23 mars 2015

Une question de taille


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Par un paradoxe troublant, tandis qu'à l'échelle vertigineuse de l'univers, notre monde n'a jamais semblé plus petit et isolé, l'organisation des sociétés modernes semble atteinte de gigantisme. Urbanisme, fortunes, entreprises, tutelles étatiques, administrations, consommation, santé, tout s'emballe.
C'est à cette problématique  qu'a entrepris de s'attaquer Olivier Rey dans son ouvrage bien nommé « Une Question de Taille » : selon lui, en effet, jamais on ne fut si préoccupé de tout mesurer alors que dans le même temps, on a perdu le sens de la mesure...


Il faut reconnaître évidemment la pertinence d'un certain nombre de constats sur lesquels il s'appuie, même s'ils ne sont pas franchement nouveaux.
L'auteur évoque en introduction à son propos quelques délires urbanistiques révélateurs  de cette folie des grandeurs. C'est presque devenu un pont-aux-ânes, mais on ne peut que partager l'horreur que lui inspire certaines réalisations immobilières concentrationnaires : barres, tours, immeubles où l'on entasse des milliers d'individus, avec les meilleures intentions « sociales » du monde !
Autre exemple de la course à la démesure, l'automobile. Fantastique instrument de liberté dans l'absolu, elle est devenue par sa multiplication folle, un objet de contraintes, de perte de temps et d'argent. Inutile d'insister sur les monstrueux embouteillages obstruant aux heures de pointes l'entrée ou la sortie des mégalopoles, ou bien les routes des vacances. Chacun en a fait l'expérience....

Non sans justesse, Olivier Rey se livre ensuite à quelques observations touchant à l'organisation même de la société dont il fustige les exigences individuelles toujours plus grandes et une dépersonnalisation des institutions. Il en profite pour remettre au goût du jour les critiques faites en son temps par Ivan Illich, dont le nom revient dès lors comme un leitmotiv, tout au long de l'ouvrage. S'agissant par exemple de l'instruction publique qu'il compare à une « intoxication », il se désole sans complexe du fait que « les parents, les familles, les adultes en général, par paresse, facilité, découragement, ou simplement parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, renoncent à éduquer les enfants et les jeunes, laissant ce soin à l’institution scolaire qui prétend si bien s’en charger… »
Sur le système de santé devenu pléthorique, il n'est pas plus tendre. Il commence par pointer l'extravagance de la définition proposée par l'OMS en 1946, qui fait de la santé « un état de complet bien-être physique, mental et social, ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Toujours sur les traces d'Illich, il part en guerre, à contre-courant des credo actuels, contre les politiques de protection sociale, en affirmant que « ce n'est pas une bonne nouvelle pour les liens familiaux et l'amitié que, lorsque quelqu'un est malade, il soit pris en charge, non par sa famille ou ses amis, mais par la sécurité sociale... »
Élargissant son propos, il en vient à contester la conception matérialiste du bonheur, telle que la connaissent les pays développés, qu'il assimile à une accumulation stérile de satisfactions. Ainsi, écrit-il, « une vie humaine n’est pas un sac où les épisodes viendraient s’entasser (une abondance sans plénitude) mais une chaîne qui les relie faite de moments successifs mais réclamant un sens à cette succession et une fin : la mort. »

Après Illich, c'est Leopold Kohr, qui est appelé à la rescousse, et notamment son ouvrage The Breakdown of Nations, dans lequel il tentait de démontrer qu'il n'y a qu'une seule cause derrière toutes les formes de misère sociale : la taille excessive ! Olivier Rey rappelle le slogan resté fameux, « Small is beautiful » dont s’inspira toute une école de pensée économique et qui servit de titre au manifeste publié dans les années 70 par Ernst Friedrich « Fritz » Schumacher. Ces gens furent en quelque sorte les précurseurs de l'alter-mondialisme qui fleurit de nos jours en marge des chemins officiels et qui se targue de proposer une nouvelle voie, répudiant à la fois les canons marxistes et les sirènes libérales...
Et c'est là que le bât blesse évidemment...

Car l'ouvrage à cet instant bascule dans la charge anti-libérale, pour laquelle l'auteur se met à déverser un argumentaire où l'esprit partisan l'emporte sur l'objectivité et le spécieux prend souvent la place du sérieux.
Derrière le légitime questionnement sur la taille des structures, des institutions, des organismes et des sociétés, surgissent hélas nombre d'a priori dont on subodore qu'ils tiennent beaucoup plus de la vision gauchisante, voire parfois anarchiste du monde.
Passons sur la thèse farfelue d’Ivan Illich, préconisant de limiter la vitesse des déplacements de manière à ce qu'elle n'excède pas 25 km/h, car de son point de vue, les grandes vitesses entraînent une concentration néfaste des pouvoirs !
Comment adhérer au principe posé par Kohr, supposant que n’importe quel petit état, monarchie ou république, serait par nature démocratique à l'inverse des grands, qui ne pourraient pas l'être, du seul effet de leur taille ! Les USA sont là pour rappeler qu’une grande nation peut très bien se fonder durablement sur la liberté, et à l’inverse, on pourrait citer des foules de petits régimes totalitaires…
On ne peut davantage être convaincu par les démonstrations en forme de tautologie sur l’impossibilité pour les organismes d’être invariants lorsqu'ils changent d’échelle. En d’autres termes, un homme de 10 mètres de tiendrait pas même debout s’il était proportionné comme nous. C’est certain, mais cela ne prouve en rien qu’une structure doive nécessairement se faire petite pour être viable. Le modèle fédéral sur lequel est bâtie la Suisse s’adapte sans souci aux Etats-Unis…
Enfin, que dire des réflexions de l’auteur lorsqu’il affirme arbitrairement que les trop grands nombres ont quelque chose de satanique, évoquant la colère de Dieu punissant David pour avoir tenté de dénombrer de son peuple ? Que dire de cette étonnante assertion qui voudrait que « la masse semble attirer sur elle les catastrophes et appelle le massacre ? » Surtout lorsque le raisonnement conduit à faire de la dévaluation massive du mark dans les années 30 le facteur déclenchant du génocide hitlérien....

On se retrouve de fait, embarqué dans un discours confus et quelque peu pédant dans lequel émerge à maintes reprises la philosophie de la décroissance, de l'anti-libéralisme et de l'anti-capitalisme dont on nous rebat les oreilles.
L'auteur s'en garde en voilant son propos de maintes précautions oratoires, mais il ne peut par exemple s'empêcher de revenir sur les vertus de la division du travail qui permit à l’industrie de prospérer. Contre celle-ci, Olivier Rey voudrait réhabiliter « les bons outils "conviviaux" de M. Illich, qui augmentent l'autonomie en permettant de faire davantage par soi-même que ce qu'on pourrait accomplir sans eux, au contraire des outils industriels, devenus si démesurés, qu'ils paralysent les facultés personnelles d'agir sur le monde. »
Bien sûr l'artisanat et la conception vernaculaire de la production sont des causes sympathiques, mais il est certain que si chacun devait lui-même fabriquer ses chaussures ou sa voiture, le monde serait quelque peu transfiguré...

Plus graves sont les attaques incessantes et plutôt primaires qu’il adresse à tout bout de champ au libéralisme, dont il voit les méfaits partout, à tel point qu’on peut inférer de cette approche, qu'elle s’inscrit hélas dans l’ignorance méprisante dont il souffre dans notre pays.
On peut en juger sur quelques truismes grotesques, dénonçant par exemple à propos de la condition féminine, « la ruse du système économique moderne, après avoir ruiné l’ancienne position des femmes, de ne leur avoir fait entrevoir une libération qu’à travers une concurrence avec les hommes et un enrôlement dans les rangs des travailleurs salariés ! »
Parfois c’est à la caricature qu’il se laisse aller, quand il dépeint « la force de l’idéologie libérale qui, une fois implantée, anéantit si radicalement la faculté, psychique et sociale, à admettre une limite et à la respecter, qu’elle ne peut que continuer à régner jusqu’à ce qu’intervienne la main invisible de la catastrophe », ou bien encore « le libéralisme prôné par Mandeville au XVIIIème siècle, qui au lieu d'exhorter les individus a la vertu et à la tempérance, les pousserait à rivaliser de richesses, à la soif illimitée d'avoir.»

Tout ça ne fait qu'aboutir au paradoxe de Voegelin, qui en 1950 constatait « le déclin de l'Occident et les progrès inouïs qu'il accomplit dans le même temps », pour conclure sous la forme d’un oxymore, que « c'est le succès même qui entraine le déclin...

Au total, cette longue digression, se caractérise avant tout par son incohérence et ses clichés idéologiques. Partie sur des prémisses intéressantes, elle est menée au terme d’un raisonnement erratique, vers une conclusion nébuleuse, et dénuée de débouchés concrets.
Olivier Rey, se borne à produire un nième pamphlet anti-libéral, sans grande originalité. Il en vient même à remettre en cause le sens des responsabilités sur lequel se fonde l’amour de la liberté, en faisant sienne l’argumentation inepte d’Illich : "quand je me comporte d'une manière responsable, je m'inscris moi-même dans le système". A l’instar de son mentor, il lui préfère la décence, mais malheureusement, il semble l’avoir largement oubliée présentement…

Olivier Rey. Une question de taille. Stock. 2014.

