Un
billet récent du professeur Flahault,
directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP),
attire l'attention sur une controverse passionnante en matière de
santé publique. Une de celles en tout cas que j'affectionne...
A
partir d'un travail réalisé récemment par le professeur Johan
Mackenbach, titulaire de la chaire de Santé Publique à
l'Université Erasmus de Rotterdam, elle se focalise sur l'incapacité
des pays à haut niveau de protection sociale, à réduire
significativement et durablement les inégalités en matière de
santé.
*****
La
santé est-elle conditionnée avant tout par la facilité de l'accès
aux soins ? C'est la question cruciale qui se pose en l'occurrence.
Oui,
serait-on tenté de répondre, si l'on suit l'idée
communément répandue, qui sous-tend à peu près toutes les
politiques de tous les gouvernants dans notre pays depuis des années.
Non,
selon la conception libérale qui m'est chère, et que je défends
dans ce blog. Qui fait de la liberté une valeur plus haute que
l'égalité, et de la responsabilité un concept préférable à
celui d'assistance. Et qui distingue l'égalité des droits et celle
des conditions, en faisant de la première un objectif, et de la
seconde une chimère.
En
lisant l'analyse du Pr Flahault, je me suis réjoui car elle apporte
de l'eau semble-t-il au moulin libéral, en diagnostiquant l'échec,
au moins relatif, des systèmes de santé des pays à haut niveau de
protection sociale, dans leur efforts pour réduire les fameuses
inégalités de santé.
Un
des constats majeurs faits par le Pr Mackenbach est en effet qu'« il
n’y a pas de corrélation entre le niveau de protection sociale et
les inégalités ».
Le paradoxe n'est qu'apparent. Et s'il répond sans doute à des raisons multiples, une d'entre elles paraît relever de l'évidence : parmi les facteurs qui concourent à une bonne santé, figurent avant tout les habitudes de vie individuelles, lesquelles ne se répartissent pas de manière égalitaire. D'où il découle que, même si toute la population jouit de la même « assurance maladie universelle obligatoire », cela n'empêche pas certains d'être plus malades que d'autres. De la même manière, bien que tous les automobilistes soient assurés, on observe que certains ont plus d'accidents que d'autres...
Le paradoxe n'est qu'apparent. Et s'il répond sans doute à des raisons multiples, une d'entre elles paraît relever de l'évidence : parmi les facteurs qui concourent à une bonne santé, figurent avant tout les habitudes de vie individuelles, lesquelles ne se répartissent pas de manière égalitaire. D'où il découle que, même si toute la population jouit de la même « assurance maladie universelle obligatoire », cela n'empêche pas certains d'être plus malades que d'autres. De la même manière, bien que tous les automobilistes soient assurés, on observe que certains ont plus d'accidents que d'autres...
Il
est même tentant d'aller plus loin en évoquant le caractère
déresponsabilisant d'un système qui procure une couverture
automatique, en apparence gratuite puisque prélevée à la source,
sur les salaires. N'incite-t-elle pas à prendre des risques ?
N'encourage-t-elle pas à abuser des bienfaits dudit système ?
Au
surplus, il y a un corollaire : rien n'indique qu'un système
égalitaire rime nécessairement avec la qualité des soins qu'il
dispense. On eut une illustration de ce fait lors de la publication
retentissante par l'OMS d'un classement des systèmes de santé,
fondé non pas sur la qualité mais sur la facilité d'accès aux
soins. Il relégua ainsi les USA dans le bataillon des pays
sous-développés, alors que chacun connaît le rayonnement et la
capacité à innover des établissements de santé et des universités outre atlantique. Certes il existe là bas des inégalités en
terme de santé, qu'on se plaît en Europe et particulièrement en
France, à monter en épingle, parfois jusqu'à la caricature. On
oublie généralement de préciser qu'une des causes de cet état de
fait réside dans l'absence de couverture maladie obligatoire. Les
Américains qui jusqu'à présent ont privilégié la liberté à
l'égalité considèrent qu'il relève de la responsabilité
individuelle de souscrire un contrat d'assurance pour se protéger
soi-même. Ont-ils tort, ont-ils raison ? Vaste débat, que le
président Obama s'efforce d'éteindre en instituant un système à
l'européenne, duquel il sera sans doute quasi impossible de sortir,
et qui soulève une question fondamentale. Sur le long chemin qui
mène à la démocratie éclairée, est-il préférable pour
améliorer la maturité des citoyens, de recourir à la contrainte ou plutôt
à la persuasion ?
Au
total, partant du constat navrant que « nos sociétés
contemporaines très développées ont failli à éliminer – ou
même seulement de réduire – les inégalités sociales de santé »,
M. Flahault aboutit logiquement à une interrogation : «Faut-il
une redistribution encore plus radicale que celle réalisée par les
pays considérés aujourd’hui comme parmi les plus avancés de la
planète dans ce domaine ? »
Il
y répond de manière pragmatique en proposant une « évaluation
rigoureuse plutôt qu’idéologique ».
Sur
ce point, comment ne pas le suivre totalement, même si force hélas
est de déplorer qu'en France, nous sommes plus que jamais sur la
mauvaise voie, puisque le choix suivi par les Pouvoirs Publics est
manifestement celui de l'idéologie...