11 novembre 2017

Quand les mots font mâles

La guerre des sexes, amorcée il y a quelques décennies déjà, se ravive à l’occasion d’un débat, plutôt croquignolesque comme dirait le Président de la République, concernant la langue française.
Non contentes d’avoir obtenu l’horrible féminisation de quantité de mots (auteure, professeure, écrivaine, cheffe, pompière…), les féministes exigent désormais que les appellations génériques qualifiant des groupes de personnes des deux sexes distinguent explicitement cette mixité, grâce à ce qu’ils appellent l’écriture inclusive. Ainsi, plutôt que d’écrire “les Directeurs”, on devrait détailler “les Directeur-trice-s”. Génial tarabiscotage pataphysique que Père Ubu n’aurait pas désavoué. On imagine avec volupté l’alourdissement des textes administratifs déjà quasi incompréhensibles en raison de leur phraséologie alambiquée, et on répugne à l’idée qu’on puisse lire cela à voix haute.
Les Politicien-ne-s nous avaient déjà habitués aux capiteuses redondances plombant leurs discours : “Françaises Français, chacune et chacun, toutes et tous…”. Ils vont pouvoir s’amuser à traduire en suaves vocalises ces ineptes figures de style acrobatique.

De toute manière cette sinistre comédie ne s’arrêtera sans doute pas là. Un “collectif” de quelques 300 enseignants voudrait abolir la règle grammaticale qui veut qu’on accorde sur le genre masculin les adjectifs et les participes passés se rapportant à des groupes nominaux mixtes.
Ils voudraient donc qu’on privilégie la règle de proximité, en vigueur paraît-il avant le XVIIIè siècle, qui ferait par exemple écrire “les garçons et le les filles sont belles…” ou bien “le plafond et la table que j’ai peintes...”
Outre le fait que cette règle soit aussi arbitraire que l’autre et donc contournable, (“les filles et les garçons sont beaux”), elle fait comme si les mots avaient un sexe. C’est d’une stupidité assez monumentale. Qu’est-ce qui fait la masculinité  d’un plafond et la féminité d’une table ? Evidemment rien, ce d’autant que le premier peut aussi bien être une voûte et la seconde un meuble… C’est la fantaisie de la langue française que d’avoir donné un genre à tous ses mots. Ils n’ont pas pour autant de sexe, n’en déplaise aux détraqués qui veulent faire passer leur obsession pour du féminisme.
Avec ce genre de dérive, il faudra bientôt revoir le système de notation musicale que certains pourraient qualifier de raciste puisqu’une blanche y vaut deux noires, ou bien le code de la route, politiquement engagé puisqu’il donne la priorité à la droite…
Raymond Devos qui excellait dans l’art de jouer avec les mots doit se retourner dans sa tombe devant tant de tristes âneries… Tout comme Jean-François Revel qui se délesta de quelques remarques bien frappées sur le sujet, il y a quelques années déjà...

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