15 juin 2008

Obamania


Les Français sont vraiment incorrigibles. Ils seraient 84% à souhaiter la victoire de Barack Obama à l'élection présidentielle outre atlantique. Un consensus aussi peu nuancé laisse imaginer qu'ils n'ont décidément pas compris grand chose à la démocratie, en particulier américaine.
Il faut dire qu'au niveau d'information où ils se trouvent, un grand nombre d'entre eux doivent être surpris qu'Obama ne soit pas déjà installé à la Maison Blanche, tant la lutte l'opposant au sein du Parti Démocrate à Hillary Clinton, était manifestement assimilée dans leur esprit au match final pour le poste de président.

La Presse, de plus en plus mauvaise, caricaturale et pour tout dire idiote, porte sans aucun doute une part de responsabilité dans cette évidente méconnaissance des faits tant elle a induit le doute, en focalisant pendant des semaines ses projecteurs sur ce combat fratricide, le montant en épingle, et lui donnant l'apparence d'une campagne électorale, alors qu'il ne s'agissait que d'une primaire. Et pour finir, la désignation d'Obama, comme candidat démocrate, bien qu'elle s'apparentât à une sorte de victoire à la Pyrrhus, a été saluée comme un événement historique, ouvrant une nouvelle ère pour le Monde, à peu près unanimement par tous les médias réunis...
Derrière les chiffres, on peut s'interroger sur les raisons d'un tel engouement. Première tentation, celle d'y voir en creux les effets de la détestation anti-Bush qui sévit en France. Obama n'est pas issu du parti de George Bush, donc il jouit d'un préjugé favorable. Au surplus, il prône le retour des troupes stationnées en Irak, ce qui est assimilé de manière réflexe, à une preuve d'intelligence.
Au surplus, il est noir, il est jeune et incarnerait paraît-il le « changement ». Le mot est un des plus galvaudés en matière politique mais il fait toujours son effet aux oreilles de foules un peu niaises. Quand on creuse, il s'avère difficile de mettre derrière le terme, quelque projet concret. Alors inévitablement ressurgissent les vieux, très vieux démons de la pensée prétendue « progressiste » : on évoque la redistribution des richesses par l'impôt, une plus grande justice sociale, le mythe de l'assurance maladie universelle...
Pour ma part, je n'ai pas d'a priori contre Obama, plutôt de la sympathie, mais j'ai quelques doutes :
Sa couleur de peau n'est à mes yeux pas un argument. A ce jour aux USA, la plus haute fonction après celle du président est tenue par une femme noire, Condolezza Rice. Elle n'a jamais revendiqué ces particularités comme étant des qualités en soi, et George Bush qui l'a nommée pas davantage. Elle fait son job sans palabre ni forfanterie et personne ne remet en cause le sérieux de son travail et ses compétences, c'est le plus important. En tout état de cause, par rapport à cette petite révolution au sommet de l'Etat, le caractère "historique" de la désignation d'Obama doit être relativisé.
S'agissant du programme du candidat, le moins qu'on puisse en dire c'est qu'il est plutôt flou, très fluctuant, et un brin démagogique. Retirer les troupes d'Irak rentre dans la dernière catégorie. Cinq ans après le début de l'intervention, au moment ou ce pays semble rentrer enfin dans une phase de progrès et de stabilité, après que 4000 soldats soient morts pour ça, ce serait de la bêtise à l'état pur que de tout abandonner. Comme Obama est tout sauf idiot, il y a fort à parier qu'il ne ferait pas ce qu'il annonce, donc qu'il ment.
Quant à l'Iran, qui constitue un des problèmes les plus aigus du jour en matière de politique internationale, la position d'Obama est étrange. Un jour il veut « ouvrir la porte » au dialogue (ce qui a déjà été fait par l'Administration Bush), mais l'instant d'après affiche un résolution sans faille pour mettre en oeuvre, « tout ce qui sera en son pouvoir », pour empêcher le pays des Ayatollahs de posséder l'arme nucléaire. Tout, c'est à dire la guerre ?
S'agissant du programme pour l'Amérique, bien que ses contours soient encore bien incertains, il est probable qu'il sera basé sur un plus grand interventionnisme étatique. Alourdissement de la fiscalité, subventions et aides sociales, mesures protectionnistes, et peut-être une nouvelle tentative pour instaurer un régime d'assurance maladie obligatoire, promesse non tenue autrefois par Clinton. Sur tous ces sujets, peu de nouveauté en réalité et la crainte de voir se recroqueviller les Etats-Unis sur eux-mêmes, ce qui ne serait bon ni pour eux, ni pour nous...
Pour toute ces raisons, la candidature de John Mc Cain, qui conjugue expérience, courage, sagesse et bon sens, apparaît à l'heure actuelle une meilleure manière de sortir de l'ère Bush. Mais encore faudrait-il, pour pouvoir en discuter sereinement en France, qu'on accepte de laisser tomber le panurgisme, les certitudes et l'esprit partisan...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Globalement d'accord avec vous... Dans ce monde médiatique où la finesse des analyses s'apparente à une enfilade de lieux communs et de préjugés,cela rassure de pouvoir lire ce genre de texte. Et bien écrit de surcroît...
Bien à vous

ARN Person a dit…

merci pour ta mise au point et ton analyse (bien écrite comme toujours...)
une seule question : le choix de la photo n'est -il pas légèrement orienté (visage fermé, regard noir) et à ce titre ne nuit-il pas aux propos ?
Au plaisir de te lire bientôt.
Amicalement.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

A Michel Santo : qu'il est doux de temps à autre, de ne pas se sentir tout à fait seul dans cette immensité turbulente qu'est l'internet...
A Arn Person, Tu as sans doute raison, il doit s'agir d'un genre d'acte manqué, que rien ne justifie a priori. Je change donc d'illustration. Merci pour ton appréciation.