L'affaire du Mediator n'en finit pas de défrayer la chronique.
Après plusieurs semaines de surenchère médiatique, elle a pris la tournure d'une catastrophe sanitaire de grande ampleur (plus de 2000 morts selon les projections théoriques les plus outrancières).
Dans la foulée, et selon la bonne vieille habitude, les Pouvoirs Publics aux abois ont cru bon, pour circonscrire l'incendie, de se délester par IGAS* interposée, d'un "rapport".
Ce rapport est "accablant" pour le Laboratoire, coupable de négligence voire de "manœuvres" ou de "tromperie". Pour lui, c'en est donc probablement fini, maintenant qu'il est ainsi cloué au pilori. La curée peut commencer. Au moment où la crise transforme tous les entrepreneurs qui réussissent en salauds, que dire de ceux qui sont présentés comme n'hésitant pas à vendre des produits mortifères pour satisfaire leur cupidité ? Alors qu'aucune vraie enquête judiciaire n'est commencée, M. Servier, est déjà cité à comparaître devant le Tribunal Correctionnel. Et tout le monde veut déjà se servir sur la bête. Les patients d'abord, poussés par le "sens de l'histoire", et de zélés avocats, constituent leurs dossiers de doléance. La demande de création d'un fonds d'indemnisation est sollicitée d'urgence. L'Assurance Maladie n'est pas en reste. L'avocat de la CNAM souhaite que cette dernière soit indemnisée par Servier à hauteur de 220 millions d'euros pour la période 2000-2009...
Ce rapport est accablant également pour les organismes publics, non moins sévèrement pointés du doigt pour leur "lenteur", leur "lourdeur", leur "manque de réactivité", et leur "inefficacité". Pourtant , dans ce contexte, cela va de soi, personne en particulier ne sera selon toute probabilité, inquiété (sans doute, l'adage "responsable mais pas coupable" fera jurisprudence). Au contraire, on peut déjà prévoir que la machinerie étatique pourtant gravement mise en défaut, renforcera encore son emprise. On procédera à une nouvelle réforme interne, on changera sans doute une fois de plus le nom des institutions chargées de "réguler" et "d'encadrer" la commercialisation des médicaments. On peut s'attendre également à un alourdissement de la bureaucratie déjà très complexe supposée autoriser, réglementer, contrôler. M. Bertrand commence déjà à invoquer pour protéger les organismes d'état, le principe très commode du "renversement de la preuve"...
Etrange histoire pour un médicament dont le rapport bénéfice/risque était d'emblée médiocre et connu de tous, et qui fut pourtant trente ans durant, avalisé par toutes les autorités dites compétentes, remboursé par une Sécurité Sociale complaisante, prescrit par des médecins pas trop regardants, et consommé par des patients très demandeurs, surtout dans ses indications non reconnues, à savoir celle de coupe-faim...
Mais le fait est que lorsque le scandale est là, malheur aux vaincus...
La Tunisie s'embrase.
La Tunisie était le pays du Maghreb le plus souvent cité en modèle. Celui qui quoique sans ressources naturelles avait les meilleurs indicateurs socio-économiques, qui s'était le plus modernisé, qui pouvait afficher les meilleurs chiffres en matière d'alphabétisation et d'éducation. Un des pays musulmans enfin, où la religion semblait manifester le moins d'agressivité (au fil des siècles, toutes les autres avaient tout de même été à peu près complètement éradiquées de son sol...)
Aujourd'hui, ce pays sombre brutalement dans la révolution. Hélas, même avec le doux nom du jasmin, et même si elle est présentée comme une entreprise de libération, elle compte déjà des dizaines de morts, et à l'instant présent, montre au monde le visage hideux des lynchages, des saccages, des pillages, des accusations à l'emporte-pièce...
Certes le régime établi depuis 23 ans par le président Ben Ali désormais déchu, n'était pas un parangon de démocratie. Elu et réélu depuis 1987 avec des scores généralement supérieurs à 90%, il témoignait d'une absence quasi totale d'opposition et d'un quadrillage policier permanent.
Tout n'était certes pas au beau fixe dans ce pays, mais cela n'empêchait pas des millions de touristes joyeux et insouciants d'affluer chaque année sur ses plages idylliques. Certains commençaient même à s'y faire soigner, preuve des progrès accomplis en la matière ! Cela n'empêchait pas non plus les entreprises d'y délocaliser leurs chaines de production, et une nombreuse clientèle d'acheter les produits qui y étaient fabriqués, en raison de leur prix très attractif. Cela n'empêchait pas enfin, l'Internationale Socialiste de compter avec beaucoup de mansuétude dans ses rangs, le parti au pouvoir à Tunis, à savoir le RCD (au même titre que celui de Laurent Gbagbo d'ailleurs...)
Personne n'a donc de leçon de vertu à donner et il n'y a guère de raison d'ironiser sur l'attitude quelque peu gênée aux entournures, du gouvernement français, observant dans un premier temps sans mot dire (si ce n'est des maladresses) le soulèvement populaire.
Ce fut de toute manière le lot de la plupart des pays. Et d'ailleurs que pouvait-on dire ou faire de plus que pour la Côte d'Ivoire où se déroule depuis plusieurs semaines, une pitoyable mascarade. Où l'on voit un président clairement rejeté par la volonté populaire, narguer la communauté internationale, et se maintenir en place par la force, après avoir, lui aussi, fait tirer sur ses compatriotes...
S'agissant de la Tunisie, plus rien n'empêche maintenant que le dictateur est en fuite, les langues de se délier subitement. Désormais, la France exprime "un soutien déterminé" au peuple tunisien, elle réclame "au plus vite des élections libres", et dixit la Presse en chœur : "La quasi-totalité de la classe politique française a salué la chute du régime tunisien".
Encore une fois malheur aux vaincus...
Ces deux histoires n'ont strictement rien en commun, cela va de soi. Mais dans les deux cas, il faut bien évidemment souhaiter que le droit sorte renforcé de ces désordres, et qu'on y gagne plus de responsabilité et de liberté. Mais on peut hélas avoir quelques doutes...
*IGAS : Inspection Générale des Affaires Sociales