13 mars 2015

Crise de repères

En France, on sait les politiciens versatiles.
Ceux qui se prétendent de droite, se plaisent à mettre en oeuvre une fois élus, une politique de gauche, et d'aucuns voient chez ceux de gauche au pouvoir, une tendance à promouvoir les recettes libérales…
En définitive, plus personne n’y comprend rien et à force d’être dupés, les électeurs renoncent de plus en plus à se rendre aux urnes. Résultat, le Front National en apparence tout au moins, ne cesse de progresser.
Il lui reste difficile de s’imposer, car il faudrait à lui tout seul qu’il emporte un peu plus de 50% des voix, ce qui semble encore hors de portée, vu qu’il cristallise contre lui la haine vindicative de tous les partis auto-prétendus républicains. Cette suprématie viendra-t-elle ? Nul ne le sait, mais une chose est sûre, ces derniers n’auraient alors que leurs yeux de crocodiles pour pleurer.
A l’instigation machiavélique de Mitterrand, la Gauche a tout fait pour créer et faire enfler le phénomène, et sous l’égide de Jacques Chirac, la Droite a entrepris de lui donner corps et de le radicaliser en clamant haut et fort qu’elle n’avait rien à voir avec lui, tout en exploitant parfois les mêmes thématiques...
Le problème est désormais insoluble et le débat démocratique est durablement envenimé par ces manoeuvres coupables.

Aujourd’hui, Manuel Valls qui n’a vraiment pas grand chose à vanter dans l’action menée par le Président de la République et lui-même, s’énerve puérilement devant la montée de ce qu’il qualifie de péril contre lequel risque "de se fracasser le pays." Belle inconséquence en réalité, puisque lui et les siens n’ont de cesse d’apporter à pleins tonneaux de l’eau au moulin de l’extrême droite.
Et qui confine à la stupidité lorsqu'il attaque notamment Michel Onfray, à qui il reproche de perdre ses repères, au motif “qu’il préfère une idée juste, fut-elle de droite, à une idée fausse même si elle est de gauche, surtout si elle est de gauche.”
Cette tournure de pensée est effrayante, car elle témoigne d’un archaïsme idéologique à peine croyable. Le premier ministre se croit sans doute encore à l’époque où l’on pouvait “préférer avoir tort avec Sartre que raison avec Aron” ou encore mentir effrontément "pour ne pas désespérer Billancourt."

Onfray répliqua en traitant familièrement Manuel Valls de “crétin”, et force est de reconnaître que le qualificatif est approprié, face aux propos incohérents et aux actions contradictoires du chef du gouvernement, même s'il n’est pas le seul à utiliser cette rhétorique ampoulée autant qu’insignifiante, qui dit les choses sans les dire tout en les disant, et en affirmant tout et son contraire.

Quel dommage en somme que Michel Onfray se prétende encore de gauche ! Il a des convictions, il a une certaine droiture et un courage indéniable, dont il fit preuve lors des attentats de janvier dernier, en disant sans détour quelques vérités bien senties au sujet de l'islam radical tandis que le Président de la République et le Premier Ministre soutenaient que les atrocités commises par des gens hurlant « Allah Akbar » n’avaient rien à voir avec la religion musulmane !
Pourquoi resterait-il donc accroché par principe, à cette forfaiture idéologique qu’est le socialisme ? C’est évident, lui le philosophe libertaire individualiste et épicurien pourrait avoir sa place sans trop de peine, parmi les amoureux de la liberté ! Un jour peut-être...
Décidément, les repères sont en crise....

02 mars 2015

Sentimental Journey

Je suis parfois tenté de t'appeler mon ange
Pour ta manière d'être et ce que tu me fais,
Je suis parfois ému par ces instants parfaits
Que pas un désaccord au monde ne dérange.

Dans ma tête rêveuse un peu tout semble étrange
Alors que j'erre seul dans le silence frais,
L'hiver encore en neige et le printemps tout près
Se confondent au sein d'un suave mélange.

Le temps présent s'échappe en tremblantes vapeurs
Accrochant dans l'air bleu mes craintes et mes peurs
A la blancheur atone, immobile des arbres.

Promeneur indécis, je soupire en marchant
Tandis que mon esprit s'égare, chevauchant
Le fil flottant d’un songe, entre pierres et marbres
Illustration : Vivian Maier

24 février 2015

L'aimable farce Macron

Lorsque Emmanuel Macron fut nommé ministre par le Président de la République, il était loisible de s’interroger sur ce que venait faire dans un gouvernement socialiste dirigé par un prétendu ennemi des Riches et de la Finance, un genre de trader dont le principal titre de gloire fut d'avoir amassé en 18 mois quelques 2,4 millions d’euros de salaire chez Rothschild, en jouant au Monopoly avec les entreprises.

Et bien désormais on sait : il y fait des lois en s’amusant, l’air de rien, comme d’autres feraient des bulles. Légères, légères, si légères qu'il suffit d'une brise parlementaire, à peine une petite fronde, pour les disperser, les ventiler, les éparpiller par petits bouts, façon puzzle…
De fait, annoncée comme étant d’inspiration libérale, cette loi qui porte le nom du sémillant ministre de l’Economie fit couler beaucoup d’encre, pour étaler en définitive une grande vacuité sur pas moins de 200 articles.

Au terme d’interminables débats à l’Assemblée Nationale, et à l’issue de l’accouchement au forceps du 49.3, que subsiste-t-il ? Rien ou presque, si l’on en croit les experts qui se sont plongés dans cette jungle légale.
A peine retient-on un assouplissement des règles ubuesques interdisant aux compagnies d’autocars inter-urbaines de concurrencer la SNCF. Encore, fallait-il savoir que dans notre malheureux pays, on en était encore à ces ukases ahurissants…
A peu près rien de changé sur la réglementation du travail la nuit et le dimanche puisque l’assouplissement annoncé a fait pschiiit, l’Etat s’en remettant, de manière on ne peut plus tarabiscotée, au bon vouloir des maires et des intercommunalités, pour autoriser ou maintenir l’interdiction d’ouvrir 12 dimanches par an au lieu de 5...
S’agissant des notaires, dont on a beaucoup parlé, il n’y a rien qui vaille vraiment d’être mentionné, à part un accroissement de la complexité administrative fixant les tarifs de leurs actes. Va-t-on payer moins cher, rien n’est moins sûr.
Le reste touche, sans cohérence apparente, à quantité de sujets abscons pour le commun des mortels : permis de conduire, justice prud’hommale, cession d’actifs de l’Etat, règles de licenciement collectif, statuts des avocats d’entreprises, et même location de matériel militaire par l’armée…

Il est bien difficile dans ces conditions de déterminer si ce texte confus comporte ou non de réelles avancées. Et tout aussi ardu de savoir si l’opposition devait ou non le voter. Puisqu’il avait un vague parfum, certes éventé, de liberté, le bon sens politique poussait sans doute à y être favorable. Cela permettait de préserver l’avenir, en ne risquant pas de se trouver en porte-à-faux quant à de futures propositions de lois allant dans le même sens. Surtout, cela aurait coupé court à la procédure du 49.3, et contribué à fragiliser et à décrédibiliser un peu plus le gouvernement et sa majorité auprès de son électorat dit “de gauche” et de ses frondeurs internes. C’était donc bon à prendre pour des partis en mal d’inspiration.
C’est sans doute pour ça qu’ils se sont massivement opposés au texte...

22 février 2015

Face au chaos, Bush avait raison...

J’ai bien peur une fois encore, de ramer à contre courant de l’opinion publique en prenant la défense de George W. Bush !
Tant pis, s’il n’en reste qu’un, je serais celui-là. Et si je me trompe, j’en demande pardon par avance aux tribunaux de l’Histoire !
Pour l’heure, face à l’embrasement du terrorisme islamique, et à la déstabilisation progressive du monde, il ne m’a jamais paru plus évident que la stratégie de l’ancien président était la moins pire, à défaut d’être la meilleure…

Pour en arriver là, il faut reprendre l’histoire au début et notamment accepter de se replacer dans le contexte du millénaire naissant, à savoir plus précisément, en 2001.
A cette époque sont survenus, comme des coups de tonnerre dans un ciel d’azur, les épouvantables attentats du 11 septembre. Trois-mille morts en une seule journée ! La folie humaine à l'état pur...
Pour beaucoup, c’était la surprise et l’incompréhension totale. On a d’ailleurs comparé ces évènements à l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941.

En réalité, pas plus que cette dernière, l’effondrement des tours du WTC n’était totalement imprévisible. Les deux signaient une préparation méticuleuse, une froide préméditation, et les signes prémonitoires ne manquaient pas pour ceux qui auraient voulu les voir… D’ailleurs, dans les deux cas, ce constat fut en définitive celui des commissions d’enquêtes concluant a posteriori, à de nombreuse négligences et à une insouciance coupable.

