaux
L’esprit ailleurs, les yeux mi-clos
Sourd à tout chant, toute musique

Dans un navrant bain de minuit
Il a enfin noyé l’ennui
Et l’angoisse métaphysique.

30 juin 2021

La fin sans fin du Monde

Chaque chose ayant une fin ici bas, le Monde dans lequel nous vivons n’a aucune raison objective d’échapper à la règle. Il finira sans doute un jour. Ce jour-là, personnellement, je préférerais être ailleurs comme dirait l’autre…
C’est dans la nature de l’Homme d’être hanté par la perspective sinistre de sa propre disparition et de chercher à conjurer le mauvais sort tout en jouant à se faire peur. Depuis les Gaulois qui craignaient que le ciel ne leur tombât sur la tête, l'Humanité n’a guère gagné en sérénité à ce sujet. Certains se plaisent à régulièrement agiter ces peurs millénaires et leurs sombres prédictions marquent facilement les esprits enclins à la fascination du pire.
A force de prétendre que nous allons bientôt faire face à notre propre extinction, les oiseaux de mauvais augure finiront bien par avoir raison. Mais cela leur fera une belle jambe, puisqu’ils ne seront plus là pour savourer leur amère victoire.

Ces derniers jours, c’est un nouveau rapport du fameux GIEC qui secoue le Landernau médiatique. Ce texte préparatoire, dont la mouture définitive est destinée à “éclairer les gouvernants”, était paraît-il confidentiel, avant qu’il ne fuite à grand bruit un peu partout.
Ses conclusions ne sont pas seulement alarmistes, elles sont quasi désespérées. Pour les experts en tocsin, mandatés par l’ONU, “le pire est à venir”, et beaucoup plus vite que prévu. Sous peu vont se manifester de manière aiguë le manque d’eau, la raréfaction des ressources naturelles, les catastrophes climatiques, les migrations massives de populations, et quantité d'autres calamités en tous genres. Pour l’être humain c’est semble-t-il déjà foutu pour les climatologues, car affirment-ils, « si la vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, l’humanité ne le peut pas. »
Pour preuve, d'après le même pré-rapport la pandémie due au COVID 19 qui a mis le monde à l’arrêt durant plusieurs mois “a eu un effet insignifiant sur le climat...” 
A quoi bon effrayer le bon peuple si les jeux sont faits ? De deux choses l'une : soit l'activité humaine n'est pour rien dans le prétendu dérèglement climatique, soit il est trop tard pour agir ! Dans les deux cas, mieux vaut tenter de s'adapter aux cours aléatoire de la nature que de vouloir l'organiser et le commander !
Quand on voit qu'on est incapable d'arraisonner et de sanctionner un cargo dégazant illégalement au large de la Corse, on mesure l'inanité des voeux pieux supposés enrayer les désordres météorologiques...

Malheureusement, les nouveaux prédicateurs ne s'arrêteront pas à ce constat fataliste. Il continueront de seriner aux oreilles assez naïves pour les croire, qu’il est urgent de mettre fin à la civilisation industrielle qui nous a jusqu'à ce jour apporté paix et prospérité et à jeter avec l'eau du bain le maudit capitalisme, comme au bon vieux temps de l’agit-prop socialo-communiste.
Ce qui fait vraiment peur, c'est qu'on écoute un peu trop les collapsologues climato-obsédés. La vraie folie serait peut-être d'enclencher sous leur pression et par pur "principe de précaution", un déclin technologique, susceptible de provoquer de graves pénuries. Où va-t-on si l'on se soumet aux ukases contraignant ou interdisant, quasi systématiquement, tous les fruits du progrès: exploitation du pétrole et de l'énergie nucléaire,  utilisation de pesticides, d'engrais, d'OGM...
Cette utopie risque d’ouvrir la voie à un obscurantisme moyenâgeux et de conduire à l'appauvrissement général, à de nouvelles misères, voire à de nouveaux totalitarismes et de vraies hécatombes. Cela ne serait hélas pas très nouveau dans l’histoire de l’Humanité… Les bonnes intentions ont été souvent si désastreuses, si ce n'est mortelles.
Comme le fait remarquer avec un désarmant bon sens, le journaliste et analyste d’inspiration libérale Ferghane Azihari, “la menace qui pèse sur l'humanité est moins le changement climatique que les entraves aux progrès technologiques et économiques qui permettraient de le combattre et de s'y adapter.”

Pendant ce temps, nos doctes assemblées nationale et sénatoriale se renvoient la balle au sujet de fuligineux textes législatifs ayant l'ambition d'infléchir le climat, à la manière des religieux byzantins qui s'écharpaient vainement sur le sexe des anges, pendant la chute de Constantinople….