L’hôpital est de nouveau sur la sellette.
Dans un dossier spécial publié par le magazine Valeurs Actuelles le 26/10/07, sous le doigt accusateur du professeur Bernard Debré, le réquisitoire est terrible : l'hôpital serait tout bonnement en faillite ! Pourtant les constats sur lesquels il s’appuie paraissent pour le moins forts discutables.
Passons sur le catastrophisme journalistique à sensation («la mort du dispositif hospitalier public est désormais annoncée ») , et les récriminations de quelques patrons parisiens en vue, plaidant de manière éhontée pour leur chapelle, avec des arguments rappelant le temps du mandarinat !
La thèse principale, selon laquelle pour bien soigner, « il faudrait regrouper les installations au sein d’hôpitaux plus grands » est depuis quelques années très tendance. Or elle ne repose sur aucune certitude scientifique et contredit de manière flagrante la décentralisation dont les Pouvoirs Publics nous ont si souvent chanté les louanges.
De fait, au moins trois types de raisons plaident contre l’organisation concentrationnaire des soins :
-Les grosses structures sont toujours les plus dispendieuses et les plus difficiles à gérer. A quantité d'activité médicale donnée, elles consomment plus d’examens, emploient plus de personnel et génèrent une plus grande inertie administrative. Depuis l’avènement du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), on sait par exemple que 18 des 31 Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) sont gravement et chroniquement déficitaires, en dépit des dotations budgétaires colossales qu'ils engloutissent chaque année. L’hôpital Pompidou, fleuron du système français est un des plus luxueux, des plus modernes, et des mieux dotés en médecins d’Europe (près d’un praticien par lit !). Or on apprend de la bouche du Pr Deloche, que « quatre chirurgiens sont ainsi partis à Londres, à New York et en Australie ../.. où ils sont en moyenne trois fois mieux rémunérés et travaillent dans de bien meilleures conditions. » Ahurissant !
-En matière de qualité, il n’est pas prouvé que les statistiques soient forcément défavorables aux structures de taille modeste. On s’étonne par exemple, que des gens sérieux puisent baser leur raisonnement sur un nombre brut d’interventions chirurgicales sans prendre en compte la nature des actes effectués et les ratios par praticien. Ce qui paraît essentiel c’est de juger les gens sur la qualité réelle de leurs prestations, non sur des quota définis a priori. On a fermé des maternités au seul motif qu’elles ne réalisaient pas assez d’accouchements alors qu’on ne pouvait rien leur reprocher en terme de prise en charge. Aujourd’hui on redécouvre les vertus de l’accouchement à domicile, qui est la règle aux Pays-Bas dans 30% des cas…
Enfin, contrairement à ce qui est écrit, les statistiques d’activité sont désormais publiques et servent comme chacun sait depuis plusieurs années, à établir des palmarès dont la presse est friande. Il faut à cet égard rappeler la réticence étrange manifestée par certaines gigantesques organisations hospitalières (Paris, Lyon, Marseille) pour dévoiler certains de leurs chiffres. Les donneurs de leçons ne sont pas toujours des modèles...
-Les progrès techniques permettent aujourd’hui de réaliser des interventions autrefois très lourdes, dans un contexte beaucoup moins agressif pour les patients. Là où il fallait ouvrir le thorax et interrompre le cœur pour le revasculariser, un simple cathéter introduit à travers la peau suffit le plus souvent. Les interventions à visée oncologique autrefois très mutilantes, sont remplacées de nos jours par des gestes anodins parfois menés sous simple endoscopie, sans même une nuit passée à l’hôpital. Enfin les développements de la télématique offrent la possibilité théorique de transmettre des images et d’amener le même niveau d’expertise médicale en tous points du pays, sans avoir à déplacer les malades. C’est à la fois plus humain, plus efficace, et plus économique. A l’heure où l’on déplore le manque de médecins dans certaines régions et dans les campagnes, et où les routes vers les grandes métropoles sont engorgées, comment justifier la fermeture systématique des petits hôpitaux ? Le danger aujourd’hui n’est pas de compter "une moyenne de 10 établissements par département", mais à court terme plus qu’un seul, transformé en une sorte de monstrueux kolkhoze de soins…
Enfin, il faut savoir que si les trois-quarts des hôpitaux sont lourdement déficitaires, les cliniques privées ne sont guère mieux loties. Elles se regroupent elles aussi par la force des choses, mais 60% d’entre elles sont en situation financière très difficile.
Au total, s’il est insensé de prétendre que tout puisse être fait partout, le bon sens exige une répartition équilibrée des ressources, dans une logique d’émulation saine et claire. Le système de santé français a trop souffert d’une planification rigide fondée sur des diktats théoriques. Résultat, rien ne va et rien n’est convenablement régulé comme vient encore de le souligner la Cour des Comptes.
L’Administration tutélaire de la santé est pléthorique mais inefficace. On ne compte plus les plans ni les instances soi-disant décisionnaires. De sigles en abréviations, ils s’emmêlent, se contredisent ou se superposent en un écheveau de plus en plus inintelligible pour le commun des mortels : DHOS, ATIH, ARH, SROS, COTER, DRASS, DDASS, CRAM, URCAM, ORS, HAS, bientôt ARS...
Est-ce qu’enfin la France sera capable de trouver des solutions pragmatiques à ses problèmes ? Saura-t-elle donner une vraie autonomie de gestion aux hôpitaux, cesser les subventions à fonds perdus, exploiter le meilleur du progrès technique, encourager les initiatives innovantes ? Là résident les enjeux véritables.
Petit aperçu de l'armada administrative gouvernant et planifiant paraît-il la santé en France :
DHOS : Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins
ATIH : Agence technique pour l’Information Hospitalière
ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation
SROS : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire
COTER : Comité Technique Régional
DRASS : Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales
DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
CRAM : Caisse Régionale d’Assurance Maladie
URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
ORS : Observatoire Régional de la Santé
HAS : Haute Autorité en Santé
MEAH : Mission d'Etude et d'Analyse Hospitalière
GMSIH : Groupement pour la Modernisation du Système d'Information Hospitalier
ARS : Agence Régionale de Santé....
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