Le fait est, que bien avant ce 9/11 terrible, des foyers de terrorisme s’étaient allumés. Le plus important s’était installé dans les montagnes afghanes, sous les houlettes complices des Talibans et de Ben Laden. L’Afghanistan que les troupes soviétiques n’étaient pas parvenues à vassaliser, avait été peu à peu transformé en une enclave moyen-âgeuse. Personne ne pouvait ignorer que les femmes étaient soumises à une loi religieuse rétrograde avilissante, et chacun avaient entendu parler des destructions ignobles du patrimoine culturel, auxquelles se livraient tranquillement des hordes de fanatiques. Les exactions et les menaces vis à vis de l’Occident, avaient débordé de ce chaudron mortifère au point de devenir monnaie courante, et plusieurs attentats furent commis, dont un premier, comme un avertissement, au World Trade Center en 1993.
Au Proche Orient, Saddam Hussein de son côté, pour des raisons différentes mais tout aussi maléfiques, narguait également le Monde dit civilisé. Défait en 1991 par une première coalition, après son annexion ratée du Koweit, il reconstituait progressivement ses forces et sa capacité de nuisance. Plusieurs centaines de milliers d’hommes étaient stationnés aux frontières de l’Irak pour le surveiller en permanence, et le contraindre à respecter les termes du traité qu’il avait signé, en particulier l’interdiction de toute action contre les Kurdes. Des inspecteurs de l’ONU, chargés de vérifier qu’il ne se réarmait pas, étaient régulièrement dupés par le tyran qui prenait un malin plaisir à faire le contraire de ce qu’il disait.
Bien qu’il n’eut pas d'accointances directes avec Ben Laden, il fut le seul chef d’Etat au monde à se féliciter des attentats du 9/11 !
La dangerosité croissante de toutes ces menaces, fut sous estimée par la Communauté Internationale. Seuls les Etats-Unis, alors dirigés par Bill Clinton, s’inquiétèrent réellement de la situation, mais en répliquant mollement par des mots ou quelques opérations militaires de portée limitée, et donc inefficaces. Il fallu attendre l'électrochoc de septembre 2001 pour qu’enfin des actions de grande envergure soient entreprises sous la conduite de George W. Bush, qui a l’évidence ne les avait pas prévues dans son programme…
Pour ambitieuses et périlleuses qu’elles fussent, il faut être de mauvaise foi pour prétendre qu’elles n’avaient qu’une justification pétrolière.
L'argument massue du « mensonge délibéré de la présence d'armes de destruction massive », rabâché comme une scie par les adversaires du président américain fut largement mensonger lui-même. Saddam se vantait de posséder ces armes, et ne cachait aucunement sa volonté de les utiliser ! De toute manière qu'entend-t-on par armes de destruction massive ? Les machettes qui ont fait 800.000 morts au Rwanda dans l'indifférence générale, n'en sont-elles pas ? Saddam Hussein n'en était-il pas une à lui tout seul, lui qui fut responsable de plus d'un million de mort ?
En réalité, on a agité des contre-vérités et des leurres de part et d'autre, comme lors de tout conflit. Et cela a permis aux uns de justifier l’entrée en guerre, et aux autres d’éviter de préciser ce qu’il aurait fallu faire…

L’objectif de l’Administration américaine, pour contestable qu’il fut, avait le mérite d'être clair : il s’agissait de s'attaquer à des dictatures obscurantistes et sanguinaires, d'abord en Afghanistan, puis en Irak, avec à l'esprit la théorie des dominos. L'enjeu était de faire tomber ces régimes affreux de proche en proche, en aidant les peuples libérés à construire un modèle de société plus ouvert et respectable.
Les premières étapes furent franchies, non sans mal. Des élections libres avaient vu le jour dans ces contrées qui n'y étaient guère habituées, personne ne peut le nier, mais plus de 4000 soldats sont morts pour cet idéal, qui n'avait en soi rien de différent de celui poursuivi par les armées venues libérer l'Europe en 1944. Au demeurant, s’agissant des raisons qui poussent l’Amérique à faire la guerre, qu’est-ce qui permet de penser qu'il en soit autrement aujourd'hui qu’hier, et pourquoi agirait-elle avec les autres différemment de ce qu'elle a fait pour nous ?
Qu’il soit permis encore une fois, d'évoquer ici les termes émouvants de la « lettre aux amis américains », qu 'écrivit Saint-Exupéry en mai 1944 : «Si la guerre est toujours gagnée par les croyants, les traités de paix quelquefois sont dictés par les hommes d’affaires. Eh bien si même un jour je forme dans mon cœur quelques reproches contre les décisions de ceux-là, ces reproches ne me feront jamais oublier la noblesse des buts de guerre de votre peuple. Sur la qualité de votre substance profonde je rendrai toujours le même témoignage. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que les mères des Etats-Unis ont donné leurs fils. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que ces garçons ont accepté le risque de mort... »

Hélas la belle alliance des démocraties que le président George W. Bush espérait mettre en œuvre a fait défaut, et la trahison de la France fut une des plus saillantes et des plus consternantes.
L'oeuvre resta donc inachevée et les successeurs, repris par les vieux démons pacifistes, ont préféré la stratégie hasardeuse des coups d'épée dans l'eau, ou carrément l'inaction.
A partir de 2008, l’Irak a été peu à peu abandonné par la nouvelle administration américaine, et en Afghanistan, c’est à un service minimum que le président Obama cantonna ses troupes.
En Libye, on a renversé un dictateur mais sans accompagner le peuple, ce qui n'a servi à rien d’autre qu’à installer le chaos. En Syrie, on a laissé s'installer le désordre, et renaître les foyers de terrorisme qui ont bien vite essaimé un peu partout, comme les mauvaises herbes proliférant dans un jardin délaissé.
Résultat, les quelques acquis ont été quasi réduits à néant, et tout le travail est à refaire ! Il faudra tôt ou tard sans doute s’y atteler à nouveau, au risque sinon, de voir nos propres sociétés gravement menacées. Elles sont déjà, notamment la France, ébranlées économiquement par le boulet socialiste qui les endettées jusqu'au cou sans la moindre efficacité sur la misère ! Bientôt, si l'on n'y prend garde, c'est le modèle démocratique qui risque de s'effondrer. Tout amoureux de la liberté, ne peut qu’être extrêmement préoccupé par cette funeste évolution.
René Girard, d’habitude mieux inspiré, considéra l’échec du président américain, comme dû à «son incapacité de penser de façon apocalyptique ». Curieux contresens, s'agissant de George W. puisqu'on lui reproche habituellement d'avoir eu un dessein tenant précisément de la révélation, empreinte de connotation religieuse (que n'a-t-on glosé sur la lutte du bien et du mal !). Pour le coup, si la vision de Bush en était dépourvue, le mépris avec lequel on la traita, risque d’avoir une portée apocalyptique au sens effrayant du terme…

Plus de dix ans ont passé et avec le recul, il apparaît légitime de penser envers et contre tout, que cette politique était la bonne, car il semble clair que son abandon a conduit au désastre auquel on assiste aujourd'hui.
L'apathie du monde prétendu civilisé face à la barbarie qui étale ses indicibles atrocités chaque jour sous nos yeux est une grande honte, et rappelle hélas les époques précédant de grands désastres. Ce n'est vraiment pas la peine de ressasser les méfaits passés du nazisme, en récitant la rengaine contrite du « plus jamais ça », si l'on est incapable de combattre sérieusement les horreurs qui empestent le présent !
A l'inverse de ce qu'on prétend, Bush est parvenu à endiguer cette spirale pour un temps, mais les remparts qu'il avait érigés étaient fragiles. Faute d'entretien, ils sont en train de céder.
Et qu'on ne dise pas que le messianisme démocratique dont l’ancien président américain était porteur, soit contradictoire avec le respect du passé et des cultures locales. En l’occurrence, quatre mille ans d'histoire, de divisions, de luttes tribales, ethniques ou religieuses, ne sauraient conduire au fatalisme et encore moins servir de justification aux dictatures. Ces peuples n'ont pas moins de droit que nous à la Liberté et ne méritent pas moins que nous de pouvoir vivre paisiblement, avec un peu de prospérité... On voit les minorités enragées, mais on n'entend jamais les majorités silencieuses…
Pourrait-on admettre une fois pour toute que l'intérêt principal des USA soit tout simplement que les peuples vivent libres ? Et que l’intérêt de toute nation libre soit de les rejoindre sur cet objectif ?

Mais les grandes démocraties croient-elles encore vraiment à leur modèle, chérissent-elles encore cette Liberté pour laquelle de valeureux aïeux ont donné leur sang ? C'est bien là la question...
Plus que jamais la fameuse citation de Churchill s'impose : " Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. "

18 février 2015

Vacuité politique

Après le livre de Nathalie Kosciusko-Morizet désignant le Front National comme ennemi politique numéro 1*, celui dont vient de se délester Geoffroy Didier**, scelle un assez navrant constat où l’on voit la Droite française désormais enferrée dans une impasse idéologique dont elle aura du mal à sortir. Avec un FN autour de 30%, et sans autre proposition face à lui que le rejet sans nuance, le défi apparaît en effet de plus en plus difficile à relever.

