01 février 2024

Dans la nasse

La révolte paysanne ne peut surprendre que les gens qui ne voulaient pas en voir les prémices, au premier rang desquels figure le gouvernement, plus incapable de prévoir que jamais…
Il est bien temps de s’apitoyer sur le sort des agriculteurs comme M. Fesneau, leur ministre de tutelle. Il est bien temps de dire qu’il faut les écouter et les comprendre ! Il est bien temps enfin, de prétendre comme l’a fait le Premier Ministre, que l’agriculture est “au-dessus de tout”. Too late…
Le feu couvait depuis longtemps et l’épisode des Gilets Jaunes n’a de toute évidence pas servi de leçon. Pire, tout se passe comme si l’on avait tout fait pour provoquer ce ras le bol.

Premier constat, les aides et subventions n’ont été que des leurres, comme tant de dispositions prises au nom de la justice sociale. Force est de reconnaître que la fameuse Politique Agricole Commune (PAC), pourtant très généreuse avec la France, a déversé des milliards d’euros, en pure perte. Dans les campagnes, on ne veut plus de cette assistance déprimante parce qu’elle récompense la décroissance et l’improductivité.
Car le problème est là : on a voulu convertir de force les agriculteurs à l’écologie théorique et les protéger artificiellement de la concurrence internationale. Résultat, on les a découragés de travailler, en compliquant par mille contraintes administratives leur tâche, et en pénalisant lourdement la vente du fruit de leur travail. En raison de cette politique insane les récoltes sont peut-être devenues plus respectueuses de l’environnement, mais elles sont étiques, chères pour les consommateurs et loin de garantir un revenu décent aux producteurs.

Comment sortir de cette impasse ?
Augmenter encore les aides reviendrait à prodiguer des soins palliatifs à une agriculture à l’agonie et ne ferait que majorer la dette faramineuse du pays.
Recourir à plus de protectionnisme ne serait guère plus efficace, en exposant au péril inflationniste et en impactant défavorablement les secteurs parvenant encore à exporter.
Revenir sur les réglementations supposerait l’abandon en rase campagne du diktat écologique auquel sont attachés beaucoup d’électeurs, même s’ils n’en mesurent pas toujours toutes les conséquences pour le monde rural.
Il faut bien évoquer ici l’inconséquence des Français. Ils veulent toujours plus de “bio”, sans pesticide ni OGM, ils se disent prêts à payer plus cher pour des produits de qualité, et réclament des circuits courts, mais ils privilégient pour leurs achats les grandes surfaces et se ruent sur les promotions et les prix bas.

Dans un tel contexte, que peut faire le gouvernement ? Quoi qu’il propose, ce sera toujours insuffisant, contestable ou quasi infaisable, à l’instar des premières mesures annoncées par Gabriel Attal.
Certes il est bon de renoncer à la hausse des taxes sur le Gazole Non Routier (GNR), comme on gela la taxe carbone lors de l’épisode des Gilets Jaunes, mais le plus sage eut été d’y penser avant… Qui donc a eu cette idée inepte de prélever une taxe pour la redistribuer intégralement ?
Certes il est souhaitable de réduire le nombre de réglementations et de contrôles, concernant notamment l'entretien des haies (pas moins de 12 à ce jour). Mais la jungle administrative est telle qu’il faudrait y aller à la tronçonneuse à la manière du Président Milei en Argentine et non pas avec des ciseaux de dentellière comme le suggère le Premier Ministre !
Certes il est bienvenu de promettre de mieux gérer l’eau et l’irrigation des sols en organisant des retenues utiles en période de sécheresse mais comment mettre en œuvre ce programme face aux hordes altermondialistes qui s’y opposent avec violence ?
Certes, il est bénéfique de mieux indemniser les éleveurs affrontant la Maladie Hémorragique Epizootique (MHE) et bien intentionné de promettre une nouvelle subvention de 50 millions d’euros pour la filière bio, mais celle-ci ne sera pas sauvée si les consommateurs continuent à se détourner d’elle…
Au-delà de ces timides avancées, on peut craindre hélas qu’il n’y ait pas de remise en cause réelle de la pléthore administrative déversée au nom de la lubie climatique, et qu’on pointe une fois encore les méfaits supposés du libre-échange, associé dans beaucoup d'esprits au capitalisme honni.

Plutôt que de s’opposer au monde tel qu’il est, il serait pourtant urgent qu’on donne aux agriculteurs la liberté de s'organiser pour être compétitifs. Qu’on les laisse gérer leurs exploitations comme bon leur semble et qu’on revienne très rapidement sur nombre d’interdictions ineptes, en passe d’asphyxier des filières commerciales entières : moutarde, betterave, cerise, pomme, endive, colza…
Avant de s’attaquer à l’Europe, il paraît impératif d’arrêter la surtransposition française délirante des réglementations émanant de Bruxelles, et d'abroger en extrême urgence celles déja en vigueur.
Plutôt que d’interdire les produits étrangers ne respectant pas les normes françaises, il vaudrait mieux autoriser les agriculteurs français à s’aligner sur les normes des pays dont on accepte les importations
Les échanges commerciaux ne peuvent s'exercer à sens unique. Si le libre échange reste souhaitable, il ne se conçoit toutefois qu’avec des règles partagées et sûrement pas en plombant de handicaps son propre camp ou en surtaxant méchamment ses concurrents. Quant au protectionnisme, il n’a de légitimité qu’en représailles à des excès de taxes unilatérales.
Tout ceci semble relever du bon sens, et serait facile et peu coûteux à réaliser sans délai, mais se heurte au lobby climatique et environnementaliste omniprésent dans toutes les institutions, toutes les assemblées, les commissions, les médias et les partis politiques. Il est donc fort peu probable qu’on avance sur ce terrain miné.
Face au désastre, organisé si ce n’est planifié, il n’y a pas grand-chose à attendre du gouvernement et pas davantage de l’opposition.
Ne parlons pas de la gauche (écologistes inclus), qui a perdu toute crédibilité tant elle est indécrottablement attachée à ses vieux démons idéologiques.
Lorsqu’on entend les responsables du Rassemblement National attachés avant tout à la fermeture des frontières, on ne se fait pas trop d’illusions. Quant aux Républicains, représentés par M. Ciotti, c’est du pareil au même. Il accuse non sans raison M. Macron d’être “un pompier pyromane qui a lui-même déclenché l’incendie”, mais il oublie que son parti a voté la plupart des textes réglementaires en cause. Pire que tout, il affirme que sa priorité serait de “mettre fin aux accords de libre-échange qui menacent l'agriculture.”

Pendant que dans les campagnes la révolte gronde, que les tracteurs sont aux portes des grandes villes, que le conflit s’étend à l’Europe entière, à l’instar des byzantins penchés sur la question du sexe des anges pendant le siège de Constantinople, nos députés entreprennent de débattre de l’inscription de l’IVG dans la constitution et sur la réglementation technocratique de la fin de vie…

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