Peu d’écrivains jouissent en France d’une aura telle que celle de René Descartes (1596-1650). Il est un de nos philosophes les plus connus, les plus enseignés, le plus référencés. Quantité de lycées et d’universités portent son nom. Son cogito ergo sum reste une des citations les plus connues des étudiants.
Même son village natal en Touraine, autrefois La Haye, fut rebaptisé de son patronyme en 1967. Hommage sans doute mérité aux yeux de ceux qui voient en lui le fondateur de la philosophie moderne, ni plus ni moins.
Il a pourtant des détracteurs et on pourrait même se demander à notre époque qui peut encore être intéressé par la lecture d’un écrivain qui naquit il y a plus de 400 cents ans et dont une bonne partie de l’œuvre fut rédigée en latin.
Même son village natal en Touraine, autrefois La Haye, fut rebaptisé de son patronyme en 1967. Hommage sans doute mérité aux yeux de ceux qui voient en lui le fondateur de la philosophie moderne, ni plus ni moins.
Il a pourtant des détracteurs et on pourrait même se demander à notre époque qui peut encore être intéressé par la lecture d’un écrivain qui naquit il y a plus de 400 cents ans et dont une bonne partie de l’œuvre fut rédigée en latin.
Il faut dire que le classicisme à la française qu’il incarne si bien, au point qu’on le confond parfois avec l’esprit cartésien, ne s’accommode pas vraiment avec la modernité, si prompte à s’enticher de fadaises, et pas davantage avec le règne de l’internet où se colportent si facilement croyances et rumeurs.
Quant aux théories révolutionnaires dont notre pays est si friand, elles pourraient sembler accréditer le principe de « tabula rasa » auquel on réduit parfois la méthode cartésienne. Mais leur asservissement habituel à des principes immanents relevant du fanatisme et de l’intolérance, s’oppose frontalement à la recommandation princeps : « de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle… » Rien de moins révolutionnaire en somme que le doute, pour peu qu’il ne cède pas place aux certitudes !
Dans un essai assassin dans lequel il paraphrasa Blaise Pascal en qualifiant le vénérable Descartes « d’inutile et incertain », Jean-François Revel, tout bien pesé, considérait pour sa part qu’avec sa rigueur dogmatique, il tenait plus d’un penseur scolastique que d’un philosophe moderne.
Depuis Pascal, lui-même plus que dubitatif sur son contemporain, les savants pourtant portés par nature au rationalisme, furent et restent très critiques à l'égard des distinctions à l’emporte-pièce dont son discours est émaillé, notamment celle concernant la fameuse dualité âme-corps dont il fit deux concepts de nature différente, donc potentiellement indépendants.
A ce sujet, il y a quelques années, le neurologue américain Antonio Damasio avait consacré un ouvrage à ce qu'il avait appelé « l’erreur de Descartes », attestée selon lui par des cas cliniques révélateurs de l’indissociabilité de la pensée et du corps, et du conditionnement de la première par le second. Cette vision très matérialiste n’était pas sans évoquer la fameuse exclamation qu’on prête à Claude Bernard : « l’âme humaine, je ne l’ai jamais trouvée au bout de mon bistouri… »
Par un paradoxe troublant on voit donc Descartes rejeté tantôt par des savants pétris de foi religieuse comme Pascal, mais qui jugent sa “raison raisonnante”, trop approximative, et trop ancrée dans le marais de la métaphysique, et tantôt par des athées revendiqués comme Damasio, qui font fi de sa conception éthérée de l’âme…
Je n’aurais sans doute pas été amené à revenir sur Descartes si un petit ouvrage ne m’était tombé sous la main récemment, prenant courageusement sa défense - en 2015 ! - en déniant ce qu’on voudrait parfois faire dire au philosophe.