Le scrutin du Doubs augure mal de l’avenir : le FN frôle à lui tout seul les 50% de votants. Ce n’est qu’une élection locale, et ce n’est certes pas la moitié des électeurs, mais ceux qui ne se déplacent plus deviennent de plus en plus nombreux. Ils n’ont plus envie de choisir entre la peste et le choléra. L’un des deux étant ce conglomérat informe dont se moquent les frontistes mais qui est bien une réalité : l’UMPS…
Scrutin après scrutin, le pseudo "Front Républicain" qui tente de contrer la progression du FN constitue une dérisoire muraille qui peine de plus en plus à faire illusion. Cet amalgame incohérent de partis à bout de souffle et d’inspiration, hurlant sans cesse au loup, convainc de moins en moins de gens.

Ce qui tient lieu de programme aux adversaires réunis du FN est loqueteux.

Ils se disent européens mais ne démontrent ni foi ni conviction dans la défense de la belle idée fédérale. Ils nous parlent d’un vague conglomérat d’états-nations, étriqué dans ses ambitions, et crispé sur la seule problématique économique, qu’ils abordent avec de mesquines préoccupations de petits boutiquiers.
En politique intérieure, ils se récrient face à la montée de l'intolérance et se font les défenseurs de la liberté d’expression, mais leur action se limite à des voeux pieux et des lois liberticides !

Ils font du chômage leur priorité absolue, mais n'ont d'autre projet que de faire de vaines incantations à la croissance.
Pour tenter de se démarquer les uns des autres, ils se combattent à la manière de Lilliputiens, à coup de réformettes dont le nombre est inversement proportionnel à l'efficacité, et celles que les uns promulguent, les autres les abrogent...
Bref une vraie mascarade qui, faut-il le préciser, communie quand même sur l'essentiel, à savoir le credo étatiste, le règne de la bureaucratie, et l'amour des taxes et des prélèvements obligatoires ! Grâce à leurs efforts conjugués, 57% de la richesse nationale est désormais confisqué par l'Etat : un record !

En définitive, plus que jamais, le résultat des manipulations et lâchetés politiques paraît de plus en plus évident : la Gauche, depuis les menées machiavéliques de François Mitterrand, s'ingénie à faire monter en puissance le FN, tandis que la Droite qui s’est jetée à pieds joints dans le piège pourtant grossier, contribue en excluant tout dialogue avec lui, à le radicaliser, et lui abandonne une bonne partie de ses thèmes. Au bout du bout, c’est la déconfiture assurée !

A l'instar du discours lénifiant de M. Didier, ex leader de la "Droite forte", il ne reste plus rien qu’une admiration niaise pour une France de héros disparus, qu’une compassion feinte et une écoute vaine des souffrances des gens qui se tournent vers le FN. Ces doléances qui se font écho d’un bout à l’autre du pays constituent le leitmotiv du bouquin de G. Didier : "On ne se sent plus chez nous en France !", "La France va mal et ne nous apporte que des problèmes !", "On ne supporte plus les discours politiques !"
Mais plutôt que d’en tirer une ligne politique déterminée et pragmatique, il se perd en récriminations contre le Front National. Faut-il avoir une courte vue pour espérer que ces simagrées soient de nature à provoquer un renversement de tendance !
Et quelle rage de devoir entendre tous ces discours inutiles, dans cette pauvre France, semblant décidément perdue sur un chemin sans issue !


*Le Front anti-national
** La fronde nationale

05 février 2015

Tempête sous un crâne d'oeuf

Décidément, le débat politique en France ne cesse de s’abîmer, et l’infâme marigot dans lequel il s’enfonce inexorablement, a de quoi désespérer tout démocrate et naturellement tout amoureux de la liberté.

L’élection législative dans le Doubs, dont tout le monde se moque mais que les médias s’ingénient à rendre croustillante, en apporte encore une fois la preuve navrante. Par la faute de l’ensemble des partis politiques prétendus “républicains”, une fois encore le Front National se trouve en position d’arbitre, et toute réflexion semble condamnée à tourner bêtement en orbite autour de lui !
Derrière cette logique manichéenne totalement stérile, c’est à un hideux festival de manoeuvres, de compromissions, et de retape immonde auquel le peuple assiste impuissant. Les hiérarques du Parti Socialiste voudraient nous faire croire que leur candidat, arrivé par une divine surprise en position de se maintenir au second tour, serait le dernier rempart contre la barbarie, à laquelle il faudrait opposer la belle unité d’un front républicain. Vaste fumisterie évidemment, mais force est de reconnaître que dans les autres partis, notamment dits “de droite”, c’est la déconfiture.
Pas la moindre aspiration, pas le moindre élan, pas la plus petite volonté n’émerge de ce désastre. Nicolas Sarkozy, seul leader charismatique, à défaut d’avoir des convictions chevillées au corps, semble quelque peu sonné par les évènements, pendant que les petits chefs mènent une danse macabre autour du tombeau de leurs espérances évanouies.

M. Juppé, qui ne veut pas être le dernier des Mohicans, ramène à tout propos et surtout sans qu’on le lui demande, son carquois fatigué et ses plumes défraîchies. Le voilà qui se met à gratifier les Français du fruit de ses réflexions, qui lance des appels tous azimuts, et tout ça pour quoi, je vous le demande ? Pour aboutir à révéler que s’il était électeur de la 4è circonscription du Doubs, il voterait socialiste ! Merci du conseil...
Après avoir promu le nullissime candidat UMP qui a trouvé le moyen de s'étaler dès le premier tour, non seulement il ne fait pas acte de contrition, mais le voilà qui prend des grands airs pour faire la leçon.

Mais pour qui se prend-t-il donc ? Que valent les recommandations stratégiques de ce technocrate vieillissant, qui sut si bien, il y a 20 ans, gâcher en quelques semaines à peine, le mandat que le peuple français lui avait donné grâce à l’élection de Jacques Chirac ? Lui qui fut l'artisan brillant du monumental fiasco de la dissolution de 1997 ! Lui qui assomma de TVA, de CSG, de CRDS et autres taxes et prélèvements, ceux qu’avec le grand Jacquot, il avait enfarinés durant toute la campagne électorale, sur l'air du “Trop d’impôts tue l’impôt” ! Lui qui soviétisa un peu plus le système de santé avec le "plan" qui porte son nom, et dont on voit aujourd’hui les effets calamiteux. Lui l'hypocrite qui se disant l'ami des femmes, se vanta d'en nommer une douzaine dans son gouvernement, et qui les débarqua sans ménagement 6 mois plus tard !
Lui enfin, qui, “droit dans ses bottes”, se montra inutilement rigide dans ses réformes stupides, pour finir par en abandonner une bonne partie, non sans avoir provoqué un gigantesque mouvement social !


Bravo donc à cet archétype du crâne d’œuf dont la bureaucratie française a le secret. Il ferait en somme bon ménage avec les Socialistes.
Par le biais “d’un jeu plein de sales parfums” politicards, nous avons hérité des pires gouvernants qu’on ait vus depuis bien longtemps, et Dieu sait que dans notre malheureux pays, la concurrence en la matière est serrée ! Celui que le peuple a par dépit, porté à la tête du pays, n’a cessé d’accumuler autour de lui, les échecs, les bourdes, les malversations et les revers. N’empêche, il croit encore à son destin ! Tout requinqué par les retombées inattendues d’un atroce attentat, il s’imagine sans doute qu’il suffit de quelques basses récupérations, pour pouvoir se maintenir à la barre du navire qu’il conduit avec opiniâtreté au naufrage…
Et c’est pour ce bateau qui prend l’eau de toutes parts, que M. Juppé propose de tenir l’écope !

26 janvier 2015

Monnaies de singes

Faut-il se réjouir des bonnes nouvelles économiques claironnées par le grand bazar médiatique ? Le bout du tunnel est-il en vue ? On ne demanderait qu’à le croire, mais hélas rien n’est moins sûr, notamment en France où tant de verrous restent envers et contre tout bloqués.
La baisse assez spectaculaire de l’euro constitue un fait marquant auquel peu de monde s’est vraiment intéressé dans un contexte dominé par l’émotion due aux attentats. Pourtant, entre Mai 2014 où elle plafonnait à presque 1,40$ et aujourd’hui où son cours est autour de 1,11$, la monnaie européenne a perdu 20% de sa valeur !
Il y a là certes de quoi mettre le cœur en joie de ceux qui se plaignaient d’un euro trop fort depuis des années ! Cela sera sans nul doute à leurs yeux, de nature à doper enfin les exportations et à freiner l’invasion de tous les produits achetés dans une devise qui se renchérit face à la nôtre.
Malheureusement, il y a encore loin de la coupe aux lèvres !

Lorsque la valeur d'une monnaie baisse c’est avant tout la richesse relative de ceux qui la possèdent qui diminue. Tous ceux qui voyagent où qui achètent des denrées importées s’en rendront bien vite compte. Quant aux exportations, il n’est pas évident que la France en tire tout le profit espéré, vu que son problème de fond reste de n’avoir pas grand chose à vendre, sauf dans le domaine du luxe qui marche déjà très bien et où la clientèle n’est pas trop sensible au prix…
On peut toutefois se rassurer un peu en songeant qu’à l’intérieur de la zone euro les échanges ne s’en trouveront a priori pas affectés...

