Le récent livre de Philippe de Villiers a ceci de particulier, qu’il échappe à la retape pré-électorale dans laquelle s’inscrivent nombre d’insipides opuscules politiciens. Il relève bien davantage à l’évidence du pamphlet qui fut un genre prisé lorsque les opinions n’étaient pas encore devenues de vains mots.
Quoique un peu désabusé, car témoignant d’une destinée quasi révolue, le propos fait souvent mouche car il a du style et du panache. Philippe de Villiers écrit bien et cette qualité mérite à elle seule des éloges.
On retrouve la classe, la fougue et la sincérité du chouan, vibrant plus que jamais de toutes ses racines aristocratiques et de son tempérament rebelle. Mais on trouve également beaucoup d’excès, de convictions à l’emporte-pièce, et toutes les œillères idéologiques qui bridèrent son parcours en dents de scie, dont on retient avant tout le beau succès du Puy-du-Fou, et pas mal de ratages plus ou moins magnifiques.
Il est difficile de situer Philippe de Villiers sur l’échiquier politique. Ni vraiment à droite, sa famille naturelle, mais de laquelle il a souvent fait sécession, ni à gauche, qu’il exècre, mais avec laquelle il est prêt à certains compromis dès qu’elle exalte le concept de la nation souveraine. Pour la même raison, il côtoya souvent de très près le Front National sans jamais s’y associer… Enfin, comme cet ouvrage le démontre, il n’a pas grand chose d’un libéral.
En réalité Philippe de Villiers peine à se départir de ses gènes, qui le conduisent tantôt à se montrer sous un jour chevaleresque et quelque peu “vieille France”, et tantôt à se comporter de manière méprisante, si entière, si rentre-dedans, qu’il décourage toute sympathie durable.
Lassé de la politique et ayant abandonné toute ambition, il met à jour dans son dernier ouvrage, au titre un peu ronflant, quelques turpitudes du monde politique, mais qui les ignorait vraiment ?
Il dézingue à tout-va, insistant sur le caractère fluctuant, contradictoire et veule des convictions affichées par ses congénères, mais dans le tourbillon qu’il provoque c’est le bébé qui part avec l’eau du bain. Tout y passe. La classe politique dans son ensemble est qualifiée de “crapaudaille”, qui “a déclassé la France et l’a précipitée dans une impasse alors qu’elle avait mandat de la rétablir en sa grandeur…”
Même les gens avec lesquels il fit cause commune, furent de faux-amis. Ainsi son alliance avec Philippe Séguin et Charles Pasqua, fut de son propre aveu bien plus circonstancielle que sincère. La foi du premier s’évapora en respectueuses lâchetés devant Mitterrand lors du référendum sur le traité de Maastricht. Pire encore, après avoir fustigé l’Europe de Bruxelles, Séguin s’en accommoda fort bien lorsque son intérêt personnel l’exigea. Quant au second, il apparaît sous la plume du Vendéen sous les traits d’un homme sans foi ni loi, à part la sienne…
Cela dit, Philippe de Villiers a tendance à occulter le fait que lui aussi participa au jeu. Et s’il pourrait presque convaincre qu’il fut le seul à être honnête, doté de convictions et fidèle à ses principes, il ne fera pas oublier que ce fut au prix d’une intransigeance cassante, de ruptures navrantes, et d’un enfermement idéologique confinant parfois à l’absurde.
Tout au long de ce livre, la charge la plus violente, lancinante, qui revient sans cesse au fil des pages, c’est celle qui vise la Mondialisation, le Capitalisme, le Progrès, et in fine l’Amérique.
Outre son caractère désuet, imprégné d’un parfum d’ancien régime, et d’une nostalgie vaine de la France de jadis, cette vindicte participe hélas du tsunami morbide dans lequel se perd un pays refusant de voir la réalité, et incapable de s’adapter au nouveau monde. Par exemple, lorsque le chevau-léger s’attaque au libre-échange et à la mondialisation, il sombre dans la caricature. Ainsi, critiquant le traité ALENA et la perspective d’un éventuel accord trans-atlantique entre l’Europe et les Etats-Unis, il n’hésite pas à affirmer “qu’il nous faudra supprimer ce qu’il reste de nos protections et nous mettre à parité avec le moins disant social, écologique, sanitaire et culturel américain. Entreront chez nous librement la viande aux hormones, les farines animales, les volailles lavées à l’acide et à la chlorine, gorgés de pesticides interdits…”
Son aversion du progrès le fait condamner sans nuance toutes les techniques utilisées par l’agriculture moderne, responsables selon lui d’un “empoisonnement général”. “Depuis l’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, où flottent de fines particules, la nourriture qu’on ingère et qui est chargée de molécules neurotoxiques…” Il éructe sa haine autant que son incompréhension de manière plutôt confuse face aux projets des nouveaux “technoprophètes” de la Silicon Valley. Sans doute hanté par le péché originel dont son éducation l’a empreint, il va jusqu’à voir dans le logo de la firme Apple “la pomme du Livre, croquée, rongée jusqu’au trognon même…”
Au total, Philippe de Villiers maîtrise mal sa fougue. Certaines de ses imprécations sonnent juste, notamment lorsqu’il vilipende le mercantilisme, le matérialisme, la cupidité du monde et la lâcheté, la versatilité des politiciens.
Mais ces vices ne sont pas d’aujourd’hui.
Surtout, cela ne le met pas à l’abri de certaines contradictions. Lorsqu’il rappelle qu’il fut soutenu financièrement par Jimmy Goldsmith, devenu milliardaire grâce au capitalisme, à l’industrie et à la mondialisation. Ou bien lorsqu’il ramena fièrement de Los Angeles en 2012 le Thea Classic Award, qu’un jury international décerna au “plus beau parc du monde”, en l’occurrence la cinéscénie du Puy du Fou, sans doute son plus beau titre de gloire...