Son auteur, Denis Kambouchner, s’était déjà signalé par son attachement idéologique au père du Discours de la Méthode et par de savantes exégèses de son oeuvre. Son initiative m’a paru intéressante quoique sujette à caution puisqu’elle se fonde sur l’interprétation rétrospective des écrits d’un auteur, pire, de ses non-dits L’exercice est particulièrement périlleux en philosophie et s’avère ici quelque peu contradictoire avec les principes même de la pensée cartésienne qui s’est attachée à s’exprimer sans détour ni ambiguïtés.
Vingt et une affirmations caractérisant, ou plutôt caricaturant dans l’opinion publique la pensée de Descartes sont ainsi passées au crible dans le souci de débattre de leur signification et in fine de contester leur attribution abusive.Le but n'est pas de les énumérer mais à partir d'une ou deux, parmi les plus emblématiques, de méditer sur l'actualité des problématiques qu'elles sous-tendent… (à suivre)
Quant aux théories révolutionnaires dont notre pays est si friand, elles pourraient sembler accréditer le principe de « tabula rasa » auquel on réduit parfois la méthode cartésienne. Mais leur asservissement habituel à des principes immanents relevant du fanatisme et de l’intolérance, s’oppose frontalement à la recommandation princeps : « de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle… » Rien de moins révolutionnaire en somme que le doute, pour peu qu’il ne cède pas place aux certitudes !
Dans un essai assassin dans lequel il paraphrasa Blaise Pascal en qualifiant le vénérable Descartes « d’inutile et incertain », Jean-François Revel, tout bien pesé, considérait pour sa part qu’avec sa rigueur dogmatique, il tenait plus d’un penseur scolastique que d’un philosophe moderne.
Depuis Pascal, lui-même plus que dubitatif sur son contemporain, les savants pourtant portés par nature au rationalisme, furent et restent très critiques à l'égard des distinctions à l’emporte-pièce dont son discours est émaillé, notamment celle concernant la fameuse dualité âme-corps dont il fit deux concepts de nature différente, donc potentiellement indépendants.
A ce sujet, il y a quelques années, le neurologue américain Antonio Damasio avait consacré un ouvrage à ce qu'il avait appelé « l’erreur de Descartes », attestée selon lui par des cas cliniques révélateurs de l’indissociabilité de la pensée et du corps, et du conditionnement de la première par le second. Cette vision très matérialiste n’était pas sans évoquer la fameuse exclamation qu’on prête à Claude Bernard : « l’âme humaine, je ne l’ai jamais trouvée au bout de mon bistouri… »
Par un paradoxe troublant on voit donc Descartes rejeté tantôt par des savants pétris de foi religieuse comme Pascal, mais qui jugent sa “raison raisonnante”, trop approximative, et trop ancrée dans le marais de la métaphysique, et tantôt par des athées revendiqués comme Damasio, qui font fi de sa conception éthérée de l’âme…
Je n’aurais sans doute pas été amené à revenir sur Descartes si un petit ouvrage ne m’était tombé sous la main récemment, prenant courageusement sa défense - en 2015 ! - en déniant ce qu’on voudrait parfois faire dire au philosophe.
Son auteur, Denis Kambouchner, s’était déjà signalé par son attachement idéologique au père du Discours de la Méthode et par de savantes exégèses de son oeuvre. Son initiative m’a paru intéressante quoique sujette à caution puisqu’elle se fonde sur l’interprétation rétrospective des écrits d’un auteur, pire, de ses non-dits L’exercice est particulièrement périlleux en philosophie et s’avère ici quelque peu contradictoire avec les principes même de la pensée cartésienne qui s’est attachée à s’exprimer sans détour ni ambiguïtés.
Vingt et une affirmations caractérisant, ou plutôt caricaturant dans l’opinion publique la pensée de Descartes sont ainsi passées au crible dans le souci de débattre de leur signification et in fine de contester leur attribution abusive.Le but n'est pas de les énumérer mais à partir d'une ou deux, parmi les plus emblématiques, de méditer sur l'actualité des problématiques qu'elles sous-tendent… (à suivre)
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