Second évènement d’importance, la baisse du prix du pétrole et de certains produits plus ou moins indexés sur lui, comme le gaz.
Les économies devraient être réelles pour les consommateurs, en terme de chauffage et de carburant pour leurs automobiles… A condition toutefois que l’euro ne baisse pas trop par rapport au dollar, avec lequel nous réglons la facture aux producteurs, et que le gouvernement n’en profite pas pour augmenter les taxes, ce qu’il vient justement de faire sur le gazole !
S’agissant du bénéfice pour la nation et les entreprises, il restera modeste puisque 85% de l’électricité consommée est comme chacun sait d’origine nucléaire.

Là dessus, tombe tout à coup le nouveau plan massif d’injections de liquidités, proposé par la Banque Centrale Européenne (BCE). Pas de moins de 1100 milliards d’euros sur moins de 2 ans, créés ex nihilo, sur lesquels les interprétations varient d’un expert à l’autre.
A vrai dire, l’impression qui domine est que personne ne comprend trop les tenants et les aboutissants de ce colossal Quantitative Easing (QE), que certains traduisent pudiquement par un “assouplissement quantitatif”, que d’autres, ébahis, qualifient de “bazooka monétaire” et dans lequel en fin de compte, beaucoup voient un très prosaïque “recours à la Planche à Billets...”

Avec des yeux de béotiens, peu accoutumés aux arcanes de la science économique mais vaccinés contre les effets d’annonce, on reste pantois devant ce gigantesque nouveau plan de relance.
D’abord parce qu’on ne peut que s’étonner de la création aussi massive d’euros au moment précis où le cours se casse la figure. Pourquoi ne pas avoir fait cela plus tôt, lorsqu’il était jugé trop haut par tant d’analystes ? M. Draghi fait en l’occurrence figure de carabinier et risque d’ajouter l’inflation à la dévaluation.
C’est dira-t-on le but recherché puisque les grands argentiers craignaient la déflation.
Certes
une légère baisse des prix avait été notée en fin d’année dernière (-0,2% en décembre, expliquée en grande partie par la chute du cours du pétrole). Mais en réalité, on observait surtout jusqu’à ce jour leur stabilité ce qui est le gage d’une économie saine : l’argent qu’on possède ne s’use pas et c’est la meilleure garantie pour les commerçants de vendre au juste prix. Et lorsque les salaires restent désespérément bloqués, c’est aussi celle de conserver son pouvoir d’achat…

Parallèlement à cette injection monétaire, la BCE promet de racheter tous azimuts de la dette étatique. Bel effort, mais qui peut-être aussi bien vu comme un terrible pousse-au-crime, lorsqu’on voit l’inflation régulière des dites dettes, favorisée par la faiblesse actuelle des taux d’intérêts ! On en veut pour preuve la réaction réjouie de François Hollande, grand dépensier s’il en est, saluant le plan de la BCE (après l’avoir dévoilé quelques jours avant l’annonce officielle, ce qui s’apparente d’ailleurs à une bourde, si ce n’est un délit d’initié…)

La victoire de l’extrême-gauche aux élections législatives grecques accentue cette crainte. Pourquoi ces gens rembourseraient-ils leurs dettes à une banque si riche et si prodigue ? Rappelons que la Grèce au bord de la banqueroute, a bénéficié ces dernières années de deux plans d'aide d'un montant total de 380 milliards d'euros, accompagnés d'un programme draconien d'ajustement budgétaire, sous le contrôle de la fameuse troïka UE-BCE-FMI, dont le vainqueur du jour M. Tsipras annonce méchamment la fin !
Aujourd’hui, avec l’arrogance revancharde des parvenus, il se fait fort d’exiger une nouvelle négociation de la dette de son pays, tout en promettant d’en créer de nouvelles avec une foultitude de mesures plus démagogiques les unes que les autres. S'agit-il d'une farce marxiste "tendance Groucho" qui se perdra très vite dans les désillusions de la real-politik, ou bien d'une lame de fond destructrice risquant de laminer un peu plus les bases fragilisées d'une Europe dont on se demande comment elle tient encore debout ? That is the question !

Et pendant ce temps, les députés français commencent à plancher sur l’inénarrable et microscopique loi Macron. Ainsi, après l’avoir préalablement plombée de 495 amendements (sur les plus de 1700 proposés en commission spéciale), ils vont débattre doctement du nombre de dimanches ouvrables et mesureront au compte-gouttes le nombre des lignes d’autocar autorisés à grignoter le monopole de la SNCF….
Décidément, on n’arrête pas le progrès et le futur ne manque pas d’avenir comme dirait l’autre...

22 janvier 2015

Défense de Voltaire

Longtemps je me suis interrogé sur Voltaire
Non sans une certaine répulsion tant j’avais en tête le refrain chanté par Gavroche qui veut que tout et plus encore, soit “la faute à Voltaire et à Rousseau”. Non sans un certain dégoût même, lorsque je me remémorais les vers sarcastiques du Rolla de Musset (Dors-tu content Voltaire et ton hideux sourire....). Comme beaucoup de jeunes, j’eus mon époque romantique, et je m'imagine parfois poète, alors que Voltaire c’est précisément le contraire du romantisme et de la rêverie poétique (bien qu’il produisit plus de 250.000 vers) !

Et puis mon opinion vint à changer peu à peu. A mesure sans doute que je découvrais l’Esprit de Liberté, et que ce dernier prenait possession de mon être, corps et âme, en l’éclairant de ses Lumières…
J’appris ainsi que derrière ses airs de vieux père fouettard grimaçant, derrière sa silhouette chenue, si empreinte de classicisme, il y avait la figure tutélaire d’un intrépide et infatigable défenseur de la liberté.
En somme au delà de ses bons mots, de ses outrances et de ses provocations, Voltaire s’est imposé comme l’archétype du libéral français, pétillant de malice et d’intelligence. Et si aujourd’hui, s’il m’est difficile de prétendre que je fasse de ses écrits une consommation assidue, le personnage est désormais pour moi une référence incontournable. Un ami et admirateur de Locke et de Newton ne peut être totalement mauvais tout de même...
Aussi lorsqu’on l’attaque, je réagis. Surtout s’il s’agit d’un ami blogueur que je respecte, lorsqu’il relaie l’accusation d’antisémitisme portée contre celui que je considère pour ma part, comme un sage. Je lui réponds ici en toute amitié !

Il est certes aisé de trouver dans l’abondante littérature de l’auteur de Candide, maints traits paraissant choquants à l’encontre du peuple juif. S’agit-il pour autant de l’expression d’un antisémitisme caractérisé, il est permis d’en douter…
D'abord parce que le contexte historique ne s'y prête pas, le terme n'ayant absolument pas la même signification de nos jours que celle qu'on aurait pu lui attribuer au XVIIIè siècle. Ensuite parce que les critiques de Voltaire visaient bien davantage le peuple juif de l’antiquité que ses contemporains, et ne se focalisaient pas sur une race ou une religion mais sur tous les comportements relevant à ses yeux de l'obscurantisme, de l'intolérance ou du fanatisme.
De ce point de vue, Voltaire fut assurément irrévérencieux vis à vis des croyants. C’est un fait acquis et revendiqué pourrait-on dire. Mais s’il se montra acerbe, et sans doute excessif, ce fut surtout pour condamner les atrocités qu’on commet au nom de Dieu.

Tout porte à croire que l'homme fut extrêmement réticent à porter des jugements à l'emporte pièce, dont il fut lui-même victime, nombre de ses oeuvres, notamment son fameux “dictionnaire philosophique”, ayant fini sur un bûcher, et lui-même plus d’une fois en prison pour ses idées...
A l'article « tolérance », on peut ainsi lire: « que nous devons nous tolérer mutuellement, parce que nous sommes tous faibles, inconséquents, sujets à la mutabilité, à l'erreur. »

S'il n'avait sans doute pas la foi, Voltaire n'était pas davantage athée. En homme pétri de bon sens et d'esprit pratique, il écrivit ainsi que « la foi consiste à croire, non ce qui semble vrai, mais ce qui semble faux à notre entendement ». Cela ne l'empêcha pas d'affirmer, de manière prémonitoire lorsqu’on pense aux ravages du nazisme et du communisme, « que l'athéisme est un monstre très pernicieux dans ceux qui gouvernent et que s'il n'est pas aussi funeste que le fanatisme, il est presque toujours fatal à la vertu... »
A l'article fanatisme, enfin, on peut trouver cette question tragiquement actuelle : « que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? »

En définitive, Voltaire n’était pas si éloigné de l’idée de Dieu qu’on pourrait le penser. Et s’il fut virulent vis à vis du judaïsme, il en voulait également à l’islam ( auquel il s’attaqua au travers d'une pièce de théâtre sur Mahomet), et manifestement plus encore au christianisme. 
A l’article “fanatisme”, on peut lire par exemple que le plus détestable fut “celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe.”
Et pour lui laisser le mot de la fin, s’il avait cette rancoeur toute particulière à l’égard du christianisme, c’est sans doute aussi parce qu’il était mortifié à l’idée que, “ de toutes les les religions, la chrétienne est sans doute celle qui doit inspirer le plus de tolérance, quoique jusqu’ici les chrétiens aient été les plus intolérants de tous les hommes…”

PS : j’avais déjà écrit sur Voltaire (derrière ce lien), suite à la lecture de la biographie fort élogieuse que lui avait consacré André Maurois, peu suspect de complaisance vis à vis de l’antisémitisme...

