18 octobre 2013

Le papillon de Brignoles


Certains événements, en dépit de leur caractère dérisoire, ou tout au moins anodin, peuvent parfois entraîner des conséquences majeures. On appelle cela « l'effet papillon ». Par l'importance qu'on donne à ces événements, ou bien parce qu'ils ont en soi un potentiel maléfique, ils peuvent engendrer des maux considérables. De grands conflits, de terribles catastrophes par le passé ont été causés par des faits que d'aucuns avaient considéré comme négligeables.

La victoire électorale d'un certain Laurent Lopez dimanche dernier concerne au premier chef le canton de Brignoles dans le Var. Problématique très locale en l'occurrence, qui n'en revêt pas moins une dimension nationale vu le battage qu'on fit autour de ce scrutin et vu le délire qui s'est emparé de l'ensemble de la classe politique, liguée au nom d'on ne sait quel « Front Républicain » pour empêcher le succès du candidat du Front National.  
Avec près de 54% des suffrages exprimés, M. Lopez l'a emporté haut la main, seul contre cette coalition baroque mais inepte, qu'on peut même juger honteuse au strict plan de la démocratie.

Quelle est en effet la raison, si terrible, qui justifierait qu'on doive décréter une telle mobilisation pour ostraciser un parti, pour le tenir écarté du débat politique, et l'empêcher par tous les moyens d'accéder à la moindre responsabilité ?
Cette attitude, venant de gens dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'ont guère brillé par l'efficacité dans l'exercice de ces responsabilités, pourrait paraître comique.
Venant de gens qui ont usé de tant de démagogie, qui ont abusé le Peuple avec tant de balivernes, qui ont professé tant de credo idéologiques imbéciles ou insanes, cela ne manque pas de sel.
Venant de gens qui dans un souci bassement électoral, se sont compromis dans tant d'alliances saugrenues, si ce n'est abjectes, notamment à gauche, c'est un vrai scandale pour parler comme le peu regretté Georges Marchais...
Venant de gens qui par incurie ou par calcul ont tout fait pour enfanter en quelque sorte ce parti, et lui donner de l'ampleur, c'est un comble.
Aujourd'hui, ils voudraient nous convaincre que leur créature est un monstre, et que c'est est un devoir de le terrasser, mais ça ne prend pas.

Dans une démocratie, les citoyens n'ont pas besoin qu'on leur administre des leçons aussi futiles. Non seulement cette méthode apparaît de plus en plus vaine, mais par son arrogance et sa négation de certaines réalités, elle a tendance à accroître la radicalisation de l'opinion d'un nombre croissant de personnes.
Maintenant que le Front National représente environ un tiers de l'électorat et qu'il est en mesure de s'imposer seul face à tous dans certaines circonstances, que faire ?

Il est trop tard pour reprendre ne serait-ce qu'une partie de ses thématiques. Nicolas Sarkozy tenta sans succès de le faire pour être réélu. François Fillon s'y est grillé les ailes d'une seule phrase. Manuel Valls enfin s'est attiré pas mal d'ennuis en abordant le sujet des Roms. Tout simplement parce que ces discours, jamais suivis d'actions en rapport, n'est pas crédible. La ficelle est un peu grosse.

Après avoir si obstinément cherché à exclure le Front National du jeu politique « républicain », il est désormais impossible sinon grotesque de vouloir s'en rapprocher ou même d'essayer d'en racoler les électeurs.
Pire, la stratégie stupide autant qu'obstinée d'isolement qui perdure depuis tant d'années, a conduit le pays dans une impasse démocratique préoccupante. Une partie grandissante de l'électorat se voit privée de toute représentation, tant que le Front National à lui tout seul ne rassemble pas plus de 50% des voix.
Ponctuellement, il y arrive, comme à Brignoles. Demain peut-être y parviendra-t-il sur des scrutins de grande envergure. Que se passera-t-il alors ? La rancoeur de ces gens qu'on aura si longtemps tenu à l'écart risque de s'exprimer avec virulence...

On pourrait certes gloser sur le programme quelque peu illusoire et lacunaire du FN. Mais que dire de ceux des autres qui nous mènent tranquillement à la ruine, à la déculturation et à l'explosion sociale ?
Le projet du Front National est certes hautement critiquable, mais qui devrait s'en émouvoir vraiment ? Sans doute pas ceux qui ont mené la France là où elle est, à force de démagogie, d'irresponsabilité, et par manque de courage et de convictions pragmatiques.
Seuls les vrais Amoureux de la Liberté, les adeptes du fédéralisme et du self-government, les Libéraux au sens tocquevillien du terme peuvent légitimement dénoncer ce corpus de propositions peu réalistes, et dans l'ensemble désespérément attachées au paradigme de l'Etat Providence, centralisateur et dirigiste.
Le paradoxe est qu'un amoureux de la liberté par définition, ne saurait empêcher au nom de grands principes à un parti le droit de s'exprimer, même si son programme apparaît non souhaitable voire même déraisonnable. Il ne saurait même le considérer comme définitivement infréquentable.
Mais combien y a-t-il encore d'amoureux de la liberté en France ? Hélas à peine une poignée.