Quoique un peu désabusé, car témoignant d’une destinée quasi révolue, le propos fait souvent mouche car il a du style et du panache. Philippe de Villiers écrit bien et cette qualité mérite à elle seule des éloges.
On retrouve la classe, la fougue et la sincérité du chouan, vibrant plus que jamais de toutes ses racines aristocratiques et de son tempérament rebelle. Mais on trouve également beaucoup d’excès, de convictions à l’emporte-pièce, et toutes les œillères idéologiques qui bridèrent son parcours en dents de scie, dont on retient avant tout le beau succès du Puy-du-Fou, et pas mal de ratages plus ou moins magnifiques.
Il est difficile de situer Philippe de Villiers sur l’échiquier politique. Ni vraiment à droite, sa famille naturelle, mais de laquelle il a souvent fait sécession, ni à gauche, qu’il exècre, mais avec laquelle il est prêt à certains compromis dès qu’elle exalte le concept de la nation souveraine. Pour la même raison, il côtoya souvent de très près le Front National sans jamais s’y associer… Enfin, comme cet ouvrage le démontre, il n’a pas grand chose d’un libéral.
En réalité Philippe de Villiers peine à se départir de ses gènes, qui le conduisent tantôt à se montrer sous un jour chevaleresque et quelque peu “vieille France”, et tantôt à se comporter de manière méprisante, si entière, si rentre-dedans, qu’il décourage toute sympathie durable.
Lassé de la politique et ayant abandonné toute ambition, il met à jour dans son dernier ouvrage, au titre un peu ronflant, quelques turpitudes du monde politique, mais qui les ignorait vraiment ?
Il dézingue à tout-va, insistant sur le caractère fluctuant, contradictoire et veule des convictions affichées par ses congénères, mais dans le tourbillon qu’il provoque c’est le bébé qui part avec l’eau du bain. Tout y passe. La classe politique dans son ensemble est qualifiée de “crapaudaille”, qui “a déclassé la France et l’a précipitée dans une impasse alors qu’elle avait mandat de la rétablir en sa grandeur…”
Même les gens avec lesquels il fit cause commune, furent de faux-amis. Ainsi son alliance avec Philippe Séguin et Charles Pasqua, fut de son propre aveu bien plus circonstancielle que sincère. La foi du premier s’évapora en respectueuses lâchetés devant Mitterrand lors du référendum sur le traité de Maastricht. Pire encore, après avoir fustigé l’Europe de Bruxelles, Séguin s’en accommoda fort bien lorsque son intérêt personnel l’exigea. Quant au second, il apparaît sous la plume du Vendéen sous les traits d’un homme sans foi ni loi, à part la sienne…
Cela dit, Philippe de Villiers a tendance à occulter le fait que lui aussi participa au jeu. Et s’il pourrait presque convaincre qu’il fut le seul à être honnête, doté de convictions et fidèle à ses principes, il ne fera pas oublier que ce fut au prix d’une intransigeance cassante, de ruptures navrantes, et d’un enfermement idéologique confinant parfois à l’absurde.
Tout au long de ce livre, la charge la plus violente, lancinante, qui revient sans cesse au fil des pages, c’est celle qui vise la Mondialisation, le Capitalisme, le Progrès, et in fine l’Amérique.
Outre son caractère désuet, imprégné d’un parfum d’ancien régime, et d’une nostalgie vaine de la France de jadis, cette vindicte participe hélas du tsunami morbide dans lequel se perd un pays refusant de voir la réalité, et incapable de s’adapter au nouveau monde. Par exemple, lorsque le chevau-léger s’attaque au libre-échange et à la mondialisation, il sombre dans la caricature. Ainsi, critiquant le traité ALENA et la perspective d’un éventuel accord trans-atlantique entre l’Europe et les Etats-Unis, il n’hésite pas à affirmer “qu’il nous faudra supprimer ce qu’il reste de nos protections et nous mettre à parité avec le moins disant social, écologique, sanitaire et culturel américain. Entreront chez nous librement la viande aux hormones, les farines animales, les volailles lavées à l’acide et à la chlorine, gorgés de pesticides interdits…”
Son aversion du progrès le fait condamner sans nuance toutes les techniques utilisées par l’agriculture moderne, responsables selon lui d’un “empoisonnement général”. “Depuis l’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, où flottent de fines particules, la nourriture qu’on ingère et qui est chargée de molécules neurotoxiques…” Il éructe sa haine autant que son incompréhension de manière plutôt confuse face aux projets des nouveaux “technoprophètes” de la Silicon Valley. Sans doute hanté par le péché originel dont son éducation l’a empreint, il va jusqu’à voir dans le logo de la firme Apple “la pomme du Livre, croquée, rongée jusqu’au trognon même…”
Au total, Philippe de Villiers maîtrise mal sa fougue. Certaines de ses imprécations sonnent juste, notamment lorsqu’il vilipende le mercantilisme, le matérialisme, la cupidité du monde et la lâcheté, la versatilité des politiciens.
Mais ces vices ne sont pas d’aujourd’hui.
Surtout, cela ne le met pas à l’abri de certaines contradictions. Lorsqu’il rappelle qu’il fut soutenu financièrement par Jimmy Goldsmith, devenu milliardaire grâce au capitalisme, à l’industrie et à la mondialisation. Ou bien lorsqu’il ramena fièrement de Los Angeles en 2012 le Thea Classic Award, qu’un jury international décerna au “plus beau parc du monde”, en l’occurrence la cinéscénie du Puy du Fou, sans doute son plus beau titre de gloire...