17 janvier 2015

Fausses notes

On n’est pas responsable de sa famille ni de son entourage, pour peu qu'il s'agisse de personnes majeures. Charb pas davantage qu’un autre. Il n’avait sans doute pas, le malheureux, pensé à organiser la grande cérémonie laïque de ses funérailles. D'autres l'ont fait...


Passons sur la présence quasi obligée de trois ministres, affligées par devoir. Peut-être ont-elles quelque chose à se faire pardonner…
Passons sur l'hommage graveleux du dessinateur Luz à son confrère, et sur le n-ième couplet "conchiant le libéralisme", donc la liberté...
Mais que penser de l’initiative d’accompagner en terre le cercueil du défunt au son de l’Internationale, cet hymne entonné, poing levé, par tant de fanatiques socialistes voulant par tous les moyens, y compris les armes et la terreur, convertir à leur idéologie le “genre humain” ! Que penser de ceux qui demandèrent au haineux Mélenchon, de débiter un des sermons outranciers dont il est coutumier, barbouillé à l’encre rouge du communisme…

Ainsi l’on voit avec les cendres des dessinateurs assassinés, s’effilocher l’esprit de Charlie, et sa prétendue indépendance…. Tant pis. On subodorait bien que l’union sacrée autour du fameux slogan Je Suis Charlie, n’était qu’une illusion d’optique. Une fallacieuse communion hypnotique en quelque sorte.
D’ici peu de temps, que restera-t-il donc de cette union de façade et de l’esprit provocateur de Charlie ? On sait bien qu’il ne fonctionnait plus guère, sauf à l’égard de l’Islam. C’était le courage de la Rédaction que d’avoir administré le même traitement à cette religion qu’à toutes les autres, ainsi qu’à toutes les institutions qu’il s’échinait à pourfendre avec un marteau pilon. Le pire eut été qu’il atténue la dureté des attaques adressées à celles exposant à un vrai risque.
Mais demain ? Les rescapés auront-ils encore la force d’asséner ces coups dévastateurs ? Il est permis d’en douter.

De toute manière, c’est peut-être à d’autres d’ouvrir les yeux sur la tragique réalité à laquelle est confronté le pays, et au delà, une bonne partie du monde. Pendant qu’on se lamente, les massacres continuent, hélas...

On nous promet dès à présent des lois plus sévères pour punir l’intolérance, le racisme et tutti. On nous annonce un encadrement plus serré de l’internet et un contrôle étatique renforcé de la liberté d’expression. Mais à quoi bon ces lois sécuritaires, fondées par nature sur des critères discutables, qui risquent d’asphyxier le débat et l'esprit critique, si elles ne s’accompagnent pas de l’arsenal répressif destiné à contrecarrer les vraies actions dangereuses ?
Les entraves pesant a priori sur la liberté d'expression, associées au laxisme répressif à l’égard des délits avérés, n’est-ce pas précisément l’inverse d’une société adulte, faite de citoyens responsables ? Dans ce modèle, ces derniers ne sont-ils pas aptes à distinguer par eux-mêmes le bon grain de l’ivraie et à traiter par l’indifférence les sottises et les contrevérités ? On se souvient de l’avertissement de Benjamin Franklin : " Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. "
En revanche, dans une société ouverte, n'est-on pas en droit d'attendre de l’Etat une sévérité à la mesure des exactions commises à la faveur de la liberté ?
En l’occurrence, si les terroristes avaient été pris vivants, qui aurait osé ne serait-ce qu’évoquer la peine de mort, seul châtiment pourtant raisonnable vis à vis des actes dont ils se sont rendus coupables ? Heureusement ils ont eu le cran de s’exposer eux-mêmes aux balles des policiers…

10 janvier 2015

Etat de choc

Le massacre perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo a frappé le pays de stupeur et d'effroi. A croire que le monde s'est arrêté de tourner et d'exister.

Moment vertigineux. Tout à coup, le cours du temps s'arrête sous le flot de lamentations dont les médias se font l'écho répercuté à l'infini. Les foules se mettent à communier avec une ferveur touchante, en se conformant à un rite où la grégarité le dispute à la candeur. Je suis Charlie devient l'expression abrupte de cette empathie subite, ressassée de manière mécanique par un peuple tétanisé.
Pour beaucoup, le monde du "care" s'est transformé en jungle cruelle. Et certains semblent découvrir que l'humanité puisse se révéler sous un jour aussi épouvantable. Ils avaient oublié ou n’avaient jamais appris que l'homme n'étant ni ange ni bête, bien souvent "celui qui veut faire l'ange fait la bête". Aujourd'hui c'est au nom de Dieu que des imbéciles fanatisés tuent leurs semblables. Hier, c'était au nom de la belle et soi-disant généreuse idéologie sans Dieu qu'est le socialisme. Quelle différence au fond ? Le plus grand danger auquel est confronté l’être humain, c’est toujours lui-même, et pour paraphraser Saint-Exupéry, ce que ces assassins ont fait, "jamais aucune bête ne l'aurait fait…"

Qu’il soit permis en ces heures dramatiques de réunir dans la même compassion, toutes les victimes de la barbarie et de rappeler humblement que la Liberté, si essentielle à l’émancipation de l’homme, a un prix. C’est un combat permanent qui impose de voir la réalité en face, et d’affronter les périls sans en travestir la nature, par faiblesse, démagogie ou esprit partisan. Ni amalgame, ni aveuglement.

A l’issue de la tragédie, on apprend qu’un des terroristes était un délinquant multi-récidiviste, condamné pour la dernière fois en 2013 à 5 ans de prison pour avoir tenté de faire évader un dangereux jihadiste, mais libre depuis un an ! Que les deux autres, qui s’étaient mis il y a quelques années, à fréquenter assidûment la mosquée, étaient sur la liste noire des islamistes fichés par les Etats-Unis, et que l’un d’entre eux s’était entraîné au Yémen dans les camps d’Al-Qaida … On sait aussi avec quelle détermination glaciale ils ont expliqué sans ambiguïté, en pleine cavale, les motivations religieuses de leur action meurtrière, et confirmé leur appartenance à un réseau organisé.

Aussi, lorsqu’au milieu de ses déclarations ronflantes, le président de la république soutient aux Français que “ceux qui ont commis ces actes n'ont rien à voir avec la religion musulmane”, il est permis de s’interroger. N’a-t-il donc rien compris, ou bien tente-t-il une fois encore de faire prendre des vessies pour des lanternes ?
Quant au premier ministre qui révèle gravement “qu’aujourd'hui nos compatriotes musulmans ont peur”, à quel jeu joue-t-il donc ? Fait-il de la provocation à destination de tous les autres ? Ou bien, se livre-t-il à une forme subtile d’instrumentalisation de la peur sous-tendue par de basses préoccupations électoralistes ?
Enfin, l’invitation qu’ils ont faite, urbi et orbi à participer à une gigantesque “marche républicaine” ce dimanche, dépasse l’entendement. Leurs homologues des pays voisins peuvent difficilement refuser d’y participer. On imagine la démesure des “mesures de sécurité massives” que
Manuel Valls a lui-même annoncées. Etait-ce bien nécessaire de mettre ainsi sur les dents, les forces de police sérieusement éprouvées par les temps qui courent ?
Et pour quel résultat, puisque l’union sacrée qu’ils appellent de leurs voeux n’est qu’une illusion, dans un pays qu'ils n’ont pas su préserver par leur action, de la radicalisation des esprits et des déchirements sociaux ?


PS: je me permets de rappeler un billet daté de 2012 dans lequel je prenais la défense de Charlie, à une époque où il était malmené, notamment par quelques uns de ses "amis"...

05 janvier 2015

Impression soleil levant

En contemplant ce tableau fondateur de l'impressionnisme il est permis de s’interroger. S'agit-il d'un lever ou bien d'un coucher de soleil ? Benjamin Franklin se posait la même question en 1787, durant les longs débats préludant à l’élaboration de la Constitution Américaine, en regardant le demi soleil sculpté dans le dossier du fauteuil de George Washington, qui présidait la convention siégeant à Philadelphie. Ce n’est qu’à la fin des sessions, lorsque enfin le texte fut adopté, qu’il eut la conviction que c’était bien un astre se levant, à l'image de l'espoir... Le tableau de Claude Monet (1840-1926) est si novateur qu’il paraît pareillement évident d'imaginer le début d'une aventure plutôt que la fin...

Après maintes supputations expertes sur l’oeuvre, le doute n’est de toute manière plus permis. Grâce à une enquête minutieuse, fondée sur l'analyse de données topographiques, de bulletins météorologiques et le calcul des trajectoires célestes, on est parvenu à déterminer que ce tableau fut peint un matin de novembre 1872, probablement le 13, autour de 7h35 du matin, dans le vieux port du Havre !

Cette toile emplie de grâce aérienne est la vedette d’une exposition sise au Musée Marmottan, à Paris (jusqu’au 18/01/15). Elle démontre avec quelques autres, comment Monet révolutionna en douceur l’art de peindre et comment il donna en quelques années à l’impressionnisme la dimension d’un nouveau classicisme. Il y a tellement d’équilibre, tellement de maîtrise dans ses compositions, dans ses harmonies de couleurs, qu’elles provoquent chez le spectateur ce sentiment de tranquille évidence qui définit le mieux l’autorité naturelle et le rayonnement s'imposant à tous.