Décidément le papillon de Brignoles est bien noir...

4 commentaires:

claude a dit…

papillon de nuit

Mais qui est désormais capable de démonter le programme absurde du FN ???
Le Pouvoir qui a gavé le peuple de gauche de droite et d'ailleurs de promesses insensées dont il savait parfaitement qu'il ne pourrait pas en honorer un atome ( sauf des emblèmes dérisoires et imbéciles comme le mariage gay et sa suite )
L'opposition décapitée et dont la nouvelle tête pensante est tellement envahie d' une rancune corrosive quelle lui ote toute audience et toute crédibilité
Les centristes, en cours de fiancailles et qui ne se rendent même pas compte que dans ce mariage pas encore célébré il y a déjà deux cocus
Qui s'inquiète vraiment du pays, de sa désespérance de son errance , de son déclin
Je crois que je vais lire le dernier ouvrage de Alain Finkelkraut , " l'identité malheureuse"déjà fort contesté, donc certainement passionnant

tippel a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
tippel a dit…

La liberté s’arrêterait là ou commence le programme du FRONT NATIONAL ???

Le projet économique du Front National de Marine Le Pen, critiqué par la fausse droite et son partenaire socialiste, est régulièrement mal jugé par des opposants bobos de cette droite qui a pourtant échouée partout et même dans le domaine économique. Pourtant cette vision économique critiquée du FN est aussi la thèse d’un éminent économiste de renommée mondiale, Jacques Sapir. Elle est, depuis 2010, reprise en tout ou partie par un certain nombre de politiques parmi lesquels on peut citer Nicolas Dupont-Aignan, Arnaud Montebourg, et d’autres mais eux se veulent discrets. Monsieur SAPIR est ainsi devenu une personnalité incontournable du débat économique et politique français. Il a publié, en janvier 2012, un essai qui vient s'insérer dans le débat sur un éclatement ou une possible sortie de l'Euro: Faut-il sortir de l'euro? Ses positions sur la question de l'Euro l'ont amené à se heurter à une partie du conseil scientifique d'ATTAC (essentiellement des Trotskystes) . La question de l'Euro est en train de reconfigurer le clivage droite-gauche, ce qui explique que les positions de Jacques Sapir, qui défend l'option d'une dissolution concertée de la zone Euro, soient désormais reprises tant à gauche qu'à droite. En octobre 2012, il recommande pour la France une sortie de l'Euro suivie d'une dévaluation de la nouvelle monnaie de 25 %. L’Allemagne, depuis le mois d’Août, évolue lentement vers l’idée de lâcher l’euro pour sauver l’Europe. Ca me parait cohérent et plein de bon sens. Le Royaume Uni, le Danemark, l’Islande ou les Norvégiens ne regrettent pas leur choix d’avoir conservé leur monnaie nationale. Il n’y a que les états morpions et assistés pour s’accrocher à l’euro. Mais qui peut croire que l’économie de la France et comparable avec celle de l’Allemagne ou celle de la Roumanie avec celle des Pays Bas. Le jour où les Allemands diront stop, la chute sera dure. J’imagine la satisfaction de ces pays qui ont fait un autre choix, et qui regarderont les dindons du sud (qui en auront bien profité tout de même). Et le coq français déplumé de nos voyous ripoublicains qui en appellera à la solidarité du BOCHE pour subsister.

11:25 AM

Pierre-Henri Thoreux a dit…

A Claude : Alain Finkielkraut défend courageusement une position originale et plutôt sensée de la nation. Cette position est éminemment respectable. On l'a vu il y a quelques jours, sauvagement agressé par deux excités du bocal au cours de l'émission de Taddeï. L'intolérance haineuse de ces gens fait froid dans le dos...
A Tippel : je ne partage pas vraiment les options défendues par Jacques Sapir. Sans prétendre les connaître parfaitement, je ne saurais adhérer aux thèses prônant la démondialisation, le protectionnisme et l'abandon de l'euro. Il s'agit à mon sens de leurres qui ne peuvent que mener à la fin de l'aventure européenne et risquent en définitive, de nous propulser nous Français, tout nus dans le chaudron de la mondialisation. On a beau s'insurger contre cette dernière, il s'agit d'un fait aussi certain que la rotation de la Terre autour du Soleil... Face à cette réalité, mieux vaut l'union que l'ordre dispersé.
J'ose espérer que le FN ne s'entiche pas trop des positions promues par Sapir qui gravite plutôt du côté du Front de Gauche (avec des gens comme Jacques Généreux).
Rejeté systématiquement par la Droite classique, le FN a été poussé à radicaliser son discours et ses thèses. Aujourd'hui, il se rapproche dangereusement du socialisme. Encore un peu et la boucle sera bouclée et nous serons définitivement enfermé dans un mortel cercle vicieux...