Certes Monet trouva sans doute une bonne partie de son inspiration chez des précurseurs plus ou moins proches de lui au plan chronologique ou simplement par la liberté d’expression, tels Turner, Corot, Jongkind, ou encore Boudin. Mais ces derniers n’avaient pas rompu de manière aussi délibérée que lui le lien avec le monde ancien.
Certes le mouvement impressionniste compta quantité d’autres artistes talentueux, mais ni Renoir, ni Sisley, ni Pisarro, ni aucun autre ne parvint à exprimer avec autant de force et de plénitude ces fameuses fugaces impressions qui parlent autant au coeur qu’à l’intellect.

Monet seul, réussit à communiquer une étrange sensation de stabilité et d’éternité aux liquides, aux vapeurs, à l’air, aux fleurs et à toutes ces choses volatiles dont il fixa de manière indicible l’existence à travers l’image de leurs reflets colorés. Jusqu’à ses derniers jours, il explora ces nouvelles frontières qu’il dépassa largement au strict plan formel, pour culminer dans les sublimes et vertigineux panoramas peuplés de nymphéas conservés au Musée de l’Orangerie. Jamais sans doute on est allé si loin dans la quête picturale de l’infini et de l’extase.

Il est donc permis de continuer de rêver en voyant ce soleil orangé percer la brume nuageuse bleutée… Gageons, au seuil d’une nouvelle année, que cette aurore voilée soit aussi porteuse d’espérance pour une France semblant hélas bien crépusculaire...


28 décembre 2014

Il est interdit d'interdire

Qu’il est loin le slogan libertaire des gauchistes de 1968 !
C’est peu de dire qu’en matière d’expression et de droits nous sommes entrés dans une ère de glaciation. 

On nous rebat les oreilles de droits nouveaux, mais quels sont-ils bon Dieu ! Droit de mourir “dans la dignité”, droit au mariage “pour tous”, droit au logement “opposable”.... Autant de fadaises qui masquent une dérive progressive du droit d’être libre tout simplement.

Depuis les lois odieuses encadrant la liberté d’expression, promulguées en 1990 à l’initiative du communiste Gayssot, on ne compte plus les interdits de toute nature qui empoisonnent notre quotidien et nous éloignent chaque jour un peu plus du modèle démocratique d’une société de citoyens responsables.
Comme au temps des féodalités, ces derniers sont assujettis à une tutelle débilitante, incarnée aujourd’hui par l’Etat Providence. Partout surgissent les tourelles de ses Hautes Autorités aussi pompeuses qu’inefficaces, les forteresses légales que sont commissions, instituts, et agences soi disant affectées à la veille et à la régulation. Telle la soeur Anne, elles surveillent, mais ne voient jamais rien venir à temps.

Pendant ce temps, chaque jour que Dieu fait amène son lot d’ukazes, d’excommunications et de polémiques plus ridicules les unes que les autres. 

A l’instar de cette mesure proposée par la préfecture de police de Paris, interdisant aux particuliers de faire des feux dans leurs cheminées. Ou bien ce projet concocté par la maire de la capitale et ses écolos de service, d’empêcher tout véhicule diesel d’entrer dans sa ville !

Les Pouvoirs Publics et leurs zélotes associatifs ou syndicaux se font un devoir de mettre sous contrôle tous nos faits et gestes.

Y a-t-il plus ridicule que ces tergiversations légales sur le nombre de dimanches pendant lesquels les commerces seraient autorisés à ouvrir ? Ou ces atermoiements sur les horaires de leur fermeture obligée, en soirée ? Quelle misère que ce débat grotesque sur les professions dites réglementées ! Un jour on fait mine de libéraliser les statuts des notaires ou des pharmaciens mais dans le même temps on protège les rentes de situation des taxis en pénalisant les entreprises de VTC, ou bien celles de buralistes en interdisant l’achat de tabac sur internet ! 
Résultat, partout on voit émerger de nouveaux systèmes marchands cherchant à échapper à l’emprise asphyxiante des réglementations et du fisc. Le Web apporte une bouffée d’oxygène et de liberté à ces entreprises : chambres d’hôtes, ecommerce, covoiturage, enchères… Certaines useraient dit-on, de tous les stratagèmes pour ne pas payer leurs impôts en France. Allez donc savoir pourquoi !

La liberté d’expression elle-même est pareillement étouffée par des hordes de censeurs pudibonds et bornés. Après les affaires Soral, Dieudonné, ou Finkielkraut, il faut empêcher Zemmour de parler, ou dans un tout autre genre, Valérie Trierweiler. Peine perdue, leurs ouvrages et spectacles font florès…
En la circonstance, la sottise peut mener très loin. On a même vu des libraires participer de manière stupide à cette censure insensée en s’interdisant la vente de ces best sellers !
Pour d’anodins propos, la chanteuse Zaz et l’entraîneur de football Willy Sagnol ont été cloués au pilori médiatique. Même Bob Dylan lors d’une tournée en France, fut convoqué par des magistrats pour répondre au sujet de propos tenus dans un magazine à propos des oustachis Croates !
Et que dire de la polémique à propos de l’affiche illustrant ce billet, qui fut proposée par la municipalité de Saint-Brieuc, pour lancer la quinzaine commerciale de Noël ? L’opposition socialiste qui n’a manifestement vraiment rien à dire, s’érigeant en ligue de vertu, crut bon de demander le retrait de cette image jugée “sexiste” au motif que la Mère Noël était représentée peu vêtue et dans une position lascive. On pourrait rire de ces gloussements si on n’avait vu venir en renfort de ces dames patronnesses, l’illustre et inconnue Pascale Boistard, secrétaire d'État paraît-il chargée des Droits des femmes…
Comme dirait l'autre, quand les bornes de la bêtise sont franchies, il n'y a plus de limite. Mais s'il n'y a plus de limite à quoi bon interdire ?

19 décembre 2014

Hypnose (Kôdéia)

Sans coup férir cette heure avance
Au gré d’un léger trémolo
Comme une barque allant à l’eau
Saoule mais non sans vigilance

Elle est ravie et se balance
Emprisonnée dans un halo
Tiède surgi ex-nihilo
Qui l’enlace dans sa mouvance

A Dieu ne plaise le retour
Trop brutal de ce doux voyage
Si loin et si près du rivage

Pour qu’en un délicieux détour
Utopique, le temps s’allonge
A l’instant même où seul, je plonge...

13 décembre 2014

Dylan, brut de décoffrage

A l'instar des rescapés du Pink Floyd qui étoffent et redorent d'anciennes ébauches délaissées dans des placards, pour tenter d'en faire du neuf, Bob Dylan ressort de ses vieilles malles ses légendaires Basement Tapes, captées dans l'intimité en 1967, alors qu'il se remettait à la campagne, d'un accident de moto.

Mais à l'inverse des premiers, il les propose dans leur jus, sans fioriture ni artifice. Ça dégage un petit parfum boisé et acide dans lequel remonte, un peu confite mais très prégnante, l'ambiance rebelle des sixties.

Et c'est une nouvelle occasion de se confronter au mystère Dylan. Notamment cette scansion nasillarde que certains trouvent insupportable, et qui derrière son apparente monotonie, surprendra toujours en même temps qu'elle les ravit, les aficionados. Elle touche parfois au sublime dans ces sessions débridées où son lamento stridulant fait merveille. Parmi les nombreuses mélopées soutenues efficacement par le quintette si attachant du bien regretté The Band, on retiendra des standards éprouvés, telle cette version déchirante du fameux I Shall Be Released, des perles jamais entendues (Sign On The Cross) ou restées à l'état de géniales improvisations (I'm Not There).

Un livret instructif et richement illustré complète ce double album très root qui apporte un éclairage intéressant sur ce baladin lunatique, aux messages aussi envoûtants qu'énigmatiques...



Bob Dylan and The Band. The Basement Tapes, raw. 2014 
On apprend au passage qu'un nouvel album se prépare pour 2015 :Shadows In The Night. Wait And See...

12 décembre 2014

Pink Fade...

Ce jeu de mot oiseux qui m’a été inspiré par un bon ami après l’écoute de l'ultime opus du Floyd est à double détente.

Bien sûr il est possible de trouver très pâles ces fragments épars, ressortis des vieux cartons de 94, rehaussés d’un peu de rimmel instrumental ici où là, et même de quelques paroles, faisant émerger une vague chanson de ce magma liquoreux. Tout ça n’a bien sûr ni queue ni tête et ne peut apparaître dans ces conditions, autrement qu’un ersatz.

Pris dans son acception anglo-saxonne, c’est aussi la manière d’exprimer le doux anéantissement vers lequel tout est condamné à filer dans ce monde sublunaire. Syd Barrett oublié, Roger Waters enfui, Rick Wright disparu, que reste-t-il donc ? Ces réminiscences au parfum quelque peu évaporé, qui vous plongent dans la nostalgie en même temps qu’elles vous font parfois frissonner au souvenir des heures extatiques évanouies.

Alors, tant pis, montons de bonne grâce dans cette frêle et illusoire embarcation, et abandonnons nous à l’ineffable tangage, né de cet océan de nuages, indéfini...

Pink Floyd The Endless River 2014

03 décembre 2014

Chaconne



Ce chant si beau demain peut-être
Aura vaincu les pesanteurs
Dont il émane avec des pleurs
Sans oser vraiment tout promettre

Il traverse tendrement l'être
Comme le silence des fleurs
Leurs parfums ou bien les douceurs
Du jour au  moment d'apparaître

Il dit plus que les infinis
Qui sont au dessus de nos têtes
Et dans ses accents inouïs

Résonnent d'indicibles fêtes
Au cœur d'un grand jardin radieux
Peuplé d'archanges et de dieux...


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Inspiré par l'écoute de la Chaconne de la Partita no2 en ré mineur de J.S. Bach, magistralement interprétée à la guitare par John Feeley (à voir et à entendre derrière ce lien)

23 novembre 2014

Edmond About, un libéral inattendu

En flânant dans une librairie, il y a quelques jours, je tombai sur une étonnante petite collection d’ouvrages dans laquelle un titre attira particulièrement mon attention. Intitulé “La Liberté”, il portait la signature d’un illustre inconnu : Edmond About.
Mais peu importait en fin de compte la notoriété de l’auteur. Le titre alléchant, le prix des plus raisonnables, la dimension modeste de l’opuscule (à peine une cinquantaine de pages), et quelques passages plutôt plaisants lus à la va-vite me décidèrent à en faire l’acquisition.
C’est ainsi que j’appris qu’Edmond About (1828-1885) fut un écrivain jouissant d’une belle renommée à son époque. Journaliste et critique d’art très apprécié, il fut également l’auteur de quelques romans à succès, ce qui lui valut même d’entrer à l’Académie Française ! Il ne put y siéger malheureusement, car la mort le saisit juste après son élection, alors qu’il n’avait que 56 ans…

C’est tout à l’honneur des Editions Berg International, sous le patronage avisé de Damien Theillier, d’avoir ressorti un extrait de son ABC du travailleur. Ce texte fut écrit en 1868, à la demande d’un syndicat d’ouvriers parisiens navrés d’en connaître si peu en matière économique, et désireux de pouvoir disposer d’une sorte de traité d’économie pour les nuls, avant l’heure.
Pour ce faire, l’auteur eut l’idée de reprendre le sillon gorgé de bon sens qu’avaient ouvert avant lui Turgot et Jean-Baptiste Say, et livra quelques savoureuses réflexions personnelles dont certaines ont gardé toute leur fraîcheur dans le monde d’aujourd’hui.

Ça commence par une salve de questions dont la forme interrogative ne fait que souligner la nature évidente des bases sur lesquelles repose le capitalisme :
“Pourquoi le capital et le travail, deux alliés inséparables par nature, sont-ils éternellement en défiance pour ne pas dire en guerre ? Pourquoi les plus honnêtes gens du monde s’accusent-ils réciproquement de crimes épouvantables, les uns criant qu’on veut leur prendre ce qu’ils ont, les autres protestant qu’on leur a volé ce qu’ils n’ont pas ? Pourquoi les riches, ou du moins certains riches, méprisent-ils stupidement ceux qui travaillent ? Mais, malheureux ! Votre fortune n’est-elle pas autre chose que du travail mis en tas ? Pourquoi les pauvres haïssent-ils généralement les riches ? Vous ne savez donc pas que vous seriez cent fois plus pauvres, c’est à dire travaillant plus pour gagner moins, s’il n’y avait que des pauvres autour de vous ?”

Avec pertinence, Edmond About tente de tordre le cou au vieux préjugé, qui déjà de son temps faisait du libéralisme quelque chose d’amoral, voire d’immoral. En réalité, écrit-il, “la saine économie donne la main à la morale, et contre-signe, après elle, la loi de solidarité. “Hier elle vous disait : Tous les hommes sont frères. Elle vient nous dire aujourd’hui : Tous les hommes sont libres.” “Libres de travailler quand et comme il leur plaît, de produire, de consommer, d’échanger, à prix débattu, les biens et les services de tout genre.”
About détaille avec méticulosité toutes les entraves mises en travers de cette voie, à chaque époque de l’Histoire, par l’Etat, et par ses lois soi-disant protectrices.
Lorsque ce dernier était représenté par un souverain de droit divin, l’immaturité du peuple étant un fait établi, le roi faisait figure de père omnipotent, et omniscient. Son pouvoir absolu n’était “qu’un instrument dont il usait au profit de quelques millions d’hommes, ou pour mieux dire, d’enfants; car tous les Français étaient mineurs relativement à lui.”
“De fait, la royauté croyait bien faire en touchant à tout; elle imitait, dans la mesure de ses pauvres moyens, cette Providence d’en haut, qui surveille jusqu’aux infiniment petits du monde.” En dépit des injustices et des privilèges consubstantiels à l’ancien régime, “le bon vouloir des rois n’était pas douteux ; ils avaient un intérêt direct à faire la fortune de leurs peuples. C’est dans ce but qu’ils réglaient tout : le travail, le repos, la culture, l’industrie, les semailles, les récoltes, la production et le commerce, substituant leur prétendue sagesse à la prétendue incapacité des citoyens.”

Bien qu’elle ait aboli un système néfaste à bien des égards, la révolution n’apporta pas pour autant l’émancipation du peuple, déplore About, car elle “ne fit qu’en rétablir les excès sous une autre forme, sans amener davantage de prospérité.../… Il semble que le soleil ne soit apparu un instant que pour s’éclipser aussitôt” et en définitive, “le bilan de ces dix années que l’Europe nous envie à bon droit peut s’établir ainsi : dévouement, patriotisme, courage civil et militaire à discrétion; libertés politiques et économiques, néant.” Et pour finir, “le peuple est toujours dans le même embarras quand il fait une révolution, car les révolutions ramènent inévitablement la disette, et l’on a beau chercher, on ne met jamais la main sur les vrais accapareurs…”

En plus de s’attaquer aux systèmes qui, sous couvert de bonnes intentions, ne font qu’assujettir les citoyens, Edmond About flétrit la tendance naturelle des pouvoirs publics à protéger les privilèges, prérogatives, et autres sinécures.
Il montre entre autres les effets néfastes du protectionnisme, objectivant notamment le fait que loin d’être bienfaiteur, il mène le plus souvent à pérenniser des rentes de situation : “Le protectionnisme et les droits de douane ne sont que des moyens de protéger certains contre d’autres en tout égoïsme. Chacun en effet voudrait protéger son entreprise de la concurrence, mais dans le même temps, pouvoir acheter ce qu’il ne produit pas au meilleur prix. Au total, l’Etat sollicité de toute part, finit par décréter des droits sur tout, et par rétorsion les états voisins font de même.../… Au bout du compte ce sont les citoyens qui paient la facture et les plus pauvres qui en souffrent le plus."
Sur cette question comme sur tant d’autres, c’est le bon sens qui devrait s’imposer : “Le vrai système protecteur est celui qui permet au consommateur de s’approvisionner au meilleur prix possible, soit dans le pays, soit à l’étranger….”

Edmond About, au nom du principe de liberté, condamne donc toutes les formes d’étatisme, et notamment l’absolutisme monarchique autant que le socialisme, qu’il soit révolutionnaire ou bureaucratique.
A l’époque où il écrit, Edmond About, imagine toutefois de manière un peu trop optimiste, que beaucoup de leçons ont été tirées de l’histoire. A ses yeux, la monarchie semble définitivement abolie, et les Socialistes sont discrédités, apparaissant pour ce qu’ils sont : “des charlatans de l’économie politique”, “des vendeurs de pierre philosophale”, qui promettent le paradis sur terre...
Mieux même, il estime que “le socialisme, qu’on peut discuter aujourd’hui sans passion, a livré son dernier combat, sous nos yeux, en Juin 1848. Il est non seulement vaincu, mais désarmé par le progrès des lumières et le redressement des esprits.”

Hélas, après la révolution de 1848, cette idéologie ne fit que se développer à travers le monde, sous l’influence du marxisme naissant : le Manifeste du Parti Communiste est daté précisément de 1848, et Le Capital fut publié en 1867 ! Malgré les horreurs que cette doctrine engendra dans toutes ses applications, force est de reconnaître qu'elle a survécu, et que nombre de politiciens s’en réclament toujours, même s’ils sont heureusement bien obligés de la diluer dans la démocratie !

Si Edmond About s’est quelque peu trompé en matière de prévision, on retiendra malgré tout la pertinence des concepts qu’il expose avec beaucoup de clarté. Et parmi les réflexions qui gardent tout leur sel aujourd’hui encore, qu’il soit permis d’en évoquer encore deux qu’on croirait tirées du débat actuel franco-français.
En bon libéral, About renvoie dos à dos les conservateurs et les socialistes : “Les premiers sont protectionnistes, les seconds sont utopistes, mais tous sont des ennemis de la concurrence et de la liberté économique.”
“L’Etat doit se charger des services indispensables à la sécurité. Il doit protéger les citoyens. Mais il ne doit pas se faire l’administrateur du travail et des échanges.”

A bon entendeur, salut et fraternité….